En salle

18 septembre 2023

La gauche vue par la gauche

 


« A l’occasion de la dernière édition de la Fête de l’Huma, l’Ifop et le journal l’Humanité publient la dixième édition du baromètre « être de gauche aujourd’hui » qui cherche à identifier les marqueurs de la gauche et leur évolution. » Le détail du sondage (voir le pdf) m’inspire quelques remarques que je vous ponds ici, dans l’ordre séquentiel de leur présentation, pas du tout triées par catégories.

 


Page 5 : on apprend que de 2014 à 2023, le nombre de personnes qui se présentent comme étant à gauche est passé de 47 à 43%. Parallèlement, le nombre de ceux qui se pensent au centre gauche, comme moi, est passé de 14 à 18%. Je vais en tirer une conclusion, certes un peu hâtive, mais ce sont bien la gauche « normale » et la radicale qui ont perdu 8 points alors que mon camp en a gagné 4…

C’est encore plus flagrant, à droite, avec une hausse du centre droit de 9 points. D’ailleurs, les deux centres arrivent à 42% soit plus que chaque « côté ». Cela n’a pas grand-chose de surprenant, d’ailleurs.

Par contre, seuls 11% des Français se présentent comme d’extrême droite. A comparer au 23% obtenus par Marine Le Pen à la présidentielle. On peut quand même si ce n’est pas la droite de gouvernement qui chie dans la colle et provoque la hausse de « son » extrême.

 


Page 7 : parmi les lascars qui se sentent de gauche, à peu près la moitié pense qu’on peut être de gauche et de droite. Ils ont fumé quoi ? Parmi ces gugusses de gauche, 33% estiment qu’on ne peut plus se sentir fier d’être de gauche, aujourd’hui.

Ce n’est pas grave, docteur. Moi-même j’ai parfois peur d’être assimilé à la gauche radicale alors je ferme ma gueule. Pour être objectif, tout de même, je dois reconnaître que la pire baisse a été faite du temps de François Hollande… Le sentiment de fierté était au top du temps de la Nupes flamboyante mais s’est cassé la gueule depuis un an (ce qui rejoint un peu ce que je voulais dire dans mes deux derniers billets).

 


Page 9 : l’Ifop évoque certains mots (liberté, laïcité, solidarité…) et le fait de savoir s’ils évoquent quelque chose de positif ou de négatif. Les différences entre les Français de gauche et l’ensemble de la population. Cette section a assez peu d’intérêt, en fait et en conséquence, mais certains points m’amusent.

Par exemple, la liberté semble être la valeur dominante, à gauche. Nos amis militants qui passent leur journée à chier sur le libéralisme en détournant « ce qu’il est » devraient y réfléchir (le libéralisme est évoqué par la suite, j’y reviendrai donc). Le travail et le mérite sont très importants, moins que pour la droite, « évidemment », mais il faudrait arrêter de raconter des bêtises.

Les deux pages suivantes évoquant ce sujet (la dixième, donc, essaie de suivre) sont, quant à elle, plus partagée sur les différences entre les sentiments des gens de gauche et des autres. J’invite les militants à la regarder, tout de même. Par exemple, l’immigration n’est pas franchement vue comme quelque chose de très positif pour ceux qui se prétendent à gauche (je n’ai pas dit que cette partie du sondage me parait importante ou significative).

Le libéralisme est jugé positif par 47% des Français de gauche (contre 53% par rapport à l’ensemble des Français donc probablement près de 60% par ceux de droite). A mon avis, il faudrait travailler sur le sujet et mettre au clair certains thèmes… Le capitalisme est très mal vu à gauche (mais aussi par l’ensemble des Français). Cela m’amuse. Surtout si on regarde dans le détail : il y a deux fois plus de gens de gauche à avoir un bon œil vis-à-vis du libéralisme que du capitalisme. C’est bien la preuve que je ne suis pas trop loin de la vérité : la confusion entre les deux est néfastes…

 

Page 12 : il y a une espèce de synthèse des trois pages précédentes. Elle n’est pas inintéressante. La liberté est plébiscité par toute la « classe politique »… Surtout, on a l’impression que beaucoup moins de valeurs sont plébiscités à droite.

 


Page 15 : à partir de la précédente, il y a une série d’affirmation et les sondés sont invités à donner leur avis.

La première est : « Il faut que les richesses du pays ne soient pas accaparées par une minorité ». J’ai du mal à concevoir que 9% des gens de gauche ne soient pas d’accord. Comment faire de la redistribution en tolérant que certains gardent la totalité des profits ?

La deuxième est : « Les très grands profits réalisés par les entreprises de l’énergie et de l’agro-alimentaire devraient être taxés. » Peu importe la réponse, pour moi. D’ailleurs, même les gens de droite sont d’accord. Mon sentiment est que la question est posée à l’envers. Il n’est tout simplement pas normal que certains secteurs fassent tant de profits. C’est bien la preuve qu’il y a quelque chose qui fonctionne mal et, sans doute, que ce quelque chose est la concurrence.

