En salle

20 février 2015

Difficile démocratie

Morceau de République
L’épisode du 49.3 a montré qu’on a un problème d’exercice démocratie en France. Certains expliquent que faire passer un texte avec le 49.3 est un déni de démocratie. Pour ma part, je pense que le premier ministre est nommé à un poste pour faire un job, ce n’est pas un déni de démocratie qu’il ait le droit de faire passer un texte par an pour faire le job s’il n’a pas de majorité pour le faire. Le plus drôle est que je dirais exactement le contraire si c’était la droite qui faisait ça.

C’était l’objet de mon billet d’hier : la droite a utilisé beaucoup moins souvent le 49.3 parce que les députés sont disciplinés, qu’à droite on suit le chef et tout ça. Je disais qu’ils étaient tenus par les couilles. A gauche, par contre, on aime bien les avis contraires, les discussions. Il est donc beaucoup plus difficile de trouver une majorité.

Ce qui ne sont pas d’accord avec la majorité sont souvent ceux qui prônent une Sixième République (et même si je parle souvent de Constitution parce que cela me passionne, je ne suis pas vraiment d’accord avec ce que j’ai pu lire sur « leur » ligne) mais il y a un hic : changer les institutions ne leur fera pas réunir une majorité. Si vous regardez le résultat des élections présidentielles, il est rare qu’un président élu recueille plus de 30% au premier tour et personne, depuis 1969, n’a fait plus de 50. Il faut donc que le président trouve cette majorité et fasse des compromis, des négociations,… D’ailleurs si les politiciens de gauche qui se retrouve derrière cette nouvelle République étaient élus dans le cadre de cette République, ils peineraient à former une majorité.

Je ne sais pas si le phénomène est spécifique à la France. Prenez l’Allemagne où le fonctionnement de l’Etat pourrait être pris comme exemple pour ne nouvelles institutions. Le président est fantoche et c’est bien le parlement qui gère le pays mais le plus grand parti de droite a du faire une coalition avec le plus grand parti de gauche. Chez nous, cela serait impossible.
 
Autre morceau de la République.
C’est d’ailleurs pour ça que je ne suis pas en train de faire un billet prônant un changement des institutions. En France, on a le fameux rapport « droite gauche ». Il va sans doute prochainement tomber d’ailleurs. Imaginons que François Hollande fasse une dissolution, là, maintenant, parce qu’après il a apéro. On pourrait avoir une assemblée constituée ainsi : petits partis de gauche 15% (je parle en nombre d’élus), PS, 25%, UDI+UMP 40% et FN 20%. Il serait logique que le président appelle le patron du gagnant, l’UMP comme premier ministre et ce dernier serait bien obligé de faire appel au FN ou au PS pour former un gouvernement.

En France, on appelle ça l’ouverture. Mitterrand l’a fait en 1988 parce qu’il en avait besoin. Sarkozy l’a fait en 2007 pour faire joli (il avait la majorité). Si on refait cela aujourd’hui, c’est-à-dire dans un sens inédit : une ouverture de la droite vers la gauche pour trouver une majorité, ceux de gauche acceptant ce principe sur la base d’un texte de compromis, seraient appelés par la vraie gauche des traitres alors qu’ils ne feraient qu’éviter à l’UMP de se droitiser en pactisant avec le Front National.

Et c’est ce rapport « droite gauche » qui fout le bordel. Je ne souhaite pas le faire sauter, je me sens profondément de gauche mais pas nécessairement de la même gauche que d’autres qui ont une position de principe. Je vais prendre quatre exemples. Je précise que ce n’est pas de la provocation mais de l’illustration.

Le premier. Je vais le prendre dans le rapport Macron. Il y a un truc pour permettre la privatisation des aéroports. Les mecs de gauche gueulent : ah mais bon dieu c’est une mesure de droite, il ne faut pas privatiser les infrastructures, et l’aménagement du territoire bordel ? Je pourrais m’attacher à démontrer le contraire. Par exemple, l’Etat n’a pas à gérer des équipements utilisés exclusivement par des opérateurs privés, c’est bien la droite de dépenser des sous pour permettre à d’autres de gagner du pognon. Ou : prendre les aéroports de Nice et de Toulouse défendre pour l’aménagement des territoires, ce ne sont pas ces grandes villes qui en ont besoin. Ou : hého la plupart des aéroports sont déjà gérés par des CCI qui ne sont pas des structures publiques.

La seule question qui doit se poser est : ah mais bordel si un type juge rentable de dépenser un milliard pour acheter un aéroport et qu’il gagnera des sous avec c’est complètement con de le vendre puisqu’on pourrait les gagner nous-mêmes. C’est le principe de la privatisation des autoroutes : des andouilles gouvernementales ont jugé utile de le faire, on gueule parce que les tarifs sont trop élevés et les acheteurs s’en foutent plein les fouilles.

Donc je suis contre la privatisation des aéroports. Et c’est exactement le genre de position qui pourrait faire consensus (d’autant que moi, blogueur de gouvernement encore disponible, je prends une position qui est le contraire de celle de la loi en question). On réfléchit à froid. Et personne ne jugerait utile de passer en force pour privatiser nos autoroutes, nos aéroports ou nos toilettes publiques.

