24 avril 2023

Mariage pour tous, 10 ans après ?

 


L’anniversaire des 10 ans du mariage pour tous, qui coïncidait avec le mien pour les 57 balais, a été l’occasion de franche rigolade avec les propos des types de droite qui se félicitaient de cette loi, comme Aurore Bergé qui a tweeté, hier : « Il y a 10 ans […] Fière d’avoir marché alors pour l’égalité et la liberté ». En novembre 2012, elle avait tweeté : « je suis contre le mariage et l’adoption par les couples homos et contre la bêtise crasse et l’homophobie. »

Elle n’est pas la seule à avoir fait cette volte-face. Je ne leur reproche rien. Seuls les imbéciles patati patata. C’est au moins la preuve que cette loi a été bénéfique vu que ce mariage est entré dans les mœurs comme les couples homosexuels, en général.

On va dire que cela a permis de faire baisser l’homophobie même si cette baisse reste à prouver…

 

Cela va surtout me permettre de faire deux ou trois apartés au sujet de la gauche, de nos jours.

 

Tout d’abord, nous avons un tas de gens dans la rue qui manifestent contre une réforme, ce qui est leur droit le plus strict (et j’espère même qu’ils vont être écoutés par le gouvernement) mais quand je vois des pieds-nickelés qui font des interprétations du genre « le gouvernement n’écoute pas la rue, nous ne sommes plus dans une démocratie », j’ai bien envie de leur distribuer des baffes.

Ils ont oublié que c’était cet argument qu’utilisait « La Manif pour tous », il y a dix ans, pour lutter contre cette loi.

Ils vont même jusqu’à citer la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » en oubliant la deuxième partie de la phrase. Il se trouve que la réforme des retraites a été validée par les représentants du peuple, très certainement dans des conditions déplorables, d’autant qu’il n’y a pas eu de vote de leur part, uniquement une motion de censure, contre le texte, qui a été refusée. Il n’empêche que le texte est passé démocratiquement, tout comme le mariage pour tous.

Il faut arrêter de raconter des conneries.

 


Ensuite, j’ai vu plusieurs tweets euphoriques, hier, sur le thème « Christiane Taubira a fait le mariage pour tous » ou « C’est grâce à Christiane Taubira que le mariage pour tous est passé ». Je passe sur le fait que, comme pour la réforme dont je parlais plus tôt, le dossier a été mal géré, sans quoi nous n’aurions pas eu des mois de manifestations et de haine…

Je ne retire rien à Madame Taubira, pour autant, j’avais d’ailleurs découvert, à l’époque, que c’était une très bonne oratrice (non pas qu’elle parle très bien mais elle est capable de faire un long discours structuré sans notes – d’un autre côté, cela tombe bien que ses écrits sont souvent à chier). Elle a porté le texte et le mariage de couples homosexuels est passé dans les mœurs.

Cela étant, ce n’est pas notre égérie qui a fait le mariage pour tous mais une Assemblée majoritaire à gauche, rendue possible par une bonne entente de la gauche, lié, bien entendu, à François Hollande. Il avait son programme qu’il a amendé pour prendre en compte les désidératas des différentes composantes d’une future majorité, à l’issue de négociation. C’est ainsi que le mariage pour tous est entré dans le programme, tout comme une nouvelle négociation autour de l’Europe, le vote des étrangers aux élections locales et la sortie du tout nucléaire, pour se limiter à quelques exemples.

Le premier a été mis en œuvre. Le second, les négociations avec l’UE, a fait pschitt (on ne décide pas à l’avance d’un résultat de négociations…). Les conditions n’étaient pas réunis pour le troisième (et il aurait été une belle connerie, en créant une catégorie de « sous-citoyens »). La sortie du « tout nucléaire » a préparée (et on se rend compte maintenant que c’était une belle connerie). Je passe différents éléments, comme la taxation à 75% des hauts-revenus, qui s’est avérée anticonstitutionnelle.

C’est bien l’ensemble de la gauche qui a permis tout cela, dans le cadre d’institutions (nationales ou extranationales) et la gauche d’aujourd’hui devrait en prendre de la graine. Je ne vois pourtant pas certains, à la gauche de la gauche, faire des compromis (et le reste de la gauche étant ultra-minoritaire, elle fera forcément des concessions).

 


Lors des débats sur le mariage pour tous, on a beaucoup parlé de « droits », comme le droit aux homosexuels de se marier ou d’avoir des enfants. Ce terme a été utilisé dans tous les sens car, à gauche notamment, l’égalité des droits est très importante. Mais au fond, je me demande si on en fait pas trop. Par exemple, pour faire le parallèle avec l’actualité du moment, on considère la retraite comme un droit mais ne devrions-nous pas dire que c’est surtout un droit pour ceux qui ont cotisé ? Question vaguement rhétorique, je reconnais. Mais je ne vais pas m’arrêter là.

