17 août 2016

Le fond contre l'indignation

Fond très visité
J'aime bien le dernier billet de Sarkofrance même si le titre semble une incitation à inviter Alain Juppé à un Kremlin des Blogs. Je vais en résumer une partie. D'une part, même si on est opposé au maire de Bordeaux, il est sans conteste une personnalité sérieuse et l'on peut déplorer sa quasi disparition des écrans. D'autre part, on est représenté par des guignols et on peut se demander si on n'en est pas un peu responsable.

Il le dit lui-même en une phrase : « Sarkozy et Le Pen sont nos Trump nationaux. Juppé incarne une droite qui sait d’où elle vient et qui s’incarne dans la démocratie. » C'est sur notre part de responsabilité que je voudrais rebondir aujourd'hui, notamment sur cette partie du billet de Juan : « Pour finir par comprendre qu’on est un peu responsable. Collectivement responsable. A force de discréditer les élus, de brailler au « yaka-fo-kon », de laisser les élus faire n’importe quoi, de réélire ceux qui devraient disparaître, etc. » Je ne sais même pas ce qu'il veut dire, d'ailleurs, ce qui est assez rigolo (il cite un article en anglais et il est hors de question que je le lise).

« On » est un peu responsable, donc. Je ne sais pas qui est ce « on ». Sans doute nous autres, observateurs attentifs de la vie politique, de plus en plus responsable, peut-être, au fil que notre « influence » croît dans les réseaux sociaux. Moi-même, avec mes 5000 followers dont 4900 en état de mort cérébrale, je ne me sens plus pisser.

Je lisais récemment deux proches ou ex-proches (Rosselin et Vogelsong) qui se lamentaient que le débat politique d'aujourd'hui portait sur le burqini et pas sur des sujets plus sérieux, et ils ont raison, mais j'ai le regret de leur confirmer que l'élection présidentielle se fera sur ce genre de sujet. Je lisais aussi un proche mais de droite, Falconhill, qui ironisait de la candidature de Benoît Hamon à la primaire de gauche. Il disait, en gros : « pourquoi pas ? Nous on a bien Morano et Lefebvre. » Notons que j'aime bien Frédéric Lefebvre et Hamon. J'ai beaucoup critiqué le positionnement du dernier mais ça n'empêche pas. Quant à Lefebvre, je ne pouvais le piffer quand il était porte-flingue de Sarko mais, depuis qu'il a récupérer sa liberté, il tient des positions beaucoup plus sages. Il n'empêche que ces trois lascars, même s'ils ont toute leur place dans le débat politique national, n'ont rien à foutre dans des primaires qui vont nous occuper pour rien. Mais on continuera à en faire des tweets et on oubliera le fond.

Qu'est-ce que le fond ? Je vais prendre quelques exemples. Deux seulement, nous sommes en vacances.

La brasserie du centre commercial le 14 juillet.

On a tous entendu parler de l'histoire : le patron a refusé d'ouvrir son commerce le 14 juillet alors il a été « condamné » à verser une grosse indemnité au taulier. Evidemment, tous les twittos de gauche ont réagi : bon dieu, les fumiers obligent les gens à travailler les jours fériés alors qu'ils ne le veulent pas.

Vas-y que je te fasse pleurer dans la chaumières (équipées en wifi pour recevoir Twitter). Vive la plus forte indignation !

Il n'empêche que, pour revenir au fond, ce patron avait un contrat de location qui l'oblige à respecter une espèce de règlement intérieur fixant des horaires d'ouvertures définis par la majorité des locataires avec un poids proportionnel à leur taille (donc les grands commerces, intéressés par l'ouverture les jours fériés ont presque tous les droits), et que ce contrat lui permet de gagner un tas de pognon en tant que patron. S'il décide de ne pas le respecter, c'est normal qu'il soit condamné à des indemnités (qu'il ne paiera par ailleurs probablement pas vu que son bail avait déjà été résilié). S'indigner ne sert à rien (et voir des gens de gauche soutenir un patron qui ne respecte pas ses engagements ne me plait pas).

On pourrait discourir sur les dommages collatéraux, notamment les salariés de ce patron qui sont obligés de travailler un jour férié... mais, de toute manière, dans la restauration, ils sont obligés de le faire si le patron le décide. Donc, si le patron a prévu le contraire dans le contrat de travail, c'est qu'il a fait un contrat de travail contraire au droit du même nom et qu'il a menti. Ne le soutenons pas.

