06 avril 2022

A gauche : la politique des étiquettes

 

Etiquette gauche adroite

Emoi, émoi, émoi… Sans retourner sa veste, Jacques Dutronc va voter Roussel et  le Roussellement. Je cite l’article (pas Dutronc, l’article qui parle de lui) : « Voter pour le "Roussellement" revient naturellement à donner sa voix au candidat communiste Fabien Roussel. Ce dernier a inventé ce terme en opposition au "ruissellement" que défendrait Emmanuel Macron. Cette théorie économique consisterait à ne pas trop entraver de taxes et impôts les plus riches afin que, par leurs investissements, la richesse ruisselle des plus aisés vers les classes populaires.

Le Roussellement, lui, s'oppose à cette vision libérale et propose une "redistribution des richesses auprès de toutes les couches de la population par une augmentation des salaires, des pensions, par une modération et une plus forte taxation des hauts revenus afin de stimuler l'activité économique, grâce aux personnes disposant d’un pouvoir d’achat plus élevé, qui réinjecteraient directement ce surplus de revenu dans l’économie réelle, notamment par la consommation, plutôt qu’en favorisant l’enrichissement des personnes les plus riches". »

Je suis bien d’accord avec le Roussellement mais pas du tout avec la formulation de l’article et, exceptionnellement, je vais me complaire, aujourd’hui dans une rhétorique qui pue du cul avec une odeur mal masquée par un populisme de bas étage même si j’habite au cinquième.

La vision d’Emmanuel Macron a sujet est certainement louable : on n’impose pas trop les plus riches pour qu’ils dépensent leur pognon auprès des pauvres. Mais ça ne fonctionne pas d’autant qu’il a surtout favorisé les très riches. Surtout, en aucun cas, ce n’est une vision libérale. C’est du clientélisme, du favoritisme, du capitalisme, de la finance et j’en passe mais ce n’est pas libéral.

Selon Google (pour cet article, je vais volontairement me limiter aux définitions fournies par le moteur de recherche directement, sans cliquer sur les liens), le libéralisme économique est la « doctrine selon laquelle la liberté économique, le libre jeu de l'entreprise ne doivent pas être entravés ». Taxer moins les plus riches ne va pas dans le sens d’une levée des entraves à l’entreprise. C’est de droite. Et encore.

 


Si je parle de cela, c’est non seulement parce que je dis souvent que je suis de gauche et libéral, mais aussi parce que l’on restreint un peu trop les champs de la politique en mettant des définitions à tout qui, en plus, à force d’être tripatouillées donnent des articles de Wikipédia relativement incompréhensibles (d’où ma limitation aux définitions de Google pour le présent billet) et sans doute d’une autre époque.

Voyons la définition du socialisme selon notre moteur de recherche favori mais néanmoins capitaliste (c’est vrai, au fait ! Dans le temps, on opposait la gauche au capitalisme, pas au libéralisme). La première : « Doctrine d'organisation sociale qui entend faire prévaloir l'intérêt général sur les intérêts particuliers, au moyen d'une organisation concertée (opposé à libéralisme). » Les machins d’intellos me gonflent : je ne vois pas l’intérêt général autrement que par la somme des intérêts particuliers. Surtout, comment peut-on opposer le libéralisme et le socialisme alors qu’on parle de social-libéralisme de temps en temps ? Je chipote. La deuxième est la « phase transitoire entre la disparition du capitalisme et l'instauration du communisme. » est c’est beaucoup plus intéressant.

Le communisme est une « organisation politique, sociale, fondée sur la suppression de la propriété privée au profit de la propriété collective » et « dans le marxisme, [un] système social où les biens de production appartiennent à la communauté et qui vise la disparition des classes sociales. » Dans ces conditions, vous pensez vraiment qu’il y ait beaucoup de communistes, en France ? Des gens qui voudraient réellement supprimer la propriété privée autrement que pour fanfaronner ? Par conséquent, vous croyez réellement qu’il y a des gens, des socialistes, qui veulent une espèce de transition vers le communisme ? Elle voudrait dire, en gros, la collectivisation des moyens de production. Le bistro du coin appartiendrait à l’Etat... ? Heu… Le PS et le PCF gardent leurs noms réciproques pour différentes raisons (et s’ils en changeaient, alors qu’ils sont connus, ils finiraient dans les oubliettes).

Comment peut-on, dans ce contexte, opposer le libéralisme à un truc qui n’existe pas (ou peu). Comment mettre dos à dos la liberté d’entreprendre et la collectivisation des moyens de production en restant sérieux quelques minutes ?

