En salle

14 novembre 2014

Gauche dans ses bottes

Jacques Etienne est un blogueur de droite. Bien à droite. Ce n’est pas grave, il faut des gens à droite pour que la gauche existe et vice versa. Dans son dernier billet, il traite le cas d’Alain Juppé ce que j’ai fait récemment si ma mémoire est bonne. Le maire de Bordeaux, ancien premier ministre, ancien meilleur d’entre nous, ancien droit dans ses bottes est plébiscité dans les sondages et était récemment à l’honneur dans les Inrocks.

Je suis à peu près d’accord avec Jacques Etienne, que vous devez lire, mais j’aurais formulé cela plus simplement : Alain Juppé est le favori des types de droite auprès des types de gauche parce que c’est le moins pire des types de droite. Vous m’avez suivi ? Il n’est pas un odieux réactionnaire voulant empaler les immigrés avant de les réexpédier chez eux aux frais du destinataire. Il s’est même récemment déclaré pour le mariage des homosexuels. Aussi bien, dans sa prochaine interview, il réclamera qu’il souhaite que la nuit de noce soit télévisée.

Admettons que je sois interrogé par un sondeur : « hé, dis donc, gros, est-ce que tu souhaites qu’Alain Juppé joue un rôle dans l’avenir ? » Certains sondeurs sont très familiers. Ma réponse serait : « heu, ben mon gars, j’vais t’dire : je ne souhaite pas qu’un type de droite joue un rôle dans l’avenir mais si j’avais à souhaiter qu’un type de droite joue un rôle dans l’avenir, je souhaite qu’un type comme Alain Juppé soit celui-là car les autres prétendants probables savoir Mâame Le Pen et M’sieur Sarko me sont franchement antipathiques et me paraissent très dangereux, néanmoins, j’aimerais autant que mon futur poulain ait à affronter ces deux gens lors de la prochaine élection car il me paraitrait assez un probable qu’il puisse battre Juju à un second tour d’une présidentielle ».  Le sondeur se dirait alors : « mais je ne comprends rien à ce que dit le gros, je vais cocher « oui » ».

Il se passe un phénomène relativement incroyable : Alain Juppé nous est devenu sympathique. Je dis « nous » mais je vous laisse savoir qui se cache derrière, je ne sais pas moi-même. En 1997 quand il nous a quitté, on ne pouvait pas le blairer. Il passait pour le type le plus sectaire du monde, le monsieur droit dans ses bottes. Et le temps à passer… Tout d’abord, il y a une certaine compassion. Ce gars-là qui était prévu pour remplacer Jacques Chirac arrivé à expiration est tombé dans des machins judiciaires au sujet desquelles on est en droit de se demander s’il n’a pas payé pour son mentor mais il ne nous viendrait pas à l’esprit de commenter une décision de justice.

M’sieur Jospin fut premier ministre après M’sieur Juppé pour tenir une politique de gauche avec un tas de privatisations. Cinq ans plus tard, il s’est retrouvé éjecté et remplacé par M’sieur Raffarin. Ce dernier a probablement un positionnement politique proche de Juju à savoir ce qu’on pourrait appeler une droite tellement molle qu’il faut les démarrer à la manivelle.

Pourtant, M’sieur Juppé commença à nous manquer. Il aurait dû être le chef de la droite de gouvernement et on a gagné, à la place, un type qui nous expliquait que la route est droite et la pente difficile. Ce n’était objectivement pas le même niveau même si les critères d’établissement des niveaux en politique est relativement floue. Disons que Raffarin est à Juppé ce que Sarkozy était à de Gaulle. A part la coiffure, celle de M’sieur Raffarin est plus fournie.

Après, le grand Chirac a été remplacé par le moins grand Sarkozy et Juju s’est retrouvé ministre. Il y est resté tellement peu de temps qu’il me faut consulter Wikipedia pour me rappeler de quoi. Il était : « Ministre d'État, ministre de l'Écologie, du Développement et de l'Aménagement durables ». Il s’est présenté aux législatives mais n’a pas été élu : il a été viré du gouvernement. Encore une fois, il semblait victime d’une décision injuste même si nous rigolions franchement des déboires de la droite, ce qui est bien humain. En 2010, il est redevenu ministre, «Ministre d'État, ministre de la Défense et des Anciens combattants », puis en 2011, «  Ministre d'État, ministre des Affaires étrangères et européennes ».  Vous savez quoi ? On était presque content parce qu’il nous semblait qu’on avait enfin un type normal au gouvernement, un peu comme si on avait un rempart face à ce qui semblait une espèce de folie collective, à la suite du discours de Grenoble, en 2010 et une UMP qui partait en couilles réactionnaires pour éviter de voir en face qu’elle avait échoué à traverser la crise sereinement alors que l’Allemagne s’en sortait benoîtement.

