08 novembre 2014

Hollande et sa communication : ne peut pas mieux faire ?

Dans le train qui ramenait en Bretagne, hier, après la rédaction de mon (mauvais) billet, je lisais un tas d'analyse dans la presse et les blogs à propos de la prestation de François Hollande et de l'échec de sa communication depuis son élection. Je crois que c'est Suzanne, du Merle Moqueur qui a une des meilleure explication : on ne comprend pas François Hollande. Tous les autres textes m'amusaient beaucoup parce que les rédacteurs se croient plus intelligents que les autres, normal, et que les arguments donnés sont en contradiction entre les articles, je ne peux que rigoler.

Alors, je me suis posé la question autrement : aurait-il pu réussir sa communication ? Je me suis donc apporté la réponse : non. Il n'aurait pas pu réussir. Il aurait tout juste pu éviter quelques boulettes. Par exemple, dès le lendemain, il nommait un ministre du redressement productif. Cette appellation, qu'il a préféré à ministre de l'industrie, était ridicule et faisait perdre de la crédibilité. Mais ce n'était qu'une bricole.

Ainsi, nos analystes ont oublié ce fait : il était impossible de réussir. Je vais donner trois raisons et vous pouvez en ajouter d'autres.

La première : l'information en continu. Les chaînes d'information en continu et l'usage d'internet pour suivre l'actualité se sont progressivement développés et les politiciens n'ont pas su le gérer. Il y a une vraie fracture vers 2005, peut-être avant. La date importe peu mais je me rappelle très bien que le porte parole du gouvernement était Jean-François Copé. J'ai commencé à bloguer peu après. Les médias, bien obligés de vivre, ont donné plus d'espaces à la politique (politicienne) et le « personnel politique traditionnel » n'a pas su gérer la transition.

La communication du gouvernement et du président sont devenus difficiles à gérer et les partis politiques (y compris le PS jeudi soir, nous révélait Le Lab) ont été obligés de diffuser des éléments de langage. Les interventions des politiciens sont devenues des caricatures.

François Hollande s'est exprimé à la télé, jeudi soir. Environ un électeur sur 5 l'a écouté. C'est rien. On a donc quatre électeurs sur cinq qui n'ont un retour que le brouhaha courant fait par les médias qu'ils suivent.

Ainsi, d'ailleurs, aucun des analystes que j'ai vu a parlé des 35 ou 37 millions « d'inscrits » qui n'étaient pas devant le poste.

La deuxième : Nicolas Sarkozy a changé la pratique de la présidence avec ce qu'on a appelé l'hyper-présidence.

Rappelez-vous "avant". On avait des Présidents qui étaient un peu des rois fainéants. Ils laissaient le Premier Ministre et intervenaient à l'occasion genre : je décide, il exécute. Nicolas Sarkozy a fait l'inverse. C'est sa personnalité. Il avait le même fonctionnement avant, quand il était ministre de l'intérieur (mais on pourrait remonter à la prise d'otage dans une maternelle à Neuilly sur Seine). En a suivi le "un fait divers une loi".

On s'est tous précipités dedans.

François Hollande a été obligé de plonger dedans et n'a pas su en sortir, d'autant qu'il a été obligé un premier ministre qui a rapidement eu une image de second rôle ou de technocrates (quelles que soient les qualités de Jean-Marc Ayrault, que je ne conteste pas).

Et la presse poussait dessus. A l'été 2012, il prend quinze jours de vacances et on le fait passer pour un fainéant. Cette presse idiote qui ne disait rien quand les prédécesseurs partaient trois ou quatre semaines, ce qui était bien normal ! Tout juste a-t-elle un peu ronchonné quand Chirac partait aux Îles Marquise aux frais de la princesse...

Le troisième : les réseaux sociaux et ces machins qui font croire aux citoyens qui peuvent être acteurs.

Rappelez-vous le bijoutier de Nice et sa page Facebook qui a fait un carton. Le type tue un voleur. Les braves gens se précipitent : oui, il faut le défendre. Il me parait pourtant évident qu'il faut laisser la justice se faire.