On parle de droit à l’adoption mais n’inverse-t-on pas les sujets ? Ne devrions pas plutôt parler du droit des enfants à vivre dans une structure familiale normale (et je me fous à ce stade des différences de sexe ou de genre entre leurs vieux) ?

 

Par ailleurs, on a aussi beaucoup disserté autour de l’intérêt des enfants. Ne peut-on pas se poser la question de savoir si ce n’est pas par dogmatise que l’on se foutait que les parents soient de sexes opposés ou différents ? A-t-on réellement fait des études sérieuses et n’a-t-on pas suivi des espèces de spécialistes idéologues pour se faire plaisir en tant que gauchistes… défenseurs des droits ?

N’est-ce pas un peu comme beaucoup de sujets, comme l’épidémiologie ou la géostratégie, que nous serions devenus des experts comme par miracle ?

(notons que je n'ai pas vraiment d'avis mais je ne vois pas pourquoi les mômes seraient plus dérangés par le fait d'avoir deux parents de même sexe ; je ne fais que poser des questions même si les réponses ont été "décidées" il y a dix ans)

 


Enfin, je me demande si on a pris assez de recul par rapport au mariage, même si je l’ai un peu martelé dans mon blog. A l’origine, le mariage était un sacrement religieux… On a fini par le passer dans le code civil, sans doute du temps de Napoléon mais était-ce bien judicieux. D’autant que, à l’époque, le mariage était plutôt là pour unir des familles, pour garantir la transmission de bien (la « dot ») et pas nécessairement pour féliciter deux tourtereaux qui allaient s’aimer jusqu’à la mort.

Et le mariage a changé, je crois qu’il n’est plus « éternel » que pour un couple sur deux. Se marier a-t-il toujours un sens ?

N’aurait-il pas mieux valu ne pas élargir le mariage mais le supprimer au détriment d’espèces de contrats permettant de faire face aux situations modernes avec tout ce que cela touche, comme les familles monoparentales, celles recomposées…

 

On a considéré ce mariage comme un progrès, pour différentes raisons, pour permettre aux homosexuels de vivre normalement, pour envoyer chier les homophobes et j’en passe. Mais, au fond, n’était-ce pas une régression ?

16 commentaires:

  1. Les homosexuels ont trépigné et braillé pour avoir le droit de devenir des petits-bourgeois conventionnels comme les autres : bravo à eux, c'est ce qu'ils sont devenus.

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    1. C’est bien ça. Et les hétéros « de gauche » ont trépigné pour les encourager au nom du droit à être tous aussi cons.

      NJ.

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  2. Je crois que le mariage est une solution qui ouvre des droits plus difficiles à instituer par d'autres moyens.
    En ce sens il n'y avait pas de raison que les couples homosexuels n'en bénéficient pas.

    Hélène

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    1. Je suis d’accord. Mais ça reste ridicule…
      NJ

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    2. Pour ce qui est des "droits", notamment de succession, il y avait déjà le Pacs.

      DG

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    3. Ben oui. Mais il restait des trucs comme l’adoption (dont je n’ai rien à cirer ce qui veut dire que je ne suis pas spécialement contre, dans la limite de ce que j’ai écrit dans le billet).
      NJ

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    4. Mais non pourtant.
      En cas de décès, l'époux survivant a d'office droit à 25 % de l'héritage du conjoint survivant, ou à l'usufruit ce, en présence d'enfants. C'est plus lorsqu'il n'y a pas d'enfants.
      Pour le pacs, il faut un testament qui peut accorder la quotité disponible au conjoint survivant (ce sont des exemples),
      Quant à la pension de réversion de la retraite ce droit ne s'obtient que par. Le mariage.
      Nicolas a tout a fait raison pour le droit du conjoint pour les enfants (adoptés ou pas)
      Helene

      .

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    5. Pardon pour la coquille "héritage du conjoint survivant"

      Pour l'ensemble du billet, ce combat est dépassé depuis longtemps.
      Aujourd'hui on en est à la fabrique d'enfants par l'intelligence artificielle (vraiment artificielle pour le coup).
      Dans ce monde fleurant la débilité il vaut mieux s'unir que de s'affronter.
      Hélène

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    6. Oui, Hélène. Ce qu'on voulait dire avec Didier (enfin, ce que je voulais dire) est que les plus du mariage auraient pu être ajoutés au PACS. Et tout ce qui existe mériterait peut-être d'être revu (j'ai bien dit "peut-être", je n'y connais pas grand chose mais je découvre à l'occasion de la succession de ma mère).