On a d'autre chat à sodomiser : par exemple, ne faudrait-il pas une loi qui empêche une entreprise privée (en l'occurrence le GIE gérant le centre commercial) à imposer des conditions de travail à une boite qui n'est ni un fournisseur ni un client, si les risques correspondants ne sont pas détaillés explicitement dans le contrat (en l'occurrence celui de location) liant les deux entreprises ? Ce n'est qu'un exemple, je n'y connais rien. Mon côté libéral de gauche aurait tendance à privilégier cette piste : le contrat est important et la loi doit se limiter à dire ce que les contrats peuvent prévoir pour protéger les plus faibles et tout ça.

La loi travail.

C'est le deuxième exemple, essaie de suivre. Et ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit. Je n'ai jamais défendu cette loi, j'en ai critiqué des volets et je crois bien être le premier blogueur un tantinet connu (rappelons qu'aucun de mes billets ne reçoit moins de 300 lecteurs) à avoir titré sur « la loi connerie ». Même pas honte.

Je ne vais d'ailleurs pas rouvrir le débat, la loi est passée. Toujours est-il que, en 140 caractères ou en 10000, l'indignation a bien fonctionné à gauche, on a crié au recul des acquis sociaux et tout ça, ce qui a permis d'éluder la discussion sur le fond. Par exemple, on a un chômage de masse installé depuis 40 ans, ne faut-il pas s'interroger sur la structure du travail en France ? Ou, compte tenu du nombre de gens qui perdent un peu de protection avec ce machin et qui, de toute manière, sont acquis à la gauche, n'aurait-on pas intérêt à s'occuper des autres ? Ou, vu l'évolution du marché du travail, avec la baisse annoncée du salariat au profit, soit de rien (la baisse du travail...), soit d'autres formes de travail (l'intermittence, l'autoentreprenariat,...), ne pourrait-on pas penser dès à présent à l'après ? Ou, finalement, dans notre monde qui bouge, ne pourrait-on pas s'accorder pour ce que le droit du travail se concentre sur l'essentiel : les conditions de travail et la durée de ce dernier ?

Le fond contre l'indignation.

Tiens ! Je vais reparler de burkini. On a un débat avec quelques volets nauséabonds, fleurant l'islamophobie et ces genres de trucs. Pour peu qu'on oblige les homosexuel à mettre des burqinis, on aura en plus de l'homophobie (mais on rigolerait bien). On s'indigne dans tous les sens. C'est amusant. Mais au nom de cette indignation, peut-on laisser une grande plume de gauche expliquer que le burqini est un vêtement normal ? Ne devrait-on pas s'indigner en lisant ce genre de propos ? Peut-on tolérer qu'un clampin coupe court à toute discussion avec ce type de prose ?

Quel est l'impact sur les électeurs qui voient ce genre de polémiques reprises par la presse ? N'est-ce pas un appel direct au populisme, à celui qui va dire n'importe quoi mais qui le dira mieux que les autres ?

N'est-ce pas aussi de notre responsabilité de recentrer le débat, de laisser les spécialistes s'exprimer, de tenter, en tant que généralistes, de faire une synthèse sérieuse ?

A vous de voir...




9 commentaires:

  1. ça fait des années que je considère Plenel comme le roi des cons (et un peu taupe duFN) et il me conforte chaque jour dans cette opinion
    je n'ouvre même plus merdiapart

    RépondreSupprimer
  2. Le burki, burquini, provoque-t-il une polémique anodine et inintéressante ? On en parle depuis longtemps Je viens d'entendre le doucereux Jean Beaubérot, "sociologue de la laïcité", hommes de tous les combats islamo-gauchistes, reprendre les arguments qu'il utilisait déjà pour s'élever contre l'interdiction du port du voile à l'école et de la burka dans la rue. Stigmatisation, petit bout de tissu inoffensif, tolérance, islamophobie et blablaba....
    Si on arrêtait un peu la rigolade avec les islamistes ? Parce que le port de ce vêtement est bien entendu de la provocation islamiste. Si on arrêtait ces petits tours de valse, ou ces combats de je m'avance, tu m'esquives, tu te sers de ma force pour mieux m'immobiliser grâce à une super prise et tu te fiches de moi par dessus le marché ? Les islamistes sont friands de ce genre de situations, pourquoi les alimenter ?
    On a interdit le voile à l'école et dans les services publics, parfait.
    On a interdit le visage masqué dans la rue, parfait aussi. Maintenant, il vaudrait mieux passer aux choses sérieuses que s'épuiser dans ce genre de guéguerre au-dessous de... comment dire, du peuple français, de la république, des valeurs de gauche et de la patience de tous ceux qui s'irritent des joyeusetés de cette religion-qu'il-ne-faut-pas-stigmatiser.

