26 octobre 2022

Les idiots utiles et la motion de censure

 


Le grand sujet politique de la semaine a bien sûr tourné autour du 49.3, des motions de censure et du vote par les députés du RN de celle déposée par la Nupes. Cela a engendré plusieurs polémiques, presque « à tiroir » et c’est un peu l’objet de ce billet même si j’aurais tendance à préféré traiter une autre question : on fait quoi, à présent ? Mais je n’en ai pas la moindre idée et je n’ai pas l’illusion de pouvoir peser sur une réponse avec mon pauvre blog…

Néanmoins, que les choses soient claires… Tout d’abord, on nous dit, à gauche, que c’est la faute de Macron et de sa politique si la motion de censure a été déposée puis votée par les deux groupes extrêmes. On peut en discuter mais le fait est que c’est bien la Nupes qui a déposé la motion de censure. Pas les députés centristes. Il faut assumer.

Ensuite, il est à peu près avéré que les rédacteurs de la motion Nupes ont fait en sorte que le texte soit acceptable par le Rassemblement National, en éliminant les sujets de discorde comme en supprimant, par exemple l’immigration. Il y a donc eu une action délibérée quoiqu’en disent les partisans d’Olivier Faure qui ne supportent pas les critiques. Je veux bien leur trouver des excuses (ils n’étaient pas à l’origine, ils n’étaient pas au courant) mais les faits sont là.

Enfin, il faut voir les résultats. D’une part, c’est bien l’extrême-droite qui s’est montrée responsable en acceptant de voter un texte proposé par « l’autre bord ». D’autre part, c’est LR qui a repris du poil de la bête en refusant de voter pour éviter une censure qui n’aurait que foutu la merde (je vais aussi y revenir).

Les élus Nupes ont ainsi montré qu’ils sont les idiots utiles… aux autres, par définition. Google et Wikipedia nous disent : « L'expression « idiot utile » s'applique en politique à des personnalités qui servent des desseins divergents de leurs représentations authentiques, et se trouvent, bien que peut-être de bonne foi, utilisées, instrumentalisées ou manipulées. »


 

Après, il y a eu des textes, dont de très bons issus de personnalités de gauche, sur le thème « comment on en est arrivé là » mais leur conclusion est toujours la même : c’est la faute de Macron si le RN est fort. Il faut quand même se sortir les doigts du cul et arrêter d’accuser les autres. Le Front National a bien progressé une deuxième fois au début du premier quinquennat de Mitterrand et, une suivante, lors du mandat de Jospin. Je ne dis pas qu’ils sont responsables directement mais les faits sont là… C’est bien facile de désigner un coupable en omettant ses propres fautes.

On va revoir l’histoire. Le petit Macron, vers 2016, a constaté que la gauche était à la ramasse, incapable de soutenir franchement ses propres élus et que les personnalités de droite, à part peut-être Juppé, n’étaient plus crédibles. François Fillon, par exemple, passait pour un horrible réactionnaire et personne n’en voulait réellement. Nicolas Sarkozy était resté grillé après son quinquennat, sa tentative de récupération du parti un peu après et tout ça.

Je mets Juppé à part car je disais à l’époque, comme beaucoup de monde mais très moqué, qu’il était le seul, à droite, à pouvoir gagner. Rappelez-vous, on disait même, à l’époque, que des gens de gauche avaient été voter pour lui à la primaire des Républicains pour limiter les dégâts… Les gens de droite ont merdé et les affaires de Fillon ont fait la suite.

Revenons à notre petit Macron. Il s’est dit que les électeurs n’en pouvaient plus de la gauche et de la droite et a lancé le « ni de droite ni de gauche » ce qui a bien marché. Les gens de gauche modéré, comme moi, en avaient assez d’une gauche populiste et radicale, d’un parti socialiste qui avait tapé sur le candidats qu’ils avaient poussé au pouvoir cinq ans avant (et Manuel Valls s’est grillé tout seul). Macron a réussi son parti… et, « en même temps », a permis la mise en place d’une Assemblée Nationale qui lui était largement majoritaire.

Il a gagné.

