Je vais rappeler la devise de ce blog, fièrement gravée là haut depuis 5 ans (moins une semaine) : « S'il fallait connaître quelque chose en politique pour en parler, ça limiterait l'intérêt de la démocratie et la recette des bistros. » Je n’ai pas changé cette devise depuis la création du blog, de même que je n’ai pas changé celle de mon blog bistro depuis sa création, en octobre 2005 : « La connerie étant le seul chemin susceptible de nous faire entrevoir une parcelle de vérité, utilisons-la par des moyens de communication efficaces. Le temps qu'on remplisse nos verres. »
Ces deux devises veulent dire à peu près la même chose mais je ne sais pas quoi…
Dans les blogs, on trouve des gens péremptoires, prétendument experts en je ne sais quoi, mais totalement à côté de la plaque, ignorant la société. J’en ai encore croisé un, dans les commentaires de mon dernier billet sur la sécu.
Je vais juste leur rappeler le fonctionnement de la démocratie représentative : les électeurs choisissent des députés et, indirectement, des sénateurs. Les députés vont « choisir » un gouvernement composés de Ministres et de Secrétaires d’Etat, dirigeant des Ministres et Secrétariats d’Etat composés dans lesquels ont trouve des hauts fonctionnaires ayant pour rôle de récupérer l’information par l’intermédiaire de leurs administrations et provenant de spécialistes divers.
Nous avons, par exemple, des experts en sécurité routière qui vont constater que la voiture est mortelle. Conduire tue. Il faut conduire avec modération. Alors le chef de cabinet du ministre recueille l’information et les préconisations du chef des experts en sécurité routière qui se résument à : « Il faudrait limiter la vitesse des voitures à 20 km/h en ville, 60 sur route et 90 sur autoroute et interdire la circulation de nuit et quand il pleut. Par ailleurs, il faudrait pénaliser les collectivités territoriales qui ont en charge l’entretien des portions de routes où il y a des accidents ».
Mais le chef de cabinet pense que la mesure n’est pas terrible. Le pays va être bloqué, les gens vont gueuler et les élus locaux vont se plaindre. Pour la mesure est parfaite sur le papier : les accidents de la route vont diminuer prodigieusement.
Alors, il va voir son chef, qui va voir son ministre et lui dit : « Il faudrait limiter la vitesse des voitures à 40 km/h en ville, 70 sur route et 100 sur autoroute et interdire la circulation quand il neige. Par ailleurs, il faudrait responsabiliser les collectivités territoriales qui ont en charge l’entretien des portions de routes où il y a des accidents ».
Alors le ministre, il réfléchit. Il se voit mal présenter ça aux députés, être sous les feux de l’actualité et expliquer ça à ses chefs, le Premier Ministre et le Président de la République.
Il prend sa voiture de fonction avec chauffeur, car il n’a pas le permis, notre ministre des transports, et va le mercredi matin à l’Elysée au Conseil des Ministres et dit « Il faudrait limiter la vitesse des voitures à 40 km/h en ville dans les portions qui n’ont qu’une voie dans chaque sens et qui n’ont pas de voie de bus, à 80 sur route quand il pleut et 120 sur autoroute quand la circulation est un peu dense. Par ailleurs, il faudrait voir avec les collectivités territoriales pour voir ce qu’elles pourraient faire pour améliorer les routes. »
Alors le chef va se fâcher : « Putain de bordel, on est déjà mal avec la réforme territoriale et les élus locaux qui gueulent, les baisses des transferts de l'état, on ne va pas encore en rajouter une couche, laissons tomber cet aspect ». Alors, le ministre de la charcuterie va lever son petit doigt et dire « heu, comment on va définir « quand il pleut », à partir de combien de gouttes commence la pluie ? » Et le ministre de la justice d’en rajouter : « Ah oui, je ne vais pas finir d’être emmerdé avec les tribunaux qui auront à statuer sur la densité de la circulation. »
Le texte arrive alors à l’Assemblée, devant les braves gens qu’on a élu. « Il faudrait limiter la vitesse des voitures à 40 km/h en ville dans les portions qui n’ont qu’une voie dans chaque sens et qui font moins de 3 mètres de large. »
Le député de Bourg Moilcul, où sont fabriqués les panneaux de signalisation « Contrôles radar fréquent » va déposer un amendement « Il faut qu’on mette un panneau tous les 300 mètres pour indiquer qu’il y a des contrôles radar fréquents ». Un autre député va déposer un amendement pour dire que 50 km/h sont autorisés si le trottoir est large.
A l’issue de la navette parlementaire, le texte voté sera : « La vitesse est limitée à 40 km/h en ville quand les trottoirs sont étroits et qu’il y a des panneaux « contrôles radars fréquents » tous les 300 m. »
La blogosphère gauchiste (si le gouvernement est de droite) va alors gueuler : « Ah mais bordel, c’est une atteinte grave à la liberté des habitants d’immeubles propriétaires d’une voiture et résidant dans un quartier où les trottoirs sont étroits sans compter que ça fait une inégalité supplémentaire avec ceux des quartiers aux trottoirs larges ».
