En salle

01 juillet 2010

Quand le commerce va...

Dès que je fais un billet à propos des bistros, les commentaires sont endiablés. Alors, quand, comme hier, je défends la baisse de la TVA, je me fais stigmatiser par les blogueurs de gauche qui continuent à voir les patrons de bistros comme des méchants capitalistes exploiteurs.

Ca apprendra aux patrons de voter à droite : ils sombrent à cause du libéralisme qu’ils pensent soutenir. Nananère.

Les braves gens voient encore les commerçants – pas que les bistros – comme les gros bourgeois qui habitaient en centre ville et qui avaient tous les gros commerces, encore à la fin du siècle dernier, ce qui n’est pas si vieux que ça.

Et pourtant…

Là, vous avez choisi de faire vos courses dans des hypermarchés de moyenne banlieue ou dans les zones commerciales autour du chef de lieu de canton. Vous voulez installer une étagère dans vos chiottes, vous foncez dans un immense magasin de meubles aux noms imprononçable alors qu’il y a trente ans, vous seriez allé voir le menuisier du coin. Quand votre chaîne de vélo cassait, vos parents allaient dans l’arrière cour de la petite boutique où un type plein de cambouis vous réparait ça. Maintenant, si la chaîne du VTT de votre chiare lâche, vous foncez dans l’hypermarché spécialiste du sport acheter un vélo neuf.

La société bouge, on consomme plus et moins cher.

Mais retournez maintenant, vous qui avez plus de 35 ou 40 ans, où vos parents faisaient les courses avec vous sur les épaules quand vous étiez petit. Je me rappelle de l’épicerie Codec du centre ville, fermée il y a trente ans, jamais reprise. Je me rappelle du copain de mon père qui avait construit des meubles sur mesure dans nos chambres d’enfant. Je me rappelle des parents de mon copain Gildas, retraités depuis trois ans, qui vendaient et réparaient des vélos.

Allez visiter ces commerces maintenant. S’ils existent encore. Ils ont été racheté par des groupes, mis en franchise, vendant des fringues à des prix dérisoires pour concurrence l’hyper voisin et la chaîne de discount et essayez de calculer le pognon net moyen remporté par chacun d’eux.

Ma spécialité, en commerces, tourne autour des bistros. Je passe plus de temps au comptoir qu’à acheter des vélos ou du pain.  Je sais combien gagnent les patrons et les salariés. Vous pas. Interrogez-vous avant de décréter tout haut qu’il y a beaucoup marge sur un café. Comptez plutôt combien il faut vendre de cafés par mois rien que pour régler les charges, la matière première, la cafetière, l’électricité et surtout le loyer du seul emplacement où vous prenez le café. Dans un bistro comme mon préféré, dont je parle souvent, ça fait environ 800 par jour.

Ah ! Nos commerçants d’il y a trente ans ! Ils ont vendu leur commerce à un bon prix, souvent, et sont parti à la retraite. Qu’ils trouvent dérisoire, d’ailleurs. Nous aussi, on pleure sur eux et on se bat pour augmenter le revenu des veuves de commerçants. Qui n’ont rien cotisé de leur vie (pas seulement les veuves, les commerçants aussi) et ont voté à droite, tout le temps.

Actuellement, un commerçant ne touche même plus assez d’oseille pour cotiser. Il croit en l’eldorado. Il bosse comme un fou. Et vote à droite, quand il vote encore. Au bout de deux ans, cinq ans, il jette l’éponge, essaie autre chose…

Pendant ce temps, les grands groupes fleurissent. Les fast-foods se développent. Ils payent le personnel au SMIC et ont droit au taux réduit de TVA. Ca ne choque personne. Les commerces s’entassent dans des zones commerciales qu’on niait fréquenter par snobisme mais où on est bien obligés de se pointer, maintenant : les seuls commerces sont là. Une chaîne d’ameublement. Une chaîne de fringues discount. Une chaîne de magasin de sport. Une chaîne d’accessoires grotesques. Et l’hypermarché, où on traine, à midi pendant la pause et où on finit par acheter un sandwich triangulaire avec une TVA à 5,5% parce qu’on n’a pas envie d’aller à la cantine tenue par un groupe international et disposant d’une TVA à 5,5%.

Et où bossent des cohortes de gens, gagnant légèrement plus de 1000 euros car leurs patrons acceptent qu’ils fassent quelques heures supplémentaires exonérées depuis 2007.

Et toute une société se retrouvera au SMIC (parce que tous les domaines sont concernés).

Et vous continuez à voir les commerçants comme des escrocs, les patrons de bistro comme des arnaqueurs, … alors que la baisse de la TVA profite plus à des chaînes de restaurants propriété de groupe côté en bourse ou à des fils d’auvergnats prospères ayant fait fortune après guerre....