 


Je sais bien qu’il n’y a aucune originalité dans mes propos, malheureusement, mais je ne vois pas l’intérêt des dissertations diverses cherchant d’autres « prétextes ». L’histoire ne s’arrête pas là. La macronnerie est donc arrivée au pouvoir et il y a eu un événement que je tiens à souligner, c’est quand ils ont donné raison aux zadistes à Notre-Dame-des-Landes. Cela m’est certes resté au travers de la gorge mais ils ont été contre un consensus national cinquantenaire, contre le résultat d’un référendum local, contre un processus normal d’évolution de l’aménagement du territoire, donnant raison aux écologistes incompétents (là, je m’engage et ce n’est pas l’objet du billet).

Les révolutionnaires de gauche en peau de lapin et les réactionnaires en peau de fesses ont eu une victoire.

Il y a eu, ensuite, l’histoire des gilets jaunes qui n’a été, en fin de compte, qu’un pet dans l’eau et qui n’a pas été traité comme il fallait, c’est-à-dire, comme à NDDL, avec des coups de pied au cul. La nouvelle assemblée venait d’être élue et ce n’était surement pas aux « ronds-points » de faire la loi, ils n’étaient pas légitimes pour cela.

Ensuite, il y a eu la crise sanitaire qui a généré beaucoup de mécontentements, ce que l’on peut concevoir. Je passe la fin, avec la guerre en Ukraine. On pourrait penser que les oppositions avaient un boulevard (chacune) mais la droite a continué à sombrer, tout comme la gauche socialiste. Je peux difficilement parler de la droite et montrer comment une telle stupidité à peu régner. La gauche socialiste m’intéresse plus. Ils n’ont tiré aucune leçon valable de 2017. Le candidat qu’ils avaient choisi (et dont j’approuvais l’essentiel du programme, comme le revenu universel et la nécessité de changer une base de la fiscalité – traduite par la fameuse taxe robot) et qui venait de leur bord gauche s’est vautré pendant que l’aile centriste, exaspérée par le radicalisme d’une certaine gauche, s’est rapproché de Macron.

Il n’aurait pas fallu ignorer ces braves gens.

Le Parti Socialiste est cette fois devenu « les idiots utiles » de la gauche radicale… (notons que, depuis la dernière séquence électorale, cela ne s’est pas arrangé).

 


Et on se retrouve maintenant avec une Assemblée Nationale composée d’un groupe de la majorité présidentielle d’un peu moins de 250 députés, un d’une gauche radicalisée d’un peu plus de 130, d’une droite traditionnelle avec une soixantaine de représentants et d’une extrême droite dédiabolisée avec près de 90 élus. Sur ces 530 lascars (il faudrait faire le calcul avec les 577 députés), on pourrait dire que, mathématiquement (pour trouver un centre de gravité), 265 à droite et 265 à gauche.

Nupes représente donc moins de la moitié de cette demi-assemblée mais continue à nous casser les burnes sur le thèmes « les macronistes sont à droite ». Idéologiquement, je les comprends, mais cela est nier les nouveaux clivages issus de « pas de droite et pas de gauche ». Sur les 130, et je vais arrêter avec les chiffres après, il y a trente socialistes qui auraient bien mieux fait de se rapprocher des 135 (265 moins 130) vers le centre que des 100 (130 moins 30, essaie de suivre) sur la gauche.

Les 30 socialos auraient pu, aussi, se rapprocher de la vingtaine de « divers gauche » et de quelques écolos perdus dans la Roussellerie pour avoir un groupe d’une soixantaine de lascars motivés, fatalement rejoints par quelques macronistes bien déçus par un tournant politique vers la droite. Et ils auraient pu s’abstenir de voter un texte de censure partagé ostensiblement avec l’extrême-droite.

Je rappelle que le thème de ces deux sections était comment on en est arrivé là. Les camarades socialistes ont tort de chercher des raisons plus politiques alors qu’il n’y a aucun aboutissement possible sans lever le bordel dans les rangs du centre gauche officiel. Et ils ont tort, aussi, de dire en principal argument « Macron, c’est la droite », parce que ça ne fait pas une ligne politique gagnante. Au contraire, même.

 


Un autre argument utilisé au sujet du « comment on en est arrivé là » est « c’est de la faute du gouvernement qui n’a pas pris en compte nos amendements ». Mais, en fin de compte, cela revient à dire « c’est de la faute du gouvernement qui n’a pas pris en compte ce que l’on voulait comme budget. » Or, ce n’est pas à un groupe minoritaire de fixer le budget. Accepter les termes proposés aurait été particulièrement antidémocratique de la part du Gouvernement car ça aurait été tourner le dos aux électeurs des 250 députés centristes. La gauche a voulu marquer le coup en pleurant : « on ne veut pas de la taxation des superprofits » mais Renaissance n’a pas été élu pour créer cet impôt ! Les législatives ont moins de six mois, tout de même.

