En salle

12 avril 2014

Réforme territoriale : le bon échelon

Je ne suis plus le seul blog à évoquer la réforme territoriale : l’ami Bab s’y colle aussi. C’est intéressant, il a une position totalement opposée à la mienne mais, si on enlève les points pour lesquels il fait des erreurs, il reprend à peu près mon argumentation.

Je vais reprendre des parties de son billet (mais allez le lire intégralement, je cite des parties pour parler de ses arguments, le tout a néanmoins une cohérence).

« Jean-Luc Bœuf, analyste à l'Institut Montaigne, vient de proposer un redécoupage des régions françaises, réduisant leur nombre à dix pour la métropole. Dans la logique des institutions de Bruxelles, cela présente une certaine cohérence. Dans la logique brute de fonderie de la prospective à courte vue d'économies à tout prix, cela peut en avoir une également. »

Je vais illustrer ce billet avec une carte d’Allemagne. Regardez-la bien. Il y a des grosses régions et des toutes petites. Ceci fait qu’en moyenne les régions allemandes sont plus petites que les régions françaises. Il faut arrêter de mettre Bruxelles à toutes les sauces. La nécessité de réduire la taille des régions ne vient pas de l’Europe. En agrandissant les régions, la France s’éloignerait encore plus de la moyenne Européenne.

« Le problème avec le redécoupage projeté, c'est l'affaiblissement d'un État qui aurait à faire à des régions moins nombreuses, donc plus fortes. » La force des régions ne provient pas nécessairement de leur taille mais de ce que la loi leur confie comme mission. La force de l’Etat baisse donc en fonction de ce qu’il délègue. Mais le problème, à mon sens, est qu’on ne peut pas opposer les régions à l’Etat. Les régions font partie de l’Etat…

Alors, je ne vais pas reprendre tout l’argument de l’ami Bab. Il pense, globalement, que les régions doivent être supprimées et que les départements doivent être renforcés de manière à ce que les centres de décisions se rapprochent du peuple.

Or c’est exactement le même argument que j’utilise pour prôner le renforcement des intercommunalités au détriment des départements mais il qualifie d’aberrations, ces intercommunalités. Il préconise leurs suppressions, comme les régions.

Et c’est bien en cela que nous ne sommes pas d’accord… Un groupe de 30000 personnes a les moyens de construire une piscine, par exemple. Une ville de 300 habitants ne les a pas. Les habitants de cette petite ville vont donc à la commune voisine de 10000 habitants qui a pu construire sa piscine. Si les habitants de la petite ville n’ont pas participé au financement de la piscine, il n’y a pas de raison qu’ils bénéficient des mêmes tarifs que ceux de la ville moyenne. Ils paieront donc plus cher. Il en va de même pour les spectacles, le ramasse des ordures, l’assainissement des eaux,… d’ailleurs. Il est donc logique d’avoir des grandes structures à fiscalité propre qui regroupe tout ce qui peut être fait en commun pour l’intérêt de tous. Les intercos ne sont pas un jouet.

Vous mettez cela à l’échelle de Paris : les équipements parisiens sont aussi utiliser par des banlieusards, des provinciaux (et même des étrangers…). On ne peut pas baser leur financement que sur les habitants de Paris. Par contre, les gens n’ont plus les moyens d’habiter à Paris, ils vont en banlieue. Le tout forme un ensemble cohérent. Paris n’est pas nécessairement le même exemple mais illustre parfaitement ce qui peut se faire dans n’importe quel trou en France : les petites communes vivent autour de villes plus grosse.

L’art est de trouver le bon échelon et pour un tas d’action, un groupe de 100 ou 200 000 personnes parait correct. Cela se discute.

Dans la fin de son argumentation, par contre, il défend une baisse du rôle de l’Etat (après avoir critiquer sa perte de poids), en prenant l’exemple du bac qui n’aurait pas à être une épreuve nationale, ce en quoi je ne suis pas d’accord (tout peut se discuter mais je considère que l’Education, ou, du moins, l’instruction, relève de « la République »).

« La hiérarchie des décisions doit venir du bas, non du haut. » utilise-t-il comme argument pour défendre sa position. C’est pour cela que je propose de renforcer les échelons inférieurs, les municipalités, en les forçant à s’unir aux seins d’intercommunalités de tailles critiques, ce qui permettra aux citoyens d’être plus près des vrais centres de décision, ceux qui concernent leur vie au quotidien.

Quant aux régions, si elles ne servent pas à grand-chose aujourd’hui (enfin, si on le considère…), il convient de les renforcer pour leur donner plus de pouvoirs et d’importance, notamment dans l’aménagement global du territoire et l’intervention économique. L’Etat ne pouvant pas être partout. En outre, à observer une carte de France, il est évident que les routes ne peuvent pas être décidées au niveau départemental. Il y a des vastes schémas directeurs qui impliquent les départements, les régions et les Etats, et qui concernent les villes qu’elles relient. Les citoyens sont donc très éloignés des vrais centres de décision (et de financement)… Dans la pratique, il ne reste aux départements que l’entretien des routes… Prenez la nationale qui traverse la Bretagne par son centre (et donc Loudéac…), sa mise à deux fois deux voies prends des années parce que de multiples acteurs sont impliqués : il est pourtant évident qu’elle relève d’une problématique purement régionale.

Enfin, les départements datent d’une époque où il fallait pouvoir rejoindre la préfecture en une journée de cheval (ce qui n’était d’ailleurs possible que pour ceux qui avaient des chevaux… L’égalité est loin). Maintenant, à peu près tout français peut faire l’aller retour pour Paris dans la journée.