Enfin, Alain Juppé est maire de Bordeaux. Il a succédé à Jacques Chaban-Delmas qui, même si Alain Delon est très bien coiffé dans Paris brûle, apparait quand même comme un bel exemple de vieux réactionnaire auprès de jeunes cons comme nous (j’avais 8 ans en 1974) alors qu’il passait comme progressiste aux yeux de sa propre majorité, ce qui nous le rapproche d’Alain Juppé, maintenant. D’ailleurs la comparaison est rigolote puisqu’un type réputé moins à droite que lui, Valéry Giscard d’Estaing a été qualifié au deuxième tour en 1974 alors qu’ils étaient les deux candidats de droite. C’est d’autant plus rigolo que Giscard était soutenu par Chirac qui incarnaient aussi la réaconnerie à cette époque (et après).

Je connais un peu Bordeaux, non seulement par la lecture de Desproges qui disait que les Bordelaises étaient girondes  mais aussi pour avoir des relations là-bas, essentiellement professionnelles mais aussi amicales vu qu’à force de bosser dans le même bureau qu’un gros qui venait du coin, les affinités se créent. Toujours est-il que tout le monde m’a dit qu’Alain Juppé était un excellent maire de Bordeaux. Il fait des trucs bien et a eu beaucoup de mal à réparer les conneries de son prédécesseur. Et paf ! J’aurais préféré que Vincent Feltesse soit élu à sa place vu qu’il est de gauche et que c’est un copain (je l’ai vu deux fois et entre militants rosâtres, on se tutoie…).

Voilà comment Alain Juppé peut se retrouver avec une bonne image auprès de types de gauche sans côté le volet « vieux sage » qui est un tantinet rassurant.

Du coup, je ne sais plus ce que je voulais dire à Jacques Etienne. Ah ! Si ! Alain Juppé est de droite.

C’est une manie en France. Les types très à droite disent que les types pas très à droite sont à gauche et les types très à gauche disent que les types pas très à gauche sont à droite. C’est très rigolo. Penons un type au hasard : moi. Je me suis tiré au sort et c’est d’ailleurs bien tout ce que je peux tirer, de nos jours. Les gens de la vraie gauche, celle avec du poil dans les narines, disent que je suis un libéral de droite. Les gens de la vraie droite, celle avec auréoles sous les bras mais pas par transpiration, par manque d’hygiène, disent que je suis l’incarnation des socialo-communistes parachutés par Moscou, le Moscou de la grande époque parce que Poutine, côté communisme, il est un peu mou du genou.

Tout cela est un tantinet grotesque mais on trouve toujours ses adversaires politiques un tantinet grotesque. Ce n’est pas grave. Les gens très à droite et les gens très à gauche pensent qu’une majorité de Français pensent comme eux et qu’ils pourront être élus sur la base de leurs opinions.

Ce n’est pas vrai, nananère.


Sinon, Chaban serait encore président de la République, si toutefois il était resté étanche.

22 commentaires:

  1. La droite à droite de la droite mais à gauche de l'extrême droite croyait que c'était du pain bénit pour l'agité de Grenoble et patatrac v'la t'y pas que ce scénario est de moins en moins prisé par les producteurs que sont les Hue Aime Pistes qui ont renflouer les caisses une première fois et qui ne veulent pas se faire enc... heu empapaouter une deuxième fois, je dis deuxième pour ne pas dire seconde, il y en a qui aiment ça et qui en redemandent

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    1. Ouais. C'est un truc que je n'arrive pas à comprendre.

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    2. L'adjectif second n'implique nullement qu'il n'y aura pas de troisième, de quatrième, etc. Il est le synonyme de deuxième, mais en un peu plus "classe", c'est tout.

