En salle

22 janvier 2021

Gorce profonde mais sans mépris


Cette fois, j’ai mis un fût de Spatten en perse. C’est une des meilleures bières que j’ai goutées à la pression depuis que j’ai la machin chez moi, achat indispensable compte tenu de la fermeture des bistros qui s’annonce sans doute plus longue que la guérison d’une cirrhose du foie sauf si on trouve un donateur heureusement mort il n’y a pas trop longtemps.

J’aime bien la tireuse de bière à la maison. Mon occupation préférée est de changer le fût, tous les deux jours, en moyenne. Ca dure deux minutes mais c’est à peu près le seul geste qui varie. Et c’est surtout beaucoup moins chiant que l’actualité.

Imaginons que nous ayons un dessinateur de presse un peu connu et surtout parce qu’il travaille dans un des premiers quotidiens du pays qui fassent un croquis où il se moque d’opprimés, de malheureux, de victimes… En temps normal, nous devrions perdre notre temps à en rire mais je mets sur le compte du confinement ou du couvre-feu le fait qu’il faille déclencher une polémique dans les réseaux sociaux comme s’il était subitement devenu mal de se moquer du malheur des autres ! On pourrait desproger et dire qu’on peut rire de tout mais pas avec tout le monde mais ce n’est même plus le cas. Enfin si, mais il reste peu de monde, surtout dans la gauche française. Vous savez, tous ces qui « étaient charlie » encore à l’occasion du procès suite aux attentats de 2015, il y a très longtemps (je veux dire : en début de mois). Là ! Ils appellent à la censure et défendent un journal qui, comme on l’a cru (ce n’est en fait pas vrai), a supprimé une caricature.

C’est à pleurer, d’autant qu’il s’agit des mêmes gens qui, il y a une autre éternité (dix jours, à cette échelle), hurlaient contre Facebook et Twitter qui avaient bloqué les comptes de Trump au prétexte qu’il risquait de les utiliser pour lancer un appel à l’insurrection armée ou un truc rigolo comme ça et je me faisais engueuler, par les mêmes, parce que je soutenais des grands groupes privés qui respectent la loi et on bien le droit d’autoriser ou non des gens à dire des conneries chez eux, tout comme un patron de bistro a le droit de virer les braillards de chez lui.

Enfin, avait le droit quand il avait le droit de les faire rentrer…

 

Ce pauvre Gorce n’a néanmoins ce qu’il mérite. C’est-à-dire pas grand-chose au point d’avoir un geste d’honneur : celui de démissionner de la serpillière de référence, à un point que Plantu, la référence du dessin de presse (pas drôle mais un dessin n’est pas toujours là pour faire rire). Ce pauvre Gorce, disais-je, c’est fait traiter de libéral par des imbéciles qui pensaient justifier ainsi les malheurs (qui ne lui arrivaient pas). Ce faire traiter de libéral par des lascars qui défendent la censure tout en luttant officiellement contre ne manque pas de charme !

Le deuxième grief qui est lui ai fait est de ne pas être drôle. Ca ne se discute sans doute pas. Ses dessins me faisaient presque toujours sourire. Pour vous dire à quel point je suis ouvert sur l’humour de gauche, je vous invite à écouter le billet du matin d’une radio de service public d’un comique troupier (qu’est qu’on pouvait trouver de drôles aux Deschiens ?) : François Morel. « L’humour et la nuance ». Je vais citer la conclusion. Deux points : « Que Le Monde s’excuse publiquement d’un dessin de Xavier Gorce sans même contacter le dessinateur me paraît indéfendable. Que le dessin de Xavier Gorce ne soit pas son meilleur, c’est possible. Que Xavier Gorce n’ait pas réussi à joindre la nuance à un dessin d’humour  ne fait sûrement pas de lui un abjecte défenseur de la pédophilie, méprisant les victimes, comme on peut le lire sur les réseaux sociaux par la cohorte des vengeurs masqués, des justiciers sans foi ni loi, bavant de haine.

J’ai laissé toute la place ce matin à la nuance. L’humour n’est pas loin. Il vous embrasse. »

 

Le troisième grief contre ce pauvre Xavier est : il faisait du mépris de classe. C’est à la mode mais comme la gauche à abandonné la lutte des classes, on peut en rigoler. Les gens aiment bien dire « c’est du mépris de classe » dès qu’on se fout de la gueule des gens qui ne gagnent pas la moitié de votre salaire. Pas du tout ! Comme on ne peut rire que du malheur des autres, on ne peut que rigoler de leur pauvreté. CQFD, non ? Rien n’empêche celui qui parle de mépris de classe en gagnant 4000 euros par mois à propos d’un type qui en gagne de 2000 qui se fout de la gueule des smicards. Je gagne plus de 4000 et je méprise ceux à 2000 qui ont regardé les hommages à Bacri que j’aimais bien par ailleurs. Le type qui utilise l’expression « mépris de classe » fait partie d’une classe supérieure et se sent obligé de défendre les pauvres ou un truc comme ça. Je vous laisse trouver la solution. Je n’aime ni les riches, ni les pauvres, sauf s’ils sont patrons de bistros (ouverts).

