En salle

09 novembre 2013

Les portiques en toc

François Fillon a défendu hier l’écotaxe et les conditions d’attribution du marché. Serait-ce un signe qui ne trompe pas tant il est évident que ce marché est mauvais : la collecte de l’impôt est attribué à une société privée étrangère avec un taux de « bénéfice » incroyable. Aucun impôt ne coûte aussi cher. Le procureur de la République de Nanterre a décidé d’ouvrir une enquête tant ce truc est suspect. J’ignore jusqu’où cela ira. Le marché a-t-il été attribué de manière illégale ou peu respectueuse de nos principes ?

Ainsi, le montage juridique et financier est tout simplement grotesque. Mais je trouve qu’on ne parle pas assez du volet technique à la base de tout (puisqu’il implique des moyens techniques considérables).

Tous les poids lourds sont équipés d’un mouchard et probablement de moyens de localisation type GPS voire de moyens de communication par réseau téléphonique mobile (ne me dites pas qu’une majorité de routiers n’ont pas de téléphone portable). Il me paraitrait donc assez facile d’imaginer un moyen technique assez simple pour envoyer un SMS quand le camion entre dans une zone taxée ou en sort.

Partant de là, vous mettez trois informaticiens autour d’une table avec un lascar comme moi pour faire la synthèse (on ne dirait pas mais en dehors des heures de blogage, j’ai aussi un métier) en commençant par un « état de l’art » des moyens électroniques embarqués dans les camions et l’évolution probable des marchés (nous étions en 2009 et tout va très vite). Ensuite, ils auraient pu imaginer les moyens de les interconnecter, d’aller voir l’Europe pour qu’elle fasse bouger les industriels pour qu’ils en sortent des normes d’interopérabilité (ben oui, je ne sais pas si on peut connecter un mouchard à un iPhone…). Enfin, il ne restait plus qu’à imaginer les spécifications générales d’une application sur smartphone puis le logiciel d’un serveur qui aurait pu se connecter aux machins des impôts pour collecter les taxes…

Cette étude préalable aurait coûté au maximum 500 000 euros et encore, uniquement parce qu’il aurait fallu me payer à manger. Voire quelques putes noires pour rester dans les sujets chauds de la semaine dans les blogs politiques.

Mon document de synthèse sous le bras, j’aurais été voir le législateur et je lui aurais dit : « voilà ce que je peux faire, mon canard. » Il aurait été voir ses copains députés et sénateurs et aurait dit : « hé ho les gars, vous savez ce qu’on pourrait branler pour faire cette taxe écologique. »

Ensuite, vous m’auriez filé un million pour que je fasse l’application et le serveur et un autre million pour la mise en production, l’interconnexion avec les impôts et tout ça. Là-dessus, un type de l’opposition aurait à juste titre porté l’affaire devant le Conseil Constitutionnel : « Dites, M’sieur Debré, z’avez vu ce qu’ils font, un machin pour fliquer tous les camions et savoir exactement où ils vont, ce qu’ils font. » « Ah oui, tiens ! ». Du coup, j’aurais récupéré un autre million pour certifier que mon application ne fournisse des informations que lorsque le camion est dans une zone taxable.

Nous en étions donc arrivés à 3,5 millions (en plus des équipements à la charge des transporteurs routiers). Vous rajoutez deux ou trois millions par an parce qu’il faut bien faire fonctionner les serveurs informatiques et payer du personnel à les surveiller. Nous serions bien loin des 17 ou 18 millions par mois… Et des 800 milliards dus à un industriel étranger si tout cela capotait. Nous aurions même pu faire un système européen à très faible coût.

En outre, je ne comprends rien à cette histoire de portique. Qu’est-ce qui empêche un poids lourd de prendre la sortie juste avant puis d’entrer à nouveau sur la voix ?

