En salle

19 novembre 2022

Le Métavers pour les nuls


 

A moins que vous ne viviez dans une grotte sans internet dans le fin fond de l’Eure, vous avez tous entendu parler du « Métavers », notamment depuis que Marc Zuckerberg a renommé en Meta l’entreprise Facebook, il y a environ un an. On essaie de comprendre à quoi cela correspond et j’imaginais une espèce d’univers parallèle et virtuel. Je me demandais bien ce que cela voulait dire et à quoi cela servait… Quel intérêt de boire des bières virtuelles payées avec une monnaie du même métal et bues avec des copains de ce métal dans un comptoir tout aussi étrange… ?

Cela ne prendrait jamais dans la population, à part chez quelques geeks. Pourquoi, alors, nous le présenter comme l’avenir de l’informatique ? Tout d’abord, il ne s’agit pas d’UN univers mais, disons, de multitudes d’espaces virtuel. On voit par exemple des publicités dans Facebook qui nous expliquent que les chirurgiens pourraient « répéter » les opérations compliquées dans le Métavers. C’est de la pure bêtise. La vérité est qu’ils auront des outils leur permettant de simuler ces opérations : masque de vision 3D, gants avec dispositifs permettant de simuler le « toucher »… Sans compter un logiciel gigantesque et performant permettant au toubib d’avoir des « vraies sensations ».

On est bien loin d’un univers parallèle, non ?



On doit y ajouter un volet « social ». Notre toubib, par exemple, devra travailler avec des anesthésistes, des infirmières et des collègues à lui. Chaque professionnel de santé, dans son appartement, pourra faire partie d’un groupe dans l’univers parallèle pour « rejouer » tout ce qui concerne l’opération. Ils pourront discuter, compléter leurs actions… et chacun verra l’autre dans le casque sous la forme d’un « avatar ». Les avatars pourront correspondre à des personnes réelles, comme les différents collègues, ou virtuelles (on n’imagine pas que la « répétition » aura lieu sur une personne réelle).  

Prenons un exemple dans le grand public. Vous assistez un match de foot avec des copains, comme si vous étiez dans les tribunes, alors que chacun n’a pas bougé de chez lui et a seulement mis un casque de « réalité virtuelle » qui permet de voir le match, les tribunes, d’entendre les bruits… Vous pourrez commenter le match avec vos potes et faire semblant de partager des bières…

A partir de là, on peut tout imaginer. Vous – enfin votre avatar – faisant la queue aux contrôles de sécurité (être palpé sur tout le corps – ça te fait bander, hein – nécessiterait quand même d’avoir une combinaison intégrale pour reproduire les sensations). Votre avatar pourrait aller à la boutique – virtuelle – du club et acheter le maillot – virtuel – du club ou, au moins, la casquette ! Dans votre casque, vous verriez vos copains ainsi déguisés… Pour acheter votre place dans le stade, puis « le maillot », il vous faudra de la monnaie virtuelle.

Et on commence à voir l’arnaque ! Je ne suis pas prêt à dépenser du pognon pour acheter des bières virtuelles tant que je ne pourrai pas prendre une cuite avec… Pensez bien à cet exemple du match de foot en vous mettant à la place de vrais fanatiques de ce sport. Pensez que les progrès technologiques permettront de reproduire parfaitement ce que l’on peut ressentir en assistant à un match.

 


Métavers ? « Vers » est la contraction de « univers ». Selon Wikipédia : « Méta est un préfixe qui provient du grec μετά (meta) (après, au-delà de, avec). Il exprime tout à la fois la réflexion, le changement, la succession, le fait d'aller au-delà, à côté de, entre ou avec. » « Métavers » pourrait se traduire par quelque chose du type « par-delà l’univers ». Un univers à côté.

Ces zozos créateurs de ce bastringue devaient bien trouver un nom qui face vendre ou rêver ou, tout simplement, prouver qu’ils avaient inventé quelque chose d’assez important pour qu’on y dépense du pognon. Quand on voit la chute de la valorisation boursière de Facebook, en un an, on peut rigoler (elle est passée de près de 1000 milliards à un peu moins de 400).

Cette semaine, on a tous entendu parler de la faillite de FTX. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. « Le scandale provient plutôt du fait que FTX, plateforme d’échange de cryptos, volait l’argent de ces clients afin de spéculer pour son propre compte sur des actifs virtuels qu’elle avait elle-même créés et qui étaient adossés à du vent ».

Par très joli, tout ça… Tous ces gugusses vont avoir du mal à s’en remettre ! Sans compter que le casque « 3D » dont je parlais vaut environ 3000 euros : on est bien éloignés du grand public. D’ailleurs, les industriels du secteur ont arrêté beaucoup de projets. Il y a quelques années, on parlait encore de lunettes de réalité augmentée mais pourque cela soit puissant, il faut de l’électronique et des batteries : ça pèse trop lourd pour un simple nez.