Néanmoins, plutôt que de jouer la commisération ou la pitié voire les pléonasmes, les gauchistes devraient réfléchir à la parole des pingouins qui traitaient les gilets jaunes d’abrutis (ce sont ses propos ou, du moins, ce qu’il dit dans le dessin servant lamentablement d’illustration à ce billet de chiotte). Pour ce dessin (et d’autres du même tonneau ce qui me fait penser à mon fût de Spatten), Gorce s’est fait taper dessus par tous les néogauchistes en culotte de laine : il méprise le peuple.

Pas du tout. Tout au plus, il critique des gens qui viennent faire chier dans des ronds points avec des revendications (tout à fait justifiées, la question n’est pas là), indépendamment de toutes les structures démocratiques que l’on pourrait mettre en place, genre voter, adhérer à un parti, militer dans un parti, participer à débats publics… Vous me direz que ça ne sert à rien et qu’il vaut mieux bloquer un rond point pour obtenir une baisse du gazole mais on voit assez peu de lascars bloquer les véhicules pour obtenir du financement pour l’hôpital public. D’ailleurs, j’ai assez chié sur les imbéciles qui se mettaient à claquer des mains à 20 heures sur leurs balcons lors du premier confinement.

 

Un type de gauche devrait donc se poser des questions à propos de ce nouveau type de militantisme à gilet, de l’abandon de la politique et donc de l’inutilité de lui-même à part pour espérer récupérer les voix de ces braves gens avant que l’extrême droite ne le fasse.

Et en ce sens, Xavier Gorce est salvateur. En plus d’être parfaitement républicain contrairement à beaucoup de mes copains qui ont perdu leurs valeurs !

 

D’ailleurs, j’ai une copine qui a dit dans Facebook, un truc du genre : « Gorce n’est pas drôle, il est comme Dieudonné ». Elle se trompe, Dieudonné est parfois très drôle mais il est raciste et tient des propos formellement interdits par la loi, notamment en faisant de l’incitation à la haine raciale. Quand on en arrive à tout mélanger ainsi, on ferait mieux de prendre quelques cachets plutôt que de se draper d’un lange de défenseur des minorités et des victimes (en l’occurrence des trans et des violé.e.s inclusifs). Je sais que le viol, c'est mal, et que la transexualité n'est pas facile à vivre. Je préfère néanmoins en rigoler que de comparer tout le monde à une graine de facho et de rendre légitime une censure. Sinon, on va tous mourrir, hein...

 

Cela étant, il y a Tintin à la télé ce soir et j’ai un fût de Spatten à poursuivre (en justice, sans doute).a

 

13 commentaires:

  1. Libre à chacun de regarder le dessin de Xavier Gorce. Libre à Xavier Gorce de dessiner ce qu'il veut. Bô billet, évidemment.

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  2. « Cette fois, j’ai mis un fût de Spatten en perse »

    J'espère que ces salauds d'Iraniens ne vous boiront pas tout…

    (Bon, je retourne lire.)

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    1. Sont pas musulmans, ces cons là ?

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    2. Si, bien sûr. Mais enfin, en envoyant votre tonneau en Perse, vous les tentez vraiment trop…

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    3. En plus, c'est de la bière pro-sion ! Ca va les énerver.

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  3. La liberté d'expression est désormais une relique des temps anciens. Elle reviendra probablement un jour… mais je crains que ce ne soit pas de notre vivant : on est face à une "tendance lourde".

    Et plus cette liberté se réduira, plus les lambeaux qui en subsistent encore feront hurler d'indignation ceux qui n'aspirent qu'à la voir disparaître complètement.

    L'Occident en phase terminale n'est vraiment pas une chose bien ragoûtante à contempler, j'vous l'dis, moué !

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    1. Vous allez finir réactionnaire, là ! D'ailleurs, je ne sais même pas si vous avez le droit de dire tout ça, par les temps qui courent...

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    2. Le procureur de la République qui vient de débarquer à la maison me confirme que, en effet, je n'en avais pas le droit.

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    3. Il rapide ! Moins de 20 minutes entre ma dénonciation et l'intervention...

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    4. C'est ça, une société de progrès !

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  4. Bientôt votre kiosquier vous fera signer une décharge ou une connerie du genre CGU ou "j'accepte les conditions machin" quand vous achèterez votre canard.

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