03 juin 2024

Mein Kampf et mon risotto éthique

 


Ma mère est morte depuis plus d’un an et le ménage dans la maison continue. Ce week-end, avec ma nièce, nous nous sommes lancés à l’assaut de la bibliothèque ce qui est délicat : de quel droit pouvons-nous « jeter des livres » ? Il y a d’un autre côté de potentielles œuvres littéraires et de l’autre des ouvrages reçus en cadeau. Comment jeter ? Peu importe : j’ai de la place à récupérer si je veux aménager un peu la maison à mon goût et virer les fantômes du passé !

A propos de fantôme, nous avons trouvé un exemplaire de Mein Kampf. Il y a peu d’informations au sujet « de l’édition » mais une note manuscrite montre que le premier propriétaire l’a reçu en janvier 1940 (son nom est illisible mais il pourrait bien s’agir du nom de naissance de ma mère, donc celui de son père). Vous trouverez sur Internet des renseignements sur la version française (ici, par exemple). L’édition commence par cette phrase du Maréchal Lyautey : « Tout Français doit lire ce livre » puis par un préambule (je ne sais pas qui l’a rédigé) sur le thème : « Les Français doivent savoir qui est ce petit bonhomme qui a pris le pouvoir chez nos voisins et ce qu’il veut faire ».

 

J’ai reçu l’absolution pour avoir tenu ce livre maudit car, en parallèle de nos travaux, je préparais un risotto multiculturel (avec du chorizo revenu dans du beurre salé, pour vous dire), égalitariste (j’utilisais deux types de riz) et antiraciste (les crevettes venaient des côtes du Tchad). Etique, donc. Et anticolonialiste vu que j’ai ajouté une touche de piment de Cayenne.

 

Pour rigoler, j’en ai parlé dans Facebook brièvement en disant : « c’est bien la peine d’être issu d’une famille communiste ». Nous avons discuté avec les copains dans les commentaires puis quelques remarques un peu bizarres sont venues…

Il y a eu par exemple des propos d’une inconnue que disait que son frère avait été interdit de Facebook après avoir publié une photo similaire à la mienne. J’en ai rigolé. Elle m’a montré une coupure de presse « prouvant » ses propos. Elle a surtout prouvé qu’elle passait une partie de ces journées à la recherche des types qui parlaient de « Mein Kampf » dans les réseaux sociaux, ce que j’ai fini (au bout de 24 heures, tout de même) par lui répondre. Elle a supprimé ses commentaires. Tant pis.

Facebook n’interdit évidemment pas la publication de certains livres ce qui fait qu’on peut s’interroger sur le texte d’accompagnement de son frère… N’aurait-il pas été un tantinet proche de l’incitation à la haine ? C’est d’ailleurs amusant de faire une recherche Google avec « Facebook Mein Kampf » pour voir le nombre d’abrutis qui hurlent à la censure.

Mais soyons sérieux. Le bouquin est tombé dans le domaine publique vers 2010 et est autorisé à la vente en France depuis 2016. Google peut être utile à utiliser avant de raconter des âneries.

 

D’ailleurs, j’ai reçu ce commentaire : « Ils l'ont interdit ce livre, car c'était leur bible anti-communiste et difficile d'assumer après la guerre de suivre la même ligne que Hitler. » C’est quand même stupéfiant de voir des gens limiter ce livre, a priori un appel à un génocide (je n’ai pas encore lu), à un pamphlet contre le communisme utilisé par… le monde de la finance ? Pourquoi pas à la solde des juifs, non plus ?

Je parlais de fantôme… Je pense que les vieux communistes devraient tout de même faire le ménage dans leurs boyaux cérébroïdes et admettre que les expériences de communismes dans le monde, fatalement privateur de liberté (notamment en supprimant la propriété privés, l’enrichissement) finissaient par déboucher sur des dictatures que l’on pourrait qualifier de sanguinaires.

C’est tout de même délirant d’être incité à écrire cela suite à la diffusion d’une photo de la couverture d’un livre trouvé dans la bibliothèque familiale même si faire le constat ci-dessus ne m’a jamais empêché de voter communiste, notamment à la dernière présidentielle.

Les gars, respirez…

 

En fait, ce qui me surprenait le plus, dans cette découverte « combative », c’est le fait qu’elle figure dans « l’héritage » d’une des branches de la famille. A ma connaissance, aucun de mes aïeux encore en vie à l’époque de la guerre ont fricoté avec les teutons. Cela étant, si ça avait été le cas, « ils » ne s’en seraient probablement pas vanté après.

L’occasion, pour moi, de faire un nouvel aparté. Vous trouverez assez facilement dans Wikipedia la liste des fondateurs du Front National. Elle commence par Victor Barthélemy, ancien communiste, puis Rolande Birgy, décoré pour avoir permis de sauver des enfants juifs, Emmanuel Allot, ancien socialiste, André Dufraisse, ancien de la CGT, Roland Gaucher, ancien Trotskyste…

J’arrête là mais faites attention à vos fantômes quand vous voulez lutter contre le RN avec vos pseudos arguments historiques…

 

Je m’étonnais donc de la présence de ce machin dans ma bibliothèque mais c’était seulement l’histoire de la famille qui m’intéressait mais une personne (que je connais un peu des réseaux) m’a dit de ne pas culpabiliser car je n’étais pas responsable !

Encore heureux que je ne sois pas responsable des actes de mes ancêtres (et je ne la félicite pas, d’ailleurs, de penser que je croyais que mes ascendants auraient pu commettre des saloperies).