On peut le regretter, certes, mais il convient de conserver un peu d’objectivité. Les discussions n’auraient pas abouti. Le budget n’aurait pas été voté. Mme Borne a dit : « cessez le feu, hop, 49.3 ». Après, je suppose qu’il y a eu des tractations secrètes pour interroger les groupes : qu’est-ce que vous voulez exactement qu’on fasse passer pour nous foutre la paix ? Je suppose donc qu’il n’y a pas eu de consensus. Les négociations ont échoué.

 


Enfin, on a beaucoup spéculé sur le thème : que se serait-il passé si la censure avait été votée ? Je passe le fait que si ma tante en avait, on l’appellerait mon oncle. Le sujet n’a aucun intérêt. Un changement de gouvernement n’aurait rien modifié. Les oppositions de droite comme de gauche auraient continué à tout faire contre le budget, allant jusqu’à la paralysie du pays. Une dissolution n’avait aucune chance de rebattre suffisamment les cartes pour qu’un groupe obtienne une majorité absolue. Alors la seule solution qu’aurait eu le gouvernement est de faire une alliance avec la droite traditionnelle.

Le résultat aurait donc été un nouveau virage à droite.

 

Nos idiots utiles auraient alors dit « on vous avait bien prévenu ». C’est pourtant bien amusant de constater qu’Hollande, par exemple, grimpe en force dans les classements de popularité, devançant tous les autres zouaves issus de la gauche… Mais qu’il reste devancé, seulement, par les deux premiers Premiers ministres d’Emmanuel Macron…

6 commentaires:

  1. Ton billet est super et il y a pleins de points et d'accroche pour en discuter.

    Y un point qui m'amuse car j'en ai parlé avec un ancien député socialiste de ma circonscription, qui avait écrit un bon texte sur son Facebook. Mais je suis faisais la remarque, amicale, que se focaliser sur le RN est idiot.
    Aujourd'hui, le 'c'est la faute à Macron si le RN est fort' et doublement idiot. D'abord parce que ce n'est un drame, et que faire un prisme contre un parti jugé non républicain par des gens au comportement douteux et pire (Melenchon, Rousseau et la clique LFI extrême gauche) est pénible.

    Concernant LR, je n'ai pas de positions sur savoir s'il fallait ou non voter la motion de LFI. Mais j'avoue que les bravades de Melenchon qui donne des leçons de politique à LR, ça me gonfle. Qu'il s'occupe de ses affidés et de ses troupes.

    Enfin, j'ai bien aimé la réponse de Boris Vallaud à Le Maire qui moquait le RN d'avoir voté avec Nupes. C'est qu'en 2015, Le Maire avait voté avec les deux députés FN une motion de censure contre les lois Macron.

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    1. Pour ton début, on est d'accord, évidemment.

      Pour LR, la rumeur dit qu'ils ont quelque chose en préparation mais que c'est trop tôt pour voter une censure. Je n'ai pas d'avis, non plus.

      Pour Le Maire, il y a aurait beaucoup de choses à dire. Par exemple, je ne vois pas pourquoi Macron l'a mis au gouvernement après toutes les saloperies qu'il a dites.

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  2. Billet beaucoup trop long sur un sujet de peu d'intérêt.
    À mon avis...

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    1. Tu n'es pas obligé de lire non plus. Tu n'es pas obligé non plus de t'intéresser à l'avenir de la gauche.

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  3. Faure, le remora ps de méluche s'est dit écoeuré que Macron ait déclaré hier que la motion de censure nupe avait été rendue acceptable pour raccrocher le rn mais ne l'a pas nié. personne à gauche ne l'a nié. d'ailleurs eelv dit qu'elle ne votera pas celle de lfi . ils ne finiront pas l'année.

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    1. Personne ne peut le nier : c'est la vérité. La rumeur dit même que Méluche en personne supervisait la rédaction. Mais les socialos sont fous : Hélène Geoffroy, opposante à Faure, a fait un communiqué pour s'offusquer mais des personnalités divers du PS l'ont engueulée.

      Il faudra qu'ils apprennent à dire "oups ah oui on s'est planté".

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