28 novembre 2014

Agriculture politique

Ce soir, je lisais le billet d'Authueil qui était autant blogueur de gauche que moi chanteuse d'opéra. Peu importe le sujet. Comme presque toujours (pas toujours, certains billets sont trop techniques), il analyse "froidement" un sujet sans tenir compte des étiquettes politiques. Nous avons donc un blogueur de droite qui salue les pratiques d'un ministre de gauche, en l'occurrence Fleur Pellerin. 

http://authueil.org/?2014/11/28/2279-etre-un-bon-ministre-de-la-culture

Pardon. Une ministre. 

Sa lecture me rappelait certains billets que je fais, sans avoir ses compétences. Par exemple, au sujet de la réforme territoriale (et pour laquelle je n'ai pas, non plus, la moindre compétence : je ne suis pas élu et n'ai pas à faire fonctionner ces bordels), le sujet m'intéresse et le traite presque méthodiquement et surtout sans le moindre a priori, sans même chercher à défendre le gouvernement (mon dernier billet était d'ailleurs à charge). Je me documente, suis abonné à des machins spécialisés, me forge un avis et rédige mon truc dans mon style, réservant la prose ampoulée pour le travail. 

Authueil ne sera pas cloué au piloris par des hordes de blogueurs de droite pour avoir dit du bien d'une "proche collaboratrice" de François Hollande. 

Pourquoi je vous raconte ça moi ? 

En lisant le début du billet, je m'attendais à une charge et j'ai été agréablement surpris. Je me disais que j'étais d'accord avec lui alors qu'il a une position qui est pas de gauche et que Fleur Pellerin n'est pas franchement ce que la gauche pourrait attendre d'une ministre de la culture, à savoir : donne-moi des subventions pour monter mon spectacle et viens à l'inauguration pour dire que c'est vachement bien. 

Entre nous, je ne pouvais pas la blairer mais j'ai changé d'avis quand elle a dit qu'elle ne connaissait pas Modiano et n'avait plus le temps de lire. 

En lisant, je me disais que je pouvais faire un billet parlant de celui d'Authueil. Et je me disais qu'on allait me tomber dessus, des pures gauchistes qui ne se rendent pas compte qu'ils ont une vision élitiste de la culture se foutant totalement de l'accès à la culture pour tous. Et qu'avec cette vision, ils défendaient essentiellement des intérêts privés. Tiens ! L'emblème de l'exception culturelle française de gauche est "les intermittents". Ils sont pourtant essentiellement employés par des boîtes privées qui ont trouvé une excellente solution pour ne pas employer de types en CDI. 

Pourquoi je vous raconte ça moi ? Demandais-je récemment. 

Parce que cela illustre à merveille de récents billets que j'ai pondus, celui d'hier à propos de l'IVG ou celui de ce matin à propos de Sarkofrance et de ses commentateurs imbuvables. 

Est-ce qu'on ne pourrait par parfois enlever ses œillères ? Arrêter d'avoir des positions tranchées ? Sommes-nous obligés d'exprimer un avis formel sur tout ? 

Authueil soulève un point intéressant ? Un ministre de la culture à quel boulot ? C'est quoi son job ? Doit-il passer du temps à apprendre par cœur la fiche Wikipedia de Modiano. 

Tout le monde lui est tombé sur le poil, les gens de droite parce qu'elle est à gauche et les gens de gauche parce qu'ils la pensent à gauche. 

A un moment, je me demandais en rigolant si je n'étais pas le seul à avoir lu Modiano (il y a près de 30 ans...), pourtant. 

Ça me rappelle aussi les billets que je faisais au sujet de Notre-Dame-des-Landes pour lesquels les commentateurs récitaient par cœur les argumentaires du parti, certains se prétendant spécialistes. J'étais sans doute le seul à avoir pris l'avion à Nantes parce que mon boulot l'avait exigé. 

Ça me rappelle aussi certains billets que je fais sur les professions réglementées ou les bistros avec des types de gauche qui m'approuvent sans se rendre compte que ces billets sont très libéraux. 

Authueil est un dangereux gauchiste et je suis un vil libéral. Quand aux militants politiques du web, ils ne peuvent s'accrocher qu'aux publications politiques du parti. 

A part ça, cet affreux réactionnaire n'a pas raison pour tout. Mais quand il rappelle que l'accès à la culture pour tous, le vrai rôle du ministère, nécessite de travailler avec les industriels du numérique, il n'a pas forcément tort. 


Envoyé de mon iPhone

10 commentaires:

  1. Fleur Pellerin a d'autant plus de mérite qu'elle aurait pu facilement réciter une fiche sur Modiano que lui aurait préparée quelqu'un de son ministère ( on voit aussi la même chose lorsqu'un politique commente techniquement un match de foot à la mi-temps.)

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    1. On est d'accord. Elle aurait pu tricher. Apprendre la fiche Wikipedia. Consacrer une nuit à lire le dernier Modiano...

      Il faudrait que je prenne le temps de creuser le sujet (le rôle du ministère de la culture et tout ça). Par exemple, je ne suis pas d'accord avec Authueil au sujet de Lang (et je ne demande qu'à ce qu'on me démontre que j'ai tort, je ne peux pas le blairer) mais c'est quand il était ministre qu'une école de musique a été créée à Loudéac, que la bibliothèque municipale s'est ouverte à tous, que les bistros ont commencé à organiser des concerts... La culture pour tous me semble avoir été un de ses grands acquis.

