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10 juin 2015

Au boulot ! [Santé !]

Autre Comète
Tous les soirs ou presque, je fais la fermeture de la Comète. Il y a toujours un flottement, vers la fin, quand le serveur voit qu’il peut peut-être commencer à « rentrer la terrasse » et le moment où il se décide puis tout se précipite, s’il n’y a plus de client ailleurs qu’au comptoir. Je ne sais pas combien il y a de chaises, empilées par 4, et de tables, avec leurs lourds pieds en fonte. Une belle corvée. Un fois que c’est terminé, il faut balayer, rabattre les cloisons,… Puis entamer les comptes de la journée. Compter les tickets restaurants, faire une télécollecte, compter les espèces, vérifier la caisse par rapport à ce qui a été enregistré aux caisses,…

Au début, je me disais que c’était vraiment pénible puis je me suis habitué. Les serveurs aussi, je suppose. Pourvu qu’ils aient fini avant le dernier métro, le temps de boire une bière entre eux, avec moi.

Un jour, j’en parlais avec l’ancienne patronne. Elle m’a répondu : « tu sais, ce n’est pas vraiment le plus pénible ». J’ai répondu : « je sais, j’ai compris, c’est bien plus pénible de sortir la terrasse que de la rentrée. » Elle était « scotchée » de voir que j’avais compris aussi ce volet de leur travail mais elle a fini par comprendre que je connaissais aussi bien le métier qu’eux, sans jamais l’avoir pratiqué. Je ne dis pas cela uniquement pour me vanter mais j’aime me mettre au comptoir d’un bistro inconnu et observer, avec du recul, ce que font très peu de gens qui s’imaginent souvent qu’ils pourraient faire le boulot. Pas moi. Je ne supporterai pas le stress quotidien pour gérer les emmerdes comme le cuisinier qui se blesse à 11h50, qu’il faut amener à l’hôpital tout en assurant le service aux clients. Par contre, j’ai un don. Par exemple, je repère immédiatement, sans chercher à le faire, les erreurs des serveurs, comme ceux qui servent un plat du jour au comptoir sans amener une corbeille de pain ou un café sans le machin avec les sucres. Pires ! Ces erreurs me font mal car j’aime les affaires bien rodées, qui marchent, presque au pas, comme si la troupe de serveurs était une armée bien entrainée. Par contre, je ne fais jamais de réflexion ; je ne rentre pas dans la gestion du commerce même s’il m’arrive parfois de servir de confident au patron, par exemple à la fermeture, lorsque les autres clients sont trop ivres pour jouer le rôle.

Alors pourquoi est-il plus pénible de « sortir » les terrasses que de les rentrer, notamment dans les grandes brasseries, où la terrasse n’est pas fermée, outre le fait de commencer la journée par un effort physique ? Parce que vous ne savez pas si c’est utile, parce que cela prend plus de temps, parce que vous travaillez sans faire de chiffre d’affaire,… Pire, s’il pleut ou s’il vente, vous savez que ce n’est pas utile, mais il faut bien que vous sortiez les tables et les chaises de la boutique pour y faire de la place et qu’il est nécessaire de bien présenter pour que le commerce n’ait pas l’air d’être à l’abandon. Ou, s’il fait beau, vous sortez votre mobilier, mettez les nappes, les couverts,… parfois dans le vent, les serviettes s’envolent… et il vous faut tout rentrer en vitesse à la première alerte météo.

Mais revenons à mon boulot.

Hier soir, on parlait de la nouvelle loi Macron et un copain socialiste ironisait : « chic ! je suis patron, je vais pouvoir licencier qui je veux sans verser plus d’un mois de salaire. » Je voulais répondre : « mais non, tu n’es pas patron. Tu n’es qu’un salarié protégé dans une grosse entreprise et tu passes tes heures de loisir à dire à ton patron ce qu’il devrait faire. »

Mais j’ai fermé ma gueule.

En France, surtout si on est de gauche, il est interdit de réfléchir, de constater qu’on va vers la fin du salariat et que ce ne sont pas que les salariés qu’il faut défendre. Je suis fatigué d’entendre cet argument : « en France, on en fait plus pour les entreprises que pour les salariés. » Et si on arrêter d’opposer les uns et les autres ?

