En salle

11 avril 2014

Supprimons les départements ! hop ! hop ! hop !

Claudy Lebreton n’est pas content. Forcément. Il est président du Conseil général des Côtes d’Armor et président de l’Assemblée des départements de France et Manuel Valls veut supprimer les Conseils départementaux qui vont remplacer les Conseils généraux. Il est passé sur France Info récemment et c'est à écouter chez Sarkofrance. Mon confrère va jusqu'à demander qu'il soir demis de ces fonctions tellement il raconte de bêtises. Je n'irai pas jusque là : il fait son job.

Ce qu’il y a de bien, avec la réforme territoriale, c’est un blogueur a un sujet tout trouvé. Je vais faire un aparté. Mes billets à ce sujet sont beaucoup moins lu que ceux à propos de la politique politicienne. Il n’empêche que depuis quelques semaines, on tourne en rond, à raconter des bêtises qu’un journaliste débutant n’oserait même pas sortir à propos des différentes nominations ou de l’état de santé du PS. Après, on se plaint que les blogs périclitent. Amen.

Je vais répondre à Monsieur Lebreton puisque j’ai contribué à son élection, à une époque où je votais dans le département. Et surtout parce que je n’ai pas trop aimé la manière dont il s’est adressé aux citoyens. Tout d’abord, le premier ministre n'a pris personne par surprise. Il n'a pas demandé l'arrêt immédiat des départements mais l'ouverture d'une discussion pour envisager de changer quelque chose dans 7 ans.

Surtout, je ne doute pas que les départements soient utiles. Plus, par exemple, que les couvercles des cabinets (ben oui, ils sont fermés seulement lorsque la pièce est vide). Vous citez des chiffres en traitant presque les auditeurs d'imbéciles. Ce n'est bien.

Reprenons.

Nous avons 36000 communes en France. Il parait que c’est trop. Comparativement à la population, il y a cinq fois plus de commune en France aux Etats-Unis. Des pays de populations comparables comme le Royaume-Uni et l’Italie en ont respectivement 400 et 8000 !

Il n’est pas question de supprimer des communes en France. Les électeurs sont attachés à leur maire et, malgré l’abstention de la dernière fois, c’est une des seules élections qui les intéresse vraiment. Néanmoins, il n’est pas impossible d’imaginer que les communes regroupent certains services. Cela se fait depuis des lustres avec la création des « syndicats » intercommunaux qui ont généré les EPCI (Etablissements publics de coordination intercommunale) que j’appelle les intercos par facilité.

Les intercos sont gérées par des représentants des élus communaux. Pour la première fois, cette année, leurs noms figuraient sur les bulletins de vote pour les municipales.

Il y a 2600 intercos, en tout, en France. Le nombre devrait baisser. D’une part, la création de la métropole du Grand Paris va faire que toutes les intercos de la région vont fusionner dans une seule. D’autre part, Manuel Valls a clairement indiqué qu’il fallait pousser le rapprochement des EPCI entre elles pour en créer des plus grosses.

Je vais prendre deux exemples : les Côtes d’Armor et le Val-de-Marne. J’y habite. Un pied dans chaque département (tant pis pour les habitants de la Sarthe…). Le 22 est dans la moyenne des départements français. Je vais ajouter la Meuse pour faire joli. Je ne sais pas où c’est.

Côtes d’Armor

Il y a 600 000 habitants pour 373 communes. 38 intercommunalités (une pour 15 000 habitants).

D’après mes estimations tout à fait personnelles, il devrait rester six intercommunalités basées autour des grandes villes éloignées d’autres grandes villes :
-         Saint Brieuc, avec Dinan,
-         Guingamp, avec Paimpol,
-         Lannion,
-         Dinan,
-         Loudéac avec Merdrignac et, peut-être, Mur de Bretagne,
-         Rostrenen.

Ce n’est qu’un exemple. Il est possible que Paimpol finisse avec Lannion et Rostrenen avec Guingamp ou Loudéac. Voire avec Carhaix mais qui se trouve dans le département voisin.

Cela nous ferait 100 ou 120 000 habitant par interco.

Val-de-Marne

Il y a 1 300 000 pour 47 communes. 6 intercommunalités (une pour 220 000 habitants).

Il n’y aura plus d’interco au sein du département c'est-à-dire qu’il n’y aura plus de structure juridique à fiscalité propre mais il est probable que des territoires se développent, sur la base des intercommunalités actuelles et que le gouvernement pousse pour que ces territoires regroupent environ 300 000 habitants.

Meuse

Je ne connais pas du tout ce département mais il est intéressant : c’est le département avec le moins d’habitants par commune.