      Ainsi, Guillaume Apollinaire, dans Les SEPT épées :

      La seconde nommée Noubosse
      Est un bel arc-en-ciel joyeux…

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    3. Merci. C'est une règle (fausse donc) qu'un type'a sortie récemment. Je l'ai cru (à tort) mais était fort surpris de ne pas la connaître avant (si elle avait existé, je pense que mon père nous l'aurait foutu dans le crâne... Avec des coups de pied au culture s'il le fallait)(je parle de mon père en tant que prof, je l'ai eu trois ans... Il avait assez peu de problèmes de discipline).

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    4. je me contrefous de ce que pense Môôôsieur Apolinaire

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    5. Apollinaire ne pense pas : il écrit.

      (Et il réclame ses deux l, tout comme Apollon…)

      Nicolas : ce n'est pas à proprement une règle fausse, mais une règle que certains présentent comme vraie. Du coup, elle est presque devenue une sorte de "demi-règle", mais qui n'a pas le statut de règle. Enfin bref…

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    6. OK il écrit sans penser, ce qui est encore pire

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  2. Sinon, répétons-le sans nous lasser : Juppé est une baudruche qui arrivera en 2017 complètement dégonflée. D'ailleurs, le fait d'être actuellement le "chouchou" de la gauche ET des médias devrait l'inquiéter gravement, quant à son "destin national".

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    1. Je pense qu'il le sait. Outre le fait qu'il doit connaître assez bien l'histoire de Chaban, c'est un vieux briscard.

      Je me demande même s'il n'a pas lancé sa candidature pour obliger Sarko à sortir du bois pour mieux le couler.

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    2. C'est beaucoup plus simple que ça : Alain Juppé a 69 ans, et c'est sa dernière chance : dans cet état d'esprit-là , toutes les audaces sont permises .

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    3. Ben non. A cet âge il ne va pas se mouiller. C'est même très drôle, il va passer pour la seule personne honnête condamnée.

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  3. Tiens, chuis plus dans ta blogroll ?

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    1. Effectivement. Je ne sais pas pourquoi. Ça fait des mois que je n'y ai pas touché. Un bug ou une erreur de manipulation mais dans ce cas ça date d'avant l'été.

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  4. Pas grand chose à dire sur Juppé... Sinon que sur le fond je suis en désaccord avec lui sur l'adoption d'enfants par des couples du même sexe. Je préférais la position qu'il défendait il y a un an. Il a changé d'avis...

    Je pense néanmoins que l'élection ne se fera pas sur ce sujet. Il hérisse le poil de certains qui se prétendent "de la vraie droite". Mais comme ceux de "la vraie gauche", ils ne représentent pas grand chose dans les urnes.

    Après, si Juppé vient dans le boboïsme, il risque d'avoir quelques soucis... Je ne lui aurais pas conseillé cette stratégie là. Elle risque d'atteindre vite des limites...
    Surtout si le but est d'avoir le pouvoir et d'exercer les responsabilités... (ce qui n'est pas le but de la "vraie droite" ou de la "vraie gauche", qui sont dans le blabla et le "on va gueuler et faire passer ceux d'en face pour pouvoir encore plus gueuler"... la belle affaire...)

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    1. A voir s'il ne fait pas exprès d'hérisser le poil maintenant.

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  5. Les déclarations de Juppé ne sont pas du tout reçues comme des propos sincères, des convictions, mais comme des propos bien pensés en vu d'un positionnement politique au service d'une ambition présidentielle.
    Et tout cela semble naturel. Il fait son métier d'homme politique de façon intelligente et efficace.
    Pour être élu il lui faut jouer un jeu orchestré par les médias.Il doit être adoubé par "la gauche" et ses médias comme un candidat de droite acceptable.
    Je me souviens que en 1996 ce type a essayé de reformer le systàme de retraite en proposant ce qu'a fait la gauche plus tard. Il a mis tous les veaux et les moutons de gauche dans la rue. Ils n'étaient pas contents parce que les conducteurs de train ne pourraient plus partir en retraite à 50 ans. Donc à l'époque Juppé était un salaud de droite. Maintenant il est gentil. Je me marre.

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  6. "On était presque content parce qu’il nous semblait qu’on avait enfin un type normal au gouvernement"
    Je vois bien ce que vous voulez dire. Par le même mécanisme, j'en arrive à admirer Fabius. C'est dire...

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    1. Mon pauvre. Comme comme au ministère étranger aux affaires, il faudrait toujours un vieux chauve ancien premier ministre.

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