31 mai 2023

La carte, c'est Vitale !

 


Le gouvernement et la droite (si tant est qu’on puisse trouver une différence tant le premier cherche à faire une majorité) préparent une loi sur l’immigration et on en parlait beaucoup hier (pour ma part, ça fait plusieurs mois que j’évoque le sujet dans mon blog). Parmi les dispositions, on parle beaucoup de la fusion de la carte d’identité avec la carte Vitale et j’ai participé à plusieurs discussions dans Twitter et Facebook hier.

Pour les partisans comme pour les opposants à cette mesure, beaucoup d’âneries sont racontées. Désolé de faire un billet un peu technique mais revenir à la base n’est pas toujours inutile…

 


Tout d’abord, j’aimerais connaître le coût réel de la fraude à la carte Vitale. On nous dit que la fraude sociale est de l’ordre de la dizaine de milliards d’euros (Google donne différents chiffres). Mes camarades gauchistes diraient que ce n’est rien par rapport à la fraude fiscale ce en quoi ils n’ont pas tort mais ne mélangeons pas tout. Une majorité porte sur le travail au noir. Il y a les arrêts de travail abusifs. Il y a ce que les prestataires de santé (notamment les centres ophalmolomachins ou dentaires) facturent à la sécu sans raison. Je vous passe les allocations familiales indues et les prestations bidons versées à l’étranger.

Je repose la question : quel est le montant de la fraude à la carte Vitale ?

De ce montant, déduisons le montant de ceux qui fraudent « de bonne foi » ou sans conséquence (genre le mec qui a perdu sa carte Vitale et prend celle de son grand père). Déduisons aussi le montant des dépenses qui auraient été engendrées par les fraudeurs qui, pour la plupart, ont quand même besoin d’être soignés ? A ce stade, il doit bien nous rester un montant mais je ne suis pas persuadé qu’il soit supérieur au coût des mesures envisagées…

 


Un renforcement des mesures de contrôle des cartes Vitale (et je n’en suis pas partisan) permettrait de vérifier que le titulaire est bien l’assuré social et a bien le droit à des prestations. Certes. Mais pourquoi l’assuré social aurait-il une carte d’identité ? Un étranger qui vit et travail en toute régularité en France est bien un assuré social. Quel rapport entre l’Assurance maladie et la nationalité ?

Par ailleurs, il ne revient pas au personnel médical de vérifier l’identité des gens mais de contrôler qu’ils sont bien « bénéficiaire » de l’assurance maladie.

Avec ces considérations fonctionnelles, on peut penser que la fusion n’a aucun intérêt, voire n’a aucun sens. Faudrait-il permettre d’adosser la carte Vitale à un titre de séjour, par exemple ?

 

En revanche, il y a des travaux (qui sont en retard) pour permettre d’avoir la carte d’identité sur smartphone ce qui faciliterait, par exemple, j’ajout d’une couche de biométrie (mais le sujet n’est pas là). Je ne vois pas pourquoi, à terme, on n’aurait pas aussi le permis de conduire sur smartphone. Alors pourquoi pas la carte Vitale sur smartphone.

Dans ce contexte, on n’aurait aucun complexe à avoir différents « papiers » dans le même support. C’est indubitablement l’avenir même si tout le monde n’a pas de smartphone et qu’il restera des exceptions à gérer. Mais, si on peut tout avoir dans le même smartphone, pourquoi ne pourrait-on pas tout avoir dans la même carte ou, plus précisément, la même puce ? La technologie le permet tout comme on peut facilement avoir une étanchéité entre les applications dans une puce (il reste à en convaincre le grand public mais les cartes à puce sont un peu mon job).

 


Parlons maintenant de ce à quoi sert la carte Vitale ?  Objectivement, son principal intérêt est d’être un point d’entrée aux traitements administratifs de ce qui est lié aux consultations notamment en évitant la transmission « manuelle » des feuilles de soin, leur saisie et j’en passe. Le tout, évidemment, pour faire de grosses économies. Il reste de la marge de progression : les arrêts de travail, par exemple, ne sont pas automatisés et les ordonnances sont toujours sur papier. S’il n’y avait pas toute cette informatisation, on ne pourrait pas mettre en place le paiement automatique des toubibs et donc permettre aux braves gens qui n’ont pas d’oseille de se soigner. On ferait mieux de s’occuper de « la marge de progression » pour faire d’autres économies que de dépenser du pognon dans la lutte contre la fraude.

Cela dit, le numéro de sécu pourrait très bien être utilisé et la carte ne pourrait alors servir que pour éviter au personnel (toubibs, pharmaciens…) de saisir le numéro.

Ce n’est évidemment pas le seul intérêt de cette carte. Je suppose qu’elle permet au personnel soignant d’avoir accès à des données médicales du patient. Ah non, tiens ! On peut se faire soigner sans carte Vitale tout en ayant le même service.