Il y a 190 000 habitants pour 500 communes. 29 intercommunalités (une pour 7000 habitants).

Il est probable que le département finisse avec deux ou trois intercommunalités (à vue de nez Verdun et Bar Le Duc).

T’as vu ça, Claudy ?

Il va de soi que je ne sais pas du tout comment vont évoluer les intercos mais il est clair que nos trois départements sont bien différents et il me semble que le gouvernement va vouloir mettre en place des structures :
-         de l’ordre de 100 000 habitants pour les départements les plus ruraux,
-         de l’ordre de 200 ou 300 000 habitants dans les zones urbaines,
-         de l’ordre de la taille de la métropole pour les métropoles.

De fait, les plus petites intercos auront une taille critique pour recevoir des missions actuellement confiées aux départements. Pour les plus grosses, c’est déjà le cas. D’ailleurs le pas a été franchi à Lyon où l’interco a récupéré toutes les fonctions du département et on sent bien qu’il sera franchi prochainement pour Paris et la petite couronne.

Par exemple, les intercos pourraient se voir confier l’aide sociale, la gestion des collèges, de leurs routes,… puisqu’elles seraient assez grandes pour le faire toutes seules. On appelle ça le principe de subsidiarité. C’est un machin vachement libéral.

Tiens ! Les intercos sont basées sur les bassins de vie comme dit le ministre. On pourrait très bien imaginer qu’elles s’occupent des transports scolaires…

Divagations

S’il y a 65 millions d’habitants en France et que les intercos regroupent en moyenne 150 000 personnes, nous aurons en France 400 intercos, soit à peu près le même nombre que celui de commune au Royaume-Uni. Je dis ça pour vous montrer que je ne raconte pas trop de bêtises.

Je dis ça, je ne dis rien : c’est à peu près le nombre de sous-préfectures ou d’arrondissements qui existaient en France qui existait après la révolution. D’ailleurs, jusqu’à la guerre, il y avait aussi des Conseils d’arrondissement… D’ailleurs regardez ma section sur les Côtes d’Armor : Saint-Brieuc, Dinan, Guingamp et Lannion sont des sous-préfectures et Loudéac en a été une.

Tant qu’à dire des conneries, remarquons aussi que ce 400 est à peu près le nombre de Sénateurs. Si on veut que le Sénat représente les territoires, on doit pouvoir s’arranger en traitant à part les métropoles qui seraient désavantagées.

Tant qu’à dire des conneries, il y a 577 députés. Il faudrait réfléchir.  Un député par tranche de 130 000 habitants au sein des intercos… ?

Reprenons

La décentralisation de ce bon Monsieur Raffarin a donné aux départements des missions qui sont du ressort de la solidarité nationale et de la loi. L’Etat dit : donnez tant de pognon à chaque lascar au RSA. Le RSA n’est pas départementale. Seule sa gestion l’est. C’est grotesque.

Ainsi, si les intercos reprennent des fonctions des départements, il ne leur restera plus que des missions qui devraient être du ressort de la loi puisque le Conseil départemental n’a plus rien à décider.

Pour faire plaisir à Monsieur Lebreton, je propose qu’on leur laisse le tourisme.

S’il ressort que la grosse intercommunalité est le bon échelon pour faire certains trucs, dont le dialogue avec le représentant de l’Etat, le sous-préfet, il est donc parfaitement logique de faire disparaître les Conseils départementaux.

Et les régions ?

Ah, oui, tiens ! Je n’ai pas parlé des régions. Des grandes régions. C’est mal. Néanmoins, on peut s’interroger sur ce qu’on pourrait leur refiler. Par exemple, elles ont en charge les lycées. Je ne sais pas pourquoi. Je n’ai jamais compris pourquoi les lycées n’avaient pas été confiés aux mêmes lascars que les collèges, même s’il y en a moins. Il y a 2700 lycées en France, environ. Soit un pour 24000 habitants. Il faudrait faire un calcul précis mais les futures grandes régions pourraient très bien les transférer aux intercos.

Par contre, j’ai toujours trouvé ridicule que les routes nationales soient confiées aux départements. Merci au bon Monsieur Raffarin. Il me parait évident que les grands axes sont du ressort de la région.

Et hop !

Désolé, M’sieur Lebreton mais le découpage de la France doit bel et bien être revu… Le monde a bougé…

15 commentaires:

  1. Je suis favorable à une réforme des départements. Mais merci de ne pas toucher le mien (il est très bien )

    Plus sérieusement pas forcément un avis tranché. Mais ne le répète : tes billets sont vraiment intéressants, d'un excellent niveau, et ça fait poser des bonnes questions

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    1. Merci. J'essaie.