C'est incontrôlable.

Quelques vraies erreurs

Il y a bien eu les couacs qui ont nuit à l'image du gouvernement et donc du président sans compter l'affaire Cahuzac et des conneries comme ça, mais, au fond, qu'y pouvait François Hollande ?

Je vais citer deux erreurs :

La première : Hadopi. Pourquoi ne pas avoir abrogé ce truc dès le début ? On était contre et tout ça. Aucun prétexte pour ne pas y mettre fin, quitte a trouver un nouveau système ensuite...

Le deuxième : l'Ecotaxe. Pareil. On était contre, mais on fait une loi pour mieux la cadrer parce que le contrat avec la boite était signé par les prédécesseurs. Pourquoi avoir attendu deux ans et demi avant de sous-entendre qu'on va l'abroger, donnant ainsi l'effet de reculer devant les bonnets rouges ? On était contre et elle était mauvaise, les modalités techniques de mise en œuvre étaient abominables et elle allait coûter très cher.

J'ai des confrères qui citeraient des affaires comme celle des pigeons, en plus. Libre à eux. Mais je considère que les réseaux sociaux (déjà évoqués précédemment) y ont leur part de responsabilité, tout comme, voire surtout, les services de Bercy qui n'ont pas su évaluer les conséquences. Il n'empêche que la communication a été très mauvaise. Il aurait fallu envoyer chier les entrepreneurs... tout en prenant en compte une partie de leurs revendications au cours des débats parlementaires. L'Assemblée est là pour ça : améliorer les textes de lois.

Et il y a une autre erreur : ne pas avoir soutenu François Bayrou pour la législative à Pau. Elle ne porte qu'indirectement sur la communication mais les centristes, qui « nous » ont permis d'être élu, l'ont eu en travers de la gorge.

Alors que faire ?

Je n'en sais rien. Je ne sais même pas si j'ai raison pour tout ce que je viens de baragouiner en disant en préambule que les analystes se plantaient. Pourquoi pas moi ?

Je vais donc raconter une anecdote avant de donner des conseils avisés qui ne seront pas écoutés.

L'anecdote

Au bistro, hier, je discutais avec une copine et deux copains. La copine lit mes blogs (salut, Karine !) et me disais en rigolant : alors, tu vires centre gauche ? Elle faisait allusion à certains billets. Je lui ai répondu : non, mais je ne peux plus piffer les socialos et une partie de la gauche de la gauche. Outre qu'ils pourraient être plus soudés avec le gouvernement, le traitement qu'ils ont des sujets sociétaux est un repoussoir à électeurs (j'en ai fait assez de billets pour ne pas m'expliquer maintenant). Les trois ont approuvé.

Alors, Karine a demandé : mais pour qui voter en 2017 ? Je lui ai répondu que c'est trop tôt pour se poser la question d'autant qu'on ne sait pas pour qui sera candidat...

Toujours est-il que, deux ans et demi avant les élections, ils n'envisagent ni de voter pour François Hollande ni de voter pour un candidat issu du PS, du FdG ou d'EELV.

Je vous laisse en tirer les conclusions non pas sur les votes de ces braves gens qui voteront probablement à nouveau pour le candidat du PS, mais à reculons...

Alors que faire ?

Demandais-je avant d'être interrompu par moi-même. Je vais laisser le PS, le FdG et EELV se débrouiller, non sans donner un conseil au PS (vous n'avez pas d'autre choix que d'améliorer la solidarité avec le gouvernement) et à EELV (arrêtez vos prises de position iconoclastes, ça ne sert à rien et vous passez pour des guignols, vous auriez du rester au gouvernement jusqu'au bout pour montrer votre capacité à être un parti de gouvernement ; de toute manière, vu l'état de la gauche, vous ne récupérerez pas rapidement du poids).

Je vais donner un conseil plus sérieux au PS. Le PS a un numéro un. Il a plusieurs porte-parole. Il doit limiter le nombre de porte-parole. Seuls eux deux doivent parler dans les médias au nom du parti, en plus des chefs de groupe dans les deux assemblées.

