En ce quarante-cinquième jour de confinement, je profite du
temps de cuisson du rôti de porc pour rédiger mon billet confiné. Il sera
précédé, le rôti, d’un pâté en croute aux morilles Franc-Comtois et accompagné de
morilles. Je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête, ce matin, j’avais
envie d’un rôti de porc tout simple, au four, un peu d’huile d’olive et un fond
d’eau. J’en salive d’avance. Si je finis les 650 grammes, il faudra que je refasse
des courses pour demain.
« Le confinement a été une épreuve psychique » explique
Lucie Joly, psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine. « La grande majorité des
gens ont mis du temps à s’adapter, à trouver un équilibre, une routine » […]
Le déconfinement, « tant espéré depuis plusieurs semaines, est devenu
aujourd’hui source d’angoisse. Certaines personnes ne veulent pas se
déconfiner. » Voila ce qu’on lit dans cet
article et je partage les impressions qu’il décrit. Vis-à-vis du boulot, je
n’ai pas du tout envie de me déconfiner. Je n’ai pas envie de reprendre le
métro et d’y passer près de deux heures par jour. Je n’ai pas envie de recommencer
à déjeuner à la cantine. Je n’ai pas envie d’arrêter mon rythme de patachon
tout aussi efficace que quand je vais au travail. Je n’ai pas envie de prendre
des risques avec cette maladie. Je n’ai pas envie d’être perturbé par les
nécessaires discussions des collègues sur le plateau et je n’ai pas envie de
les déranger avec les miennes.
J’ai envie d’aller en Bretagne, de boire des bières avec les
copains au bistro, d’avoir de l’espace, de voir la famille. Tiens ! A ce
sujet, à force d’écrire des trucs ici et sur Facebook, les gens pensent que si
je veux rentrer, c’est pour voir ma mère. Je n’en fais pas une fixette, je lui
téléphone tous les jours et on fait des visios familiales de temps en temps. J’ai
tout un tas d’autres raisons pour rentrer : être dans une maison de 150m2,
avec un vrai bureau pour travailler, dans une pièce plus grande que mon séjour
où la température ne dépasse jamais 22 degrés, avec la vue sur autre chose que
des immeubles avec des imbéciles comme moi entassés, sans avoir à prendre l’ascenseur
pour vider les poubelles, avec des voisins aimables, avec un jardin et une
véranda, avec une grande cuisine où l’on peut s’assoir pour éplucher les
patates et manger sans avoir à déplacer un ordinateur portable, avec des
chaises qui ne font pas mal au cul, avec une télé, le wifi, avec des commerces
où ne s’entassent pas trop les gens (à certaines heures…). Pour ma mère, c’est
autre chose, elle est en pleine forme et je ne la verrai pas plus là-bas qu’ici
sauf de temps en temps par un parloir ou de la fenêtre de sa chambre. Par
contre, je suppose qu’elle a besoin de me savoir près d’elle et ça n’a pas de
prix. Et il y a des trucs à faire : s’occuper de son ligne, des plantes,
des papiers, du courrier,…
Depuis vingt-cinq ans, j’ai le même rythme de vie que j’aime
bien, par ailleurs. Depuis deux ans, j’ai découvert le télétravail dans cette
grande maison, un vendredi sur deux ou trois. Avec le confinement et le
télétravail permanent, je me rends compte qu’un autre rythme est possible. J’en
avais d’ailleurs fait un billet en début de la crise sanitaire à l’heure où il
y avait une espèce de stress ou d’angoisse. Maintenant, j’ai plus de recul.