On ne peut pas exiger du gouvernement et des industriels une diminution des prix sans réfléchir au système. S’il y avait vraiment plusieurs distributeurs de carburant, en France, ils seraient bien obligés d’adapter les prix de vente.

« L’article 49.3 de la Constitution (permettant au gouvernement d’engager sa responsabilité lors d’un débat sur un texte de loi et de le faire adopter sans le vote des députés) devrait être supprimé. » Comment faire adopter un projet de loi de finance dans un pays comme le nôtre, où les formations politiques sont bien dispersées ? Quant aux lois « pas de finance », on peut juger de leur opportunité mais sans le 49.3, aucun parti sans majorité absolue ne pourrait appliquer son programme.

« Tous les étrangers résidant en France depuis plusieurs années devraient avoir le droit de vote aux élections Municipales. » C’est une espèce de marronnier mais la vraie question devrait de se demander s’il est normal qu’un type vivant en France depuis plusieurs années puisse ne pas être Français.

« On ne se sent en sécurité nulle part » : 54% des gens de gauche sont d’accord. A méditer. « Les chômeurs pourraient trouver du travail s’ils le voulaient vraiment ». 54% des gens de gauche sont d’accord. A méditer.

« Il faut que l’Etat donne plus de liberté aux chefs d’entreprise. » La moitié des gens de gauche sont d’accord (la proportion est d’ailleurs la même à droite). A méditer aussi…

« La défense de l’environnement est compatible avec le capitalisme. » Seuls 45% « du peuple de gauche » est d’accord. Donc faire de l’écologie un grand thème de gauche n’est pas nécessairement une bonne idée. Et surtout pas crédible.

 


Page 17 : les mêmes thèmes sont repris et répertoriés selon le fait qu’ils soient, ou pas, « marqueurs de gauche ». Parmi les 7 répertoriés, seuls 2 ont un rapport avec l’économie. Si les réponses à ces deux sont logiques, en tant que marqueurs, on peut toutefois rigoler du fait que la moitié des gens de gauche pensent que les chômeurs pourraient retrouver du travail s’ils le voulaient ou pensent que l’Etat devrait donner plus de liberté aux entreprises.

Page 18 : les données sont à peu près les mêmes que pour la page précédente mais la présentation est centrée non plus entre « la gauche » et l’ensemble des Français mais entre « la gauche » et « la droite ». Tout ce beau monde est d’accord, largement, pour dire que les plus riches ne doivent pas accaparer tout le pognon et que les gros profits doivent être plus taxés (j’en parlais ci-dessus).

 


La suite est consacrée à la perception de la politique menée par les gouvernements d’Emmanuel Macron. Depuis 2017, il n’y a que 5% des gens en plus qui trouvent qu’elle est plutôt à droite.

Après, on passe directement à ce qu’on attendrait d’une politique de gauche. Notons les points les moins importants (les plus importants sont évidents et n’amènent pas spécialement de réflexion) : l’intégration des étrangers, la compétitivité des entreprises et la démocratisation de la culture. Ca m’amuse. Surtout que d’autres points sont également peu importants comme la sixième république et la conquête de nouveaux droits pour les salariés. Même l’égalité des droits est à la traîne : à vous dégoûter d’être de gauche.

La dernière partie est consacrée à la Nupes. Une majorité du « peuple de gauche » pense comme moi que c’est une coalition éphémères mais, à mon grand dépit, une majorité est pour une liste commune aux élections européennes.

 


A l’heure de conclure… Tout d’abord je parle des « gens de gauche ». Vous avez le droit de penser que s’ils ne pensent pas comme vous, ils ne sont pas vraiment à gauche. Il n’empêche que, comme ils représentent uniquement 43% des électeurs, ils font bien partie d’une majorité à construire, pour les urnes, j’entends.

Les avis doivent donc être pris en compte et l’on doit s’asseoir sur les grands principes qui nous traversent…

 


Notons en marge que lors des billets que je rédige au sujet des présidentielles, je rappelle qu’un gain au second tour, pour la gauche, ne peut être prévisible que si elle réussit à obtenir, dans sa globalité, environ 43 ou 44% des voix au premier. Il faut donc faire le plein.

Et ce n’est pas en étant en tête qu’on y arrive mais en faisant en sorte que la totalité des formations de gauche y arrive, pour ratisser large.a

12 commentaires:

  1. Ce qui me semble ressortir de tout cela c'est que vos sondés sont de malheureux décerveés, capable d'affirmer blanc, puis noir, à deux ou trois pages d'intervalle.

    En ce sens, on peut les juger parfaitement représentatifs de l'ensemble des Français.

