31 mars 2023

Quand la gauche coule (dans la bassine ?)

 


Dans Facebook, hier, François Ruffin, que j’aime bien, a raconté une « belle histoire », tel qu’il sait le faire, comme quand il avait évoqué les femmes de ménages de l’Assemblée Nationale. Il s’agissait d’une conversation qu’il avait eue avec la pâtissière d’un supermarché qui bossait six jours sur sept, du mardi au dimanche, se levant à 3h45 et rentrant à 11h. Il ajoute : « Des salariés m’avaient déjà raconté ça, six jours, dans l’entretien, chez les auxiliaires de vie, mais je regardais ça comme des anomalies. Je me disais : « C’est parce qu’elles sont multi-contrats », ou un truc comme ça. » Le droit du travail prévoit deux jours de repos par semaine et il ajoute que les contournements ont lieu depuis la loi El Khomri.

Il y a quelques jours, j’avais lu un autre récit dans Twitter, cette fois. Une personne y parlait d’une autre dont le patron lui mettait la pression pour le pousser à démissionner. Un lascar s’est alors époumonné : « il faut appeler un chat un chat, on appelle ça du harcèlement ».

 


La gauche radicale fait une double erreur, à peu près systématiquement. Tout d’abord, elle s’imagine que le droit du travail s’applique partout de manière presque uniforme alors qu’une grande partie des salariés travaillent pour des petites entreprises. La fréquentation des bistros devrait être obligatoire. D’une part, les salariés de ces établissements ont un lointain rapport avec la loi. D’autre part, on y rencontre des faunes diverses… Par exemple, la semaine dernière, il était impossible de trouver du gazole en Centre Bretagne. Une partie des types dont le métier est de conduire un poids lourd, soit à leur compte, soit pour des petites boites, n’étaient tout simplement pas payés. C’est immoral mais c’est ainsi. Vous pouvez négocier mais quand un patron te dit « tu ne peux pas travailler, je ne te paye pas et tu as de la chance que je ne te licencie pas », tu as tendance à fermer ta gueule.

François Ruffin parle « d’anomalie » mais il serait intéressant de voir la proportion de la population concernée. Il y a le cas des gens qui ont plusieurs employeurs. J’évoquais l’autre jour un copain qui était musicien pour l’opéra et donnait des cours de musiques à des mômes. Je ne suis pas persuadé qu’entre les concerts, les répétitions et les leçons, il puisse bien s’assurer deux jours de repos hebdomadaire.

Dans les bistros, vous voyez des barmans ou serveurs qui travaillent de midi à, au mieux, vingt-trois heures, cinq jours sur sept. Un jour, il faudrait calculer combien ça fait d’heures de travail en tout, même en enlevant une ou deux heures de repos (à prendre forcément sur place à moins d’habiter à côté).

Quand j’étais consultant, je parcourais la France, partant de chez moi à 5h30 pour aller à Orly et rentrant à 21h… J’avais évidemment un salaire qui me permettait de ne pas être trop regardant mais, tout de même, mon employeur de l’époque était-il franchement préoccupé par les conditions de travail. Je parle beaucoup de bistros mais c’est le boulot typique où les patrons peuvent mettre de la pression sur les salariés (les harceler !) afin de les pousser à la démission. Regardez autour de vous…

 


La deuxième erreur en découle et est relative à la communication. A l’occasion des lois travail, sous Hollande, une large partie de la population ne pouvait pas se sentir concernée par une partie des textes. La lutte paraissait alors comme une lutte de privilégiés, de gens qui ont un Comité d’Entreprise important. C’est comme la lutte contre la réforme des retraites. La plupart de ceux qu’on entend parler ont déjà beaucoup de privilèges dans l’esprit des autres.

Vous ajoutez cela à d’autres petites erreurs comme celle de faire parler des lycées qui passent pour ridicule auprès des gens qui en chient au taf ou de n’avoir que l’âge de la retraite et pas la durée de cotisation… Et je passe le débat sur la pénibilité. Quel sera le ressenti du serveur qui officie 11 heures par jour quand le permanent d’un syndicat va lui expliquer que bosser 7h par jour sur un chantier est plus pénible ?

 

Je parlais récemment des « bassines ». J’avais bien une opinion (genre : ça ne doit quand même pas être très bon pour l’environnement) tout en précisant que je n’y connaissais pas assez pour juger. D’ailleurs, quel est l’impact des propos des incompétents sur le grand public ? Comme Madame Rousseau qui parle des entrecôtes au barbecue. La rumeur ajoute une couche. Hier ou avant-hier, l’information – erronée – sur le fait que le GIEC soutenait les bassines circulait.

Vous entendez quoi au comptoir, de la part de paysans. Voila, c’est simple : « mais qu’est-ce qu’ils nous font chier ces cons ? Ils préfèrent s’attaquer à nous – qui bossons avec une retraite dérisoire à la clé – plutôt qu’à ceux qui ont des piscines privées, représentant un volume d’eau largement supérieur ? »

 


La CGT vient de nommer à sa tête Sophie Binet (c’est un cas, Binet, comme disait l’autre). C’est surement une femme parfaitement respectable. D’ailleurs, elle était Conseillère principale d’éducation. Autant dire qu’elle ne connait sans doute pas le travail dans le secteur privé, qu’elle ne connait pas le monde ouvrier, qu’elle a été salariée protégée une partie de sa vie.

