18 décembre 2013

Vers une nouvelle étape de la décentralisation

Alors que le premier volet du texte de loi à propos de la réforme territoriale devrait finir par être voté, la place est maintenant à la poursuite des travaux, avec une nouvelle vague de décentralisation, confirmée par Marylise Lebranchu à l’Assemblée Nationale, aujourd’hui.

Le premier volet aura beaucoup fait parler en bien comme en mal (je l'ai plutôt critiqué) mais « il apporte des avancées majeures destinées à fournir un cadre adapté à la gouvernance des métropoles, mais aussi des améliorations concernant tous les niveaux de collectivités territoriales. Ce texte est moderne, avec les conférences territoriales de l’action publique, la création des métropoles du Grand Paris, de Lyon et de Marseille, les pôles territoriaux d’équilibre, destinés à fédérer les structures intercommunales autour d’un projet de développement commun. » Voila ce que déclare Stéphane Saint-André député maire PS de Béthune, « ville centre d’une agglomération de 300 000 habitants, […] travaille à la construction, avec Douai, Lens et Arras, d’un pôle métropolitain d’un million d’habitants en appui de la métropole lilloise » ce qui ne manquera pas d’intéresser Homer.

Il demandait à la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique (ouf…) ce qui allait se passer maintenant.

Elle répond : « Les régions disposeront de compétences extrêmement fortes : elles porteront la formation professionnelle après le texte que Michel Sapin fera voter au mois de janvier, la recherche, la connaissance, ainsi que les stratégies industrielles et d’avenir. Les délégations de compétences seront décidées et les expérimentations menées en fonction des demandes des régions, par nature très diverses, tout en maintenant un volet de solidarité territoriale et de solidarité envers les individus au niveau les départements en n’oubliant jamais que la proximité ne peut se concevoir qu’à partir du bloc intercommunal. »

Lisez le paragraphe deux fois pour apprendre les nouvelles compétences des régions et des départements.

Et elle s’adresse directement au député : « Dans un pôle métropolitain comme le vôtre, monsieur le député, vous pourrez à la fois discuter avec une région et un département pour votre contrat de plan État-région, par exemple, mais vous pourrez aussi mutualiser vos services parce que nous croyons qu’à partir des pôles métropolitains, des agglomérations et des intercommunalités, c’est la mutualisation des services qui fera notre force. »

J’aime bien lire les échanges entre les ministres PS et les députés PS, c’est très courtois et mondain. Un peu après, Jean-Marc Ayrault s’est frité avec des guignols qui revenaient sur le rapport sur l’intégration, oups, pardon, pas des Guignols, Eric Ciotti ce qui ne m’étonne pas de lui. Jean-Marc Ayrault, évoquant les projets pour 2014, dont la décentralisation (et la réforme fiscale, comme quoi elle est toujours là) : « Serez-vous dans l’invective et la caricature, comme vous l’êtes davantage chaque jour, ou serez-vous avec nous au service de la France, c’est-à-dire de la France juste, celle qui défend ses valeurs et ne se contente pas de les proclamer mais les fait vivre, en particulier l’égalité républicaine, la laïcité, la justice et la solidarité ? »

D’ailleurs, le premier ministre avait fait quelques annonces, lors de son déplacement à Rennes, mais elles ont été occultées par ce stupide débat lancé par l’UMP parce qu’elle ne sait que parler d’immigration ce qui est d’autant plus con que ça fait monter le FN pour le grand bonheur du PS. On s’amuse comme on peut. Ou alors, ils voulaient masquer leurs propres échecs en matière de réforme du territoire et de décentralisation (respectivement en 2010 et 2004).

Je vais donc y revenir et vous pondre des extraits du discours de Jean-Marc Ayrault qui s’adresse à un parterre de beau monde, des présidents de trucs,…

« Le deuxième projet de loi porté par Marylise Lebranchu, qui concerne les régions et les départements, sera l’occasion de […]. Je suis favorable à ce qu’on aille encore plus loin dans cette direction et j’ai prévu de l’inscrire à l’ordre du jour du Parlement au mois d’avril prochain. Nous avons donc plusieurs mois pour continuer de le renforcer. Les propositions qui viendront, et je pense en particulier qui viendront de la Bretagne, seront d’une très grande utilité. »

« Pour ma part, […] j’ai la conviction que nous pouvons continuer de faire de la Bretagne une région pionnière de décentralisation. »

« Pour cela, il faut poursuivre le dialogue, il faut enrichir le projet de loi. Le Gouvernement sera à l’écoute de vos propositions. De nouvelles compétences devront être transférées aux régions, au-delà des compétences déjà prévues par le projet de loi en matière de développement économique, d’innovation, de formation professionnelle, d’apprentissage et d’orientation. Leur rôle est déterminant pour la compétitivité, pour la croissance, pour l’emploi, et nous devons le renforcer. »

« Enfin, il faut que les lois laissent davantage de marge de manœuvre ici au pouvoir réglementaire que les régions pourront exercer pour adapter les règles aux spécificités des territoires. Cela existe en Corse, je ne vois pas pourquoi cela n’existerait pas en Bretagne ou dans d’autres régions de France ! »

« Et comme vous avez évoqué, Monsieur le président, la remise à plat, le chantier de la remise à plat de la fiscalité que j’ai lancé, eh bien évidemment, il faudra y associer les questions de fiscalité locale, c’est une évidence. »

« Voilà la ligne : il n’y a pas d’un côté les trajectoires régionales et de l’autre le destin de la France. Nos régions ont apporté à la France leurs ressources, leur esprit, leur culture, et encore aujourd’hui leur destin est celui de la Nation tout entière. »

Vous pouvez lire le reste sur le site du gouvernement.

