02 septembre 2020

Le petit blogueur et les gauches irréconciliables

A la fin de l’année mon blog politique aura quinze ans mais ce n’est pas le sujet de mon billet du matin du cent-soixante-dixième jour depuis le confinement. Dans ma mémoire, les blogs politiques étaient alors assez sérieux et peu militants même si pro-européens. Ils étaient surtout tenus par des « communicants » qui voulaient se faire un nom mais qui tournaient entre eux, un peu comme nous l’avons fait ensuite. Internet avait eu un gros impact sur le referendum pour l’Europe. Il ne s’agissait pas des blogs mais de sites personnels et, bien sûr, celui de Chouard, secondés par les forums et un tas de support. Moi-même, je tenais un site mais je n’avais pas les moyens de le faire connaitre et ce n’était pas du tout mon but.

Rétrospectivement, ceci a peu d’intérêt mais je ne l’ai jamais raconté alors que je parle de tout dans les blogs et cela me parait important, maintenant, de mieux expliquer mon cheminement vers mon militantisme de claviers. Après une bonne quinzaine d’années de développements informatiques, d’abord à titre personnel, dès mes 13 ans, puis professionnel, je m’étais retrouvé, en 1995, vers des missions plus fonctionnelles. Vers 2004 et 2005, j’avais décidé de m’intéresser à nouveau à la technologie pour ne pas être totalement has been. J’ai donc monté des sites web. J’avais comme principal support la généalogie familiale et les textes que je pondais, relatifs au boursicotage pour les particuliers et à la politique. Je m’intéressais au web 2.0, aux blogs et à tous ces machins. J’avais donc un blog personnel, hébergé par Orange,  surtout parce qu’on mon opérateur m’a dit, un jour : voulez-vous créer un blog ? Mais, ça, je l’ai déjà raconté.

Je le suis rendu compte que les blogs étaient le support idéal pour diffuser ma prose et que je me faisais trop chier avec du HTML… A l’époque, il y avait deux types de blogs : ceux où les tauliers géraient eux-mêmes leurs hébergements (la gestion du site weg) via des outils comme Wordpress ou Dotclear et ceux où tout était géré par des boîtes comme over-blog, hautetfort, 20 minutes… et surtout Blogger (appartenant déjà à Google). J’avais créé mes blogs avant de connaître ces subtilités. Celui sur Orange ne m’allait plus. J’avais donc cherché « Créer un blog » dans Google et j’étais évidemment tombé sur Blogger.

 

La blogosphère était un peu fracturée entre les deux catégories de blogueurs. Il y avait d’un côté les puristes qui se vantaient de manier des outils de téléchargement, des CSS et des trucs comme ça et les autres qui ne faisaient que déconner en écrivant tout en utilisant tel ou tel gadget proposé par l’hébergeur. Mon bagage professionnel aidant, je suis devenu une sorte d’expert de l’utilisation de Blogger et divulguait des conseils sur un blog. En d’autres termes, il y avait ceux qui parlaient des flux RSS, ceux, comme moi, qui savaient ce que c’est et les autres.

 


A cette époque de balbutiement de Facebook et Twitter, les blogs intriguaient la presse et les spécialistes de la communication (normal, les premiers blogueurs étaient des communicants) et tout le monde s’imaginait que c’était l’outil d’avenir ! 20 minutes, dont je parlais, a été un des premiers organes de presse à ouvrir une plateforme de blog grand public, les autres journaux avaient des outils plus confidentiels. Les services autour des blogs ont prospéré, dont ceux avec lesquels j’ai beaucoup joué et qui sortaient des classements. Ils avaient aussi le mérite de fournir des annuaires de blogs ce qui a fait qu’on a pu facilement en connaître de nouveaux sans avoir à dérouler les bloguerolles. Mon blog a connu une certaine gloire et a rendu d’autres types jaloux car ils n’avaient rien compris aux mécanismes. S’opposaient à moi (et à mes potes) ceux qui pensaient rédiger bien et ceux qui pensaient avoir la meilleure analyse alors que nous ne pensions qu’à rigoler. J’avais aussi un langage qui poussait un peu à la provocation, parlant de nègres et de pédés au lieu de racisés et de gays, ce qui a donné beaucoup d’arguments aux andouilles pour me taper dessus, d’autant que je parlais beaucoup de bistro. Ma réputation était faite : gros con, beauf, homophobe, raciste, ivrogne… 