D’ailleurs, penons une carte de Bretagne. Dans le sens est-ouest il y a trois routes principales : celle au sud, celle au nord et celle au centre qui passe boire un coup à Loudéac. Je ne vois pas pourquoi le transport serait payant par les routes sud et nord et pas celle centrale. L’industriel qui bosse à la pointe est de la Bretagne a trois solutions pour aller à l’est. Je ne vois pas pourquoi une serait gratuite (à part par le fait que ça avantage l’industriel de Loudéac qui paiera moins de taxes pour exporter qu’un industriel de Lamballe, l’autre grande ville ce cette circonscription chère à M. Le Fur).

C’est ainsi que l’usine à gaz technologique, financière, industrielle, législative est aussi une usine à gaz fonctionnelle. Ce qu’il faut c’est taxer le transport des marchandises pour répondre aux contraintes environnementales (il n’est pas logique que les producteurs de lait bretons envoient leur fromage se faire vieillir dans les Alpes pour revenir en Bretagne ensuite pour se faire manger. Le fromage, pas les producteurs). Ainsi, la nouvelle taxe revient à faire payer l’usage des routes ce qui est contraire à nos esprits bretons et est très mal vécu par la population.

S’ensuit la problématique de la Bretagne : elle est au bout de tout. Si elle veut vendre des produits, elle est obligée de les transporter. Un industriel de Brest n’aura pas d’autre choix que de faire 200 kilomètres pour changer de région. La Bretagne est la seule région dans ce cas (ce qui ne veut pas dire que les autres régions n’ont pas leurs particularités : si un type du sud-ouest qui produit du confit de canard veut l’écouler à Paris, il faudra aussi qu’il le transporte. Mais au moins, il pourra aussi l’écouler à Madrid).

Quelque chose me dit que même si l’objectif de cette taxe est louable (dissuader le transport de marchandise pour favoriser une production proche du lieu de consommation), ce n’est pas avec ce genre de système que l’on fera progresser l’écologie…

Quel que soit le côté que l’on regarde : cette taxe est nulle. Elle a été imaginée dans des cabinets ministériels par des lascars sans la moindre jugeote et validée par des élus du même métal.

On se retrouve dans un traquenard avec ces 800 millions… Il y a deux solutions : soit la justice arrive à prouver un délit et dans ce cas Ecomouv s’assoit sur le pognon, soit on continue à détruire des portiques, comme ça Ecomouv ne sera pas prêt pour appliquer cette taxe…

Dans l’attente, il serait bien que les élus se mettent autour d’une table pour réparer leurs conneries successives et la position de François Fillon est surprenante. On ne dit pas « le système est très bien » mais « oups effectivement on n’avait pas vu les effets pervers. »

Et on se met au boulot !

Il n’empêche que s’enfoncer dans ses erreurs et vouloir appliquer quoiqu’il arrive une taxe uniquement parce qu’on a un contrat avec une société privée étrangère est complètement con. On négocie. On leur file 100 millions et on leur rembourse le pognon déjà dépensé pour les portiques et le reste du bazar.


Et on oublie cette triste histoire sauf sur le seul volet intéressant : cette droite incompétente qui a ruiné la France avec ce genre de décisions emblématiques.

17 commentaires:

  1. Et si la batterie du smartphone tombe en rade !

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  2. Après deux ou trois contrôles, ils n'oublieront plus de les charger.

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    1. et ils installeront des panneaux photovoltaïque sur le toit de la cabine du camion

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  3. Excellent billet, qui traite un aspect en effet peu abordé du problème.
    Moi aussi, quand j'ai lu la description de l'usine à gaz, je me suis pincé.
    Alors que les camions ont déjà des mouchards pour vérifier les heures de repos depuis... très longtemps, alors que l'idée à la mode du moment c'est "l'internet des objets", la solution technique proposée ne semble servir qu'à... coûter cher, et donc rapporter gros. On en revient aux soupçons.
    PS : il y a une coquille : c'est 800 millions qu'on leur devrait, pas 800 milliards. C'est déjà gros, mais quand même...

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    1. J'aime bien abuserai as raison on ne parle pas assez du fond : la forme (smiley). La solution retenue est ridicule. Profondément.

