15 avril 2022

Des législatives pour éviter le bouillon

Présidente de groupe de gauche

 

Jean-Luc Mélenchon a encore commis une erreur en exigeant que le rapprochement pour les législatives soit fait sur la base de l’avenir en commun. La première raison est évidemment que si ce programme n’a pas permis de gagner une première fois, il n’y a aucune raison qu’il fonctionne à nouveau. Ce n’est pas une question de qualité ou d’efficacité des propositions mais les électeurs ont fait savoir qu’ils n’en voulaient pas.

Par ailleurs, une partie du « peuple de gauche » en veut à Jonluk d’avoir fait une OPA sur la gauche et de se sentir comme le seul représentant d’autant qu’une partie de ces braves gens est écartée d’emblée. Sur les plus de 20% faits au premier tour de la présidentielle, il y en a une partie qui viennent de ce qu’on appelle le vote utile (je n’aime pas cette expression, disons que les gens n’avaient aucune raison de voter pour les autres qui étaient assurés de perdre) et surtout d’une forte mobilisation des abstentionnistes ce qui est évidemment à mettre totalement au crédit du candidat.

Ensuite, quoi qu’on en dise et surtout quoi qu’on souhaite, les élections législatives sont des élections locales : c’est un type qui se présente devant les électeurs de sa circonscription. Prenons un des députés PS un peu connu (c’est facile, à part Faure, il y en a deux : Rabault et Vallaud) : s’il lutte pour un programme « radical », il se rendra ridicule et ne sera pas élu.

 

Heureusement que je ne vote plus à Loudéac !

Je pense, en fait, qu’il ne faut pas d’unité au sens de l’adhésion à un programme en commun : ce n’est pas le but de cette élection. En outre, il ne faut pas oublier que la probabilité de l’emporter est presque nulle et penser le contraire est ridicule (j’ai bien dit « presque nulle » et pas « nulle »). Il faut donc que chaque putatif député fasse campagne sur son nom, en fonction de ce qu’il aura à défendre. Par exemple (caricatural !), si la majorité LREM probable fait un texte d’orientation nucléaire, on pourra difficilement demander à un socialiste de tenir la position de « l’Avenir En Commun ». Il faut être sérieux. Chaque candidat doit présenter les souhaits de son parti (surtout pour bénéficier de la campagne nationale) et ce qui lui sort du cœur.

Point barre.

 

Photo ratée d'un copain ancien député

L’unité doit être faite uniquement sur la base de spécificités locales pour qu’on ait un maximum de députés issus des quatre partis de gauche.

Par exemple (et ce n’est qu’un exemple, désolé de vous prendre du temps), ma circonscription, au cœur de la banlieue rouge, est particulière : il est assez probable que le candidat en tête soit celui de LREM, disons avec 30% devant le candidat LFI et le candidat PCF, tous deux avec 25% (en 2017, ce sont trois gros candidats de gauche qui se partageaient plus de 40% face à un LREM à 30) ! Les trois seront donc potentiellement qualifiés pour le second tour. Ce n’est pas utile que les candidats de gauche soient divisés au point de risquer de ne pas avoir le seuil d’inscrits pour figurer au second tour (et on l’a vu, en 2017, dans la 10ème du Val de Marne, on avait les moyens d’avoir trois des candidats de gauche).

La situation était la suivante : le député sortant avait été élu en 2012 sur la base du soutien qu’il avait affiché à Hollande. Il était (et est toujours) le président du MRC. Il a fini quatrième. Le troisième était le communiste vu que, avant 2012, les députés du coin étaient toujours communistes (Lefort pendant des années puis Gosnat). La deuxième était LFI, Mathilde Panot, finalement élue et actuellement présidente de groupe à l’Assemblée, alors que LFI était arrivé en tête des formations de gauche au premier tour de la présidentielle.

La légitimité des trois n’était pas en cause et ils ne prenaient pas de risque. Au second tour, ils n’ont pas joué. Seule Panot est restée candidate (tout comme, en 2012, le sortant s’était désisté vu qu’il est arrivé second des formations de gauche). Nous sommes dans une logique parfaitement républicaine. Il faut respecter.