Les centres villes se vident, les revenus baissent, les zones commerciales insipides se développent. Vous ne pensez qu’aux trois milliards de cadeaux fiscaux qu’auraient eus des patrons de bistros. Comme si les quelques patrons que vous connaissez avaient vraiment fait fortune avec la TVA.

Politiquement, il n’y a pas trente six façons d’éviter qu’on devienne tous des pingouins sur une plage australe.

Petit 1 : taxer lourdement les successions. Pas par méchanceté ou pour gagner de l’oseille (quoique…), juste pour éviter la concentration du capital au sein de fonds spéculatifs boursiers divers. C’est exactement l’inverse que ce qu’a fait Nicolas Sarkozy, d’ailleurs.

Petit 2 : favoriser les petits commerces et les petites entreprises. C’était d’ailleurs au cœur du projet de Ségolène Royal en 2007, d’ailleurs aussi.

Petit 3 : arrêter de considérer les petits commerçants comme des voleurs alors que ce sont les seuls à verser des salaires corrects à leurs salariés. Demandez le salaire d’une caissière de chez Mac Do et d’un employé de la Comète, tiens ! Demandez aussi ceux des patrons.

Petit 4 : baisser la TVA.

Petit 5 : consommer sans modération. Ce que je fais toujours avec plaisir mais une seule catégorie de produits.

(vous ne rêvez pas, c’est bien une photo de Zac Efron qui illustre ce billet mais je n’ai pas fait exprès, je cherchais une photo de ZAC – Zone d’Activité Commerciale – dans google images et il n’y a QUE des photos de Zac Efron).

15 commentaires:

  1. Nicolas, j'ai trouvé cette étude :
    http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1286

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  2. je ne peux qu'être d'accord avec toi en tant que parent d'un petit bistrotier qui bosse comme un dingue pour gagner sa vie. encore une fausse raison de monter les gens les uns contre les autres. Fonctionnaires contre privés, patrons de bar contre le reste du monde ! c'est la guerre civile qu'ils veulent c'est d'ailleurs ce que disent certains politiciens de comptoir (mais pas toi bien sur) " une bonne guerre civile ne ferait pas de mal pour recadrer tout ça !" tu n'as jamais entendu ça ?

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  3. Nicolas, je suis très touché par ce billet. Merci !mes parents étaient commerçants à Tours et tenaient un magasin Codec. Je te jure que c'est aussi vrai que le montant de leur retraite : 1200 euros pour 2.

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  4. Dis le que tu l'aimes bien Zac Efron, avoue . ;^)

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  5. Nicolas: bravo pour ce billet!

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  6. Et dans les villages, n'en parlons pas. Boulangerie, oui, encore, épicerie dans le café-épicerie qui se dévoue plus pour rendre service à ses buveurs que pour le bénéfice sur le produit frais, coiffeur parfois, les vieilles aiment bien le coiffeur.
    Les boucheries ont disparu du paysage. Dans les bourgs aussi, dès qu'il y a un supermarché, un petit Super U, la boucherie s'étiole. Je plaide coupable. La viande n'était pas meilleure chez le boucher, et deux fois plus chère. Si l'on est seul, l'argument proximité joue, mais quand on a une famille, ce n'est pas possible, surtout si le boucher est con. Les comportements individuels additionnés les uns aux autres modifient le paysage. On va faire ses courses au supermarché, en voiture, et on commence à de moins en moins acheter le pain à la boulangerie. Les boulangers partent, ils sont remplacés par d'autres que la commune "aide" à s'installer.

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  7. Ne généralise pas! Je suis blogueur, de gauche et très d'accord avec toi!

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  8. Melclalex,

    Merci ! Je crois en plus que c'est généralisable à beaucoup de professions... Mais les gens ont l'impression se faire entuber par les restos et gueulent après.

    Scourti,

    Oui, c'est peut-être toujours la même stratégie de monter les uns contre les autres.

    Philippe,

    Faut pas être touché ! Il y a juste quelques blogueurs qui oublient la vraie vie.

    Captain,

    Même pas. C'est une vieille histoire : les copines gueulaient parce que j'illustrais toujours mes billets avec des gonzesses. Je suis tombé sur Zac Machin par hasard et je l'ai "choisi" pour rigoler. Quelques semaines plus tard, je me suis rendu compte qu'il existait réellement quand ils en ont parlé sur France Inter. Quelques autres semaines plus tard, le métro était placardé d'affiches avec sa trogne. Du coup, comme j'étais le seul site Français à en parler avant qu'il soit connu, il a fait la gloire de mon blog.