Parfois, il nous faut « mettre à jour » la carte. Je ne sais pas ce qu’il est mes à jour. Je trouve ça complètement con, les systèmes étant connectés, un accès au SI de la CPAM est toujours possible. Pourquoi faire des mises à jour ? Le mystère reste entier pour moi. Il n’empêche que ça sert forcément à quelques chose (même si la conception date d’avant l’interconnexion via Internet).

Si la carte facilite l’accès par le toubib au système d’information de la CPAM et autres machins, elle permet aussi aux centres de soin (qu’ils soient un simple toubib comme un mastodonte comme les hôpitaux de Paris) d’avoir accès aux dossiers médicaux qui leur sont propres.

 


Si la carte permet d’identifier un assuré social pour tous les trucs que je viens d’évoquer (et certainement d’autres) pour… s’assurer qu’il l’est, il faut aussi qu’elle soit sécurisée (que les systèmes puissent vérifier qu’elle a bien été émise par un organisme agréé pour une personne précise). Je suppose qu’un système de cryptographie permet de le faire. Il faut aussi s’assurer que celui qui la présente à un personnel de santé en soit bien le propriétaire.

C’est délicat. Que faire par exemple pour une personne qui confierait ses gamins à ses propres parents pendant les vacances ou prêterait sa carte à son gamin pour qu’il puisse faire une consultation tout seul ? Ou que feraient les écoles ou les colonies de vacances en cas de problème de santé (je ne dis pas qu’il n’y a pas de solution mais nous sommes loin des cartes Vitale !) ?

Les exceptions sont tellement nombreuses que je ne vois pas bien comment les traiter correctement par un changement sur les cartes ? Alors leur fusion avec la CNI… Au niveau de la lutte contre la fraude, elle n’apporte pas grand-chose… Il faut bien soigner les gens malades qui ne peuvent pas avoir de Vitale fusionnée avec une CNI (et je parlais, plus haut, des assurés sociaux n’ayant pas la nationalité).

 

Si la carte permettait de vérifier l’identité de celui qui la présente, ça serait un plus. Il n’empêche que je ne suis pas persuadé qu’il revienne au personnel médical de vérifier l’identité des gens sauf pour éviter de leur faire une greffe des testicules alors qu’il faudrait juste enlever du gras au foie.

 

Si vous cherchez des informations sur le sujet (la fusion) dans Google, vous trouverez des arguments liés à la protection des données. On voit par exemple des gens qui craignent que le ministère de l’intérieur puisse avoir accès à vos données médicales.

Or, ce n’est pas la carte Vitale qui donne accès aux données mais les autorisations attribuées à l’ordinateur qui consulte. Je suppose que le toubib, par exemple, a un système d’authentification forte. Et c’est bien ce qui importe – ou devrait importer – la sécurisation de l’accès aux différents SI.

Dans notre contexte, la RGPD est importante, évidemment, mais la carte Vitale ne joue aucun rôle dans le processus. Si un terminal d’un service du ministère de l’intérieur peut accéder aux données de la CNI, il ne pourra pas accéder aux données « santé ». Point.

Je suis d’accord qu’il faut être prudent et avoir confiance mais, techniquement, il n’y a aucun problème.

 


Désolé d’avoir fait un billet différent par rapport à d’habitude, surtout dans un domaine que je ne connais pas spécialement (vos remarques en commentaire seront les bienvenues sauf si vous êtes un vieux con sénile persuadé de tout savoir mais se plantant généralement). Je connais bien, par contre, la sécurité par carte à puce et, d’une manière générale, ces problèmes de sécurisation des connexions à des SI (pas d’un point de vue technique, dans ce dernier cas, mais d’un point de vue fonctionnel).

Il me paraissait important de faire le point avant que cela ne parte en couilles pour des raisons politiques.

 

J’imagine bien, par exemple, mes camarades de gauche dénonçant le flicage des étrangers alors que, en fin de compte, le nouveau système permettra surtout de s’assurer que les titulaires d’une CNI seront bien des assurés sociaux.

Avec ce volet de la réforme, j’ai bien l’impression quand même que l’on marche sur la tête (ce qui ne veut pas dire qu’elle ne soit pas nécessaire pour d’autres raisons, notamment la réduction des coûts).

16 commentaires:

  1. J'ai pas lu… mais ça ne m'empêche pas d'être entièrement d'accord avec vous.

    (Je marche à la confiance, quoi…)

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    1. Pour répondre ça, vous avez au moins lu une partie.

      Et depuis que je vous connais, je sais quels billets vous ne lisez pas. Tout comme vous devez vous douter que je ne lis vos billets littéraires que pour trouver une idée de commentaire.

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  2. Il me semble avoir lu quelque part que pour le permis de conduire, c'est en route.

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  3. Moi aussi je suis pour la CNI et la vitale sur le téléphone. Je me demande si j'ai pas déjà posté le même commentaire. Je radote un peu. En tous cas il y a moins de chance que je perde mon tél que ces foutus mini cartes. mon permis rose est valable jusqu'en 2033 je serai trop miro pour conduire, ou décoré croix de bois, mais je le mettrai bien aussi sur le portable .

