01 août 2014

L'euro, les erreurs et les horreurs

J’apprends grâce à Bembelly que le 1er août 2014 ne génère pas des hommages à vieilles gloires socialistes mais la fin du RIB… Néanmoins, quand je vois les illustrations qu’il donne pour expliquer ça, je me dis que la presse a encore diffusé des infographies pourries sans interroger les types qui bossent dans les moyens de paiement. Du coup, j’ai un rapide tour de la presse et je me rends compte qu’à force de vulgariser, elle en devient presque vulgaire.

Le RIB devient l’IBAN

Le RIB est à la fois le papier que vous donne votre banque (souvent quelques exemplaires sont présents dans les chéquiers) et surtout un identifiant (une série de caractères) qui sera utilisé pour identifier votre banque et votre compte.

L’IBAN est la même chose mais dans une norme européenne, c’est-à-dire commune à tous les pays de la zone euro et plus si affinité.

Pourquoi une norme européenne ? Parce que ce machin est utilisé dans des transactions financières électroniques : il faut que les ordinateurs des banques parlent le même langage pour se comprendre et il faut que tous les terminaux de paiement des commerçants de toute la zone.

Un peu d’histoire (récente)

Nos ancêtres ont dit : il faut une monnaie commune pour tous les pays de l’Europe (enfin presque tous, la question n’est pas là, je ne vais pas détailler toutes les conneries intermédiaires). Ils ont dit : on aura donc cette monnaie commune (ou unique, ne jouons pas sur les mots) et donc les mêmes billets et les mêmes pièces fonctionneront dans tous les pays (et il n’y aura « qu’une seule parité » avec les autres monnaies des méchants non européens)(il faut bien que je stigmatise un peu…).

La première étape, qu’on oublie trop souvent quand on lit des conneries sur l’Europe, a été le 1er janvier 1999 : l’Euro a été créé. On ne l’avait pas dans les poches mais la parité des monnaies des différents pays a été figée et la valeur de l’euro par rapport à elle définie : 1 euro valait 6,55957 francs… Ainsi, qu’on parlait (je dis « on » mais ce sont plutôt les ordinateurs des banques) dans une monnaie quelconque, on pouvait convertir dans la monnaie commune.

La deuxième étape a été l’introduction des pièces et des billets en euros, le 1er janvier 2002. Je ne vais pas en parler, mais ça a été au centre de mon boulot pendant un temps. On pouvait payer, enfin, avec cette monnaie et l’utiliser dans tous les pays de la zone. Elle a été complétée par la suppression de l’ancienne monnaie.

1992, 1999, 2002 : ça peut paraitre long mais le travail, au niveau de l’informatique, a été considérable (je parle de l’informatique parce que c’est mon domaine : n’oublions pas le reste, le cadre juridique, la transformation des machines qui gèrent les pièces et les billets, les caisses enregistreuses, la fabrication des pièces et billets,…).

Surtout, on pouvait payer d’un pays à l’autre avec nos pièces et nos billets, principal bénéfice visible pour le grand public… Et avec nos cartes bancaires. Mais ça, on le faisait déjà avant. Ca marchait toujours et c’était très bien. Ca fonctionnait parce qu’il y avait deux grands acteurs américains, Mastercard et Visa, qui offraient le service…

Mais le reste ? Nos virements, nos TIP, nos chèques et les machins utilisés dans les autres pays : zob, si je puis me permettre.

Il y avait encore des étapes à franchir…

Le SEPA

C’est : « L’Espace unique de paiement en euros, en anglais Single Euro Payments Area (SEPA), est un espace de paiement en euro unifié mis en place par les banques membres de l'EPC ou European Payments Council (Conseil européen des paiements) en réponse à la demande de la Commission européenne. »

Je résume. En gros, la Commission européenne a dit aux banques européennes : démerdez-vous, il faut que les moyens de paiement utilisés pour… les paiements en euros soient les mêmes dans tous les pays. Ses braves gens avec des gros cigares ont fait des tonnes de réunion, des rapports et tout ça (j’ai participé, nananère) pour étudier ce qui se faisait dans tous les pays et conservé ce qui se faisait de mieux dans chaque, puis pour normaliser tout ça.

Je me répète un peu mais nous sommes dans un monde libéral : ce n’est pas la Commission qui a fait tout le travail mais les banques, cadrées par des directives européennes.

Ils ont gardé la carte. Elle fonctionnait déjà partout, à peu près de la même manière mais j’y reviendrai. Elles en ont retenu deux autres : le virement et le prélèvement. A noté que le chèque est passé à l’as. Il était beaucoup utilisé en France mais pas nécessairement ailleurs. On dit souvent que le gouvernement veut tuer le chèque, ce n’est pas exactement cela. Comme il n’est plus aux normes, son coût de traitement est élevé, on peut difficilement lutter contre la fraude.

Par contre, un autre truc assez franchouillard a été retenu : le TIP ou Titre Interbancaire de Paiement, mais il a été mis aux normes européennes. C’est d’ailleurs ce qui inspire ce billet car les infographies de UFC Que Choisir diffusées par l’ami dans son blog sont à peu près fausses, notamment les deux dernières.