Je connais un bistro où la cuisinière est tombée malade. En fait, on n’a jamais su c’était un cancer ou une dépression. D’ailleurs, on n’avait pas à le savoir. Le patron ne pouvait évidemment pas la virer mais il fallait bien qu’il la remplace mais il ne pouvait pas embaucher car si la cuisinière revenait il aurait eu trop de personnel.

C’est après la fermeture que je discutais avec mon pote socialiste. Alors je lui ai répondu qu’il faisait chier, que les loufiats entamaient leur 12ème heure de travail de la journée. Ben oui, pour commencer à 12h et faire le service du soir, il faut bosser plus de 12 heures (moins une pause) tout en passant une partie de l’après-midi à glander. Cinq jours par semaines.

Personne, à gauche, ne va gueuler au sujet du temps de travail dans les bistros… Et je ne parle pas de ceux qui font de la restauration de 12h à 15h et qui vont donc employer de salariés quatre ou cinq heures par jour, cinq jours par semaine…

La gauche devrait se pencher sur ces sujets, l’évolution de la structure du marché du travail, les contraintes différentes par profession, l’augmentation de la productivité qui permet de réduire le temps de travail pour la production, donc le nombre d’heures travaillées,…

Dans mon bistro préféré, il y a un type qui vient sortir la terrasse et faire le ménage vers cinq heures du matin, jusqu’à l’arrivée du serveur qui fait l’ouverture, à 7h. Il n’est pas salarié. Il est « à son compte », je crois (ce n’est pas mon problème, je n’ai pas à poser la question). Sept jours par semaine. 365 jours par an moins les jours fériés quand il n’y a pas de marché. Et les lascars qui viennent faire les carreaux, le samedi matin, parce que c’est la période de la semaine où il y a le moins de client. On a sympathisé : j’arrive pour l’apéro quand ils partent. Notre « bonjour au revoir » est un rituel.


Tant de questions… Mais c’est plus facile de sodomiser les brachycères cyclorrhaphes.

25 novembre 2014

La réforme territoriale et les bistros

Maintenant que la nouvelle carte des régions a été votée par le parlement, je peux enlever ma casquette de blogueur de gouvernement et dire tout le mal que j’en pense sans pincettes mais sans oublier, non plus, qu’il y a environ soixante millions de français qui ont une idée de ce que devrait être notre organisation territoriale. Cette réforme aura pour seul mérite de figurer dans l’histoire de ce quinquennat… et d’avoir pu passer, ce qui n’est pas rien.

Ce volet ne porte que sur les régions mais n’oublions pas la marche forcée vers les EPCI (intercommunalités), la suppression annoncée des départements, le rôle croissant de l’Europe, la décentralisation et tout un tas de machins. L’idée de base est que c’est un millefeuille, qu’il y a trop d’échelons, patati patata.

Vous connaissez le principe de subsidiarité ? C’est un machin libéral, gravé dans le marbre du traité de Maastricht. En gros, il faut que les décisions politiques soient prises au niveau le plus proche du citoyen quand elles peuvent l’être. Je sens que c’est trop compliqué pour vous car vous avez déjà commencé l’apéro.

Prenons un exemple. En France, l’heure de fermeture des bistros est fixée par un arrêté préfectoral (de mémoire, les municipalités peuvent réduire les plages d’ouverture). Autrement dit, c’est un représentant de l’Etat qui fixe cela au niveau des départements. Des dérogations exceptionnelles sont possibles, par département (fête de la musique), par commune (lors de fêtes locales,…) ou par bistro (organisation de concert ou autre prétexte pour se saouler la gueule). Les dérogations ne peuvent être accordées que par les préfets.

Même en lui donnant des coups de pied au cul, on ne m’enlèvera pas de la tête que c’est complètement con, tout comme cette phrase. L’heure de fermeture d’un bistro doit dépendre de considérations très locales comme les nuisances sonores, la délinquance,… et d’autres machins rigolos. Par exemple, si vous fermez le bistro d’un village à 11 heures et que ça oblige les gamins à prendre leur bagnole pour aller picoler dans les bars de nuit de la grande ville voisine, c’est mal.

