28 avril 2022

Les erreurs d'analyse


 

Dans Facebook, je n’arrête pas de ronchonner contre les erreurs d’analyse des scrutins que l’on peut voir à droite ou à gauche. Dans la vraie vie aussi mais j’y manque beaucoup moins de recul et je sais très bien qu’il m’arrive aussi de raconter des grosses bêtises sur ce sujet soit par oubli de certains faits soit, tout simplement, à cause d’une réflexion grotesque.

Dans ces erreurs d’analyse, il faut aussi intégrer les analyses inutiles. Par exemple, on voit des gens qui expliquent que la gauche peut retrouver une majorité aux législatives et un tas de propos en résultent mais la vérité est que c’est hautement improbable. Ainsi, selon moi, lutter pour le gain de ces élections est inutiles et, ce qu’il faut, c’est préparer l’avenir, être en mesure d’être une force de proposition qui sera prête à revenir aux manettes quand Emmanuel Macron ne pourra plus se présenter. Mes lecteurs réguliers me reconnaissent sûrement facilement : j’ai fait trois ou quatre billets au sujet de la stratégie du PS pour ce scrutin, ça veut bien dire que ça m’énerve…

 


L’erreur d’analyse est souvent provoquée par un refus de voir la vérité en face. Par exemple, il y a un tas de gens qui prétendent maintenant que Macron n’a pas été élu sur son programme mais par rejet de Le Pen. Ils en tirent la conclusion, pour des raisons qui m’échappent, qu’il doit maintenant écouter les électeurs et mener une politique de gauche. Pour un peu, beaucoup de gens relaieraient les appels à manifester… Or, le lascar a fait une campagne sur des thèmes de droite assez forts comme l’âge de la retraite, les conditions d’asile des immigrés et le travail obligatoire des allocataires du RSA. C’est aussi avec ces mesures qu’il a atteint le second tour en siphonnant l’électorat pécressophile. Il a bien été élu grâce à son programme et, à prétendre le contraire, on devrait admettre que François Mitterrand et François Hollande ont été élus surtout pour virer leurs prédécesseurs.

Dans ce billet, je vais beaucoup parler de Macron mais c’est principalement parce que c’est lui la cible actuelle, pour le fond, je m’en fous un peu.

Pour bien enfoncer le clou de l’illégitimité de Macron à appliquer son projet présenté au premier tour, mes camarades font tout pour démontrer qu’il est « mal élu », voire « le président le plus mal élu de la cinquième république ». Objectivement, ça ne veut pas dire grand-chose et, dans notre système, friser les 60% contredit largement ces propos. Il n’empêche, et j’en discutais récemment avec ma consœur et surtout amie Elodie, qu’ils arrivent à faire circuler une infographie (de France Info, le deuxième schéma) voulant démontrer que c’est le président qui a obtenu le plus faible taux par rapport aux inscrits au second tour depuis 1965 (sauf 1969). Chirac, en revanche, serait le mieux élu en 2002. Preuve en est que ça ne veut rien dire vu que Macron a eu presque deux fois plus de bulletins au premier tour que son lointain prédécesseur buveur de bière. On peut sortir des infographies pour démontrer un peu tout…

Parmi les insoumis qui couinent contre la légitimité de l’élection, tous oublient qu’aucun député de ce parti n’a atteint 25% des inscrits lors de son élection       (c’est facile de critiquer les 38 de Macron…).

 


Une grosse erreur que l’on a beaucoup vue pendant la quinzaine, venait d’antimacronistes voulant persuader les autres que Marine Le Pen n’était pas un danger pour la démocratie (je me fous du fond, dans ce billet) vu qu’elle n’aurait pas le pouvoir au parlement. Or il est facile de conquérir l’Assemblée et beaucoup de démonstrations ont tourné à ce sujet. Pour résumer, il suffit qu’elle fasse un referendum pour changer le mode d’élection des députés avec un système qui favorisera son parti et le tour est joué ! Les opposants à cette théorie qui ne veulent pas qu’on trouve un prétexte pour voter Macron expliquaient que la révision de la Constitution nécessite l’accord du parlement en vertu de l’article 89. Sauf que les conditions d’élection dépendent de la loi, pas de la Constitution et, surtout, que l’article 11 permet de faire des referendums à n’importe quel sujet et qu’on peut difficilement expliquer que la décision du peuple est illégale. Surtout par des clowns qui exigent le referendum d’initiative populaire ou citoyenne. Et ils ne savent même pas que la révision de 62 a été faite, par de Gaulle, grâce à cet article (qui a aussi utilisé pour le referendum suivant mais le résultat fut moins glorieux).

A ce propos, d’ailleurs, on pourrait rigoler des motivations pour la mise en place de la sixième république vu que n’importe quel président peut s’asseoir sur une constitution, et heureusement, en sollicitant le peuple. La VIème ne servira donc à rien (ce qui ne veut pas dire que l’on ne pourrait pas améliorer nos pratiques institutionnelles).

 


L’erreur d’analyse est terrifiante quand elle est provoquée par le seul aveuglement. Par exemple, depuis quelques jours, on parle beaucoup de la candidature aux législatives de Taha Bouhafs pour LFI. J’ai été sidéré de voir des copains anciens socdems passé mélenchomaniaques se porter à sa défense alors qu’il parait évident qu’il ne devrait pas être le candidat d’un parti républicain vu qu’il a été condamné en 2021 pour « injure publique à raison de l’origine arabe » sans compter le reste de son CV… C’est d’autant plus une erreur que cela grille encore plus LFI à mes yeux. Les militants gagneraient à dire « cette fois, on arrête de déconner ». Voire à fermer leur gueule.

