En salle

26 juin 2020

Ne modifions pas la loi pour le télétravail !


Nous sommes au cent-deuxième jour depuis le confinement et de télétravail joyeusement réunis et dans mon dernier billet à ce sujet, je disais que je ne voulais pas de loi ou de négociation nationale pour encadrer le télétravail mais ce n’était pas le cœur du billet. Un commentateur, puisqu’il faut appeler ça comme ça, me disait qu’il fallait une loi, même vide, ne serait-ce que pour encourager les négociations.

Je ne suis pas d’accord ! S’il faut une loi, c’est à la marge, pour régler des bricoles. Par exemple, ça me fait une belle jambe d’être remboursé d’un pass Navigo et d’avoir une prise en charge partielle de mon repas quand je mange à la cantine. Je ne veux pas pour autant de tickets restaurants et je n’ai pas envie d’acheter des tickets de transport à l’unité quand je prendrai le métro plus régulièrement (et me faisant rembourser, je n’ai pas interrompu mon pass Navigo). Une loi peut permettre de  résoudre cela mais de manière plus globale, par exemple, en obligeant les entreprises à donner 150 balles non fiscalisés en plus sur la fiche de paye et à arrêter les subventionnements des repas et des transports ! Ce n’est pas l’objet de mon billet et je sais que ce n’est pas simple et qu’il faut gérer les cas particuliers, comme les serveurs de bistro qui ont un avantage en nature quand ils mangent sur place ou se font rembourser le taxi quand ils terminent après minuit.

Ce n’est pas lié au télétravail ! Cela touche tous ceux qui ont des notes de frais, des primes de « panier ».

Ou alors, s’il faut une loi pour le télétravail, c’est pour faciliter la consultation des salariés sans que les DRH doivent passer par les représentants du personnel et, d’une manière générale, à ce que les salariés soient obligatoirement consultés pour tout ce qui touche l’organisation globale de l’entreprise.

Ce n’est pas lié au télétravail !

Il ne faut pas changer la législation. Je vais essayer de faire une démonstration, peut-être un peu technique dans certains points, je te présente mes excuses par avance.

La première raison que la loi a déjà évolué pour permettre le télétravail. Je vais citer une partie de la page du ministère : « La loi sur le renforcement du dialogue social crée un droit au télétravail pour les salariés. L’exercice de ce droit suppose que le travail du salarié puisse être exercé à distance grâce aux technologies de l’information et de la communication. Tout salarié qui souhaite télétravailler informe l’employeur de son intention, par tout moyen (oral, courrier, courriel…). L’employeur donne son accord, également par tout moyen (accord oral, courriel…). En cas de refus, l’employeur doit motiver sa décision. Lorsqu’il existe une charte ou un accord, le télétravail est mis en place dans les conditions prévus par ces documents. » La faute à « prévus » vous est offerte par LREM.

Tout est dit dans cet extrait : le télétravail doit être possible et doit être demandé par le salarié (il ne peut pas être imposé sauf, visiblement, en cas de crise sanitaire). Par contre, s’il y a un « accord », il doit être respecté, ce qui est la moindre des choses, mais cet accord est souvent restrictif et mauvais. S’il l’est, c’est notamment parce qu’il est négocié par des gens qui ne connaissent pas le télétravail et n’en veulent pas… Je ne vais pas trop parler de celui de ma boîte mais, par exemple, il prévoit un jour (fixe) par semaine (avec des possibilités de dérogation, par exemple en cas de grève des transports). Pourquoi un jour par semaine ? Pourquoi pas deux jours toutes les deux semaines, ce qui m’arrangerait bien avec mes week-ends en Bretagne ? Et pourquoi faire un accord si des dérogations sont possibles ou si le télétravail peut être imposé par les entreprises (en cas de crise sanitaire, toujours, cas bien prévu par la loi) ce qui ne me choque d’ailleurs pas (mais la loi prévoit qu’une personne a le droit de refuser de télétravailler ce qui est paradoxal) ? Le texte dans ma boîte prévoit que le salarié doit faire son télétravail à son domicile (ce qui n’est pas imposé par la loi) mais il m’a fallu une dérogation pour avoir le droit de faire le mien de celui de ma mère et, en travaillant chez moi, pendant la crise sanitaire, je ne respectais plus cette dérogation : je ne travaille pas dans l’endroit où je suis assuré pour le faire…

Nous avons donc une série de contradictions idiotes… Vous pouvez continuer avec  ce site qui détaille la loi mais je vais prendre des extraits sur légifrance.

« Le télétravail est mis en place dans le cadre d'un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d'une charte élaborée par l'employeur après avis du comité social et économique, s'il existe. » En d’autres termes, l’employeur fait ce qu’il veut. Les personnes habilités à « négocier » ne savent généralement pas ce qu’est le télétravail. Je vais donner un exemple simple : le texte dans ma boîte oblige les salariés à avoir un téléphone mobile professionnel ce qui est imposé pour le droit à la déconnexion et cela vient des négociateurs. Or, je n’ai pas besoin de téléphone portable vu que je peux être joint sur mon PC, par téléphone. Le texte prévoit également qu’on doit être équipé d’un ordinateur portable professionnel. Je ne vois pas pourquoi une boîte paierait un ordinateur professionnel à un type qui en a déjà chez lui. Mais c’est imposé par la boîte parce que les responsables sécurité veulent maîtriser les accès aux serveurs ce qui les louable. Mais à l’heure du cloud, il ne serait peut-être pas inutile de modifier les moyens techniques liés à la sécurité…

Ainsi, je ne vois pas ce que pourrait apporter une loi ou une négociation nationale alors que la loi actuelle prévoit à peu près tout. Un salarié peut demander le télétravail et un accord dans l’entreprise peut donner un cadre général, cadre général qui est forcément restrictif mais sans doute nécessaire pour éviter aux entreprises de gérer des tonnes de cas particuliers…

Je cite enfin le commentateur de mon billet de blog dont je parlais : « Je reste persuadé qu'il faut une loi absurde pour que les gens se rendent compte que ça ne va pas et se mettent à réfléchir. Sinon, ils font comme la direction a décidé, après pseudo-concertation ou pas. » Une loi absurde reste une loi. Une concertation est forcément « pseudo » notamment parce que les participants à la concertation ne connaissent pas le sujet. Les gens en télétravail forcé et les entreprises ont eu six mois pour y réfléchir et le gouvernement incite à poursuivre le télétravail.

Donc ne touchons à rien !

1 commentaire:

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