    Gas,

    Merci.

    Suzanne,

    Vous pointez sur un truc important : on est tous coupables. Evidemment qu'on va en supermarché : c'est moins cher et beaucoup plus pratique.

    Par contre, avant de gueuler contre le prix des cafés au comptoir, il faudrait que les citoyens réfléchissent un peu. Effectivement, un café est moins cher à la machine à café mais si les gens avaient continué à aller au prendre le café au petit troquet du coin, celui-ci n'aurait pas été obligé de développer la restauration et aurait pu laisser un café pas cher. Mais le petit bistro a changé. Alors les gens vont prendre un café dans un Starbuck's café, à 4 euros car le bougnat français en face est trop cher avec son café à 1€30.

    Ce qui me fait rigoler, aussi, c'est quand les gens gueulent après la fermeture d'un bureau de poste. Ils n'hésitent pas à faire 20 ou 30 km pour faire leurs courses parce que c'est moins cher mais voudrait une poste à côté de chez eux. Tant que c'est gratuit...

    Romain,

    Je sais, je sais...

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  9. Je suis d'accord avec toi nicolas faire des kms pour aller au supermarché et gueuler contre la suppression du bureau de poste c'est très con; Les gens ne jouent pas le jeu c'est sur souvent ils ne peuvent pas c'est sur aussi. un paquet de café est bien moins cher à inter qu'au petit casino. Et poutant c'est vrai que le contact n'est pas le même, c'est tellemnet plus agréable de discuter avec son épicier. je n'ai pas beaucoup de moyens mais je vais le plus souvent possible dans mon petit casino et je me dis que quelques paroles echangées , ne pas prendre la voiture et ne pas se faire bousculer dans les rayons surpeuplés d'inter vaut bien ces deux ou trois euros ( ou plus) dépensés en supplément.

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  10. Scourti,

    (ton commentaire n'apparait pas mais j'ai reçu un mail...)

    Je ne juge pas l'endroit où les gens font leurs courses (je juge juste leurs réactions, tu as raison, c'est con). Je me contente de dresser le portrait d'une évolution de la société qui mettrait d'accord les plus odieux réactionnaires et les gauchistes objectifs...

    En poursuivant le constat, on pourrait dire que c'est la fin de la bourgeoisie (les "commerçants" et petits entrepreneurs) qui provoquera la prochaine révolution !

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  11. Ce jeune Éfronté a-t-il vécu dans une ZAC et fait des études dans une ZEP ???

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  12. Ca change mon point de vue sur cette histoire de TVA à 5.5.
    Ceci dit, j'aurais une question : _qui_ a instauré la TVA à 5,5% dans la restauration rapide huh ?
    Parce qu'en fait, le mieux eut été qu'elle soit à 19.6 pour tout le monde, cette TVA.

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  13. Ce billet est en tout point parfait, mais ne te réjouis pas trop vite, Nicolas, c'est peut-être que j'ai 65 ans et que l'époque dont tu causes me parle !!!
    Mais tu as raison : à opposer les Français les uns aux autres, on ne risque pas d'avancer bien loin...
    Estelle 92, ségoliste "patentée" !

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  14. Hé bien voilà ce que je dirai sur votre billet : Ça fait plaisir de lire des propos intelligents sur la toile, qui tournent autour de faits réels de société. On est d'accord ou pas sur ce que vous dites : Peu importe, il y a de la réflexion et c'est ça qui est bien ! Pour ma part, je voulais vous parler de ce site qui met en avant les commerces et services de proximité, justement afin de préserver le commerce de quartier : www.justacote.com ; Je ne sais pas si vous le connaissez, il y recense les meilleures adresses dans toutes les villes de France, que ce soit les commerces alimentaires comme la petite boulangerie ou le boucher du coin, le coiffeur tendance ou le meilleur serrurier. Sur ce site, ce sont les internautes qui s'expriment et qui donnent des notes à leurs magasins et boutiques. Sympa pour les valoriser ! Je vous laisse le découvrir et vous souhaite une très bonne journée !

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  15. Jean,

    Trop compliqué.

    Benjii,

    Oui mais c'est très compliqué. Il FAUT bien que la TVA sur les produits alimentaires de base soit réduite pour permettre aux pauvres de bouffer. Donc le législateur a dit : ce qui est consommé sur place aura la TVA pleine, ce qui est à emporter, la TVA réduite. Depuis sont arrivés tous les machins qui vendent des trucs à emporter (ce n'est pas toute la restauration rapide ! si tu manges sur place, c'est plein tarif, en principe, mais ils arrivent à biaiser).

    Changer ce critère ? Sur quel base ?

    Estelle,

    Merci !

    BA,

    Merci.

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