En salle

23 avril 2015

A la recherche du temps perdu

Je me souviendrai toujours de ce samedi matin, en octobre 1996. J’avais un tas de choses à faire, notamment de la comptabilité pour une association et je n’arrivais pas à me plonger dedans. Je tournais en rond en rond, dans la maison. Je descendais à la cuisine boire des cafés, un prétexte pour ne rien faire. Cela ne me ressemblait pas du tout. Vers 11 heures, j’ai compris que quelque chose n’allait pas. J’ai foncé chez mon toubib. Il avait mauvaise réputation et avait très peu de clients, il a donc pu me recevoir et me consacrer du temps.

Je lui ai raconté ce qu’il se passait et il m’a fait parler. La trentaine qui était arrivée (tiens ! coïncidence, je me retrouve aujourd’hui à un an de la cinquantaine), un copain mort alors qu’il était venu m’aider alors que je dirigeais un centre de vacances (la culpabilité et tout ça), un surmenage lié à cette association (la dernière année, j’y avais consacré 37 week-end et la totalité des vacances), une réorientation de ma carrière professionnelle,… L’épuisement. Et des problèmes financiers.

Alors le toubib me dit : Nicolas, tu as les motifs et les symptômes, tu commences une dépression. Il m’avait mis en arrêt pour 15 jours et prescrit du Prozac, du Lexomyl et un autre truc. Il m’a dit aussi : pendant ton arrêt, il faut que tu bouges, que tu vois des copains, du monde,…

Je l’avais bien écouté. Au bout de quelques jours, cela allait mieux, j’en rigolais. Ce n’était pas une dépression mais un très gros coup de mou. Mais je m’étais retrouvé pendant quelques temps dans l’état de celui qui se dit : « même à moi, ça peut arriver ». C’est bien après que j’ai compris « la réalité », quand on m’a dit qu’on ne sortait pas aussi vite d’une dépression. Pendant tout ce temps, je me promenais avec mon Lexomyl dans la poche. J’avais arrêté les autres trucs.

Et il fallait que j’en parle. Aux copains, à la famille,… sur le ton léger du type qui croit qu’il tient avec les médicaments (alors que je n’en prenais plus). J’étais un roc, pensez-vous, un costaud ! Alors quand des proches voyaient que j’étais tombé, certains ont eu les mêmes symptômes. Un copain, en particulier, a fait une vraie dépression, qu’il garde encore près de vingt ans après, parce qu’il ne respecte pas les consignes des médecins et parce que, dans le Centre Bretagne, un paysan n’a pas le droit de tomber « malade de la tête ». C’est réservé aux intellectuels, aux gens de la ville,… Aux fils de profs. J’avais essayé d’expliquer à ses parents que ce n’était qu’une maladie, une sale maladie, un problème de molécules qui partent en couilles,…

Et la mère du copain a fait une dépression mais on ne le disait pas ainsi. On disait qu’elle était malade et voulait garder la chambre, une espèce de réaction en chaîne,…

Quand on lit le livre de Guy Birenbaum, on comprend vite certains trucs, outre que les médias racontent quoi, comme le fait, par exemple, qu’il a été très bien entouré, que sa femme est remarquable,… et que la dépression n’a pas une cause mais plusieurs, ou, peut-être, plusieurs éléments qui la déclenchent ou qui en deviennent des symptômes. Par exemple, les médias disent qu’il est tombé à cause des réseaux sociaux mais, allez savoir si son addiction aux réseaux, à l’actualité,… n’étaient pas qu’un symptôme.

Moi, je ne sais pas, lisez son livre. On y comprend beaucoup de choses.

Pour l’anecdote, je connais Guy et le considère comme un ami même si je ne l’ai rencontré que trois ou quatre fois. Nous avons une certaine proximité pour des raisons diverses, en partie liées à notre histoire de blogueurs. Je dois avouer que je ne m'intéresse à Guy que pour sa personne, en tant que pote, et par son blog, pas par son activité professionnelle. J'ai lu tout les billets du DEL et de l'épicerie mais presque rien de ce qu'il a pu faire ailleurs et je ne l'ai regardé ou écouté que rarement.

