21 mai 2023

Lire Dray et refonder la gauche

 


Je vous conseille chaleureusement la lecture de cette interview de Julien Dray avec laquelle je suis totalement d’accord (sauf sur la dotation de 50 000 euros aux jeunes). Je ne vais pas vous le résumer. Débrouillez-vous. Ce qui n’est pas facile, il évoque différents sujets. J’m’vais commencer par revenir sur un paragraphe :

« Jean-Luc Mélenchon n’est pas dans une logique de rassemblement, mais de sommation sur le reste de la gauche. La France insoumise serait la pureté, et ceux qui ne les suivent pas sont potentiellement des traîtres. Il a réussi la petite union de la gauche, pas la grande, parce que, au fond de lui, il n’a pas envie de conquérir le pouvoir. Une gauche unie avec seulement 26 %, cela lui convient parfaitement : ce serait une forme de pureté mais qui resterait toujours minoritaire. »

J’ai moi-même une certaine pureté mais je n’avais jamais abordé cet aspect : Mélenchon n’a pas envie du pouvoir. Il n’empêche que Juju a parfaitement raison : la gauche française telle qu’est est architecturée, à savoir une LFI majoritaire au sein d’une Nupes, ne peut pas dépasser 26%. Or, pour gouverner, l’histoire a montré que la gauche devait avoir au moins 40% des électeurs qui la suivent (au premier tour d’une élection nationale. C’est le minimum : celui obtenu à la présidentielle de 2012, montant à 47% pour les législatives).

En 10 ans, donc, la gauche non extrême est passée de 46,77 à 29,36 (dont 25,66 pour la Nupes). La question n’est plus de savoir pourquoi : les divisions sont trop fortes, à gauche, pour que l’on puisse trouver un compromis, certains continueront à critiquer la politique menée du temps d’Hollande et les autres un trop fort radicalisme…

 

Si la question n’est pas de savoir pourquoi, il faut bien reconnaître que la stratégie Nupes à la sauce Méluche est un échec (même si elle a permis de sauver quelques meubles par rapport à 2017). Non seulement la conquête du pouvoir ne s’est pas faite mais il faudrait augmenter de 30 ou de 50% le taux de votants pour la gauche.

Voire plus. Pour passer de 26 à 40, il faut bien monter de plus de la moitié…

Parmi les données chiffrées pouvant participer à cet échec, il faut citer l’arrivée d’un ovni, le centre, venu de nulle part et dépassant les 26%. Le système électoral a fait le reste pour expliquer comment un parti centriste peut gouverner avec 26% au premier tour alors qu’il en faut 40 à un parti de gauche. Je me répète : tout cela est factuel.

 

Je considère que je fais partie de ces « 14% » qu’il faudrait aller chercher mais il est absolument hors de question, pourtant que je vote pour la Nupes. Ne me dites pas que je ne suis pas souple : je n’ai pas voté aux législatives pour une raison simple, c’est qu’il était sûr que l’élu de ma circonscription serait Nupes. Et chacune des personnes de gauche n’ayant pas voté Nupes a ses raisons… Il faudra bien des concessions de la Nupes, donc de LFI, pour sortir de ces 26%. C’est encore une fois purement factuel.

La première concession est d’admettre qu’on est mal barré. La seconde sera de lire Julien Dray : « Le défi pour la gauche n’est pas seulement de faire l’union ou un programme clefs en main, mais d’avoir l’ambition conséquente d’un Conseil national de la résistance, avec un projet limité, qui ne promette pas de tout changer mais qui fixe des priorités vitales pour remettre le pays sur pied et corriger cette société qui a continué à se déliter sous Emmanuel Macron. »

Rappelons que le CNR fut un groupe de lascars en désaccord qui ont tout de même travailler ensemble pour nous sortir de la mouise.