    L'islamisme à la française, soutenu par ses idiots utiles et ses intellectuels de gauche, c'est de la guerre d'usure et d'occupation, c'est l'application des recommandations de types comme Tariq Ramadan et de ses sigisbées dans le meilleur des cas, de "savants" islamistes dont on sait ce qu'ils prêchent en matière d'antisémitisme, d'homophobie et de sexisme dans d'autres cas hélas encore trop fréquents, c'est du grignotage permanent de tout ce qui touche à la mixité dans l'espace public et de l'égalité hommes femmes, pour ne parler que de cela.
    Gageons qu'à la prochaine rentrée scolaire, nous aurons encore des problèmes de filles avec des bandeaux dans les cheveux style: ben quoi, un bandeau de trois centimètres de large, c'est un accessoire de coiffure surtout s'il est rouge ou vert, mais même s'il est noir, oui mais s'il fait quatre centimètres aussi, de même s'il en fait sept, huit, dix, et au nom de quoi voudrait-on me demander d'ôter mon bandeau élastique noir qui couvre les trois-quarts de ma tête, et au nom de quelle laïcité déclarerait-on que mon ample robe sombre est un vêtement religieux, alors que la grande jupe de ma voisine ne l'est pas, sous prétexte qu'elle l'assortit à un chemisier qui lui laisse les bras découverts alors que j'associe ma robe brune et mon bandeau noir à un châle, si on n'a même plus le droit de porter un petit châle sur ses épaules, alors moi je demande le soutien du CCIF, hein...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Jean Baubérot, FONDATEUR DE la sociologie de la laïcité, qui s’était prononcé contre l’interdiction du voile à l’école en 2003, prône une laïcité non stigmatisante.
      Même que c'est Libé qui le dit, hein...
      CLIC

      Sinon sur le CCIF, lire le Canard du jour.

      Supprimer
    2. Très bien, l'article du Canard... malgré le jeu de mots atroce, mais bon !

      Supprimer
  3. (suite)

    Bref, c'est une erreur de légiférer sur les fringues, on ferait mieux de passer à des choses plus sérieuses. Comme quoi par exemple ?

    - En se servant des lois déjà existantes, virer tous les imams étrangers qui causent du trouble à l'ordre public en prêchant des trucs racistes, sexistes et antisémites. il y a déjà eu une ébauche de sévérité de la part de ce gouvernement, ne mollissons pas.
    - arrêter d'injecter des millons dans la construction et l'entretien de centres islamiques, on a détourné la loi de 1905 en construisant des tas de mosquées avec l'argent public. On aurait mieux fait de filer ce fric à l'école ou aux centres de loisirs municipaux. Chaque commune qui a financé son ou ses lieux de culte devrait répondre de ce qui s'y passe et ce qui s'y dit.
    - offrir à chaque entreprise, chaque lieu accueillant du public (crèches, maisons de retraite, centres de vacances, etc) la possibilité de calquer son réglement intérieur sur celui de l'Etat, concernant la laïcité. Il y a une injustice flagrante en faveur du religieux dans ce domaine.

    - dans le cadre de la protection de l'enfance, interdire le port du voile et de tout traitement sexiste pour et envers les filles de moins de quinze ou treize ans, en tout cas pour les enfants, et ça où que ce soit, même dans les écoles religieuses.

    Cette dernière proposition me parait la plus importante, c'est celle qui me tient le plus à coeur en tout cas. Nous pourrions interpeller nos députés à ce sujet.

    Et pour ces histoires de burkini, de niqab avec mitaines, le mieux, c'est de s'en moquer. De railler. De pointer du doigt, de photographier, de ridiculiser, de faire des réflexions tout haut si on est présent, d'écrire en se moquant, d'oeuvrer avec les outils qu'on a, au risque de rendre furieux ces connards d'intégristes. Pas de s'abaisser à légiférer là-dessus.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah ben vous êtes en forme !

      Mon précédent billet parlait de burqini. Ici, ce machin n'est qu'un prétexte.

      Supprimer
    2. Par flemme parfois, je rebondis sur ce que l'actualité nauséabonde nous ramène sous les yeux tel le ressac. L'affaire du Burkini est un exemple parmi d'autres.

      Sur l'importance du "vrai" fond, nous sommes d'accord. Mais cela n'intéresse plus grand monde. Donc la question devient: vaut-il mieux tacler l'écume ou tenter de raconter la vague ?

      Supprimer
    3. Mais il faut rebondir, Juan. L'actualité, à la limite, n'est pas le burkini mais le fait qu'on en parle et c'est notre job, à nous autres pauvres blogueurs, d'en parler.

      Et il faut raconter la vague, je vais tenter de le faire ce matin.

      Supprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...