En aparté, ça montre le deuxième défaut de notre système : la possibilité de faire des lois « fourre tout » comme la loi Macron. C’est une erreur de leur part.

Rassurez-vous, je vais abréger les exemples suivants.

Le deuxième : le referendum de 2005 (et de manière plus générale). La fracture n’est pas droite gauche.  Elle est entre les « bouts » et le centre. Et être partisan de la construction de l’Europe est être partisan de l’amélioration de Maastricht qui est un truc de droite que nous a collé la gauche, donc un truc de gauche. Et être européaniste est être internationaliste. Et être de gauche nécessite, pour moi, d’être internationaliste.

Le troisième : le déficit et l’austérité. A gauche, ils veulent moins de restrictions budgétaires. Or la dette, elle est souscrite auprès d’opérateurs privés, des marchés financiers,… Donc vouloir que l’Etat dépense de l’oseille favorise le privé et c’est donc de droite.

Le quatrième : le mariage pour tous. C’est un truc bien de gauche que de vouloir que tous les couples aient les mêmes droits et j’en suis profondément partisan. Mais admettez que c’est quand même bien rigolo de voir la gauche défendre le mariage, cette putain de vieille institution catholique et réactionnaire.

Fin. Des exemples.

Je rappelle qu’ils ne sont pas là pour faire des provocations mais pour illustrer le fait que tout ne peut pas être réduit à un rapport droite gauche.

Dans ces paragraphes numérotés, j’ai introduit une deuxième numérotation, celle des défauts, conneries ou des difficultés de notre système. Le premier : la nécessité du compromis pour avoir une majorité rendu difficile par le rapport droite gauche. Le deuxième, abordé au détour d’une phrase, est la possibilité de faire des lois fourre tout et, d’une manière générale, cette habitude que l’on a, à droite comme à gauche, de légiférer pour un oui ou pour un non. Tiens ! Je vais prendre un truc que j’approuve dans la loi Macron : la libéralisation du transport par car (c’est une position qui pourrait être qualifiée de droite mais j’en ai déjà fait des billets, je ne vais pas me justifier). Je suis tombé sur le cul quand j’ai appris qu’un opérateur privé ne pouvait pas faire une ligne de transport interrégionale sans autorisation de l’Etat ! C’est délirant.

Et on en revient à nos aéroports : en France, vu de gauche, il faut que le service public soit assuré par l’Etat.  Il peut l’être par le privé. Et aussi par les collectivités territoriales.

Je parlais, hier soir, avec un camarade MRC (il y en a plein, à Bicêtre) qui notait tout le bien que faisait le service public, notamment à Bicêtre, au niveau de l’aide sociale, ce qui est vrai. Il m’a dit que c’était ça, pour lui, la République. J’ai dit non… Ce qui fait par la ville n’est pas du ressort de la République sauf si c’est imposé par les lois de la République.

Et c’est le troisième défaut ou connerie de notre système, c’est d’utiliser le mot République pour un oui ou pour un non. Pour résumer, le mot « république » signifie qu’on n’est pas en monarchie, ce qui ne veut pas dire qu’on est en démocratie, d’ailleurs (et ceux qui se sont appelés « républiques démocratiques » n’étaient pas franchement des démocraties). Si on y colle un R majuscule, « République » peut s’appliquer à notre pays, qui est une république. Par contre, l’adjectif « républicain » ne peut s’appliquer qu’à la forme d’organisation du pays, l’opposition à monarchie. Ainsi, ceux qui cherchent à casser le Front National en disant que ce n’est pas un parti républicain se trompent de combat. Ca aurait quel sens de dire qu’un parti d’extrême droite anglais n’est pas républicain ?

Alors le Front Républicain apparait comme une grosse connerie. Les braves gens ne font que dire qu’il faut un consensus entre la gauche et la droite pas extrême pour barrer la route à l’extrême. Et ce mot, « République », dont nous sommes très fier au point que certains voudraient rendre férié le 21 janvier, tout en en faisant une Sixième perd son sens.

C’est étrange. Je suis républicain parce qu’opposé aux privilèges que nécessite une monarchie mais surtout un démocrate, bien plus que républicain. Et le démocratie nécessite le consensus.

On ne fait pas une majorité tout seul. Et faire une sixième République ne garantit visiblement pas la démocratie.


9 commentaires:

  1. Quand tu ne comprend pas un texte, il y a deux solutions. Soit il est mal rédigés. Soit tu es con.

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  2. La photo est très bien. L'autre photo aussi.

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  3. Désolé j'ai besoin de faire un test et c'est tombé sur vous (j'ai de la chance).

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  4. Long billet, agréable à lire. Je suis totalement d'accord avec toi sur le deuxième point, et sur la fracture aujourd'hui : je partage totalement cette analyse...

    Et j'aime beaucoup les photos, les deux. Ca a l'air joli la Bastide d'engras (j'ai fait Google Image, parce qu'il m'a plu ton village et il me rappelait des coins vers chez moi).
    C'est à coté de chez moi en plus, vers les coins où je marche en ce moment : il faudra que je fasse...

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    1. Merci.

      J'ai pris une photo au hasard...

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    2. Ben tu es tombé à 20 km de chez moi : félicitations (tu as gagné un verre de rouge à ta prochaine descente)

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