      En plus c'est un peu mon job, comme je le dis dans le billet. Je suis souvent effaré quand je vois certaines décisions. D'ailleurs les collègues commencent à me connaître : je suis un cost killer comme on dit. J'ai encore sévi hier (parce qu'un collègue m'a mis dans la boucle d'un échange de mails parce qu'il savait que j'allais le "sauver" dans le sens où il allait subir les conséquences d'une mauvaise décision). Ce qui me fait rigoler c'est que le type à l'origine m'a dit "je n'y avais pas pensé" (ce qui n'est pas grave, c'est mon job d'avoir du recul. Je l'ai simplement engueulé parce qu'il ne m'avait pas consulté). En cinq minutes, j'ai fait économiser 10 ou 20000 euros par an à ma boîte...

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    2. "En cinq minutes, j'ai fait économiser 10 ou 20000 euros par an à ma boîte..."
      "je suis un cost killer comme on dit."

      Jegoun, premier ministre subito!

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  4. En matière de frais de gestion, Ecomouv a de redoutables concurrents: Les Mutuelles de complémentaires santé, avec leurs 22% de frais de gestion, équivalant à 7 milliards d'euros chaque année...

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    1. Quel rapport ? Tu m'as vu faire un seul billet pour défendre les mutuelles ? Je suis contre les mutuelles même. Mais ne le dites pas à mes potes gauchistes.

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  5. Deux remarques, Nicolas.
    - il est évident que la déclinaison française de l'écotaxe n'est qu'un prétexte à enrichir Goldman Sachs, (la boite qui finance les discours du mari de la chanteuse) et Benetton, entre autres . Il y avait une solution plus simple qui était de pomper celle que les allemands ont mis en place avec tracking satellite et GPS dans les camions éligibles....
    Dupliquer des programmes et des bases de données, tu ferais ça en quelques heures...

    - l'écotaxe dans son principe va se généraliser dans toute l'europe. Et les courageux qui disent c'est pas moi, c'est l'autre auraient été mieux avisés d'expliquer que ce qui est visé c'est le transport routier longue distance (au delà de 800 - 1.000 Km) . Si on expliquait aux Bretons, qu'il est totalement déconnant de produire du porc en Bretagne, pour l'envoyer se faire abattre dans l'ex-RDA par des roumains sous-payés, pour ramener le jambon et les saucisses à Loudéac (?) ou Guingamp. Ils comprendraient vite que l'écotaxe permettrait de maintenir les abattoirs et la suite de la chaine de transformation sur les lieux de production, donc en Bretagne. Mais bon, face à des gens excités par ... il est plus simple de fuir.

    M'est avis qu'on se prépare des jours difficiles.
    Bon week-end.

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  6. J'y pense, l'écotaxe n'existe qu'en France? Sur les autoroutes portugaises on trouve déjà ce genre de portique mais je ne sais pas si en remplacement des péages ou pour la même application qu'ici.

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    1. Au Portugal, je ne sais pas, mais ça existe en Allemagne et un tas d'autres patelins.

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  7. La taxe carbonne est liée au nombre de km parcourus, non ? Suffit juste d'arrêter de défiscaliser l'essence des camions, et ça coutera pas un rond à mettre en place. Si ton camion consomme peu, ta taxe coute peu.

    Tizel

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  8. En Allemagne seuls les PL de 12 T et plus sont concernés donc pas la circulation locale.
    En France les autoroutes concédées ne sont pas concernées semble-t-il.
    En fait ce n'est pas une taxe écologique : il s'agit pour l'essentiel de dégager des fonds pour entretenir les routes.
    Mais je ne suis pas sûre d'avoir tout compris de cette usine à gaz...

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  9. Si tu ne mets pas de portique pour détecter le GPS du camion, ni pour détecter les fraudeurs, qu'est-ce qui obligera le transporteur à laisser les appareils en fonction dans chacun de ses bahuts. J'éteins tout 9 fois sur 10, ni vu ni connu.

    À la place d'armées de gendarmes pour faire les contrôles on met des portiques. C'est comme ça que j'ai compris l'usine à gaz.

    Mais bon, si les benêts rouges n'en veulent pas...

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    1. Ben justement ! Les contrôles par les gendarmes.

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