 


Alors ils ont trouvé un nom, le Métavers. Le fonctionnement s’appuie sur différentes notions ou technologies comme la réalité augmentée, dont je parlais, la réalité virtuelle, la 2D, la 3D, le blockchain, le NFT et j’en passe, comme le fameux « Cloud ». Sans oublier (j’espère), l’IA, l’intelligence artificielle. Il va me falloir démystifier un peu ces trucs. Cela ne va pas être simple… Je vais commencer par le pire, le blockchain car beaucoup de gens font l’amalgame avec les cryptomonnaies dont le fameux bitcoin. Or, le blockchain n’est que le support des cryptomonnaies.

Le blockchain n’est qu’une technologie permettant de stocker ou de distribuer des blocs de données d’information tout en permettant leur authentification, c’est-à-dire s’assurer de leur provenance, et la vérification de l’intégralité (qu’elles n’ont pas été modifiées en route). En fait, le commun des mortels n’en a rien à cirer. Désolé de vous décevoir mais je ne vais pas vous donner une leçon d’informatique dans un billet de blog d’autant que, moi-même, je n’y pige que dalle.

Le NFT – non-fungible token ou jeton non fongible, pour vous dire – est un peu pareil. Ils utilisent, en fait, la technologie « blockchain » et sont souvent présentés comme des titres de propriété (ce que je découvre en lisant Wikipedia). On s’en fout aussi.

Je suis un peu hors sujet mais je vais parler du cloud. On s’imagine à peu près savoir ce que c’est. Vous avez un smartphone, vous prenez des photos, elles sont enregistrées dans l’appareil puis envoyées dans « le cloud » et vous pouvez les récupérer ailleurs, par exemple sur un nouveau smartphone, un ordinateur… Pour le grand public, c’est automatique. On imagine des serveurs, quelque part, non pas dans les cieux mais dans des « datacenters » qui stockent vos informations et les restituent indépendamment du matériel dont vous disposez. Quand on bosse dans l’informatique, c’est un peu pareil. On le formulera autrement : on produit des applications et on ne s’intéresse pas à l’endroit où elles seront installées, on ne gère plus, physiquement, les serveurs. Mais il y a un volet supplémentaire : la capacité à adapter la puissance informatique (CPU) en fonction de l’usage. Par exemple, je travaille « dans » les distributeurs de billets. Les machines ont une très forte activité les samedis précédents Noël. Elles sont donc dimensionnées pour gérer ces fortes périodes de pointe. On a donc un tas de « CPU » qui ne servent qu’un ou deux jours parents : la puissance peut être restituée les autres jours. Avec les technologies du « cloud », tout cela est automatique.

D’ailleurs, les blockchains et différentes technologies au cœur du Métavers ont besoin de beaucoup de puissance de calcul : avec le cloud, elles peuvent utiliser des « ordinateurs qui dorment » (par exemple, le mien à de l’énergie à revendre pendant que je ne fais que l’utiliser pour saisir un texte de billet de blog). Et c’est leur intérêt : les données se déplacent d’ordinateur en ordinateur mais les mécanismes d’authentification très forte, à base de cryptographie, permettent d’assurer leur viabilité.

 


Je ne vais pas parler de la 2D. Vous lisez ce texte sur un écran… La 3D, on imagine ce que c’est. Par exemple, beaucoup d’entre nous ont vu des films en 3D avec des lunettes spéciales. En revanche, la représentation 3D n’est pas facile à mettre en œuvre. Pour un film, il y a différentes caméras qui filment en parallèle et le système de projection, y compris les lunettes, permettent de rendre un « effet 3D ». Par contre, pour le temps réel, c’est très compliqué, voire impossible, à mettre en œuvre. Imaginez mon match de foot retranscrit dans un métavers pour que vous puissiez le regarder avec des copains comme si vous étiez dans les tribunes, ce n’est pas demain la veille que vous en aurez une vision « 3D », même si, en fin de compte, seule de la vision 2D peut être rendue en vous donnant une vague sensation de relief.

On sait aussi ce qu’est la réalité augmentée. Vous avez joué à Pokemon Go ? La caméra de votre smartphone « filme » une scène que vous voyez sur son écran et l’informatique ajoute des objets sur l’image, comme les fameux Pokemon (j’ai abandonné rapidement : ils sont rares dans les bistros).

La réalité virtuelle est, avant tout, de la connerie : on ne peut pas être virtuel et réel. Disons que l’informatique permet de reconstituer en environnement, autour de vous, qui ressemble à la réalité. On va retrouver ce machin, par exemple, dans beaucoup de jeux vidéo, dans lesquels votre avatar se meut dans un paysage abscons avec des personnages débiles.

 


Ainsi, l’usage de ces technologies permettront de faire les Métavers. Il n’y a pas grand-chose de neuf, vous me direz ! Un jeu comme Fortnite existe depuis 20 ans. Le terme « Métavers » a lui-même été créé en 1992. Il faut bien, en revanche, que les industriels utilisent des mots « neufs » pour se faire mousser et faire croire aux investisseurs qu’ils peuvent cracher au bassinet. L’informatique progresse… progressivement ce qui permet, sans cesse, de petites révolutions… Des progrès, quoi !