Cette année, je suppose que Mathilde Panot sera réélue sans problème, toujours face à un LREM. Il y a de la place à un autre candidat de gauche mais il n’y aurait pas de sens à ce que le PCF et le MRC se présentent tous les deux alors qu’ils ont défendu la même candidature à la présidentielle. Ils doivent donc s’accorder, a priori devant le PCF (vu qu’il est arrivé en tête en 2017). Le PS et EELV doivent avoir l’humilité de ne pas présenter de candidature pour ne pas mettre le processus en risque (même si, par chez nous, il n’y en a pas beaucoup, il y avait même un candidat EELV en 2017).

Il y a donc deux négociations. Tout d’abord, celle entre le PCF et le MRC pour un candidat commun (sur une base proche des propositions de Roussel, visiblement) et, ensuite, celle entre le les deux sans candidatures et les deux avec candidatures…

Ne pas avoir d’unité totale, dans cette circonscription, n’est pas un problème. Un candidat de gauche sera élu parmi les deux (MRC-PCF et LFI) qui seront qualifiés, en plus d’un LREM, pour le second tour (les candidats LR et RN font traditionnellement des scores dérisoires).

 


Je m'excuse à nouveau : cette partie était un peu détaillée mais cela était nécessaire pour montrer ce que doivent être les accords entre partis pour les législatives. Les désistements sont normaux pour garantir une victoire « de notre bord » mais il ne doit en aucun cas y avoir d’accord public sur une base programmatique. Je rappelle d’ailleurs que les accords d’appareil font souvent perdre… Ceux faits en 2012 (entre le PS et EELV) ont bien failli être dramatiques et coûter la victoire à la présidentielle tout en générant des politiques délirantes (comme l’obligation pour Hollande de promettre la fermeture d’une centrale nucléaire, qu’il n’a d’ailleurs pas pu mettre en œuvre, laissant les basses œuvres au président suivant).

Les accords doivent se faire de manière naturelle, pour favoriser, circonscription par circonscription, la victoire d’un des partis de gauche. Il me semble, d’ailleurs, que le désistement pour le second tour est assez bien respecté à gauche (ce qui n’était pas le cas du temps du PCF et de la SFIO !) et que les seules triangulaires, qui permettent souvent de gagner, sont avec un seul des quatre « gros » partis.

 

Mélenchon a donc fait une grosse erreur. Nos politiciens doivent faire de la pédagogie. Par exemple, pour RN, il s’agit de tenter de bâtir une vraie force d’opposition. Pour LFI et PCF, il faut aussi se positionner en opposants, a priori avec deux groupes de tailles similaires (LFI fait beaucoup plus au niveau national mais les implantations locales du PCF sont très fortes). Il reste donc EELV, le PS et LR. Ils ont évidemment intérêt à avoir des groupes forts. Par contre, il me semble que ces trois partis ne doivent pas entrer en conflit direct avec LREM. Je me fous évidemment d’EELV et de LR mais concentrons-nous sur le PS.

 

Je l’ai assez répété mais une partie de LREM est composée de types qui viennent du PS. Après cinq ans d’opposition qui ont mené au score que l’on connait (sans compter l’opposition à Hollande, auparavant), il est temps d'arrêter la caricature systématique générant un « non » idiot à chaque loi ou, du moins, de la faire croire dans le public.

Les députés PS élus grâce au soutien des autres partis de gauche en 2022 ne doivent donc pas entre en conflit avec les députés LREM dont une partie vient de la gauche. Je sais : admettre cela est un peu compliqué pour un esprit binaire. Le PS, et donc, ses députés, doivent prôner, pendant la campagne, une indépendance. Pire, ils doivent même collaborer, dans certains cas, notamment dans les circonscriptions presque acquises à la droite où il serait crétin de se foutre sur la gueule, en espérant, évidemment, un retour. En gros : entre le type du PS et le type de LREM le mieux placé pour l’emporter face à un candidat LR, il faut une entente et, vue de chez nous, elle ne sera pas facile à obtenir vu que LREM n’aura pas nécessairement intérêt à se battre avec LR.

Les marchands d’aspirine ont tout à gagner mais, on verra par la suite ce que cela peut donner : on sait que l’opposition sera mauvaise.

 

Présidente de groupe de gauche

Toute ma publication semble un appel aux magouilles pré-électorales alors qu’il n’en est rien, contrairement à ce que veut Jonluk, à savoir un accord national avec des partis qui se couchent devant lui. J’appelle à un travail au cas par cas, au bon vouloir des instances locales selon les intérêts locaux de la gauche.