La dernière correspond parfaitement aux TIP et aux autorisations de prélèvement que l’on fait auprès de nos fournisseurs récurrents (opérateur téléphonique, EDF,…).

Je ne comprends pas l’erreur d’UFC ! L’infographie précédente ne correspond quasiment à rien, sauf à des trucs qui se passaient dans d’autres pays.

Je résume

Virement : vous demandez à votre banque de transférer une somme d’argent sur un autre compte.
Prélèvement : vous autorisez un tiers à effectuer un prélèvement sur votre compte.
Carte bancaire : vous savez très bien ce dont il s’agit, je voulais simplement rappeler les trois moyens de paiement scripturaux « universels » dans la zone euro.

Je n’ai pas tout dit sur la carte mais comme elle fonctionnait déjà, les banques se sont concentrées sur le virement et le prélèvement qui ont abouti à la création de l’IBAN pour identifier les banques et les comptes de manière unique. Par contre, il reste du boulot à faire pour normaliser le fonctionnement, toujours dans cette logique libérale : un commerçant doit pouvoir utiliser son terminal de paiement en passant par n’importe quel opérateur de son choix (en France, ils passent généralement par leur banque mais ça n’est pas le cas partout et ça n’est plus « obligatoire » en France). Ils doivent pouvoir mettre les opérateurs en concurrence.

Et il reste un problème, pour la carte : ce sont des acteurs américains, ceux que je citais, qui permettent l’interopérabilité entre ces opérateurs parce que les banques européennes n’ont pas réussi à mettre en œuvre une structure commune. Mastercard et Visa vont piquer du pognon aux banques européennes parce que la Commission n'a pas été assez dirigiste et a été trop libérale. C'est à mourir de rire.

12 ans après l’arrivée des pièces et des billets dans nos poches, 22 ans après la décision initiale, il reste des années de travail.

Sortie de l’euro

Certaines formations politiques laissent entrevoir une sortie franche de l’euro ou une modification du cadre de tout ce bazar, par exemple en créant des « sous-monnaies » nationales. Je ne parle pas du bazar financier qui pourrait en résulter de la sortie de l’euro.

Par contre, on peut facilement imaginer ce que ça coûterait, d’un strict point de vue technique, de recréer des monnaies nationales. Et le temps que cela mettrait… Sans doute plus de dix ans (avec la création de l’euro, il aura ainsi fallu à peu près 25 ans pour adapter les moyens techniques alors qu’il n’en a fallu que dix pour avoir les pièces et les billets).

Le prélèvement automatique que vous avez pour votre loyer ne fonctionnerait plus… puisque les tuyaux ne prévoient que de faire passer la monnaie unique.

(illustration piquée à l’article du Monde qui évoque le sujet).



8 commentaires:

  1. marine veut sortir de l'euro et supprimer les radars
    plus besoin de moyen de paiement puisqu'y aura plus d'amendes

    OK , je sors

    RépondreSupprimer
  2. Bon ben… je ressaierai demain à tête reposée, hein !

    RépondreSupprimer
  3. Très mauvaise mesure dont je crois me souvenir que je t'avais dit 2 mots il y a longtemps.
    Son bénéfice est entièrement pour les banques qui n'auront plus à vérifier avant de payer le prélèvement à la demande d'un tiers, qu'elles ont reçu une autorisation de leur client.
    Le client lui, est livré à l'abus de tout commerçant auquel il aura fait un paiement par CB et qui détiendra ainsi ses coordonnées bancaires ! ...
    Mon taf c'est le contentieux, donc, j'ai vu le cas des centaines de fois : il suffisait naguère de demander à la banque, en cas de PRLVT abusif d'un tiers de justifier si oui ou non, elle avait en main une autorisation : si tel n'était pas le cas, elle devait annuler le PRLVT. Avec SIPA, s'opère un renversement de la charge de la preuve : c'est à la victime du PRLVT abusif de prouver qu'elle n'a pas donné l'autorisation = faire une preuve négative est extrêmement difficile.
    Pour ma part, je vais payer en cash le + souvent possible : d'ailleurs, c'est presque toujours ce que je fais, considérant que la vie apporte régulièrement son lot de gros emmerdes et que c'est donc pas la peine de s'en fabriquer des petits exprès.
    Bz

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais ça n'a rien à voir ave. Le SÉPA !

      En plus le client qui fait un paiement par CB ne donne pas ses coordonnées bancaires.

      Supprimer
  4. Je t'assure que si, j'ai vu le cas plusieurs fois. Regarde bien.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est mon job. À chaque fous qu'un litige vient jusqu'à nous c'est le client qui est en tort. Par contre je ne paie pas par carte sur un site web qui n'est pas connu et je ne file pas d'autorisation de prélèvement à un opérateur pas national.

      Le type qui autorise son courtier d'assurance à prélever le montant est un con s'il ne s'agit pas d'un des plus connus.

      Supprimer
  5. À chaque fous qu'un litige vient jusqu'à nous c'est le client qui est en tort.


    Alors là, BRAVO !!!

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux c'est-à-dire tous sauf ceux qui proviennent probablement d'emmerdeurs notoires.