Il y a trente ans, le patron de la CGT était très drôle et c’était un ancien résistant, ancien déporté… et ouvrier métallurgiste. Il avait pris la suite d’un autre ancien déporté, un cheminot.

Elle n'aura aucune crédibilité pour suivre le moustachu. Mais je vais passer pour machiste.

Youpi ! Faisons un apéro convivial et sauvons les travailleurs.

13 commentaires:

  1. « Il y a trente ans, le patron de la CGT était très drôle et c’était un ancien résistant, ancien déporté… et ouvrier métallurgiste »

    Trente ans, cela nous mène vers 1993, soit environ un demi-siècle après la Seconde Guerre. Ce qui fait que, d'après cela, le patron de la CGT devait avoir pas loin de 80 piges…

    Quant au "passé ouvrier" des apparatchiks du PCF, et donc de la CGT, en ces époques-là, il ne doit plus y avoir que vous pour pouvoir en parler sans éclater de rire !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Krazucki avait 20 ans à la fin de la guerre et donc 70 ans quand il a pris sa retraite.

      Et je ne parle pas spécialement de son passé ouvrier ni même de celui de Seguy (qui devait être fonctionnaire ou assimilé) mais plutôt du manque de passé de Binet.

      Supprimer
  2. Et puis, voyez comme le hasard fait mal les choses : c'est au moment où la CGT passe sous la coupe d'une bonne femme que la camarade Élodie J. choisit d'aller s'enrégimenter à la CFDT, dirigée par un mâle blanc de plus de cinquante ans !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Arrêtez de suivre le twitter de Mlle Lolo ! Elle raconte aussi des bêtises dans FB.

      Supprimer
    2. Ben comme dans Twitter.

      Supprimer
  3. ( des BARMEN, pas des BARMANS!)
    Mme Rousseau, que personne ne connaissait, a adopté la technique bien connue conconsistant à dire volontairement des grosses conneries ; maintenant que c'est gagné ( la preuve: vous en parlez dans votre billet, alors que vous ignoriez son existence il y a 2 ans), elle peut se permettre de dire ce qu' elle pense ( pour l'instant, ce n'est pas terrible ).

    RépondreSupprimer
  4. Bien ce billet. Que je lis après avoir laché sur Twitter face à des gens qui pensent que la France insoumise est un parti de droite (c'est dire).

    Deux réactions pas forcément sur le fond. Ruffin est un des rares pour qui j'ai du respect à LFI. Je trouve qu'il a un sens politique, une dignité que beaucoup n'ont pas (et il a écrit sur le football un très bon livre :) ).
    Et la CGT a élu à sa tête la responsable de la branche cadre ingénieur de la CGT (et il y en a qui sont très brillants). Je ne sais pas quoi en penser. Ca changera de monsieur moustache.

    Sur le droit du travail en tous cas, tu as raison. Le fond et la forme... (d'ailleurs les 35 h et les RTT sont une chimère pour les salariés de TPE, et ne parlons pas des artisans, des entrepreneurs (salaud de riches) ou des cadres comme nous)

    RépondreSupprimer
  5. C'est pas important que tu ne me publies pas, mais ça peut t'intéresser :

    Qu'est qu'on en sait des bassines ?
    De plus en plus quand on veut bien s'y intéresser :

    "Le BRGM reconnaît ne pas avoir pris en compte les risques d'évaporation de l'eau depuis les réserves – ce que lui reproche les opposants aux bassines – ni les évolutions climatiques et qu'il serait "important" de le faire. Il est en train de mettre à jour ses données pour pouvoir éventuellement faire de nouvelles simulations qui pourront inclure les années 2010 à 2020 et le changement climatique.
    ...
    "Le bureau pointe un autre enjeu de ces bassines : elles ne pourront pas être remplies en hiver si le niveau des nappes phréatiques est trop bas, sauf que "la récurrence de périodes de sécheresse hivernales pourrait conduire, de manière répétée, à des niveaux de nappes inférieurs aux seuils réglementaires, compromettants le remplissage des réserves certaines années"."
    ...
    "Enfin, les simulations du BRGM ne répondent pas à l'argument central des opposants aux bassines : la question de l'accaparement de l'eau par quelques agriculteurs."

    France Info "le vrai du faux du 28 mars "

    Hélène

    RépondreSupprimer
  6. Quant à l'autre partie de ton billet je partage totalement ton avis

    Re-Hélène

    RépondreSupprimer
  7. Il y a encore l'abruti Arié qui a commenté ici en plaçant une banalité affligeante mais il a aussi tenter de signaler une de mes fautes d'orthographe. Ce n'est pas la peine d'en rajouter, j'en fais assez tout seul. Le pluriel de barman est bien barmans et pas barmen, ce que confirme n'importe quel dictionnaire, tout comme le pluriel de scénario est bien scénarios et pas scénarii. Généralement, les types qui critiquent l'orthographe des mots étrangers francisés sont de vrais trous-du-cul.

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux. On ne va pas reprocher à un journal de ne pas publier tous les courriers des lecteurs...