S’il doit y avoir un accord national, c’est uniquement pour mettre en place une espèce de structure paritaire qui pourra arbitrer certains conflits, dans la mesure du possible.

Après avoir parlé de ma circonscription pour étudier les cas locaux, je vais en choisir une autre pour détailler à nouveau.

Non, je déconne.


Et n'hésitons pas, non plus, à taper sur la presse qui raconte n'importe quoi et n'explique pas la composition de la classe politique en France. La Voix du Nord, par exemple, reprise par Asko sur France Inter, a expliqué que le Printemps Républicain appelait à voter pour Le Pen ce qui est d'autant plus délirant que le PR s'est prononcé, contrairement à mes souhaits, pour LREM et que le président du PR sera probablement candidat LREM aux législatives.

9 commentaires:

  1. Analyse intéressante, mais tu ne crois pas que JLM parlait plutôt de l'investiture LFI avant le premier tour. Dans ce cas, un-e candidat-e présenté-e par le mouvement devrait forcément soutenir le programme.
    Par ailleurs, il y a plein d'endroits où des accords LFI - PCF devraient pouvoir se faire. Dans le 93, plusieurs députés ont été élus de cette manière la dernière fois, et le score de Mélenchon ne devrait pas remettre ça en cause. Par contre, effectivement, un accord plus large risque d'être plus compliqué, mais certains écologistes pourraient très bien négocier avec LFI.
    Je trouve curieux que tu mettes le PS dans la majorité, mais bon, vu ce qu'il en reste, je ne vais pas chipoter.

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    1. Avoir l'investiture LFI et faire un rapprochement revient à peu près au même. Je n'ai pas dit qu'il y aurait des problèmes. J'ai parlé de ma circonscription parce que je la connais mais ce n'est pas partout pareil.

      Le PS a et aura plus de député que les autres. Je ne le mets pas dans la majorité, je dis qu'il a tort de s'opposer à tout, ça ne fait pas sérieux et après il coule.

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  2. Mais, je l'ai déjà dit, le PS est DÉJÀ à l'Élysée !
    Sinon comment expliquer son score au premier tour ?

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  3. Une grande partie de l'aile droite du PS est partie chez Macron. Elle ne votera jamais pour des gens plus à gauche qu'elle.

    Après tous ces crachats envoyés sur LFI et Mélenchon au cours des 5 dernières années, je pense que la conciliation va être bien compliquée.

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    1. Les crachats, ça va aussi et surtout dans l'autre sens. Et c'est l'une des raisons principales de sa seulement 3ème place.

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    2. Moi, je me souviens d'un temps, pas très loin puisqu'il s'agit de la dernière élection européenne. EELV remporte l'élection (surtout à gauche) et là nous sert le discours qu'ils sont la première force politique à gauche, seule capable de remporter à gauche une élection nationale. Je me rappelle avoir bien rigolé ce jour là. Dimanche, le résultat les ramènent à la réalité et c'est tant mieux.
      Les soumis à JLM feraient bien de se rappeler de ce fait, et il y a d'autres exemples.
      Sinon, je suis assez d'accord sur la problématique PS et LREM, sauf que dans les faits, ça ne marches pas. Tout ces députés qui viennent de la gauche et qui ont osé voté la réforme de l'assurance chômage (un seul exemple suffit) L'AN est une chambre d'enregistrement qui fait oublier à certain toutes leurs convictions. Ca ne peut marcher que par un redécoupage des groupes à l'assemblée, et voter en sa libre conscience. Dans le cas contraire, même avec accord, le PS sera écrasé.
      Et pour finir, c'est évident. Les accords dès le départ, les électeurs n'en veulent pas. Ca brouille le message politique, du coup ca lève les méfiances. A chaque fois, on perd.

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    3. Je pense que les députés de la gauche de LREM gagneraient beaucoup à faire un groupe à part (à conditions de ne pas devenir frondeurs). Je suppose que c'est ce que tu entends par un "rédécoupage des groupes".

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  4. Réponses
    1. De quoi tu parles ?

      Pour mon titre, c'est l'objet de tout le billet. Comment éviter la bérézina...

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