Hier, je voulais lui envoyer un message privé par Twitter, pour lui dire que j’avais lu son livre alors que j’avais prévu de ne pas le faire tout de suite. C’est de sa faute, il m’a dit : pour parler d’un livre, il faut le lire. Je l’ai fini dans le métro, en rentrant du boulot.

En arrivant à la Comète, j’ai pris mon iPhone et me suis préparé à envoyer ce « DM ». Notre précédente conversation s’est affichée. Elle datait de presque un an. D’ailleurs, en lisant son livre, j’avais sursauté en voyant des événements qui se passaient il y a juste un an, le 23 avril, jour de mes 48 ans. Et dans cette conversation, il m’annonçait sa dépression. Je l’avais oublié, non pas le fait qu’il me l’ait annoncé personnellement, mais les propos exacts.

Le fait qu’il prenne le temps de me prévenir était une marque d’amitié, probablement, peut-être un appel au secours, mais je ne l’ai pas pris comme tel. Je me suis imaginé qu’il se mettait en retrait des réseaux sociaux et qu’il me disait de ne pas m’inquiéter. Je pensais qu’il était suivi par les toubibs (ce qui était le cas) et qu’il s’en sortirait quand ils auront trouvé le dosage exact de médicaments et qu’il se serait reposé, un peu comme moi, 18 ans plus tôt, mais en beaucoup plus de temps. En lisant le livre, je me suis rendu compte que je me plantais, car j’ignorais tout des symptômes physiques qui peuvent accompagner cette saloperie de maladie.

Ai-je fait une connerie en comprenant : ne n’inquiète pas, je m’isole ? On ne le saura jamais.

Je ne parlerai pas du contenu du bouquin mais il ne porte pas que sur la dépression. Plus exactement, Guy raconte des événements ou des histoires qui peuvent expliquer en partie la maladie et qui sont très intéressants.

A certains moments de la lecture, j’ai rigolé et cela ne fera pas plaisirs aux protagonistes. Certains propos de Guy aurait pu être tenus par Didier Goux, non pas sur la forme mais sur le fond.

Enfin, Guy appelle les gens par leurs prénoms et comme il bosse dans le monde des médias, j’en connais certains comme David et Laurent avec qui il m’est arrivé d’échanger dans Twitter (j’ai même vaguement « bossé » pour Laurent, à une époque). Je connais d’autres personnages, comme Bruno, ou Nikos, tiens ! On n’en connait qu’un…


Ce qui fait qu’à un moment, j’ai cru que David Abiker était aussi dentiste…

20 commentaires:

  1. Bon anniversaire Nicolas !

    Je vous fréquente tous les jours avec bonheur via le blog, même si je n'interviens presque jamais. Votre bon sens me fait du bien.

    Rose

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    1. Merci Rose (votre commentaire était bloqué dans les tuyaux, toutes mes excuses).

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  2. "J’ai foncé chez mon toubib. Il avait mauvaise réputation et avait très peu de clients, il a donc pu me recevoir et me consacrer du temps." Le genre de phrases que j'adore...

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  3. J'avais failli titré mon billet sur le livre de Guy comme toi...

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  4. Tiens, puisque vous l'avez lu, vous allez peut-être pouvoir répondre à une question que je me pose depuis que ce livre est en "une" de la blogoboule. Je n'arrive pas à comprendre le sens du sous-titre (s'il s'agit bien d'un sous-titre, car la couverture est si mal conçue que l'on n'en est pas très sûr) : pourquoi "Histoire d'une dépression française" ? Comment une dépression peut-elle être spécifiquement française ? (Ou italienne ou sénégalaise ou mongole…) Est-ce expliqué dans le livre ?

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  5. Très bon anniversaire Nicolas .
    vincent

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  6. Un médicament antidépresseur (dans votre cas, le Prozac) doit être prescrit par un psy ( les généralistes le prescrivent souvent à trop faibles doses, et pas assez longtemps; à l'inverse, ils le prescrivent trop souvent, pour un simple "coup de mou"), doit être poursuivi pendant plusieurs mois; l'arrêt prématuré dès qu'on se sent bien est la principale cause des rechutes.

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    1. Je sais ! C'est pour ça que je dis que je faisais pas une dépression.

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  7. Tu devrais lire plus souvent des bouquins....

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  8. fidel et la mere24 avril, 2015 14:54

    Joyeux anniversaire depuis l'auvergne

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