28 janvier 2015

Faut-il "y croire" pour être de gauche ?

Dans Facebook, un copain se demandait s’il fallait avoir un espoir de transformation en Europe suite aux élections en Grèce. Il disait vouloir y croire. Je lui ai répondu que j’espérais un changement mais que je n’y croyais. Il m’a répondu en plaisantant que c’est parce que je ne suis plus de gauche. Prenons-le au sérieux l’espace d’un billet de blog…

Le débat sur le thème « qui est de gauche » fait rage depuis quelques temps dans la blogosphère, une partie de la gauche voulant casser Manuel Valls à tout prix, « tu es de droite » devient insulte dans les milieux de gauche (et vice versa, je suppose). Par exemple, la loi Macron est présentée comme une loi de droite alors qu’elle s’attaque à des intérêts de particuliers comme les professions réglementées et qu’elle propose de dédommager tous ceux qui travaillent le dimanche… D’un autre côté, c’est assez savoureux de voir tous ces braves gens de gauche se féliciter de l’apprentissage de la Marseillaise à l’époque. Tout comme il était rigolo de les voir se battre pour le mariage en 2013.

Le copain en question introduit un nouvel angle : peut-on être de gauche si on « n’y croit plus » ?

La réponse est : oui. Il ne s’agit pas de ne pas y croire mais de ne pas croire que le changement peut venir d’un seul événement, dont une élection chez nous ou ailleurs ou d’une ébauche de renégociation de traité.

En fait, je m’en fous.

Il y a par contre un danger. Si toutes les actions ou événements peuvent être considérés comme utiles, le risque est de penser qu’ils seront suffisants voire de penser que le changement est acté. Par exemple, on parle beaucoup de racisme, ces temps-ci, et François Hollande a prononcé un discours assez fort, hier. Il n’empêche que ses propos n’ont pas encore été traduits dans la loi, que la loi n’est pas encore appliquée, que les juges ne pourront peut-être pas l’appliquer et si elle est appliquée, elle réduira les expressions de racisme mais pas le racisme en tant que tel.

Je ne crois donc pas que la loi aura le moindre effet sur le racisme (ce qui ne veut pas dire qu’elle est inutile) mais ce n’est pas pour cela que je ne garde pas l’espoir d’une baisse du racisme…

Et à force de croire que les événements ou actions ont de l’importance, on oublie qu’ils ne sont pas nécessairement efficaces et que les idéaux de la gauche ne seront pas atteints si on ne continue pas à se battre.

En croyant, on lutte donc contre les idéaux de gauche. Ainsi, le fait d’y croire ou pas n’entre pas en compte, à mon avis, dans le fait d’être à gauche ou pas.

En outre, je suis peut-être plus gauchiste que des gauchistes estampillés gauche de la gauche dans le sens où des idées ultragauchistes me conviennent. Par exemple, je ne suis pas favorable à la propriété privée de biens. Disons que je m’en fous. Ce qui m’importe est d’avoir un logement et un iPhone. Qu’ils soient à moi, je m’en fous alors que je connais des types de gauche qui se précipitent pour acheter un iPhone neuf…

Par contre, je ne crois à la majorité des opinions de gauche dans notre pays. Sur les 45% des français qui votent à gauche, en moyenne, à une élection présidentielle, la plupart sont extrêmement modérés et souhaitent conserver leur iPhone. Les urnes et autres événements ne feront jamais basculer notre système politique. On ne pourra donc l’améliorer que par petites touches.

En outre, si je ne suis pas partisan de la propriété privée, je suis libéral car je pense que je n’aurais jamais eu à disposition un iPhone si des entrepreneurs n’avaient pas créé Apple et gagné de l’oseille avec. Pourquoi je parle de libéralisme, ici ? Parce qu’un type de gauche défend assez facilement la liberté comme valeur de gauche tout en prétendant lutter contre le libéralisme qu’il confond avec le capitalisme sauvage. Explique donc aux Grecs que la nouvelle gauche qui les gouverne veut leur supprimer leur iPhone… Je suis contre la propriété privée mais pour la possibilité pour les actionnaires d’Apple de s’enrichir ce qui est paradoxal…

Ainsi, tout dépend de la gauche que l’on voit et les paradoxes sur lesquels on pense s’asseoir…

Mais j’y crois. Je crois aussi que la religion est l’opium du peuple.