Parmi les outils donc je parlais, il y avait Cozop où, à l’initiative de Dagrouik, nous avons pu fédérer des blogs de gauche militants, au sein de ce qu’on a appelé les leftblogs. Les leftblogs sont devenus un groupe Google de blogueurs de gauche pour aider ces derniers à obtenir des informations, à tenir leurs blogs et à les faire connaître ! Il y a eu rapidement des déchirements au sein du groupe à cause du congrès de Reims et les partisans de Martine Aubry s’étripaient avec ceux de Ségolène Royal alors que le fond politique n’était pas le but du groupe. J’ai toujours essayé de tenir la barre vu que je me suis retrouvé administrateur de ce truc mais les militants de gauche sont incapables de discuter entre eux sereinement. Toute la gauche était représentée, du Front de Gauche au centre gauche. Beaucoup ont fini par se barrer voyant qu’un consensus n’était pas possible même si le consensus politique n’était pas l’objet du groupe…

Arrêtons, pour l’instant, l’histoire ici ! Facebook et Twitter ont pris le pas sur les blogs. Les blogs ne sont pas morts pour autant. Google a récemment sorti une nouvelle interface pour Blogger ce qui montre que les fameux GAFAM continuent à investir sur ce support même si les choix de Google n’ont pas toujours été heureux dans les réseaux sociaux.

 


Revenons dans le présent !

En fin de semaine dernière, il y a eu les affaires « 10 petits nègres » et « Obono » et, je ne sais plus pourquoi vu que je n’avais pas fait de billet, j’ai pris une baffe dans Twitter. Je suis donc allé fouiller les entrailles récentes de ce machin et j’ai trouvé une pépite (que je ne retrouve plus ce matin, je suppose que j’ai été bloqué) du genre : « c’est dommage que les leftblogs soient tous devenus vallsistes et membres du Printemps Républicain ». Ca venait de cette frange de la population que j’appelle souvent « la vraie gauche » c’est-à-dire qu’ils pensent que tous ceux qui ne sont pas totalement d’accord avec eux sont de vils fascistes ! Maintenant, la présidentielle approchant, ils appellent à l’unité autour de leurs idées…

En lisant cela, j’ai évidemment éclaté de rire. Je pense qu’il n’y a plus de vallsiste en France même si le Printemps Républicain, auquel je suis adhérent depuis deux ans, a, parmi ses fondateurs, des gens qui ont été proches de Manuel Valls et qui le sont sans doute toujours, Valls n’a rien à voir avec ce truc mais je ne vais pas essayer de démentir cela, je ne suis pas Don Quichotte.

 

Je ne suis pas vallsiste. J’ai de l’affection pour lui pour une affaire personnelle et suis probablement très proche de lui pour ce qui concerne la République et ce qui va avec. Je ne suis sans doute pas trop éloigné pour les aspects économiques mais je ne supporte pas sa manière de faire de la politique, son autoritarisme, ça façon de communiquer et tout ça.

Je ne suis pas vallsiste. Aucun leftblog, à ma connaissance n’est vallsiste. Il y en aurait que ça serait aussi bien vu que les leftblogs ont vocation à accueillir tous les blogueurs de gauche. Vous pourrez me rétorquer qu’il n’est pas de gauche mais dans une France telle que nous connaissons, je ne reconnais à personne le droit de dire qui est de gauche ou de droite. Enfin, à ma connaissance, seuls deux leftblogs sont membres du Printemps Républicain et, si nous en discutons parfois au sein du groupe (quand il reste des discussions), c’est pour mieux comprendre ce qu’il y a autour, la genèse et tout ça et pas du tout pour nous engueuler.

 

Manuel Valls avait théorisé les gauches irréconciliables. C’est vrai, par exemple, pour ce qui concerne l’Europe. Nous ne sommes pas d’accord et on ferait mieux de faire avec plutôt que de s’envoyer les désaccords à la tronche pour se taper dessus !

Mais il y a un autre sujet de désaccord qui me touche plus : la République ! Je me rappelle d’ailleurs à l’université d’été du PS en 2011 (juste avant la primaire), Manuel Valls avait fait vibrer la salle au son de la République ce qui avait surpris ceux qui commençaient à le détester. La République est une valeur centrale de notre gauche et ceux qui l’oublient devraient y réfléchir.

 

Jean-Luc Mélenchon a mis dans le même tweet, ce week-end, Valeurs Actuelles, Charlie et Marianne. Je ne veux pas me réconcilier avec les gens qui le soutiennent, d’une part par conviction personnelle, d’autre part, parce que ça le met en marge complètement des valeurs de gauche.