      D'ailleurs, je ne fais jamais de billet d'expert sur des sujets que je ne maîtrise pas, contrairement à certains qui ont un avis pour tout et me reprennent pour des bricoles (je ne parle pas pour toi, d'autant que ton commentaire porte sur celui de Didier et pas mon billet).

      Je déteste ces statuts intermédiaires, comme le PACS (et je parle du droit de vote des immigrés aux élections locales, dans le billet, c'est un peu pareil).

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    7. J'avais zappé le commentaire d'Hélène de 11h18.

      Je ne veux pas remettre en cause la mariage pour tous dont je me contrefous. L'objet de mon billet est qu'à force on finit par faire passer n'importe quel texte sur le coup de l'émotion ou autre. On le faisait il y a dix ans. On le fait maintenant. Et on l'a fait avec le PACS qui aurait pu (je suppose) être plus complet.

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    8. Nicolas 12h 48
      Ce qui me navre pour désormais tous les textes, c'est que par la porte, la fenêtre, la cheminée ou la trappe de la cave, il semble qu'ils passeront.
      Pas besoin de réfléchir avant, le grand livre écrit par d'autres pays nous les transmet tous mâchés.
      J'ai oublié de te souhaiter un bon anniversaire avec un gros smack😙
      Helene
      ...

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    9. Merci.

      Il n'y a pas à être navré. Cette réforme des retraites était au programme de Macon tout comme le mariage zinzin était à celui de Hollande. Ils sont élus. Le programme passe et basta.

      Cette histoire des retraites est "exemplaire" : comment peut-on, nous autres, pauvres andouilles, savoir si le financement est assuré et, sinon, s'il faut faire une réforme ?

      Pour les autres pays, je ne crois pas que ça soit la question (je ne vais pas en débattre maintenant, mon prochain billet devrait porter sur les élections européennes).

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  3. J’aime bien ton billet. J’en ferai un mais pas pendant les vacances.

    Y a 10 ans, je pense qu’une partie de la droite n’a pas compris le sujet. Il s’agissait de légiférer sur le civil, et beaucoup ont mis du religieux là dedans.
    Dans la sphère civile, il n’y a aucune raison pour que deux personnes qui s’aiment et veulent construire ensemble aient des droits identiques aux autres. Que cela s’appelle mariage ou autre chose.
    Je n’étais pas « pour » dans le sens où si j’avais été au pouvoir je n’aurais pas légiféré sur ce sujet mais pas contre non plus. Et j’aurais voté favorablement.

    Comme on disait sur Twitter, sur la partie enfants je suis moins catégorique. Mais tu m’as dit que le sujet a été éludé.

    Pour le reste, le « 10 ans après j’ai changé » c’est trop gros.

    Beau billet

    Falconhill

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    1. Pour ta première phrase, c'est un peu ce que je dis, il aurait fallu laisser le mariage au domaine du religieux. Pour ce qui concerne les enfants, je le dis aussi ici, dans le billet : "A-t-on réellement fait des études sérieuses et n’a-t-on pas suivi des espèces de spécialistes idéologues pour se faire plaisir en tant que gauchistes… défenseurs des droits ? N’est-ce pas un peu comme beaucoup de sujets, comme l’épidémiologie ou la géostratégie, que nous serions devenus des experts comme par miracle ?"

      Ce qui me gonfle, justement, avec le "j'ai changé", c'est qu'ils ne le disent pas. Ces cons affichent une opinion contraire à celle qui sortait il y a dix ans. Ils pourraient dire un truc comme : "j'étais contre le mariage pour tous et on a vu qu'il était entré facilement dans les moeurs, j'ai donc changé d'avis, mettez moi un peu plus de glaçons dans mon Ricard s'il vous plait".

      Merci.

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    2. Et ton billet super car il met de la perspective. Je te sais pas forcément porté sur le religieux. Mais la foi en la sacré est personnel, et dans notre terrain de jeu républicain nous avons à gérer la citée. Pas le reste.
      Pour autant, c’est toujours idiot de vouloir provoquer, par principe, le « mâle blanc chrétien » ou la croyante de Versailles. Peut etre que le terme « mariage » pouvait ne pas être utilisé, tu as raison. Tu l’as bien mis en avant au début un « sacrement religieux ».


      Maintenant, même si je pense une partie de la gauche (aujourd’hui à la NUPES) prennent plaisir à provoquer, ce n’était pas l’objectif de la gauche républicaine au pouvoir à l’époque. Et c’était une connerie de la droite républicaine de faire une courte échelle à « plus à droite que moi tu meurs »

      Mais la contrition d’aujourd’hui, quelque blague.

      En parlant de glaçon ça me donne envie de boire un coup. Bonne soirée

      Falconhill

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    3. Tout le monde a été nul sur le sujet. Il aurait fallu faire la loi plus sans laisser traîner six mois.
      NJ

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