C’est aussi un problème de la gauche nouvelle qui nous a pondu le « décolonialisme ». Nous ne sommes pas responsables. J’en voyais un, l’autre jour, qui expliquait que seuls les Canaques pouvaient décider de l’avenir de la Nouvelle Calédonie, chiant ainsi sur le droit du sol qui me parait, pourtant, un truc qui devrait être une règle de base, à gauche ! Le plus drôle est sans doute que c’est le genre de type qui va aller manifester pour le droit de vote des immigrés en métropoles.

 

Je pense que la sortie (de mes étagères) de Mein Kampf devrait être l’occasion de discuter de notre histoire et de l’antisémitisme. J’ai encore vu deux vidéos de Mélenchon à propos du conflit Israélo-Palestinien, dans TikTok. C’est fou le nombre de conneries qu’il peut sortir sans même relativiser…

A ce sujet, le confrère Cincinnatus a pondu un bon billet sur le thème « imaginez que la France soit Israël, accusé d’attaquer un fief de Daech qui a fait des attentats sur son sol ».

Ils sont là, aussi, les fantômes. LFI surfe depuis quelques mois sur l’antisémitisme (voir aussi le billet de l’ami Seb, très bien, mais qui évoque aussi les changements de discours de Mélenchon).

Les militants de la gauche radicale sont amusants. Ils s’imaginent que défiler dans la rue et assister à des meetings va entraîner l’arrêt des conflits (comme si Netanyahou allait se dire « mon dieu ! Il y a une manifestation à Châteauroux, je vais arrêter les bombardements) mais surtout, ils vont finir, peut-être sans le vouloir, par tenir des propos antisémites.

Et ils diront, un jour : « on ne savait pas ». Un jour ? Celui où un nationalisme religieux d’un autre âge aura pris le dessus chez nous.

 

A la fin des années 30, il y avait, en France, des gens qui diffusaient Mein Kampf, non pas pour relayer la propagande, mais pour que personne ne puisse dire « on savait pas ».


A l'attention de l'hébergeur de ce blog et des médias qui reprendraient ce billet : la photo d'illustration représente le câble RJ45 qui permettent de connecter mon PC à Internet sans être traversé par d'affreuses ondes Wifi.

9 commentaires:

  1. Vous êtes sûr qu'il n'y a de date d'édition nulle part ? Soit au tout début, soit à la dernière page ? De toute façon, ce ne peut être que dans les années trente : à partir de 1940, les Français étaient bien placés, en ayant constamment sous les yeux, pour savoir que la croix nazie “tournait” vers la droite, et non vers la gauche comme sur la couverture du bouquin.

    (Accessoirement, les expériences communistes ne "finissaient pas par déboucher“ sur des dictatures : elles l'étaient dès l'origine. En Russie, les premiers "goulags" ont été ouverts dès 1918, soit sous la férule de Lénine et de Trotsky…)

    Tout cela ne doit pas vous empêcher de me mettre précieusement ce Mein Kampf de côté pour la prochaine fois où on se verra : c'est que j'ai une réputation de nazi à soigner, moi !

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    1. Oui, je suis sûr qu'il n'y a pas de date.

      Pour les communistes, oui. Mais j'essaie de parler à des communistes qui s'imaginent pouvoir créer le monde idéal.

      Oui, je vais vous le refiler. Comme ça, vous saurez pourquoi vous êtes nazi.

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    2. Même fin 39 s'il s'agit bien de la première édition intégrale en français.

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  2. Ce genre de livres étaient fréquemment offert par les employeurs à leurs salariés à l'occasion des fêtes de fin d'année. J'ai eu entre les mains un exemplaire de celui-ci offert aux salariés d'un célèbre grand magasin parisien.

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    1. Ça je ne sais plus.
      C'était celui-ci :
      https://fr.todocoleccion.net/livres-occasion-seconde-guerre-mondiale/mein-kampf-1942-mi-lucha-adolf-hitler-tercer-reich-fuhrer-nazi~x71564947?gad_source=1&gclid=Cj0KCQjw0_WyBhDMARIsAL1Vz8siE1z5x0R7ZQGeOLVmyzZFl9CeDc5vHAWA6ZT-VCnEsbCaiZdujyUaAlp1EALw_wcB

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  3. En vidant la bibliothèque de ma grand mère a son décès j'ai trouvé deux exemplaires de ce mein kampf, pas la même édition. La couverture était plus neutre, je veux dire sans svastika, juste le titre bleu marine sur papier vélin beige.
    Bon comme c'était avant que l'œuvre ne soit de nouveau autorisée, j'ai stocké ça au fond de mon bordel et demandé à ma mère encore présente à l'époque l'origine du propriétaire, ma grand-mère ? Ou l'arrière grand-père poilu de 14 ?
    La réponse est tombée de suite. ma grand mère ouvreuse, rentrait après le couvre feu de paris. N'ayant pas toujours le temps de renouveler l'ausweiss de circulation nocturne hebdomadaire, elle avait toujours un exemplaire dans son sac, pour influencer un éventuel contrôle.
    j'ai lu quelques pages. mais n'ayant pas envie d'être possédé, je l'ai assez vite lâché. j'ai recyclé bac jaune un exemplaire mal en point, apres tout les nazis brûlaient les livres, mais il m'en reste un que j'attaquerai sûrement un soir de Tempête histoire de mettre un peu plus de frayeur dans le perimetre.

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    1. Voila un excellent prétexte pour avoir ce bouquin !

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