    DG

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est un peu le sens de mon paragraphe de la fin où je parle de conclusion. C'est aussi pourquoi j'aime bien charger les purs gauchistes de temps en temps. Par exemple, le machin parle de droit de vote des immigrés aux élections locales, j'aime bien leur rappeler qu'ils veulent créer une catégorie de sous-citoyens ce qui n'est pas franchement égalitariste.

      Pour ce qui ressort de tout ça, je suis un peu d'accord avec vous mais on peut ajouter le fait que ce qui parait à l'évidence faire la différence entre la droite et la gauche n'est que du pipi de chat et donc qu'il y a autre chose.

      Que nous chercherons à la fin de l'apéro.

      Supprimer
    2. Je ne vois pas là de trop grande incohérence de la part de nos concitoyens car cette étude (que je n'ai pas lu mais je me fie à exégèse du patron ) montre que finalement les Français de gauche pourraient très bien être de droite et c'est d'ailleurs ce qu'il disent parfois en votant pour Marine ou Macron aux élections présidentielles.

      Vous notez "qu'une majorité est pour une liste commune aux élections européennes". Je ne suis pas étonné que des majorités de gauche ou de droite souhaitent des listes d'union pour leur camp. D'une part, les spécificités de chaque système de vote à un ou deux tours ne sont pas toujours bien comprises par les électeurs et d'autre part, la politique de moins en moins comprise comme un débat d'idées mais plutôt comme un jeu avec des gagnants et des perdants. Beaucoup de commentateurs politiques dans les journaux ou sur les réseaux sociaux vont dans ce sens et les électeurs finissent par suivre.

      Supprimer
    3. On est d’accord sur à peu près tout. Je vais juste ajouter un détail. Vous dites que les types qui se prétendent de gauche pourraient être à droite mais l’inverse est sans doute vrai.

      Peu de sujets sont clivants. Ça dépend beaucoup de la manière dont sont posées les questions. Ça aurait dû être le thème de mon billet mais j’ai divergé par rapport à mon idée initiale.

      Supprimer
  2. Arié, conclusion18 septembre, 2023 18:16

    Je ne vais pas me donner le ridicule de me taper un sondage à 4 ans d'une présidentielle, mais je constate que celui-ci porte surtout sur les prévisions des sondés, qui, pas plus que les sondages de popularité, n' indiquent pas des intentions de vote : dès lors, je serais curieux de connaître la marge d'erreur des réponses.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce que j’aime bien avec toi, ducon, c’est justement ta connerie. Ce sondage ne porte pas sur des prévisions.

      Les marges d’erreur n’ont de fait aucun intérêt mais sans sont dans les liens que j’ai mis. Ta betise m’épate toujours. D’ailleurs, je me demande si je ne vais pas publier tes précédentes réponses à ce billet pour te traîner encore plus dans la merde.

      Tu es vraiment un pauvre type.

      Supprimer
  3. Ah les incohérences de réponses cf libéralisme et autres items . Ceci dit ce sondage est intéressant cf les 42% de centristes qui se font vomir dessus par la lfi et ses hordes de militants trolleurs… qui les qualifient de droite voir pire.


    Rva depuis l’hôpital et son iPhone

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ils pensent le peuple, voir veulent le faire … et évitent de le consulter. On comprend pourquoi

      Supprimer
    2. Tu peux pas signer tes commentaires. Avec tous mes trolls je suis perdu et j’oublie de mettre des trucs en spam.

      Pour le fond, je ne sais pas si le peuple sait ce qu’il veut. Le consulter par une voie officielle ne sert à pas à grand chose.

      NJ.

      Supprimer
  4. Votre article analyse parfaitement la situation actuelle - ou devrais-je dire depuis quelques années - de l'opinion française.

    Et c'est d'ailleurs Edouard Philippe qui l'avait ainsi résumé lorsqu'il a accédé au poste de Premier Ministre en 2017 : « On peut faire comme avant, on peut faire comme si rien ne s'était passé, on peut s'amuser à faire l'essuie-glace "gauche-droite"mais ce n'est pas ça que veulent les Français ».

    Un parti socialiste tel qu'on l'a connu avec Rocard, Jospin puis Hollande ne peut plus exister. Les Français n'en veulent plus. Que fait-on ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce n’est pas un article mais un billet de blog. Rocard n’a aucun intérêt, il n’a rien gagné (je le déplore, j’étais un de ses défenseurs). Le PS ne pourra plus gagner sans un remplaçant aux deux autres andouilles. Les Français sont faits ainsi. Ce n’est pas parce qu’on n’a personne sur le banc de touche qu’il faut baisser les bras. La question de la personne viendra plus tard (la gauche radicale, le centre droit et la vieille droite n’ont personne en stock non plus).
      NJ.

      Supprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...