Amen.

11 commentaires:

  1. Bah... Les gens de droite y croient aussi. Même les gens du Centre. Même les extrémistes... Y croire est sans doute le propre des militants...

    Sinon il est bon ton billet. Un gars de droite, ou du centre, ou de l'extrême, pourrait en écrire un similaire (avec un peu de ton talent).

    Ce qui peut peut être faire peur, c'est que de moins en moins de gens y croient, à leurs idéaux politiques (tel qu'il soit). Qu'il soit d'une gauche, d'une droite, ou d'ailleurs...
    Et on pourrait écrire un autre billet, si le fait de ne plus y croire n'est pas la défaite de la politique, voire de notre société...

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    1. Merci.

      Je ne crois pas qu'un extrémiste pourrait l'écrire. Je pense qu'un tel billet est forcément centriste. De gauche ou de droite.

      Pour ton dernier paragraphe : non. Du moins, s'il n'y a pas d'autre solution, ce n'est pas un échec. Prends l'exemple du communisme qui représente un peu mon idéal. Il se traduit nécessairement par une dictature aboutissant à des massacres et des privations de liberté tout en se recommandant défenseur des libertés... C'est l'échec du communisme, pas du politique ou de la société. Si c'était l'échec de la société, il faudrait en changer. Passons à la charia. Et tu remarqueras que c'est ce que favorisent nos "nouveaux communistes" plus ou moins en empêchant toute critique. Ce qui en fait des extrèmistes de droite.

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  2. Et si on nous faisait croire que la Gauche n'a jamais existé et que ce n'est qu'un complot. C'est à la mode les complots...

    "Le débat sur le thème « qui est de gauche »" => on me taxe de pro-Mélenchon sur Twitter, voire d'extrème-Gauchisssss' limite demeuré par des "socialos de bonne tenue" alors que du côté pro-Méluche je me fais taxer de con de Gauchissss' pro-Pépère.

    J'ai du mal à retrouver la Rose mais mon poing dans la gueule, je crois que je trouverai assez vite face à ces abrutis de Gôche qui ne font que diviser pour mieux ne rien branler que la moue qui leur sert de cerveau.

    Paf !

    Nan mais !

    A ta question : "peut-on être de gauche si on « n’y croit plus » ?

    Ben oui, mais pas avec n'importe qui ! Et padamalgamation dans mon propos ! Hu hu hu !

    Sinon, je suis de Gauche, et/mais je n'approuve pas tout ce qu'il se passe et ne me contente pas des élans d'émotions humanistes trouvant leurs sources dans le malheurs d'événements douloureux brandis en pancarte pour faire valoir ce qui sera oublié en l'espace de quelques jours.

    Pendant que nous nous indignons (à juste titre certes souvent) des décisions sont prises mais l'émotion nous empêche de cogiter à leur sujet.

    Reste les blogs.

    Bonne soirée Nicolas !

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    1. C'est quoi cette tartine ? ;-)

      Tu as très raison sur l'indignation. Voir mon billet sur l'annexe. C'est quand etre de gauche devient une posture que c'est la catastrophe.

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  3. De toute façon, je suis trop à gauche pour les uns ou trop à droite pour les autres (ça dépend avec qui je parle, en fait - mais j'arrive pas à me convaincre que je suis centriste, je ne m'y résous pas), les anathèmes sont faciles...un vieux proverbe africain dit que tant que ce sont les chasseurs qui raconteront les contes, le lion ne gagnera jamais

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    1. Voilà. Ça m'amuse de voir comment je peux etre vu par les types de droite et ceux de gauche.

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    2. En fait il faut être de "la vraie" gauche ou droite. Sinon on se fait insulter par les soit disant puristes de chaque camp.

      Qui au demeurant ne représentent rien dans la société et dans les urnes... (et souvent sont même ceux qui font perdre leur camp, mais c'est un autre débat ^__^)

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    3. Oui ils le font perdre. C'est aussi l'objet de mon billet.

