En salle

07 avril 2024

Ces lecteurs qui ne comprennent pas

 


Je peste souvent contre les usagers des réseaux sociaux, blogs compris, considérant qu’ils sont tous des cons, à peu près tout le temps, mais, étant parfaitement lucide, je ne vois pas pourquoi je serais spécialement moins cons que les autres même si j’ai l’excuse de ne pas toujours y être à jeun. Je pourrais citer un tas de domaine où la connerie est sublimée mais étant un blogueur parfaitement sérieux, je vais me limiter, aujourd’hui à un seul aspect : les usagers en question sont souvent incapables de comprendre un texte dans sa globalité, quelle que soit sa longueur. C’est un peu comme s’ils se concentraient sur des détails et oubliaient le sens global.

Je vais montrer trois exemples, à propos de billets de blog que j’ai pondus, le premier étant court, les suivants plus longs. Les commentaires dont je vais parler sont soit sur le blog soit dans les médias sociaux traditionnels, essentiellement Facebook.



Premier exemple : la série « Tapie » chez Netflix

J’ai fait un billet pour dire que je ne l’avais pas aimé pour deux raisons. La première est anecdotique, en fait, mais elle porte sur un personnage public et n’est pas fidèle à la réalité (dans la fiction, il a deux enfants alors que, en vrai, il en a quatre), elle est à charge et elle n’est pas assez exhaustive (mais, si les producteurs avaient procédé autrement, elle aurait été trop longue et vraiment chiante). La deuxième est que le personnage ne m’est pas sympathique et comme il est menteur, traitre, manipulateur, malhonnête…, je ne pouvais pas m’y attacher. J’ai donc déconseillé à mes aimables lecteurs de la regarder.

Il y avait trois réactions possibles : « merci pour le conseil », « pas d’accord avec toi, j’ai bien aimé le personnage » et « d’accord avec toi ».

Il y en a deux autres types.

Le premier vient de personnes qui m’expliquent que j’ai eu tort de ne pas aimer la série. C’est surréaliste, comme si on pouvait discuter des goûts et des couleurs, comme si on devait m’expliquer que je me trompais en n’aimant pas les tomates voire en disant que j’ai tort de dire que je n’aime pas les tomates.

Le deuxième vient de zozos qui sont venues défendre le « vrai Bernard Tapie », disant que c’était un homme bien, qui avait beaucoup apporté à la gauche, au PRG… Ce n’était pas du tout mon sujet. Je ne parlais que de la série.  En outre, ce qui est également anecdotique, c’est que la démonstration était partiale : si Tapie a été virée du gouvernement par Mitterrand, par exemple, ce n’est pas une trahison de tonton mais parce que le type a été condamné par la justice.

 


Deuxième exemple : la possibilité de la réélection d’Anne Hidalgo

Fatigué de voir des commentaires à charge contre la dame et de constater la courte vue des « observateurs », j’ai fait un billet citant les raisons que pourraient avoir les Parisiens de voter pour elle. Je démarrais avec la nullité des autres forces politiques en présence, poursuivais en rappelant que les agences de notation internationale saluaient la gestion de la capitale et que le nombre de logements sociaux avait presque été multipliée par deux (je m’adresse tout de même essentiellement à des électeurs de gauche…). Et j’ajoutais que les travaux dans Paris n’étaient pas tous du fait de la dame et que, de toute manière, il était prévisible que notre bonne vieille plus belle vide du monde retrouve son calme après la fin de cette série de travaux, c’est-à-dire après les jeux olympique (j’ai résumé en 10 ou 12 lignes un billet de deux pages et demie sous Word).

J’ai pris soin de ne pas parler de la circulation (sauf sous l’angle de la gène engendrée par les travaux en question) parce qu’il est assez difficile d’être objectifs et sereins. Au fond, les détracteurs nous montrent des photos de la rue de Rivoli sans voiture mais tout ce qu’ils auraient à opposer serait des photos avec des voitures coincées dans les bouchons de la rue en question, donc une absence de circulation.

Quasiment tous les commentaires étaient pour dire : « je n’habite pas Paris mais je ne voterais certainement pas pour elle, elle a fait trop de mal à Paris » mais pas un seul ne m’a expliqué quel était le mal en question et comment, en tant que non parisien, il pouvait en juger ! Personne ou presque n’a évoqué mes arguments.

A noter qu’il y avait un commentaire plaisant, d’un Parisien, d’ailleurs, qui disait qu’elle avait fait du mal à Paris mais beaucoup moins que Pompidou (par exemple) et qu’elle, au moins, n’avait rien fait d’irréversible.

 


Troisième exemple : les infographies et les slogans en boucle des militants de gauche

 Mon avis est que ces braves gens ne travaillent pas assez et pondent des arguments sous la forme d’oukases qu’ils font tourner entre eux mais qui ne touchent pas les électeurs. J’en ai fait un billet pour dire que j’en avais marre… J’ai pris quelques exemples dont un qui était à la mode (la semaine dernière…) : les aides publiques aux entreprises sont trop importantes, elles sont devenues le « premier budget de l’Etat » et elles expliquent le déficit.

La vérité est plus complexe : les aides publiques sont aussi des orientations de l’économie qui devraient être chères à nos gauchistes mais aussi que, malgré les aides publiques, les contributions des entreprises privées au budget de l’Etat (et de la sécu) restent supérieures, en France, par rapport à nos voisins (les cotisations et impôts versées déduites des aides publiques en question restent très élevées).

Ainsi, il me parait judicieux d’approfondir la réflexion, de croiser des chiffres, quel que soit le sujet, plutôt que de pondre des infographies minables.