 

Mes « 14% » n’en font pas moins que je devrai être dans l’électorat du PS. « Je suis en colère contre la direction actuelle du PS dont je ne connais toujours pas la position réelle sur la montée des violences dans la société par exemple, sur la maîtrise des flux migratoires par la défense de quotas, sur la montée de l’islamisme radical antisémite, ou même sur la VIe République. Le PS brille surtout par ses impensés. Si ce travail intellectuel avait été fait, le PS serait redevenu le centre de gravité de la gauche et le débat avec Jean-Luc Mélenchon aurait été bien différent. » Ce n’est, encore une fois, qu’un extrait de ce que dis Julien Dray et je suis parfaitement d’accord, encore une fois. Que le PS redevienne le centre de gravité de la gauche n’est pas mon propos aujourd’hui (je le pense pourtant nécessaire au sens où la victoire ne peut être qu’au centre).

Mais il y a bien un tas de sujets sur lesquels le PS doit clarifier ses positions et sur lesquels il ne peut pas y avoir de concession. J’en ajouterais bien quelques-uns à ceux de Dray (l’Europe, le nucléaire, l’évolution du monde du travail…) mais pourrait-on avoir une liste satisfaisant tout le monde ?

 

Mes copains de gauche défenseur de la Nupes sont concentrés sur le programme. Quel doit être le niveau du SMIC ? Quel doit être l’âge de départ en retraite ? Comment devons-nous avancer dans le développement des énergies renouvelables ? J’en passe : il y avait 600 points, je crois, au catalogue « l’Avenir en commun », programme de LFI et base de la Nupes. Mais on s’en fout. L’ami Julien Dray met dans la balance une bourse de 50 000 euros pour les jeunes et je ne suis pas d’accord. Peu importe.

D’ailleurs, j’ai mis d’emblée le nucléaire. Je veux bien discuter de tout. Des 50000 balles à la manière avec laquelle on pulvérise nos atomes. Par contre, je ne voterai pas pour un parti opposé au maintien de l’investissement dans le nucléaire tant qu’on n’a pas un autre mode d’approvisionnement en énergie. Mais je ne peux pas en vouloir à ceux qui ne sont pas sur la même longueur d’onde car on ne peut pas être d’accord sur tout si on veut une majorité.

 

C’est pour cela qu’il faut que les partis politiques se positionnent sur les grands sujets et qu’il faut arrêter d’avoir une hégémonie de l’un d’entre eux. Et, en fonction de ces grands thèmes, les électeurs pourront trancher, dans les urnes. Il ne faut pas le faire avant. Sinon, le vote devient une sanction. Par contre, si le PS met à son projet les 50000 et la défense du nucléaire, je peux voter pour lui…

Un catalogue de mesures électorales est inutile si des grands choix ne peuvent pas être offert.

 

Non mais sans blague.

Que les partis se mettent au boulot et qu'on arrête ce bordel incessant ! Que diable.

4 commentaires:

  1. On peut dire ce qu'on veut de Juju, mais il fait une parfaite analyse de la situation ! Merci d'avoir partagé son interview.
    Pour les 50 000 € aux jeunes, ça fera le même effet que le revenu universel de Hamon. Donc, non. Ça ne sert à rien de lancer ce genre d'idée, sinon de casser la dynamique d'une gauche socialiste qui doit se reconstruire.
    Signé: un des 14%

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    1. Si on est d'accord sur les 50 000 balles, on ne l'est pas nécessairement sur le revenu universel... Mais on se rejoindre sans doute sur le fait que c'est difficilement vendable (d'ailleurs Hamon en a fait largement les frais).

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  2. J'ai lu, c'est bien. Sur le nucléaire, je partage ton avis (et celui là, je ne suis pas pro du lobby nucléaire, mais si on ne me propose rien d'autre, comme c'est de très loin le mieux qu'on fonce... Enfin pas trop vite, après 40 ans de rien et quelques mandats à tuer la filière, aujourd'hui il faut réapprendre à marcher).

    Après je ne suis pas forcément OK avec ton constat que Mélenchon ne veut pas le pouvoir. Je pense qu'il en rêve, mais pas par les urnes, qu'il lui arrive tout cuit. Par un coup de force.
    Pour moi cet homme et ses affidés sont des Pinochouilles en puissance et des dangers véritables.

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    1. Pour le nucléaire, je me doute...

      Pour Méluche, son défaut est le propre de gauchistes : beaucoup ne veulent pas le pouvoir mais uniquement cheffer dans leur propre camp.

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