Des conseils à François Hollande

Mets-toi en repli. Tu as promis de faire une conférence de presse tous les six mois. Tu te limites à cela, en plus des traditionnelles interventions que tu peux faire, à l'occasion de déplacement à l'étranger ou du nouvel an, du 14 juillet,... Mais tu ne parleras de politique intérieure qu'à l'occasion des deux conférences de presse annuelle.

Quand ta vie privée est mise en cause, tu fais un communiqué de presse, toujours le même, sur le thème : j'fais c'que j'veux, c'est ma vie, j'avoue ce que vous voulez mais ça ne vous regarde pas. Et ce dès que l'affaire sort.

Des conseils aux communicants de l'Elysée ou du gouvernement ?

Le premier n'est pas facile d'autant que certains des communicants sont des copains. Je vais le faire sous forme d'une question. Pendant le machin de pépère, jeudi, vous avez organisé une soirée à Solférino pour « riposter » dans Twitter et les réseaux sociaux. Pensez-vous qu'il y ait un seul impact positif pour l'image du président ou du gouvernement ?

Le deuxième ne sera pas facile à mettre en œuvre. Le gouvernement a un premier ministre, un porte-parole et un type en charge des relations avec le Parlement. Ce sont les seuls à être habilités à parler de tous les sujets généraux. Les autres membres doivent se limiter à ce qui est du ressort de son ministère. Par exemple, l'Ecotaxe c'est bien du ressort de Ségolène Royal mais son remplacement est du ressort du ministre des finances et de celui du budget.

Ainsi, ce n'est pas la peine que les ministres se déplacent dans les médias le lendemain de l'intervention de pépère, ça ne sert à rien. C'est au secrétaire général du PS et au porte-parole du gouvernement d'éteindre le feu par rapport aux propos de l'opposition.

Des conseils à tous (dans les médias) !

Fermez-la !

Vous pouvez faire un sondage au près de la population à n'importe quel sujet : pensez-vous que François Hollande ait réussi pour le chômage ? Pensez-vous qu'il doit démissionner ou dissoudre l'Assemblée ?

C'est très drôle et ça vous donne du grain à moudre.

22 commentaires:

  1. Merci le taulier pour ce billet revitalisant !

    J'ai regardé la prestation de Pépère Hollande.
    Le premier truc qui m'a gaver c'est le maître de cérémonie, une légère au coin des commissures de lèvres genre "je vais me le faire" : je les trouvé d'une nullité affligeante, sans respect (qu'on aime ou pas le bonhomme Hollande) pour le statut du Président qu'il avait en face de lui.

    Hollande a su rester zen (disons). Je crois que Sarko lui aurait collé un pain 'ou un redressement fiscal).

    Passons les questions et allusions à la con sur la private life, la pluie, la cravate et les frites (affligeant une fois de plus).

    Ensuite vient le pseudo panel de 4 gugusse (pardon, de français censé nous représenter) pour s'adresser à Pépère.

    Rien que le bio des gugusses m'ont faire sourire (pas rire, c'est sérieux le panel de franchouillard). Et là, une gestion au cas par cas.
    La prochaine fois, j'invite les 5 millions de chômeurs à se pointer sur le plateau (on fera le truc au stade de france pour la place) pour demander à dieu pépère tout puissant de régler au cas pas cas les soucis de chacun (en 2 ans et demi ça devrait le faire).

    Viens ensuite Calvi qui la veille n'en démordait pas "je vais lui demander expressement de nous dire "où va t'on ? Ou va la France" ? Que nenni ! Que dalle ! Un Calvi tout en grimace.

    Enfin, la fameux réflexe rézosocio : 5 tweets (il me semble) auquel Pépère devait répondre : ah ben ! J'aurais préféré qu'on publie le mien qui demandait à Hollande : "Julie, elle est plutôt pétard ou pinard ?"

    Au moins là, on restait dans le niveau de l'émission.

    Bon séjour Breton Nicolas.

    Je pense passer te voir dans le courant de la semaine prochaine.

