15 juin 2023

Utilisons le 49.3 pour dissoudre le Conseil de l'Europe


 

Il y a parfois des informations qui me mettent hors de moi (c’est une façon de parler…) comme, hier : « Le 49.3 « soulève des interrogations au regard de la séparation des pouvoirs », selon le Conseil de l’Europe ». Voyant cela, les réseaux sociaux et la classe politique (d’opposition) s’en donnent à cœur joie pour la faire circuler avec des commentaires acerbes. La cruche d’or est attribuée à Ségolène Royal ce qui n’est pas vraiment surprenant. La dame a tweeté : « Un rappel à l’ordre contre les#49.3 du gouvernement français par le conseil de l’Europe qui souligne une atteinte à la séparation des pouvoirs. Pas glorieux pour notre pays qui faisait figure de référence pour le respect de l’Etat de droit et qui a donné au monde une constitution ».

Elle a oublié qu’elle avait partie de trois gouvernements dont celui de Bérégovoy qui a utilisé trois fois cet article et celui de Valls, pour six fois (sur deux textes) , ayant, en tout, entrainé le dépôt de cinq motions de censure. Il y a donc deux sujets, le Conseil de l’Europe et l’article 49.3 de la Constitution.

 


Pour un gouvernement, avoir la possibilité d’utiliser le 49.3 pour les textes budgétaires est nécessaire, surtout dans la configuration actuelle de notre Assemblée nationale qui a trois grosses composantes ne pouvant que difficilement avoir une majorité compte tenu de l’absence de culture de compromis dans notre pays… Il faut bien un budget. Ce n’est pas spécialement antidémocratique contrairement à ce que l’on essaie de nous faire croire. Le Gouvernement dit au parlement, en gros : « voila ce qu’on va faire, si vous n’êtes pas d’accord, vous pouvez voter pour nous virer ».

Pour les textes « non budgétaires », cela pourrait se discuter. Mais Elisabeth Borne ne l’a pas fait, contrairement aux gouvernements auxquels participait Mme Royal et à peu près tous les gouvernements de gauche, comme Mauroy, Fabius, Rocard, bien sûr et Cresson (Jospin, Ayrault et Cazeneuve sont passés à travers).

 

Pour notre réforme des retraites, il y a d’autres aspects bien plus graves, comme le fait d’utiliser une loi rectificative d’une loi budgétaire (qui, qui plus est, rectifiait un texte plus fréquent) au prétexte d’un besoin de financement qui n’avait même pas été demandé par l’instance (le Conseil d’Orientation des Retraites) chargé d’étudier ces points.

A mon avis, mais je rappelle que je ne suis ni juriste ni constitutionnaliste, c’est la position du Conseil Constitutionnel qui est suspecte.

 


Pour ce qui concerne la séparation des pouvoirs cité par le Conseil de l’Europe, on peut tout de même en rire même si c’est une grande idée définie par des braves gens depuis près de 2000 ans et ressortie en France il y a trois ans si j’en crois le CV de Montesquieu. Dans notre pays, ça fait quand même quelques décennies que le parlement est, pour des raisons électorales, à la botte de l’exécutif ou, si vous préférez, qu’il « nomme » l’exécutif. Quant à la justice, les juges dépendent de l’exécutif et l’entité en charge de garantir son indépendance, le Conseil supérieur de la magistrature, est présidé par le chef de l’exécutif.

Restons calme. Rappelons aussi à nos militants de gauche, que la séparation des pouvoirs est un des socles du libéralisme.

Pendant que j’y suis, vous me direz ce qu’insinue Madame Royal quand elle dit que notre pays à donné au monde une constitution…


Il reste à évoquer le Conseil de l’Europe. Ceux qui en parlent oublient généralement de préciser de quoi il s’agit ce qui permet d’entretenir une confusion avec les instances supérieures de l’Union Européenne, notamment le Conseil européen.

N’oubliez pas que le « Conseil de l’Europe » n’est pas le « Conseil européen ».

L’Union Européenne est une instance politique et économique issue de la CEE, elle-même venant de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Le Conseil de l’Europe n’est qu’un machin comme dirait l’autre, créé après la guerre, qui a pour objet non seulement la promotion des droits de l’homme et quelques bricoles comme la compréhension mutuelle des cultures… « Les objectifs premiers du Conseil de l'Europe sont définis dans le Traité de Londres du 5 mai 1949. Son introduction rappelle l'attachement aux valeurs de paix, de justice et de coopération internationale, aux valeurs spirituelles et morales du patrimoine commun de l'Europe, grâce auxquelles furent posés les principes démocratiques de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit. Dès cette introduction apparaît la notion de « progrès social ». »

Savez-vous que la patronne de ce machin est la Croate Marija Pejčinović Burić ? Et que le président de l’assemblée parlementaire Tiny Kox qui nous vient des Pays-bas ? Que les deux types les plus connus de la représentation française sont André Vallini et Philippe Vigier ?

 


Ce machin est évidemment devenu grotesque compte tenu du développement des institutions de l’Union Européenne et on se demande bien ce qu’il en a à foutre de notre bon vieux 49.3… Il se trouve, en plus, que ce n’est pas le Conseil de l’Europe qui a donné son avis mais un de ses organes consultatif, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (oui...) dite Commission de Venise.

« Elle a été créée en 1990, après la chute du mur de Berlin, à une période où une aide constitutionnelle était nécessaire pour les États d'Europe centrale et orientale. »

Parmi les états membres, on notera l’Algérie, le Brésil, le Canada, le Chili, la Corée du Sud, le Costa Rica, les Etats-Unis, Israël, le Kazakhstan, le Kirghizistan (oui, ça existe), le Maroc, le Mexique, le Pérou, la Russie et la Tunisie…

Autant dire qu’on peut royalement se foutre de son avis qui n’a pas grand-chose d’Européen, par ailleurs…


Vous allez me dire que je suis gonflé de taper sur ces jolies institutions internationale mais ce n'est pas mieux que de buzzer sur un sujet qu'on ne connait pas.

3 commentaires:

  1. Salut Nicolas,
    En ce qui concerne la Justice, il y a de grandes précisions à apporter.
    Le CSM est certes le garant de la Justice et ce n'est pas le Chef de l'Exécutif qui nomme les Magistrats mais le Président de la République. Même si c'est la même personne, sa responsabilité est complètement différente. D'autant qu'il avalise les nominations des hauts magistrats sur désignation du CSM composé de membres désignés et de membres élus (par leurs pairs dans chacun des métiers de la Justice) ces derniers étant les plus nombreux dans la composition du dit Conseil.

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    1. Je fais parfois des raccourcis dans mes billets et mes lecteurs ont du mal à le voir. J'ai fait le même au sujet du rapport entre l'exécutif et le législatif (les députés restent indépendants). Il n'empêche que les propos du Conseil machin (ou de la Commission tartempion, en fait) apparaissent grotesques compte tenu des miens.

      Ce dont ils se foutent, d'ailleurs.

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    2. Je précise que c'est tout le truc que je critique, en prenant les limites de chaque point, comme souvent. Je ne suis pas un théoricien de ce bordel.

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