Alors, ce n’est pas un projet, cela ? Avancer vers les régions, les mettre au centre du développement économique du pays, de leurs territoires ! Leur permettre d’expérimenter, d’avoir de nouvelles responsabilités,…

Ce n’est pas plus intéressant que les polémiques débiles de l’UMP ou les allers-retours du Front de Gauche ?

9 commentaires:

  1. Complexe la décentralisation. Ton billet est bien documenté. Tu as bosse la dessus non ? Est ce que tu veriifieras la règle, nombre de vus inversement proportionnel au travail fourni ? Sérieusement l'avènement des métropoles et les réformes par petites touches successives sont positives.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non je n'ai pas bossé. Le sujet intéresse peu donc le nombre de visites ne dépassera pas 300 (ça peut te paraître énorme mais pour mon blog ce n'est rien) (tiens au fait ton blog est dans ma blogroll).

      Pour être honnête, je voulais faire un billet d'humeur en voyant la presse parler du coup de gueule d'Ayrault à l'Assemblée. Je suis donc allé voir le site de l'Assemblée et suis tombé par hasard sur l'intervention de Mme Lebranchu. J'ai lu. J'avais la trame de mon billet (qui avait rien à voir avec mon idée originale).

      Comme elle cite Ayrault, je suis allé voir ce qu'il avait dit. Et hop ! Un billet en moins de vingt minutes.

      Sept ans de blogage, ça en fait un métier. Mais tout tient au hasard. Et je vais en ajouter une couche : j'ai fait ce billet car je serais quasiment le seul blogueur politique à avoir abordé le fond cette semaine. Je pourrais me foutre de la gueule de beaucoup de blogs de droites ou de vrauche qui ne font que des billets d'humeur.

      Un seul blog, un seul média, peut être, aura parlé de la réforme phare, celle qui fera en sorte que le soutien de l'Etat à l'économie, pour lutter contre le chômage et tout ça, ...

      Et des dizaines de couillons opposés à ma ligne politique s'étonneront du succès de mon blog.

      Supprimer
  2. Très belle note. Je commente demain.
    Bz

    RépondreSupprimer
  3. Deux choses :

    1- S'il y a bien un truc qui est véritablement insupportable à gauche, et le PS n'y échappe pas, loin s'en faut, c'est cette manie incantatoire qui consiste toutes les deux phrases à parler de la république et de ses valeurs. J'ai connu des types que ça a rendus foncièrement anti-républicains. Ceci dit, ce n'est pas pour me déplaire.

    2- En bon royaliste je ne peux que souscrire à tout ce qui peut permettre aux régions de retrouver une autonomie qui leur a été confisquée par la révolution. Seulement je ne vais pas pour autant accorder un satisfecit à ce gouvernement. Je vais prendre le temps de lire le projet. Je crains malgré tout qu'il se heurte aux barons déjà bien établis, qui se sont taillés des fiefs, qui tiennent généralement la fédération locale de leur parti. Qui dit plus de pouvoirs, dit par conséquent plus de responsabilités. Et ça, pour pratiquer régulièrement des élus locaux, je doute qu'ils apprécient. Ira-t'on jusqu'à rendre aux Conseils Régionaux les prérogatives des anciens parlements de feues nos régions d'Ancien Régime, dont ils sont peu ou prou les descendants, quoi que caricaturaux ? Pour ma part, je doute.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. 1. Je n'ai pas parler de Republique, c'est Ayrault qui s'y colle au travers d'une vague phrase.

      2. Oui, il faut voir le projet et ce qui sera fait.

      Supprimer
  4. En effet, un sujet de fond.

    La décentralisation... c'est bien le truc qui permet de recréer le féodalisme là où on avait eu tant de mal à le défaire ? Le truc sans lequel Guérini ou Frêche n'auraient pu exister ?

    Sarcasme à part, la décentralisation accroît l'inégalité entre les territoires. Les territoires riches (les villes) le deviennent davantage (et ce, sans parler de la répartition des richesses dans les populations elles même), les pauvres, dont la pauvreté était compensée par une action compensatrice de l'Etat (présence de services publics en tous genres, investissement), n'auront plus de sous, et le deviendront davantage.

    La décentralisation crée la concurrence partout, ce qui est un projet de droite. En effet, chaque "région" (au sens non administratif du terme) va se devoir d'être "compétitive" par rapport aux autres, être "plus attractive", pour, grosso modo, prendre des emplois aux autres "régions", bref, chacune va amicalement travailler à ruiner les autres. Et pour celles qui n'ont pas les moyens de se battre ? Tant pis pour elles.