 

Par les temps qui courent, les erreurs d’analyses tournent beaucoup autour de l’analyse des scrutins et on a entendu n’importe quoi au sujet de la sociologie électorale. Le plus drôle est ceux qui expliquent que les séniors sont des enfoirés de voter pour quelqu’un qui veut augmenter l’âge de la retraite alors qu’ils ne sont plus concernés. Comme si nos ainés n’étaient pas aussi préoccupés par l’avenir de leur descendance, comme s’ils votaient vraiment pour leur gueule et pas pour ce qu’ils croient le mieux pour les autres.

A propos de cette réforme des retraites, on lit aussi n’importe quoi. Les militants en peau de fesse feraient mieux de citer l’introduction du rapport annuel (pdf), voire uniquement le premier paragraphe, qui dit qu’il n’y a aucun problème de retraite jusqu’en 2070 (il y a d’autres sujets intéressants dans ce rapport : par exemple, s’il n’y a pas de problème de financement, c’est parce que les pensions vont moins augmenter que les salaires ce qui est quand même plus préoccupant que le reste). Ainsi, si Macron a sorti cet élément dans son programme, c’est sans doute (je ne suis pas dans ses petits papiers) uniquement pour récolter des voix de droite aux élections mais le moment n’est pas à se taper des manifestations monstres, en plus de celles qui pourraient être provoquées par les gilets pipis. Tout comme faire travailler les allocataires : il faudrait une telle logistique pour les encadrer que cela coûterait la peau des fesses sans compter qu’ils prendraient nécessairement le boulot d’employés normaux…

En matière de sociologie électorale, on lit beaucoup de choses, notamment à propos de ouvriers et des employés qui votent Le Pen majoritairement. Parmi, les lascars qui l’ouvrent, beaucoup oublient souvent de dire que parmi ces employés, il y a les profs et les soignants, donc des fonctionnaires, qui formaient le cœur de l’électorat du Parti Socialiste.

Quant au vote des jeunes pour Jean-Luc Mélenchon, qui est bien réel, il ne doit pas occulter quelques éléments : les jeunes ont souvent voire toujours été des gauchistes, les jeunes finissent par vieillir et, même s’ils ont raison quand ils sont jeunes, ils changeront d’avis avant d’avoir catherinetté. En outre, la bande d’encravatés nécessairement proche du pouvoir est évidemment un repoussoir à notre jeunesse heureuse et festive qui se fait un malin plaisir à conchier les élites autodésignées. Il n’y a aucune raison de passer du temps à analyser cela…

 

Chef de peuple élu ?

La dernière erreur d’analyse dont je voudrais parler est proche de la « Cancel Culture » et consiste à balayer d’un revers de la main les arguments de l’adversaire en lui mettant la honte. Par exemple, l’expression « mépris de classe » est à la mode, depuis quelques temps. Imaginons que je dise : « les employés et ouvriers sont bien cons de voter Le Pen » (c’est un exemple, hein !), aussitôt, je vais me faire houspiller pour « mépris de classe » (alors qu’il n’y a aucun mépris : je considère que des électeurs font des erreurs mais ils font bien ce qu’ils veulent et ça ne me regarde pas). Cela veut dire « le gros se croit supérieur aux pue-la-sueur ». Généralement, ça vient d’insoumis farouche défenseurs de ce qu’ils pensent être la lutte des classes sans se rendre compte qu’ils se voient supérieurs aux autres.

Parler de mépris de classe est bien pratique pour éluder le fond (en l’occurrence, pour mon exemple, le fait que les ouvriers et employés n’ont pas voté pour leurs défenseurs officiels…).

Ca ne sert à rien et c’est contreproductif.

 

Veuillez m’excuser s’il y a des erreurs dans ce billet. Néanmoins, je ne vous ai pas gonflés avec la notion de vote utile bien… utile pour expliquer pourquoi les autres ne votent pas comme on veut.

 

7 commentaires:

  1. Toutes les analyses que tu démontes bien n'ont que deux objectifs d'après moi. Le premier, porté majoritairement par LFi est de pilonner consciencieusement les fondements de la Vème pour aboutir à sa destruction... en se servant d'une hypothétique VIème alors qu'on sait bien que JLM veut détruire cette construction (et le PS) qu'il abhorre. Le deuxième est de n'avoir plus que 3 blocs... donc finis les restes des PS, LR et autres EELV, la bonne vieille tactique du salami chère à la guerre froide.
    et si la sociologie électorale avait du sens, on aurait un bon gros centre... ha ben oui, en fait, on l'a même si il ne dit pas son nom

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    1. Je parle des erreurs d'analyse par des militants, des observateurs, des journalistes... qui n'ont pas spécialement d'intérêts. Quand j'étais dans les équipes numériques de François Hollande, je n'ai jamais relayé une analyse que je ne partageais pas.

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  2. « Le plus drôle est ceux qui expliquent que les séniors sont des enfoirés de voter pour quelqu’un qui veut augmenter l’âge de la retraite alors qu’ils ne sont plus concernés. Comme si nos ainés n’étaient pas aussi préoccupés par l’avenir de leur descendance, comme s’ils votaient vraiment pour leur gueule et pas pour ce qu’ils croient le mieux pour les autres« 

    Une rectification qui était essentielle au milieu de cette montagne de lieux communs entendus pendant la « campagne »

    Hélène

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    1. « au milieu de cette montagne de lieux communs entendus pendant la « campagne » »

      Faudrait savoir : on est à la montagne ou à la campagne ?

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    2. C'est vrai. Il aurait pu parler d'un océan d'imbécilités.

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    3. On est dans des lieux communs à la montagne et à la campagne, mais des lieux très chics sur la côte basque

      Hélène

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