Et surtout parce que la gauche n’arrivera jamais à se rassembler si elle ne le fait pas derrière des valeurs, dont celles de la République.

 


Alors pourquoi cette longue disgression sur mon parcours personnel de blogueur ?

 

Tout d’abord, pour rappeler que je n’ai rien à cirer des processus naturels de militantisme, des clivages issus de vieilles rivalités au sein de la gauche, des types qui changent de camp par opportunisme et j’en passe ! Ensuite parce que j’observe benoîtement la gauche se morfondre à chercher bêtement un leader charismatique ou de chercher un rassemble autour d’idées mais d’idées non partageables. Je me demande d’ailleurs si Olivier Faure n’a pas raison de surjouer la chose… en se doutant que si un consensus peut se faire, il ne peut l’être qu’au centre de l’électorat socialiste.

Enfin, je voulais rappeler que je ne suis pas militant. Du moins, je n’ai pas décidé de devenir militant du jour au lendemain ou à l’issue d’une phase d’introspection de mon cul. J’ai simplement décidé de découvrir les blogs et d’y publier des textes que je gardais auparavant pour moi.

Je n’ai jamais été militant… sauf au sein de mouvements d’éducation populaire, là où on s’intéresse réellement aux mômes, et, en particulier, au sein du mouvement français de scoutisme laïque. Là où on apprend aux gamins à vivre ensemble, à penser ce qu’on veut, à tolérer les autres, les différences.

 

Amen. Si je puis me permettre.

 

Nous allons réconcilier tout cela à coups de pied au cul. 

22 commentaires:

  1. Je t'ai toujours perçu comme un militant, quoi que tu en dises et même si tu le minimises, par le soutien que tu as apporté activement à Hollande, par les points de vue que tu qualifies toi-même de libéral de gauche, et aussi pour tous ceux relatifs à la laïcité et au Printemps Républicain.

    Et c'est loin d'être une tare ! ;+) Bien au contraire.

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    1. Je dis dans mon billet que je suis militant et ne suis pas militant ! Je suis abscons : je n'ai jamais milité dans un parti politique, voulais-je dire...

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  2. « je ne suis pas Don Quichotte »

    En effet ! Vous seriez plutôt Sancho Pansu…

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  3. Ah, le Wikio! C'était une grande époque.

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  4. Pour Valls, je l’aime beaucoup. A titre personnel aussi sur un souvenir qui m’est agréable avec lui dans mon village. Et aussi parce que je suis de droite, ce qui n’est pas bon pour lui.
    Mais on partage : c’est un vrai et grand républicain. Comme Hollande d’ailleurs, que je commence à voir d’un œil différent, surtout au jour de l’attentat de Charlie. Ou on a eu de la chance d’avoir eu Hollande Valls (Sarkozy Fillon auraient été bien aussi)

    J’adore ton billet, qui me replonge dans des souvenirs. Et un moment qu’on a vécu ensemble, je me souviens quand on s’est connu (justement au moment du congrès Aubry Royal)

    Après il y a une vraie gauche qui est irréconciliable avec la gauche républicaine. Comme le FN ne sera jamais conciliable avec la droite republicaine. Mais la faiblesse de la droite et la gauche républicaine a donné un Macron, et deux extrêmes forts.
    Mais oui la gauche rouge vert brune qui n’est pas Charlie, communautariste, islamophile, et préfère les délinquants aux ouvrier travailleurs, et mettent en avant le genre et la racialisation, elle est pas très Jaurès. Mais comme le Fait de l’autre côté, elle est majoritaire dans votre camp.

    C’est inquiétant

    Beau et grand billet

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    1. On peut reprocher beaucoup de choses à Marine Le Pen (notamment d'être politiquement stupide, d'avoir la vue courte, les horizons étroits, etc.), mais je ne vois pas en quoi elle ne serait pas "républicaine".

      À moins qu'être "républicain", quand on parle de la droite, signifie courir désespérément derrière toutes les idées les plus idiotes et néfastes de la gauche…

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    2. Je suis avocat du diable parce que ce n'est pas moi qui suis interpellé mais "républicain" peut avoir plusieurs sens (parfois il faut mettre une virgule).

      Il y a la définition littérale, en opposition à monarchie (beaucoup d'andouilles confondent la république et la démocratie).

      Il y a ensuite l'appartenance au parti politique "les Républicains".

      Il y a enfin le sens que veut lui donner FalconHill, je pense, à savoir la "conformité" par rapport à notre république (où nos trois dernières républiques) et ses (ou leurs) valeurs. C'est donc à géométrie variable...