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    1. Moi, j'aimerais mieux pouvoir téléphoner avec ma carte Vitale : elle est moins lourde en poche. Si elle pouvait aussi réchauffer la saucisse de mon hot-dog, ce serait génial.

      DG

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    2. Oui mais si vous la perdez dans votre trou du cul par inadvertance, elle n’a pas de vibreur pour la retrouver.

      NJ. Je me demande pourquoi je signe, tiens !

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  4. Un sujet qui va mettre 10 ans à accoucher, on risque d'écrire autre chose entre temps.

    Sinon billet intéressant, j'ai appris des choses

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    1. La carte d'identité sur smartphone viendra très vite, disons en 2024 ou 2025, sans être obligatoire avant longtemps (et ne disons pas jamais, même s’il reste des gens sans Smarphone : une recherche par Internet montre qu’il existe des smartphone à une trentaine d’euros, ils pourraient être offerts par l’Etat avec connexion Wifi libre dans certains endroits, cela pourrait ne pas être beaucoup plus cher que la fourniture d’une carte d’identité, d’ailleurs elle-même payante, me semble-t-il).

      A partir de là, il y a une question politique (et tout peut se décoincer rapidement). D’ailleurs, le sujet le plus simple est de permettre à la CNI de remplacer la carte Vitale vu que cette dernière ne contient pas de données de santé et pourrait ne pas contenir de données propres au patient (actuellement, il y a, je crois, des données liées au type de prestation possible mais cela pourrait être stocké en centralisé).
      Disons que la CNI (ou plus précisément sa puce ou l’application smartphone qui la remplace) contiennent un identifiant connu par la sécu (comme le numéro de sécurité sociale mais le nom et l’adresse devraient pouvoir suffire : nous parlons d’un simple identifiant, pas d’une donnée sécurisée). Et hop ! Le terminal du personnel de santé pourrait vérifier l’authenticité de l’application (qu’elle soit dans la puce d’une carte ou la mémoire d’un smartphone) et hop ! On accède aux données liées à la santé (d’un côté celles du dossier médical, éventuellement privatif au personnel de santé, de l’autre, celles liées à l’Assurance maladie et donc la mutuelle) sur les serveurs.
      Techniquement (au sens large, c’est-à-dire avec la sécurité), c’est une formalité.

      En d’autres termes, ce que je ne dis pas dans le billet, c’est que la CNI pourrait remplacer la CV. Fusionner les deux n’a pas de sens. Et techniquement, la CNI totalement numérique est prête. Il y aura des expérimentations cette année. Après, il suffit de développer une API pour que le toubib puisse l’utiliser. C’est un projet à quelques centaines de milliers d’euros, d’un point de vue informatique, une fois que la CNI est prête.
      Après, il y a les volets politiques… Depuis le début de la création de la Vitale, c’est le bordel (et je le sais parce que les gens qui travaillent dans la puce sont les mêmes qu’elle soit de santé ou bancaire), notamment avec la gouvernance de la sécu.
      Donc je ne suis pas optimiste. Mais si le gouvernement a les couilles, il pourra y arriver. A condition qu’il lise mon blog et admette que la carte Vitale n’est pas nécessaire ce que ne reconnaîtront jamais les professionnels de l’Assurance maladie.
      Et les intervenants habituels de l’informatique qui vont hurler à la protection des données et ces choses là, alors qu’il n’y a aucun risque à une condition.

      Cette dernière est que la loi définisse précisément ce que peut faire le ministère de l’intérieur avec la CNI : il ne doit pas utiliser les données du client. Mais personne n’y croit pour la bonne raison que personne n’y a intérêt (les « lanceurs d’alerte », par exemple, se nourrissent des dangers, quitte à les inventer).

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  5. il est déjà prévu que le permis de conduire soit numérisé dans les smartphones via une appli. Hors c'est une pièce d'identité officielle (source : le site du service public du gouvernement ). Voilà donc un premier pas vers la numérisation d'une pièce d'identité.

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    1. Oui, ça avance. Mais comme tu me le disais sur Facebook, la numérisation de la CNI est un prérequis.

      Note que, ici, c'est bien la Vitale qui m'intéresse mais je suis passionné, comme toi, par tout ce pataquès. Et, même si j'aurais dû le préciser, j'ai une vision purement théorique, la santé n'est pas mon métier. Je ne fais que supposer et donner des pistes. Mon "objet" est de lever certaines résistances...

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    2. oui et sur la carte vitale y'a déjà une photo sur les plus récentes donc on peut vérifier si la personne ressemble à la photo. Comme tu le dis y' a des résistances et à tout : la police veut des drones pour travailler, hop ça pond de la tribune contre.Si on numérise les papiers, alors certains vont sortir leur grille de bingo. C'est la résistance au progrès au prétexte que des gens ne peuvent pas suivre, mais on ne vas pas supprimer les cni papier par exemple, du moins pas avant 20 ans.

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