Le Premier Ministre va alors demander à son ministre de prévoir un décret interdisant la présence de panneaux « Contrôles radars fréquents » dans les patelins avec des trottoirs étroits parce que ça pourrait gêner les riverains piétons.
Il s’en fout : le député de Bourg Moilcul est dans une circonscription traditionnellement à gauche car composée majoritaire d’ouvriers peintres de panneaux « Contrôles radar fréquents ».
Un blogueur courageux aura fait un long billet pour expliquer tout le processus ayant abouti à ce décret qui aura fait l’objet d’un entrefilet dans Le Parisien.
Alors le soir, j’arriverai à la Comète et je montrerai ce truc aux copains et leur expliquerai comment la blogosphère a bloqué le projet d’un expert qui voulait limiter la circulation à 40 km/h partout.
Et le grand public aura gagné face aux experts.
Ainsi est faite la démocratie représentative.
Et tant mieux. Même si l’expert avait raison : la voiture, c’est dangereux. Mais je conserve le droit, voire le devoir, de continuer à raconter des conneries à mes copains, quand j’arrive à la Comète le soir.
Je note le "Bourg Moilcul". Magnifique, on ne s'y attend pas.
RépondreSupprimerSinon grand billet. Les vacances te font du bien !
Moi, j'aime pas du tout la blague sur "Bourg Moilcul", ça vole pas haut alors que le reste du billet si.
RépondreSupprimer(Comment je fais une fixette sur un détail).
très bon billet...j'ai tout compris au fonctionnement de la démocratie !! et en plus encore une fois très bien raconté !
RépondreSupprimerBen moi j'aime bien le Bourg Moilcul". Je le ressortirai à l'occasion.
RépondreSupprimerLe reste du billet aussi mais ça sera plus long.
C'est un excellent billet pédagogique sur le fonctionnement de la démocratie représentative!
RépondreSupprimerTu es très près de la vérité, juste un peu en deçà, toutefois, quant à l'idée de départ du bon citoyen, pleine de bon sens, et de la loi votée... (La démocratie -même participative- étant, comme le disait l'Anglais, le pire des systèmes à l'exception de tous les autres).
RépondreSupprimerSinon, il y a aussi le maire d'Eu ou la maire d'Houilles...
Bonnes vacances et bonnes fêtes et à toi.
Comment pouvons-nous avoir une vraie démocratie avec l'hégémonie des États-Unis?
RépondreSupprimerLes Américains bâtard sont détruits dans un merveilleux livre de Joel Klenck intitulé "Rébellion".
Un empire mondial présidé par l'Europe avec une armée dirigée par un général français conquiert l'ensemble des États-Unis.
Un livre fantastique, il suggère une hypothèse bien réelle: Quelle nation pourrait s'opposer à l'Europe si nous unis?
Bourre la Reine, c'est bien aussi. Et Baisons la Romaine, tant que nous y sommes
RépondreSupprimerC'est encore pire quand s'approche la fin de la législature et que les trois quarts de nos élus qui n'ont rien dit jusque là décident soudain qu'il est urgent qu'ils montrent un peu à leurs électeurs qu'ils n'ont pas été élus pour rien et laissent leur nom dans le Journal Officiel. On se retrouve alors avec un tas de textes sans queue ni tête.
RépondreSupprimerHeureusement, personne ne songe à sortir les décrets d'application !
:-))
Etant né dans ce bourg dont il est question ici, et ayant pu financer mes études en travaillant l'été dans une usine de panneaux de signalisation, je ne peux que m'élever contre toute mesure visant à limiter l'usage des dits-panneaux.
RépondreSupprimerMerci de votre attention.
Ferocias,
RépondreSupprimerGauchiste !
Poireau,
Oui, c'est le bordel !
FraGal,
Bah, on peut multoplier.
Marat,
Heu...
Philippe,
Merci ! Bonnes vacances et bonne fêtes !
Le Coucou,
Vive la pédagogie.
FalconHill,
Oui, c'est plus long.
Karine,
Merci !
Marlowe,
Faut pas faire de fixette...
FalconHill,
Elles commencent juste !
"Putain de bordel"... "Ah mais bordel"... C'est marrant, ils parlent un peu tous comme un certains Jegoun.
RépondreSupprimerSinon, très bien.
Ils sont grossiers, hein !
RépondreSupprimerFinalement, se croire plus expert que les experts, c'est un complexe démocratique.
RépondreSupprimertrès bon billet, mais tu ne dis rien des villages sans trottoirs comme le mien, par exemple.
RépondreSupprimerFishEatShark,
RépondreSupprimerJe ne sais pas.
La Mère Castor,
Encore une discrimination.
Tu te rends compte que je n'ai presque pas de retard de lecture sur ton blog ?
RépondreSupprimer;-))