      Dans la même phrase, je pourrais dire que Méluche est républicain (il est élu, connaît les institutions, les valeurs) et pas républicain (il fricote avec des communautariste, donc des gens qui remettent en cause l'universalité de la république : c'est mal).

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    3. Mais même dans le troisième sens que vous donnez – et qui est bien celui que j'envisageais moi-même –, je persiste à ne pas discerner en quoi Marine Le Pen ne serait pas républicaine. Ni Mélenchon, du reste.

      Cela dit, je m'en fous, n'étant que fort peu républicain moi-même. Enfin, e crois…

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    4. Et puis, bon : admettons une minute que Marine Le Pen ne soit pas républicaine, et son parti non plus. En déduire que JAMAIS une alliance ne sera possible entre eux et la droite traditionnelle me paraît fort hasardeux. en réalité, il y suffirait d'un chiquenaude de l'histoire. Ainsi, en 1940, la droite "républicaine" a voté (presque) comme un seul homme les pleins pouvoirs à Philippe Pétain. Et les partis de gauche aussi, d'ailleurs !

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    5. Prenons Méluche. Une grande partie de son parti fricote avec les islamistes. Il devrait dire stop. Chez MLP, je suppose que la plupart des cadres du parties sont liées à des machins catholiques assez peu universalistes...

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    6. Alors là, s'il y a une organisation qui est totalement et depuis son origine universaliste, c'est bien l'Église catholique !

      D'autre part, je crois que les catholiques sont très massivement opposés au Front national.

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    7. Effectivement, catholique vient du grec katholikos qui veut dire universel. Tout monothéisme d'ailleurs tend a l'universel ce qui ne va pas sans difficultés d'ailleurs.

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    8. Vous nous dites que Merluche ne serait pas tout à fait républicain car il fricoteriat avec des communautaristes et donnerait ainsi un coup de canif au côté universel de la république. Peut-être et tant pis pour lui, mais j'avoue que je m'y perd souvent avec la république. En quoi est elle universelle? Je la connais française, polonaise, congolaise (ou elle est de plus démocratique) mais si il existe une république universelle, j'avoue que je l'ignore.
      Peut-etre voulez vous dire que la république se base sur des valeurs universelles. Là encore, j'avoue mon manque de connaissance sur la république (un manque d'intérêt peut être?), aussi, j'aimerais que l'on me dise une fois pour toutes quelles sont ces fameuses valeurs et en quoi nous pourrions les imposer à tous au nom de l'universalisme.

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    9. Rien à rajouter avec ce que dit Jegoun. Mais ne pas être républicain ne signifie pas être disqualifié pour moi, mais je ne partagerai pas ses positions. La droite caricaturée par Didier n'est pas non plus mienne car elle est partie avec Macron.

      Après, je mets dans le même cercle anti républicain Le Pen (le FN historique en tous) et la gauche Mélenchoniste. Mais ce n'est pas le même anti-républicanisme. Mélenchon et sa vraie gauche, étant non-Charly et ouvertement islamophile, n'est pas du tout républicaine.
      C'est pas le même cas.

      En allant plus loin, le FN je ne dis pas. Mais le RN est largement moins dangereux qu'une alliance LFI Les Verts. Même si je préfère une droite républicaine.

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    10. Et je pense aussi que la religion chrétienne au sens large a largement contribué aux valeurs républicaines, n'en déplaisent à ceux qui préféraient bruler les églises et les vendéens. A ce grand Robespierre glorifié par la gauche de la gauche, un des pires de notre histoire de France...

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  5. pourtant MLP autant à gagner que JLM fricote avec les islamistes, lui et la gauche les font monter, et plus ils montent, plus ceux d'en face montent. l'avenir est au binarisme pour ou contre les islamistes. ils ont gagné, on a perdu. je dis on, je parle des pauvres gugusses comme nous coincés au milieu et qui y croient encore, malgré Charlie.

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  6. Putain ! Il y a une discussion sérieuse dans les commentaires de mon blog. Merci les gens mais je vais être largué. Mon domaine n’est pas la philosophie mais l’informatique bancaire.

    Ce que j’entends par universelle est que la république doit considérer tout le monde au même niveau. La gauche communautariste par exemple entend faire des catégories de Français : les racisés, les hommes,...

    Bref. La République est indivisible.

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    1. Je suis d'accord avec toi.

      Désolé mon ami. Tu as des potes qui ont oublié d'être cons ^__^

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