Le monde à changer et il faut arrêter de se baser sur des machins qui datent d’une autre époque. Si un ministre veut inaugurer une crèche, il prend un hélicoptère et il débarque. Les critères géographiques et historiques ne doivent plus être les seuls à être utilisés dans la définition du maillage du territoire.

Il faut prendre en compte l’échelle humaine et financière. Parce que Bab critique les banques dans son billet. Je ne vois pas ce que ça fait là. L’échelle financière est ce qui permettront aux gens de travailler en commun pour construire une piscine ou un théatre…

C’est tout.

Et une commune a en moyenne 430 habitants en France.



14 commentaires:

  1. petit correctif à "Et une commune a en moyenne 430 habitants en France."

    60 000 000 / 36 000 = environ 1670 , mais ça ne change rien à ta démonstration

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    1. Tiens ! C'est rigolo. J'ai pris le chiffre dans Wikipédia. C'est pourtant évident.

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    2. C'est le nombre médian en fait.

      Rien à voir mais fais gaffe à l'orthographe des noms

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    3. propres dans stopbashing.

      (Surtout le week end je ne peux pas corriger).

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    4. 66 millions même en comptant les DOM, les TOM et autres collectivités territoriales.

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  2. Reste à savoir s'il faut vraiment donner de vrais pouvoirs de décisions aux Régions aux dépens de l' Etat ou pas, et si nous voulons d'un système du type des Länder allemands, dans lesquels, par exemple, la politique d' Education Nationale n'est pas la même dans chacun d'eux (il n'y a pas de vrai Ministre de l' Education Nationale en Allemagne).

    Avant de se demander "Quelle bonne taille de Régions?", il faut se demander " Des Régions, pour quoi faire: décentralisation ou déconcentration? choix de politiques différentes, ou simple mise en œuvre régionale de la politique nationale?".

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    1. Je pense qu'on est d'accord mais on pourrait s'interroger sur le sens des mots.

      Les régions ne doivent pas, à mon avis, avoir de pouvoir législatif ou réglementaire réel. La République est la République.

      La question du pourquoi faire est essentielle évidemment. Il y a des trucs qui me semble évident comme les routes qu'on disait nationales (mais c'est le côté visible de l'iceberg).

      Pour le reste, il faut réfléchir au cas pas cas. L'intervention économique doit être du ressort des régions je pense (s'il faut une intervention économique, ce que je précise pour mes commentateurs libéraux). La formation supérieure, professionnelle aussi, je pense. La santé (à part ce qui dépend des relations avec les partenaires sociaux) du moins l'offre de soins sur le territoire. Ce qui ressort de l'organisation territoriale (ce qui est très vaste puisque ça inclut, par exemple, le fonctionnement des tribunaux donc un des volets de la justice).

      Ainsi la taille et le contenu sont liés...

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    2. Je vais résumer : tout ce pour quoi l'Etat est trop loin et pourquoi il n'y a pas besoin de solidarité nationale autre que financière.

      Et tout ce qui ne coûte pas plus cher après décentralisation ou déconcentration.

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    3. Le danger, pour moi (mais d'autres trouveront ça normal, c'est un point de vue qui se défend) , est qu'on soit mieux soigné, mieux éduqué (école), etc., si on habite telle Région plutôt que telle autre, en fonction des choix à laquelle chacune aura la liberté de donner la priorité.

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    4. Oui mais il ne faut pas, non plus, qu'on soit tous aussi mal soignés. La problématique, comme on dit, est bien locale ou régionale. À l'Etat d'imposer un hôpital pour 100000 habitant (par exemple). Aux échelons locaux de les mettre en œuvre.

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  3. Dans la deuxième moitié des années 80, fortes de l'esprit de décentralisation qui ont suivi la loi de 1982, des régions ont voulu déjà mettre en place des liens de coopération. Ainsi, PACA (quel nom horrible) a voulu s'associer avec Languedoc-Roussillon, la Catalogne et l'Italie du Nord de façon a former un arc méditerranéen cohérent et mettre en place des structures de déplacement (routes et voies ferrées), tout comme une entité agricole, industrielle, universitaire et de recherche cohérente. Ces quatre régions ont beaucoup de points communs dans ces domaines, le tout dans un ensemble climat/relief similaire.
    Le tout est resté malheureusement au niveau de projet. La mise en place des accessibilités des Régions aux financements directs de l'Europe pourra favoriser ce type de rapprochements.
    Si mes souvenirs (récents) sont exacts, les rapprochements de Régions se feront dans le volontariat et non dans l'obligation.
    Il y a fort a parier que cette cohérence des années 80 se retrouvera aussi pour d'autres rassemblements.
    L'axe de circulation, véritable colonne vertébrale du projet existe toujours par la liaison Milan-Nice-Marseille-Montpellier-Barcelone que ce soit par la route ou par le rail.

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    1. Oui. Les axes de circulation sont au centre. Mais il faut aussi gérer le reste.

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    2. Justement, ces axes servaient, dans le projet, de colonne vertébrale (il n'y a eu depuis que peu de changements, juste des améliorations) à la mise en place de la coopération touristique, agricole, industrielle, universitaire, de recherche...de cet arc méditerranéen.
      Tout ces éléments, au moins pour la France, sont dans les prérogatives des Régions. Juste à mettre en place cette coopération.

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  4. Quelques propositions de découpages :
    http://www.liberation.fr/politiques/2014/04/11/redecoupage-des-regions-les-cartes-de-liberation_994748

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