 


Prenons un exemple sans rapport. Que disait Roussel à propos du nucléaire : « De plus, les besoins en électricité vont aller croissant, avec les nouveaux usages comme la voiture électrique. Enfin, j'ajoute que notre ambition de réindustrialiser le pays nécessite une électricité peu chère. Nous devons nous démarquer des pays concurrents non pas sur les salaires, mais sur l'énergie. Nous avons tout pour ça en France. Prenons le cas de l'acier, que je connais bien. Ascoval produit de l'acier vert, recyclé, mais cette filière a de gros besoins en électricité. Ce ne sont pas les énergies renouvelables qui suffiront, mais les barrages et les centrales nucléaires. Je préfère que cette usine soit alimentée par les moyens de production décarbonée française plutôt que par des centrales à charbon allemandes ! »

En d’autres termes, s’il est favorable au nucléaire, c’est pour un tas de raisons (voir l’article, un peu ancien), souvent de bon sens dont le fait de sécuriser l’accès à l’énergie par nos entreprises dont on veut favoriser le développement. On lutte donc contre les entraves à l’entreprise. On n’est pas loin du libéralisme, non ?

La question n’est pas d’être pour ou contre le nucléaire, à mon avis, mais de ne pas arrêter le nucléaire tant qu’on n’a pas l’assurance complète que l’on peut s’en passer et c’est très loin d’être le cas, quoi qu’en disent les concurrents. Et on ne peut surtout pas s’en passer si on veut, par exemple, remplacer le chauffage au fuel par le chauffage électrique ou promouvoir les voitures électriques mais aussi si on veut que les entreprises investissent chez nous, créent de l’emploi et de l’activité et arrivent ainsi à œuvrer pour l’intérêt général dont au sujet duquel on parlait.

Fermer le ban.

 

Socdems authentique mais poilus

Rhétorique et populisme, disais-je (mais pas au sujet du nucléaire que je viens de donner en exemple), mais est la réponse à Denis qui a fait un certain nombre d’approximations qui me concernent, je vais y revenir, mais aussi parce que je lui ai fait la promesse, dans Facebook, de lui expliquer pourquoi je ne voulais pas être catégorisé dans les socdems et la réponse est simple : je suis fatigué des catégories quand elles remplacent le bon sens et qu’elles sont issues directement des grands théoriciens du XIXème siècle et qui ne sont plus adaptées à notre demande sauf aux yeux de quelques militants perdus.

Parmi les approximations, il y a notamment le fait que j’ai eu des difficultés à choisir. C’est faux : dès que Roussel a sorti des propos réellement républicains, c’est-à-dire au moment où il a fait parler de lui, je l’ai choisi. En complément, j’en serai, dimanche, à mon septième premier tour de présidentielle et je pourrai dire, sans doute, que je n’aurai voté que trois fois pour un candidat issu du parti socialiste, et encore, en 2007, c’était quand même par défaut. Mon seul vote socialiste par vraie conviction était probablement 2012 (quand je parle de « vote socialiste », je veux parler de « vote pour un candidat représentant le parti socialiste). En complément, je vote généralement socialo aux européennes mais, depuis 2002, pour toutes les élections à caractère local, sauf le deuxième tour des législatives de 2017, j’ai voté pour des candidats issus de la gauche de la gauche (PCF ou MRC). Je n’en tire pas de gloriole (dans mon quartier, on n’a « pas trop le choix ») mais je conchie beaucoup de donneurs de leçon au sujet de gauchisme alors qu’ils ont découvert les joies du mélenchonisme sur le tard, souvent après avoir loué Bayrou en 2007 et s’apprêtant, aujourd’hui, à tout faire pour éliminer celui des deux finalistes qui ne viennent pas de la droite nationale.

Je précise que je ne mets pas Denis sans ce panier d’abrutis : je lis ses blogs depuis près de quinze ans et je le connais assez bien. Il n’empêche que dans le billet que je citais, il revient sur son parcours politique et finit par nous expliquer qu’il va voter pour Mélenchon alors qu’il ne l’aime pas, n’est pas d’accord avec lui et, surtout, en totale opposition avec sa vision de la République. Ca ne s’invente pas. Et c’est moi qui aurai des difficultés…

A noter que j’ai fait récemment un billet sur la constance de mon engagement politique et maintiens mes propos : j’ai très souvent voté à la gauche de la gauche mais je suis parfaitement libéral. On a les contradictions qu’on mérite et, cependant, il est clair que le parti qui est le plus proche de mes idées est, en conséquence, le PS. Mais la coupe est plein et je ne supporte pas sa manière de faire de la politique, surtout cette année où ils sont incapable de présenter une vision de l’évolution de la société autrement qu’on courant après les autres partis de gauche alors qu’ils devraient être le fer de lance…