    Bon w-end.

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  2. « Rappelez-vous "avant". On avait des Présidents qui étaient un peu des rois fainéants. »

    Je m'étonne de lire une ânerie aussi énorme sous votre plume ! Vous pensez vraiment que de Gaulle ou Pompidou laissaient la bride sur le cou à leurs Premiers ministres ? Que Giscard a donné carte blanche à Chirac puis à Barre ? Que Mitterrand se contentait de donner paresseusement les grandes lignes à Mauroy, Rocard, Cresson et les autres ?

    C'est une plaisanterie ! Tous les Premiers ministres de la Cinquième n'ont jamais rien été d'autres que des exécutants.

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    1. Pas au point de Sarkozy ou d'Hollande !

      Qui parle de laisser la bride ? Ils fixaient le cap et présidaient les conseils des ministres, promulguent les lois,... Je vois mal François Mitterrand dire à Jacques Delors ce qu'il avait à faire dans le détail. J'imagine bien, par contre, Hollande donner des ordres à Sapin.

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    2. Là encore, vous plaisantez. Il suffit de lire les trois tomes (ou au moins un…) du C'était de Gaulle d'Alain Peyrefitte pour voir que le Général veillait en personne aux détails d'exécution des réformes mises en œuvre et des chantiers qu'il lançait.

      Le président trônant dans une sorte d'Olympe et se contentant d'indiquer d'un doigt souverain les grandes lignes de l'avenir, c'est une fiction complète, je crois.

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    3. Je ne plaisante pas, au contraire !

      Quand il faisait des réformes du travail (ou de la retraite), Nicolas Sarkozy convoquait les partenaires sociaux à l'Elysée pour leur annoncer le contenu de la réforme. Les autres ne faisaient pas ça.

      Surtout, des trucs sont matériellement impossibles : les présidents ne peuvent pas tout faire avec la gestion des affaires étrangères, les cérémonies, les machins à long terme...

      Mais ma phrase qui déclenche vos commentaires était mal branlée : je voulais dire qu'ils donnaient l'impression.

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    4. Pas du tout, je suis très bien branlé, mais par moi-même seulement.

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  3. Chirac allait à l'île Maurice et non aux Marquises : vous le confondez avec Brel.

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  4. C'est toute l'ambiguité de la Vème république, .... et c'est une mauvaise constitution, valable un temps mais obsolète aujourd'hui qui contribue à la confusion des rôles ....

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    1. Point du tout. Ce qui a foutu le bordel c'est le quinquennat et le couplage des législatives avec la présidentielle.

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    2. Entièrement d'accord : le quinquennat est une ânerie. Et qu'est-ce que c'est que cette manie française de vouloir changer de constitution tous les quatre matins ? Est-ce que les Américains ou les Anglais changent de constitution ? Non. Leurs pays sont-ils pour autant moins démocratique ou moins gouvernables que la France ? Non plus.

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    3. On est d'accord sur le quinquennat et surtout sur le couplage. Pur la Constitution aussi, Didier, j'en parle assez souvent.

      Les Anglais n'ont pas de constitution (et c'est aussi bien), seulement un vague texte de 1300 et des brouettes. Les USA sont aussi peu gouvernables que la France. Je crois même que c'est pire.

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    4. Les démocraties les plus dynamique ont les mandats les plus courts ....4 ou 5 ans...beaucoup de postes clés dans les entreprise ont des durées d'occupation optimales comparables, jamais plus de cinq ans.
      Cela dit, très bon billet comme d'hab, un peu long, un seul réel desaccord " soutenir la candidature de Bayrou à Pau" impossible pour plein de raisons même si au deuxième tour....en plus il peut être le premier ministre de Juppé....

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    5. Merci.Dynamique ? Ca veut dire quoi ? Il y a rarement des mandats supérieurs à 4 ou 5 ans.

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  5. Oui, mais qu'est-ce qu'on pourrait faire tout de suite, avec les moyens qu'on a, les sous qu'on a pas, le bon sens de la ménagère et les grandes idées auxquelles on tient ?

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