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  4. A une (pas si) lointaine époque, on disait :"Choisis ton camp camarade !"
    Si j'ai bien conscience du côté un peu binaire de la chose, au fur et à mesure que les années s'écoulaient, ce terme est devenu, au mieux, risible, au pire, centre d'un absolu mépris.
    Même plus le réalisme en tant que tel qui prédominait, mais la conviction que c'était comme ça et pas autrement, qu'on ne pourrait rien n'y faire et qu'on avait même pas à essayer, d'ailleurs (malgré la volonté des peuples, la plupart du temps).
    Pas une histoire de "croyance", mais bien de désir et de nécessité, au vu de l'étau dans lequel on se retrouve tous progressivement coincés.
    En ce qui me concerne, j'ai choisi mon camp, et c'est bien je ne me trompe, c'est bien lui, qui parle de "changement" (sinon dégageons d'ores et déjà le mot "politique" et ce qu'il trimbale comme sens du vocabulaire commun) :
    http://www.politis.fr/Grece-le-monde-de-la-finance-passe,29883.html

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    1. Oui mais le changement ne peut qu'être progressif. Et il ne faut pas se tromper sur la volonté des peuples. Et sur le domaine du possible.

      Mon exemple de l'iPhone est une caricature mais un bon exemple. L'idéal serait qu'Apple continue à gagner du pognon mais que ce pognon soit mieux redistribué, par l'impôt sur les bénéfices ou les dividendes des actionnaires. Mais ce n'est pas possible. Apple n'est pas une boîte française ou européenne mais américaine qui fait produire ses machins en Chine...

      Alors quand je vois des gens de gauche se replier sur eux mêmes, sur le pays, j'hurle. Il faut des accords internationaux.

      Le socialisme est nécessairement internationaliste.

      Enfin, Anne Hidalgo va réussir à interdire le gazole à Paris. C'est contre la volonté du peuple. Seule la gauche peut faire ça (mais reste minoritaire...). Et le changement ne peut se faire que par petite touche.

      Enfin, c'est bien le libéralisme qui permet à chacun (ou presque...) d'avoir un smartphone. Et c'est un progrès. Un progrès social, il touche le plus grand nombre (j'ai bien mis presque, il reste des gens qui n'ont pas les moyens mais parmi ceux qui n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois, une bonne partie a quand même réussi à payer son abonnement à la 3G).

      A propos d'iPhone, je n'aime pas répondre aux commentaires avec le mien, je n'arrive pas à suivre le fil de pensée.

      Par ailleurs le débat droite gauche est biaisé. Dans la loi Macron, il y a un volet sur les transports en car intercités. C'est l'ouverture de la concurrence pour la SNCF. Alors les mecs qui se prétendent de gauche gueule sans ce rendre compte que les compagnies de car qui vont à Loudéac sont déjà privées. Si un entrepreneur créait une compagnie de car entre La Défense et Loudéac, j'économiserais 40 ou 50 euros, une heure trente et une journée de congés un vendredi sur trois. Ça serait un changement et un progrès. C'est un changement qui se fait par petite touche. Mais les types de gauche en sont à lutter contre le changement.

      Il y a ainsi un décalage concret entre ce qu'est devenue la gauche et ce qu'elle devrait être. Ce matin, il y avait une grève sur le RER A suite à l'agression d'un conducteur. Personne ne gueule à gauche au nom de grands principes alors que des centaines de milliers de salariés en subissent les conséquences.

      --/--

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    2. C'est donc une grève corporatiste, bien de droite. Le droit de grève de gauche est basé sur un pré requis : le préavis de grève. Ça aurait permis à ces gens de prendre des dispositions (c'est anecdotique mais typique).

      Comment veux tu qu'Hidalgo supprime les diesels si on n'a pas de transports en commun. Où est l'intérêt collectif ? Où sont les conditions du changement ?

      Tout va ainsi. On ne peut plus choisir de camp. Tu prends l'augmentation de la TVA sur les services à domicile et les travaux à la maison. La gauche gueule parce qu'il s'agit de la TVA. Or, c'est une hausse qui touche ceux qui ont les moyens d'avoir des salariés à la maison et les propriétaires. Est-ce de droite ou de gauche ? Et la même gauche se réjouit de la hausse de la TVA dans les bistros alors qu'elle touche les braves gens qui vont boire un café.

      Le rapport droite gauche vus de la gauche est figé, ce qui empêche le changement.

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