 

Alors continuons avec nos définitions et la légèreté qui s’impose après avoir supervisé le socialisme, le libéralisme et le communisme, je vais tenter d’expliquer pourquoi je n’aime pas non plus le « socdemisme » et le « soclibisme », et pas seulement parce qu’il sous-entendent une variante du socialisme. « Sociale démocratie » : « Socialisme de tendance réformiste (à l'origine, en Allemagne). » On imagine très bien ce que cela veut dire dans les faits. Mais en français : rien. « Social libéralisme » : Google ne propose aucune définition. Wikipedia nous perd. Et en cliquant sur certains liens, on voit assez bien ce que ça veut dire : « une notion épouvantail, qui ne définit rien de très concret. » Je refuse d’y être associé.

Notons que « libéralisme de gauche » est défini par Wikipedia : « Le libéralisme est un ensemble de courants qui vise à faire reconnaître la primauté de l'individu. Parmi les libéraux, les libéraux de gauche se distinguent en insistant sur la nécessité d'une certaine égalité des conditions de départ pour tous. » C’est très réducteur.

 


J’ai le droit d’être pour la liberté d’entreprendre, la limitation du temps de travail, la meilleure répartition des richesses produites, l’égalité des droits, les salaires minimums mais contre un tas de cochonneries comme les comités d’entreprise et les textes européens sur la concurrence ? Les (ex) CE servent essentiellement les grosses boites et leurs œuvre sociales servent surtout à distribuer du pognon avec défiscalisation (ce qui n’est pas de gauche) alors qu’ils ont été créé pour permettre l’organisation du clubs de sport et de colonies de vacances pour les gamins. Les textes pour la concurrence ont une fâcheuse tendance à torpiller les services publiques au point que les bien communs doivent être utilisés pour le bénéfices des boîtes privées ce qui n’a strictement rien de libéral. Je suis contre les APL et leur diminution ne m’a pas choqué parce que c’est donner du pognon à des gens, qu’ils vont dépenser auprès d’acteurs privés alors que ce pognon serait mieux utilisé pour la construction de logements sociaux (d’ailleurs, les aides au logement ont été créées par la droite). Je suis opposé aux mesures macronistes de fiscalité comme la « flat taxe » qui va au contraire d’une grosse avancée du quinquennat précédent (avant les revenus du capital étaient moins taxés que ceux du travail sans compter que les cotisations sur ce dernier sont les seules à payer un tas de choses) ou toute diminution d’impôts pour les plus aisés.

 

Halte aux étiquettes, certainement, mais surtout à ce qu’elles imposent. Et avant de les imposer, l’insulte suprême étant « tu es macroniste » ce qui veut dire « tu es encore pire que Sarko », il faut réfléchir posément à tout ça et éviter de faire des billets de blog trop longs.



Ca me rappelle que j'ai défendu le mariage pour tous. Il n'empêche que le mariage est bien un truc de droite et, on pourrait assez facilement démontrer qu'il est antilibéral. Tant pis.

9 commentaires:

  1. Aucun rapport avec ce billet (que je n'ai pas lu) : vous devriez, chez Netflisque, regarder le film qui s'appelle LA BULLE : première comédie (assez réussie, de Judd Apatow, plutôt bon) à ma connaissance qui intègre le covid, les gestes barrières, les masques, etc.

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  2. Libéral de gauche, c'est en fait un oxymore, si j'ai bien compris ? Et Roussel serait un candidat libéral ?

    Comme le disait Élodie, on ne peut pas trouver un candidat 100% raccord avec nos idées. Avec Roussel et Mélenchon, avoue que nous faisons tous les deux un sacré grand écart.

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    1. Tu n’as pas compris mon billet. Tant pis. Tu vas rester dans tes postures.

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  3. Bah voilà, encore 100% d'accord avec le contenu de votre article.

    Ça fait chier parce que vous m'emmerdiez il y a 10 ans quand Pépère a été élu et qu'il y avait dans votre blog-roll l'un de vos amis qui importait des produits de Chine... Vous m'avez jeté mais j'ai continué - en douce - à vous lire. ;-)

    Et en plus vous aimez bien aller boire un coup au bistrot avec des potes ! J'en viens, à l'instant, que dire de plus ?

    Si: Votez Anne Hidalgo !

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  4. Le néo végan pendant une mauvaise heure que je ne suis plus a bien apprécié la lecture de ton billet.

    Sympa de lire tes billets politiques.

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