Ce genre de décision devrait relever de la commune, voire du quartier, avec un vague contrôle par les autorités ad hoc. Point barre. Vous n’êtes pas d’accord avec moi ? Si, hein ! Cela fait de vous un vil libéral, pro-européen et antirépublicain. Tant pis. Et la décision de la commune doit être prise en toute intelligence avec le patron de chaque bistro. Après tout, s’il joue le jeu en ne servant pas les clients déjà saouls comme des cochons et empêche les fumeurs de faire trop de bruit dehors, pourquoi lui donner des contraintes ?

Prenons un autre exemple. Imaginons que dans notre pays, les bistros soient un service public, laïc, obligatoire (et gratuit serait la cerise sur le gâteau mais il ne faut pas rêver). Nous aurions un Ministère des Bistros. Je prends l’exemple des bistros pour rigoler mais vous pourriez remplacer les bistros par les collèges et le ministère par celui de l’Education Nationale.

Le ministère ne pourrait gérer tous les bistros depuis Paris, chaque bistro devrait avoir un degré d’autonomie et l’organisation devrait être déléguée soit à des administrations décentralisées soit à des collectivités locales. Dans la mesure où il s’agirait d’un service national, le financement serait assuré par l’Etat. En toute logique, ce sont des administrations décentralisées de l’Etat qui devraient s’en occuper mais il ne serait pas idiot de laisser gérer cela par les collectivités, donc les élus locaux. Tiens ! Refilons les bistros aux régions. Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France pourrait répondre : « hé ho, ça me casse les couilles, je vais refiler le petit aux départements. » Anne Hidalgo, chef du département de Paris, pourrait dire : « putain de bordel, vous croyez que je n’ai que ça à foutre, que les arrondissements se démerdent ! » Le chef du Val-de-Marne penserait alors : « Tiens tiens, elle n’est pas folle mémère ! Hop ! Les communes du département n’ont qu’à se démerder… ». Le maire du Kremlin-Bicêtre pourrait se dire : « ah mais ça m’énerve, je vais voir avec mes collègues de l’interco si on ne peut pas bosser ensemble. » Celui de Vincennes, par contre, pourrait dire « Top là, ça me va ! ».

Le président de la Région « Midi-Pyrénées » quant à lui réfléchirait à haute-voix : « Tiens ! Je pourrais laisser l’interco de Toulouse s’occuper de ses bistros, ils sont assez grands, et m’occuper de tous les autres pour garantir une cohésion dans le territoire, tout en travaillant de près avec les autres agglomérations. »

Pour me faire plaisir, vous admettrez aisément que mon raisonnement n’est pas trop crétin : l’Etat ne peut pas tout gérer, il faut de la décentralisation mais il faut que l’entité en charge de chaque dossier soit la plus adaptée possible au dossier mais aussi aux contraintes locales. C’est quand même délirant de penser que le maire d’un bled de 100 habitants ait un statut similaire à celui de Paris (et encore, lui est OPJ, pas celui de Paris, me semble-t-il, la fonction étant assurée par le préfet de police).

C’est un peu ce qui me gêne, dans cette réforme territoriale, c’est qu’on ne sent pas cette évolution vers une géométrie variable (sauf peut-être à Lyon) et que l’on fait un peu tout et n’importe quoi avec l’intercommunalité (voir mon billet de dimanche, par exemple).

On focalise sur les structures : régions, départements, intercommunalités et communes parce qu’on a décidé qu’il fallait ces structures (et que trois sont inscrites dans la Constitution). Prenons un exemple : Loudéac. C’est la septième ville du département mais parmi les villes plus grosses, il y en a deux (Ploufragan et Plérin) qui sont dans la banlieue de la préfecture et une autre (Lamballe) à une vingtaine de kilomètres de Saint Brieuc. Pourquoi mettre toutes ces communes sur le même plan alors qu’il semblerait de faire un pôle urbain autour de Saint Brieuc et que Loudéac n’a vocation qu’à être le chef-lieu d’une intercommunalité de communes rurales et à s’associer avec des communes un peu moins voisines pour donner du poids au Centre Bretagne dans une région essentiellement agricole mais dont toutes les villes, sauf la plus grosse, sont tournées vers la mer ?