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  2. Je n'ai jamais lu Modiano mais j'ai pris l'avion au départ de Nantes Atlantique toutes les semaines pendant plus d 6 moi.
    Suis je pour autant un ignare en littérature et un spécialiste en aéroport ?

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  3. Le billet d'Authueil est très bien, sauf qu'il est à côté de la plaque. Je suis d'accord sur le fait que rompre avec les détestables pratiques de Lang et de ses successeurs est une bonne chose (si tant est qu'elle le fasse vraiment, ce dont je doute un peu quand même). En revanche, je ne suis pas du tout d'accord pour dire qu'un tel ministre doit avoir pour but de vendre des "biens culturels", c'est-à-dire, neuf fois sur dix, des choses n'ayant rien à voir avec la culture et tout avec le divertissement.

    La question est : à quoi sert un ministère de la Culture ? La réponse est : à rien. À rien du point de vue de la culture en tout cas. Ce truc, inventé pour occuper Malraux, n'a aucune raison d'être et devrait être supprimé, remplacé par une direction du patrimoine assez généreusement dotée pour être efficace.

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    1. Tout se discute !

      D'une part, il ne faut pas résoudre Lang à son volet négatif, il a fait des choses très bien (avant de devenir le type que l'on connait, détestable depuis une douzaine d'années), notamment à l'occasion de la décentralisation, permettant aux ploucs d'avoir accès à la culture. On peut lui reprocher un tas de trucs, on pense évidemment à la fête de la musique mais ce machin est très bien car il permet de rapprocher les différents types de musique, les générations,...

      Le ministère ? Il y a déjà des directions nationales (et régionales) pour gérer le tout. Vous croyez que le ministre peut-être partout ? Il reste le volet politique à régler : la négociation du budget, la gestion des sujets chauds comme les intermittents, la communication (les médias)... et le commerce de la culture, sujet chaud de la décennie à cause du numérique. Du temps de Sarkozy, la droite a échoué avec des cochonneries comme Hadopi et la gauche semble mal barrée, d'où la récente nomination à ce poste d'une spécialiste du sujet, Mâame Pellerin.

      Alors, certes, on pourrait changer l'intitulé du ministère et interdit l'usage du C majuscule à culture dans cet intitulé.

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    2. Il n'y a pas du tout besoin d'un ministère de la Culture pour régler le problème des intermittents : un ministre du Travail devrait y suffire, ces gens ne ressortissant que de fort loin à la culture. Il en va de même pour les autres "bricoles" que vous citez : l'informatique, la "communication", le commerce, etc. Rien de tout cela ne concerne la culture.

      (Si on met une majuscule à ministre de la Culture, c'est parce que c'est la même règle que pour tous les autres ministères…)

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    3. Donc, changeons le nom du ministère.Avant Land, d'ailleurs, il me semble que c'était un secrétariat d'Etat aux affaires culturelles.

      Pour les intermittents, on est d'accord. Pas pour le reste, mais c'est uniquement de la tambouille : le job est à faire par un membre du gouvernement. Et le ministre de la culture est en fait ministre de la culture et de la communication.

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  4. "ils ont une vision élitiste de la culture se foutant totalement de l'accès à la culture pour tous."

    Là, je crois qu'il y a besoin de faire attention aux mots employés. Si vous parlez vraiment de culture, je ne puis qu'être d'accord avec le fait qu'il s'agit d'une démarche élitiste. C'est même la démarche la plus élitiste qui soit, à ceci près qu'elle n'est pas liée au statut social des individus mais à leur appétence pour ce qui va les enrichir. Je connais bien des ouvriers et employés cultivés comme ne le seront jamais des types ayant la prétention d'être des intellectuels et qui jouissent de la mansuétude des médias.

    Quant à l'accès à la culture pour tous, le mieux que l'on puisse faire, c'est de construire des bibliothèques, des vraies, pas de ces imbéciles médiathèques ou les disques, les dvd, la salle informatique ne cessent de grappiller l'espace qui normalement devrait revenir aux livres. Le reste, ça n'est jamais que du culturel, c'est à dire pas de la culture mais du festif, du spectacle, de la scénarisation, des parcours bien balisés où le visiteur est guidé par des audioguides qui lui expliquent ce qu'il doit voir et ce qu'il doit en penser. Bref, la culture de masse avec la transformation des musées en espaces interactifs avec boutiques intégrées, ça n'est jamais que du bizness, de la création de marques, une fabrique de bouillie prédigérée à destination du vulgum pecus, parce qu'on considère qu'ils sont trop cons pour regarder, analyser, rechercher de quoi approfondir leurs connaissance.

    Quant au ministère, vous savez ce que j'en pense. Un secrétariat d'état au patrimoine avec pour seule mission l'entretien de l'existant et l'augmentation des collections, doté du même budget mais dédié à ces deux seules missions suffirait. Pour l'heure, le ministère vend des châteaux, des pièces uniques et historiques, afin de financer je ne sais quels saltimbanques de rue, à moins qu'il ne s'agisse de je ne sais quel "artiste" qui est inconnu à l'étranger et qui compte sur la commande publique pour vivre.

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