    Il a été question de mutualisation. C'est vrai, purée, en mutualisant les moyens des collectivités, on arrive à une plus grande efficacité. C'est dingue ça. On devrait d'ailleurs mutualiser tous les moyens de toutes les collectivités de France et alors... mais... attends, ça existe pas déjà, ça ? Ah, oui, l'Etat. Bref, on nous démontre que, finalement, un Etat centralisé et déconcentré, ce n'est pas si mal. Bernique.

    La décentralisation détruit les droits nationaux. Parce que vous serez Breton, en Bretagne, vous aurez plus de droits qu'un habitant de la région centre. Pourquoi ? Ah, la Bretagne aurait été un pays, il y a 500 ans. C'est ballot pour tous ceux qui n'ont pas eu la chance d'avoir du sang breton ! Idem pour la Corse, d'ailleurs. Et, si on continue à décentraliser, les régions pourront elle même fixer le niveau du SMIC, "assouplir" le droit du travail, etc.

    La décentralisation, c'est achever de démembrer les services publics territoriaux (je sais de quoi je parle, je bosse dedans) de l'Etat, et les soumettre au joug du pouvoir féodal local. Je prends une exemple : les permis de construire. Depuis la 1ère décentralisation, ce sont les communes qui accordent les permis de construire, et définissent les droits à construire par le biais de Plans d'Occupation des Sols, devenus Plans Locaux d'Urbanisme par la suite, plans élaborés avec le concours de l'Etat, mais c'était les services de l'Etat (en l'occurrence le service d'Application du Droit des Sols de la DDE ou de son héritière, aujourd'hui nommée DDT) qui instruisaient les permis. Ce qui protégeait les instructeurs ADS d'une intervention du maire (ou d'un autre élu) pour influer sur les autorisations, si jamais les demandes n'étaient pas en règle.
    Patatras, l'instruction de l'ADS est transférée aux collectivités par la nouvelle loi de décentralisation. Ce sont les intercommunalités (EPCI) qui vont devoir assumer cette tâche. Évidemment là, lorsqu'un maire d'une commune incluse dans l'EPCI trouvera qu'un dossier est "mal instruit" (sous entendu, "pas à sa convenance), il n'aura pas beaucoup de chemin à faire pour aller menacer l'agent, voire le "virer" (même si c'est un peu plus subtil que ça dans la territoriale), et voilà qui va améliorer les conditions de travail des instructeurs ADS...
    Et dans les services, c'est la joie évidemment à la simple évocation de cette perspective.
    Ce n'est, bien sûr, qu'un modeste exemple.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mouarf ! L'argument qui tue : ce n'est pas un projet de gauche.

      L'argumentation du type qui n'a pas lu le projet. L'argumentation du type qui gueule parce que son bureau de poste va fermer mais prend sa voiture pour aller faire ses courses à 20 kilomètres. L'argumentation du type parfaitement rétrograde et réactionnaire qui ne voit pas que son monde a bougé. L'argumentation du type qui pense que tout doit être décidé à Paris, qui va se battre pour la démocratie en gueulant quand on donne plus de pouvoir aux élus. L'argumentation du Sarkozyste qui voudrait que tout soit décidé à l'Elysée.

      Je t'explique : le Val de Marne est déjà plus riche que la Creuse.

      Supprimer
  5. (suite du précédent)

    La décentralisation, c'est aussi transférer des tâches (dont la mise en œuvre revenait à l'Etat) aux collectivités, sans leur transférer les budgets allant avec. Ainsi, l'Etat fait des "économies". Par ailleurs, les collectivités concernées doivent donc augmenter les impôts pour être à l'équilibre. Parallèlement, l'Etat austéritaire va râler parce que, ces collectivités, follement dépensières, n'arrêtent pas de recruter des agents pour effectuer les tâches qu'il vient de lui transférer sans lui transférer les moyens, et va donc (encore pour faire des économies), couper dans les dotations aux collectivités afin de "ralentir" le rythme de recrutement de fonctionnaires par ces collectivités irresponsables. Bref, toute collectivité n'étant pas super dotée en fric se retrouve le bec dans l'eau. Et ça ne fait qu'empirer.
    C'est comme ça depuis la décentralisation Raffarin, et la nouvelle s'annonce du même acabit. D'ailleurs, pour l'ADS, ça s'annonce comme étant déjà à nouveau le cas. Bon, j'arrête avec l'ADS, tu vas trouver que je radote.

    Bref, tout cela (et bien plus) fait que je suis contre la décentralisation. Et comme c'est juste parce qu'un connard du Front de Gauche te le dit, tu vas automatiquement trouver la décentralisation super géniale. La vie est simple.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ton deuxième commentaire était bloqué dans les tuyaux. Désolé.

      Pour le reste tu me décris la décentralisation à la mode Raffarin, celle nuque je critique dans le billet voire à longueur de billets. La nouvelle à aucun rapport.

      Supprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux c'est-à-dire tous sauf ceux qui proviennent probablement d'emmerdeurs notoires.