Avec la boite, dans mon service (une petite trentaine de
personnes), on est très organisés, sans doute mieux qu’avant ! On a un
point d’équipe, tous les matins, où chacun peut vider son sac, exposer ses
problèmes… Il dure environ une heure et ce n’est pas du temps perdu, on peut
continuer à travailler en même temps, on aide les collègues, on connaît l’avancement
des dossiers, on sait ce que font les autres,… L’entreprise est répartie sur
quatre sites, nos clients sont éparpillés dans toute la France, on passe déjà
une partie de notre temps en réunion au téléphone. Le télétravail ne change pas
grand-chose…
Je ne plaide pas pour le télétravail en permanence. C’est
indispensable de connaître physiquement les personnes avec qui on travaille
pour bien le faire, les comprendre,… Et rien ne vaut la réunion autour d’une
table, avec un tableau, des schémas,… et les discussions au hasard des
rencontres, la bonne vieille engueulade et le partage de l’excitation… Il faut
aussi rencontrer les gens avec qui on bosse régulièrement mais d’autres
services voire d’autres directions.
Alors, je rêve d’une autre organisation du travail. Vous
pouvez sauter ces paragraphes.
Sous mon directeur, il y a trois services, le nôtre avec une
petite trentaine de lascars et deux autres avec 10 ou 15 personnes. Sur le
tout, une quinzaine ne peut pas faire de télétravail ou ne souhaite pas en
faire (habitant près, avec un appartement ne se prêtant pas au télétravail,..)
ou doit être au bureau pendant quelques mois pour la formation. On a donc
quatre groupes dont trois services, disons A, B et C. Au sein de chaque
service, tout le monde doit être là de temps en temps en même temps et chaque
service doit rencontrer un des deux autres de temps en temps. Par ailleurs,
chacun a des contraintes particulières (moi, par exemple, c’est d’avoir beaucoup
de jours consécutifs en télétravail pour aller en Bretagne). Je propose des
cycles sur trois semaines. Les semaines paires, personne ne vient au bureau. L’équipe
A vient au bureau la première semaine et la troisième, l’équipe B, la première
et la cinquième, l’équipe C la troisième et la cinquième. Chaque équipe alterne
donc des semaines au bureau et des périodes d’une semaine ou de trois semaines
sans venir. Après tout, on aura réussi à passer trois mois sans mettre les
pieds au bureau. Pendant chaque semaine au bureau, chacun a le droit à un jour
de télétravail, le mercredi ou le vendredi exclusivement. Toutes les six
semaines, chaque personne passe trois jours avec toutes les personnes d’une des
deux autres équipes et chaque équipe est réunie au complet toutes les trois
semaines en moyenne.
Chacun n’étant présent qu’en moyenne 8 jours tous les 30, on
pourrait travailler en « flex office » (des bureaux non attribués,
chacun peut se mettre où il y a de la place), on pourrait économiser 30% de la
surface occupée par l’ensemble de la direction. On pourrait faire plus en
alternant avec d’autres vu qu’une semaine sur deux, les bureaux sont quasiment
vides. Il faut quelques contraintes sur les salariés. Par exemple, il ne doit
pas être possible de sauter plus de deux semaines de travail au bureau par an à
cause de congés en dehors de ceux d’été ;
dans la mesure du possible, les périodes de formation doivent être pendant les
semaines de télétravail. Pour convaincre les RH, les représentants du personnel
et les grands chefs, cela revient à une moyenne de 1,3 jour par semaine au
bureau et permet de baisser de 75% l’utilisation du métro pour ceux qui sont
concernés (de 67% pour ceux qui ont déjà une journée de télétravail). A l’échelle
de la boîte, avec ceux qui sont obligés de rester présent, on devrait être à 60
ou 70.
Toutes les réunions institutionnelles seraient faites en
audioconférence (sauf les gens naturellement présents ce jour-là), qu’elles
soient internes ou avec des partenaires extérieures. La direction pourrait imposer 4 journées de
présence par an pour des séminaires dans des lieux ad hoc, de même que la
présence à 3 cérémonies genre « vœux de la direction générale ». Les
bureaux du flex office seraient équipés d’un PC fixe pour éviter aux salariés
de transporter leurs ordinateurs portables professionnels.