      Ce que je repproche à beaucoup est d'avoir des avis tranchés : il faut supprimer les départements ou il faut supprimer les régions en évitant de poser calmement les bonnes questions. Ils ne savent pas poser les problèmes.

      C'est comme Notre Dames des Landes, tiens ! Les opposants sont tellement sûrs que l'avion c'est mal qu'ils évitent de poser les bonnes questions.

      1. Ce ne sont que deux pistes de 3,5 km sur 50m de large. Beaucoup moins qu'une route.
      2. Pour refaire Nantes Atlantique, il faut fermer pendant six mois ce qui tuerait l'économie.

      Je dis ça uniquement comme exemple : ce sont deux arguments que je n'ai jamais sortis et que je garde sous le coude au cas où...

      Je suis pareil au boulot. Ça me fait rigoler mais il y a des jours en me jouant des de cochon et en refusant les évidences, je fais gagner des fortunes à la boîte.

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  2. "Par contre, j’ai toujours trouvé ridicule que les routes nationales soient confiées aux départements. Merci au bon Monsieur Raffarin. Il me parait évident que les grands axes sont du ressort de la région."
    Une route nationale devrait être du ressort du pays. Prenons la Nationale 7, une belle route qui part de Paris à Menton, et qui se retrouve nommée Départementale parce que l'Etat à fourguer la gestion à certains départements traversés. En effet, merci Raffarin. 😠 Dans le même temps, les autoroutes ont été privilégiées, puis vendues 3 francs six sous au privé qui continue de nous faire payer la note.

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    1. Tout ça discute. La rn7 est celle que je prends pour changer de bistro et pour rentrer chez moi.

      Les autoroutes sont du ressort de l'état mais ont été privatisées... Par contre, les axes qui restent à conforter, comme la mise à 4 voies de la route du centre Bretagne (je parle de ce que je connais) ont bien un enjeu régionale (la Bretagne étant une région particulière : cette route ne peut pas aller plus loin que le bout de la Bretagne).

      (Avec la Corse et peut être le sud de l'Italie, c'est la seule région particulière : même les espagnols pourraient avoir envie de faire un tunnel au sud).

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  3. "Par exemple, elles ont en charge les lycées. Je ne sais pas pourquoi. Je n’ai jamais compris pourquoi les lycées n’avaient pas été confiés aux mêmes lascars que les collèges, même s’il y en a moins. Il y a 2700 lycées en France, environ. Soit un pour 24000 habitants. Il faudrait faire un calcul précis mais les futures grandes régions pourraient très bien les transférer aux intercos."

    Je suis d'accord (et avec tout le reste d'ailleurs). Cette histoire de lycées, tu as raison, c'est étrange. Pourquoi ne pas les filer aux communautés d'agglo?

    En fait, comme il y a moins de lycées de que de collèges, c'est plus simple pour une commune de gérer son propre collège que de s'entendre avec sa voisine pour gérer un lycée.

    M'est avis que les lycées et les collèges devraient être gérés par la même administration. Soit on refile les deux aux intercos, soit on refile les deux aux régions. Mais vu ce qui se profile, j'opterais plutôt pour les futures grandes intercos.

    A défaut d'écrire un billet sur le sujet (mais ça va venir, je ne désespère pas), je commente le tien.

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  4. Remplacer 90 départements par 400 intercos pour réaliser les missions affectées actuellement aux départements ne me semble pas être le but poursuivi, ni souhaité.

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    1. Le fait de supprimer le conseil départemental va supprimer un niveau "politique". Reste la bonne question "que faire des missions qui lui étaient confiées ?", sachant que le but est de réduire les couts; pas simplement en réduisant le nombre de fonctionnaires, mais aussi et surtout en faisant des économies d'échelle.
      Prenons l'exemple des Collèges : aujourd'hui, il y a 1 structure administrative par département pour s'en occuper. Si demain on passe à 400 ça ne va pas le faire.
      A mon sens, il faut remonter les responsabilités des communes vers les intercos, et celles des départements vers les régions.
      On peut aussi faire l'inverse, mais à la marge, sur des cas qui le nécessitent vraiment.

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    2. La région est trop loin ! Mais tout doit se jouer au cas par cas.

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    3. Oui et ça serait bien que ce soit homogène et que chaque entité gère ses propres ressources (impôts).

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  5. Pourquoi une personne qui est juge et partie détiendrait elle la vérité, n'est ce pas Claudy ?
    C'est comme si on me demandait s'il fallait supprimer les places pour PMR devant les bars

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    1. Bah. Au fait ! Tu as vu le compte rendu du dernier conseil des ministres ? Va sur le site du gouvernement. Personne n'en a parlé. Je voulais t'envoyer un mail mais j'ai oublié.

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