Prenez Internet. Dans le temps, il y avait le web normal avec des pages plus ou moins statiques, des formulaires… Le web 2.0 est progressivement apparu. Il a permis, par exemple, à des andouilles de diffuser des pages web dans des blogs et à des abrutis d’y déposer des commentaires. Une espèce de web participatif, quoi ! On appelait ça, aussi, le « web social ».

Nous voila maintenant dans le Web3 ou « web 3.0 », aussi basé sur les blockchains et des cryptomonnaies et permettant de faire transiter de « la valeur » mais aussi de générer un web « décentralisé ». Prenez Mastodon qui voudrait remplacer Twitter. C’est un outil décentralisé. Les différents serveurs ne sont pas hébergés par une seule société mais par différents « particuliers » (ce n’est pas du Web3, j’explique la décentralisation et si vous avez lu quelques trucs sur le sujet, vous aurez une vision complémentaire). Ne vous focalisez pas sur le Web3, ça reste fumeux… Commencez à imaginer ce que sont les blockchains (et pas les cryptomonnaies) et, surtout, le Métavers ou les Métavers.

 


Le Métavers n’est pas l’avenir du web mais un des avenirs, sans aucun doute, mais il n’y a pas que ça, dans la vraie vie. Il profite du progrès, disais-je, sans avoir évoqué les progrès d’internet lui-même, de la forte augmentation des débits de données (pensez-donc, pour faire entrer dans votre casque, un match de foot personnalisé en fonction de votre emplacement dans les tribunes !).

Mais il n’y a pas que ça. On parle souvent des cinq sens : l’ouïe, le toucher, la vue, le goût et l’odorat. Il y en a, en fait, bien d’autres, une bonne douzaine, je crois, comme la pression sur certaines terminaisons nerveuses et tendons pour vous faire ressentir l’équilibre. Un jour, le Métavers vous permettra de ressentir tout cela. La vue et l’ouïe, c’est évident. On imagine très bien des gants ou des combinaisons vous faisant ressentir le toucher. Mais le reste, on est loin !

L’avenir du web ou de l’informatique est aussi l’inverse du Métavers. Les dernières années, on a beaucoup parlé des voitures autonomes (et on évoque souvent les progrès de la robotique). Nous ne sommes pas du tout dans un univers parallèle mais bien ancrés dans la vraie vie. La voiture, elle est sur une route, avec d’autres usagers…

Enfin, je n’ai pas assez insisté directement sur l’aspect social du Métavers. C’est comme dans Facebook, en gros. Vous côtoyez des gens de la vraie vie et des parfaits inconnus, cependant bien réels. Je n’ai pas insisté mais dans mes deux exemples : le toubib (comme je le disais) et le match de foot, on est bien avec des personnes que vous connaissez… Avec l’aspect social, il y a bien sûr l’avatar. Ce n’est plus simplement une « photo de profil » mais une représentation assez proche de la réalité des utilisateurs…

Et on les imagine, comme dans les coulisses du stade, faire le tour des magasins virtuels pour changer de fringues et regarder de la publicité…

 

Il faut bien gagner de l’argent (ou faire croire aux investisseurs que c’est juteux).


8 commentaires:

  1. Mais non, pas besoin d'électronique pour avoir une "Réalité Augmentée", il y beaucoup plus économique... les psychotropes (un barjot furieux mais pas con) ou alors la méthode Tibétaine, entièrement à l'intuition mais beaucoup plus laborieux. :-D

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  2. Ah oui, sans discuter je déclare que ce billet est l'un des meilleurs que tu aies publié.
    Bravo !
    Je sens que je vais le lire plusieurs fois de peur d'avoir sauté quelque chose.
    Hélène 👌👌👍👍

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  3. Eh bin, dis donc !
    Pour un dimanche matin, se lever et apprendre tant de choses !
    Bravo et merci.
    J'ai failli en rater l'heure de l'apéro

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  4. Je vis en permanence dans un metavers.
    Je me promène dans les bois avec la bénédiction des proprios comme si c'était chez moi, je leur offre des champignons que j'ai cueilli chez eux comme si c'était les miens et ils me remercient avec de grandes libations de boisson anisées. Je tire de temps en temps un canard sauvage ou un garenne comme si ils étaient à moi. Parfois, car il faut être social, alors je vais déjeuner à la gargote du village et je m'imagine descendre chez Maxim's. Lorsque qu'Amazon m'amène un livre, je vais le lire dans la pièce qui me sert de bibliothèque et je la vois comme si c'était la salle de lecture de la BN rue Richelieu ou de la bibliothèque Sainte Geneviève. On me dit que le crépis de ma maison tombe un peu et qu'il faudrait le refaire. Grâce à mes lunettes roses de réalité diminuée, je ne vois rien et je fais de sérieuses économies dans le monde réel (si toutefois le monde de ma banque numérique est bien réel ...). Et le soir, sous la couette et sans gants connectés, je me souviens des courbes et de la douceur de la peau de feu mon épouse et je m'endors très bien. D'ici à ce que Meta m'offre les mêmes satisfactions, les gars de l'informatique et des machins connectés ont encore du boulot.

    La Dive

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