Pour ma part, j’alternerais les périodes de trois semaines
en Bretagne et à Paris, avec une semaine de télétravail à Paris, trois en
Bretagne et deux au bureau en six semaines. Les jours aux bureaux se passeraient
comme avant le confinement. Ceux à Bicêtre et à Loudéac seraient proches mais
avec des horaires légèrement différents.
C’est beau de rêver, non ? J’ai tout mis au
conditionnel, j’espère ne pas avoir fait de faute de conjugaison sinon, je vais
me faire engueuler.
Côté actualité de confinage, il n’y a pas grand-chose à
raconter, on parle beaucoup de masque. Ouest-France propose un site pour répondre aux questions sur le déconfinage. J’y
ai posé la mienne.
Le pâté en croute, le rôti et les pommes grenailles étaient
bons.
#bobillet
RépondreSupprimerMerci !
SupprimerDans une tribune publiée par The Economist, Bill Gates co-fondateur de Microsoft et co-président de la Fondation Bill & Melinda Gates estime que: "l'essentiel de l'histoire du Covid-19 se passera lorsque l'épidémie sera terminée. Le coronavirus va accélérer l’avènement de grandes percées médicales." Challenges la publie en intégralité en français.
RépondreSupprimerLe titre est touefois moins optimiste : " Je CROIS que l'humanité va vaincre cette pandémie "
Ah mais vous pourriez mettre un lien, bordel. Smiley. Vous êtes encore bien hors sujet par rapport au sujet de mon billet qui parle de rôti de porc et de rêve de télétravail.
SupprimerIl faut que vous respectiez les blogueurs et les sujets qu'ils veulent aborder (je vous l'ai dit il y a plusieurs années, vous n'avez jamais été blogueur, vous avez tenu bénévolement une tribune pour un hebdomadaire). Je ne pense pas que ça soit difficile à comprendre et il faut vous le mettre dans le crâne.
Mon blog n'est pas là pour recevoir de l'information mais pour donner mon avis.
Je sais...
RépondreSupprimerC'est pas cacher ton rôti.mais ça fait fichtrement envie... quant au télétravail j'y ai pas eu droit et chômer techniquement c'est chiant du coup je rêve de revenir dans un vrai bureau.
RépondreSupprimerUn rôti de porc-patates PLUS du pâté en croûte, c'est trop pour un seul repas, bon sang de bois ! Continuez comme ça et vous finirez en surcharge pondérale, mon petit ami, je préfère vous le dire !
RépondreSupprimerAh merde !
Supprimer"Continuez comme ça et vous finirez en surcharge pondérale," l'amitié rend aveugle que ça en est attendrissant.
RépondreSupprimerEt alors qu'il dit dans son journal avoir pris deux kilos...
SupprimerMais reperdu dès la semaine suivante !
SupprimerNon mais…
Le journal n'est pas précis à ce sujet.
SupprimerC'est quand même étrange que, tout ce qu'on ait trouvé contre ce virus, c'est le confinement c'est-à-dire la prison, avec sa régression humaine que vous décrivez si bien ( lavage limité aux mains, pas de vaisselle ,etc.), et, pour les sujets les plus dangereux- les pensionnaires d' EHPAD-, l' isolement total en quartiers de haute sécurité.
RépondreSupprimerAh mais on a le droit d'éternuer dans son coude !
SupprimerCela dit, personne n'a pensé à nous dire si il fallait se branler dans son chapeau ou si on pouvait continuer de procéder as usual : grave défaut de communication de ce gouvernement.
SupprimerMA-CRON, DÉ-MIS-SION ! MA…
Il faut branler dans le manche.
SupprimerAdmirable imagination des fonctionnaires portugais : quand on joue au tennis, obligation, pour les droitiers, de porter un gant à la main gauche ( et, pour les gauchers,à la main droite), afin de ne pas contaminer le partenaire avec la balle qu'ils ont touchée de la main.
RépondreSupprimerPar contre, rien ne semble prévu pour ceux qui ont un revers ou un coup droit à 2 mains.