Evidemment le nombre de commentaires fut assez faible (tout comme le nombre de lecteurs, d’ailleurs) mais j’ai quand même vu un type « argumenter » à ce sujet précis des aides publiques, complètement à côté de la plaque (il disait que les aides publiques bénéficiaient aux grosses entreprises qui en profitaient pour pressuriser les sous-traitant). Je ne vais pas lui reprocher d’argumenter mais il l’a fait au moyen d’une espèce d’infographie (un genre d’animation graphique) avec uniquement cinq ou six lignes de texte (en gros caractères, au cas où j’ai perdu mes lunettes, je suppose).

J’ai rarement vu plus grotesque.

 


Pour conclure

Il nous faut analyser notre propre comportement. Pour ma part, il y a d’un côté la « production de contenu », en tant que blogueur d’une part mais aussi de guignol des médias sociaux d’autre part et, de l’autre côté, ce que je fais en tant que lecteur.

En tant qu’écrivailleur, mes billets sont généralement trop long pour maintenir l’attention du public (mais c’est plus fort que moi et la taille de mes billets « de fon » est à peu près constante depuis que je tiens ce blog : deux pages et demie sous Word, j’en suis au début de la troisième). En plus, j’ai une fâcheuse tendance à ne pas formuler de conclusion à part en introduction (regardez ce billet, elle est en gras dans le titre). C’est une déformation professionnelle : on met les éléments clés en début des documents afin qu’ils soient lu par les décideurs (la fin des documents est d’ailleurs réservée à des annexes presque inutiles).

En tant que lecteur, je ne pense pas être trop mauvais. Je lis tout et je l’assimile (je ne dis pas ça pour me vanter, voir plus bas). Par contre, quand je connais le rédacteur, ma lecture est déformée. Par exemple, dès que j’ai commencé celle du billet de Denis, ce matin, je me suis demandé à quel moment il allait parler du covid, des masques et des vaccins… Arrivé à ce stade, je me suis demandé quand il allait évoquer le nucléaire. Puis j’ai attendu qu’il parle des patelins de son coin et des subtilités administratives (c’est le thème de son billet) auxquelles je n’allais rien comprendre sans fournir un effort intellectuel. Je pourrais parler ainsi de chacun de mes potes blogueurs (même s’il en reste peu).

Je disais que « j’assimile ». Je pense qu’une grande partie des lecteurs se bloque dès qu’il lit un argument qu’il ne partage pas, sans penser au fait que ce n’est qu’un élément d’une argumentation. On parle de Tapie : c’est un margoulin ou un saint homme et basta. On arrête là. Tant pis si le billet concerne une série. On parle d’Anne Hidalgo, ça a été le bordel dans les rues. Et basta. On ne juge pas utile de lire. On parle des slogans de gauche et on cite l’argument des aides aux entreprises. Ces dernières se sucrent. Et basta. On se braque.

 

Deux pages et demie. J’y suis. Conclusion : les lecteurs de publications sur internet « sont souvent incapables de comprendre un texte dans sa globalité, quelle que soit sa longueur. »

Dans un billet ultérieur, nous traiterons des illustrations sans rapport et des erreurs de français qui perturbent la lecture.

8 commentaires:

  1. Pour plagier un dessinateur, c'est dur d'être lu par des cons. Il est vrai aussi que je lis tes billets quand je sais que j'aurai le temps et la concentration necessaires. Et des fois je vais quand même trop vite... les RS n'aident pas non plus à renforcer la capacité de concentration. Tu devrais te mettre aux titres putaclic

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    1. Les titres putaclics ? J'ai essayé mais ce n'est pas mon truc, ça ne sert à rien. On gagne peut-être des lecteurs mais pas forcément la crème !

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  2. Nous avons tous nos antiennes. Certains nous expliquent toute leur détestation de LFI et des gens de gauche plus généralement. D'autres nous racontent leur foi indéfectible dans l'ARN messager ou le nucléaire ou l'aéroport Notre Dame des Landes... Souvent les mêmes. Ils partagent leur point de vue sur les séries vues sur Netflix.

    Nos blogs racontent nos vies, nos retours d'expérience... tout simplement.

    Ce matin, je ne me suis pas contenté d'évoquer du COVID et du nucléaire. Merci pour l'effort intellectuel, en tout cas.

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    1. Je pensais avoir été clair : je citais ton billet pour mettre en avant mes propres travers de lecteur.

      Cela étant, je n'ai pas trop de détestation (sauf sur des points précis) mais je dis surtout qu'ils font des erreurs politiques et font perdre la gauche. C'est un peu le thème principal de mon blog, tout de même. Dans ce billet, j'évoque des erreurs de la gauche, sur trois sujets...

      J'ai parlé beaucoup de Notre Dame des Landes à une époque et je ne le cite plus que parfois (tous les deux ou trois mois) comme exemple d'une erreur politique de la gauche. Je suis dans le thème de mon blog.

      Je ne parle pas de séries (ou alors très peu) dans ce blog.

      Toujours est-il que, dans ce billet, j'explique que les lecteurs ne lisent pas vraiment et je me prends comme exemple en disant ce qu'il y a dans mon ciboulot en lisant un billet d'un confrère.

      Et tu viens donc de faire un commentaire en dehors du sujet principal de mon billet.

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  3. Pour bibi deux pages c'est trop long. Mais j'essaye quand même d'aller jusqu'au bout. Pour les sujets je n'ai pas commenté Hidalgo, même si je trouvait le vélo agréable dans Paris pour allez taffer. Comme je bosse plus et que j'ai quitter le périmètre je m'en mêle pas. Pour nanard j'ai lâcher au second episode mais juste parce que ça m'intéressait pas. Par contre pour tes illustrations je m'élève violemment contre. Elles influencent trop le texte.

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