Voila. J’ai parlé. Je vais résumer : les habitants du pôle urbain de Saint Brieuc disposent d’un réseau de bus pour aller au bistro. Pas nous.

11 septembre 2014

Supprimer la licence IV ?

« Le gouvernement envisage de supprimer la réglementation qui bride le nombre de débits de boissons en France. » Nous dit le Parisien. En d’autres termes, ils souhaitent supprimer la fameuse licence IV ou faciliter son acquisition. C’est une excellente idée mais la lecture de l’article me laisse perplexe quant aux motivations du législateur.

Cette mesure avait été mise en place à une autre époque pour des raisons de santé publique pour mieux contrôler la vente d’alcool. Les bistros sont maintenant en grande perte de vitesse et les pochetrons achètent leur bibine dans des supermarchés. La licence IV est donc obsolète, ce qui compte – éventuellement – est d’avoir des lois pour restreindre la vente d’alcool aux mineurs et à des gens en état d’ébriété manifeste  (mais ce n’est pas l’objet de mon billet).

Supprimer la licence IV peut paraitre libéral : l’ouverture de commerces doit être libre. Il n’empêche que cette suppression n’empêche pas le respect de la loi et de la réglementation concernant les débits de boisson à consommer sur place… En outre, si on peut considérer que les municipalités devraient  pouvoir choisir les commerces qui s’installent chez eux pour une question d’aménagement du territoire, ce n’est en aucun cas à l’Etat ou ses représentants de prendre les décisions.

Les libéraux seraient probablement contre ma proposition de contrôler les commerces par les mairies mais dans un périmètre de 300 mètres autour de chez moi (et donc de la station de métro), j’ai une Caisse d’Epargne, un Crédit Agricole, un Crédit Lyonnais, un Crédit Mutuel, une Banque Populaire, neuf ou dix restaurants dont quatre pour bobos, trois opticiens, au moins trois agences immobilières, des magasins de chaussure,… et j’en passe, tout comme les commerces dans la galerie marchande d’Auchan à 300 mètres. Mais pas un seul marchand de journaux ou libraire. Oups ! Je m’égare.

Toujours est-il que j’ai beaucoup parlé des taxis et de leurs licences : le problème des bistros est identique. On peut même dire qu’il est plus simple : avec les taxis (et les VTC), il y a un problème d’usage de la voie publique, notamment pour le stationnement.

En gros, la licence est intégrée à la valeur du fonds de commerce. En région à forte densité de population (ou de touristes…), le coût du fonds de commerce est abominable. Un jeune qui débute ne peut pas en acheter un et, pour être patron, est obligé de le louer avec un contrat précaire généralement très favorable au propriétaire… Ce bordel participe en l’entassement du capital : un de ces jours, tous les bistros de Paris appartiendront à quelques grosses sociétés.

Voilà pourquoi, dans les bistros comme les taxis, ce sont surtout les propriétaires qui gueulent… Ils risquent de perdre une rente…

Mort aux fonds de commerces qui détruisent l’économie ! Hop ! Hop ! Hop ! Vive les jeunes qui débutent et qui montent leurs affaires.

En outre, le fonds de commerce, contrairement à la licence, est intimement lié à un local qui a lui-même un coup élevé. Vous imaginez un type qui monte un bistro et fait les travaux nécessaires (avec les spécificités : des toilettes – aux normes PMR – et un comptoir). S’il n’est pas propriétaire du local et qu’il est viré à échéance du bail, il perd ses investissements. Reprenons le sujet à l’envers. Le patron d’un bistro, du moins le gérant, celui qui paye un loyer pour un fonds de commerce qui comprend – pour résumer – une location d’un local et une licence. Il a un contrat d’un an et n’a aucune garantie de la pérennité de sa situation. S’il bosse bien, son chiffre d’affaire va augmenter. Le propriétaire du fonds pourra donc légitimement augmenter le loyer, tout comme le propriétaire des murs. Par contre, le gérant ne peut pas investir dans son bistro puisqu’il n’a qu’un contrat d’un an, il n’est pas sûr d’avoir un retour sur investissement. Tout ce qu’il peut faire est de négocier avec le propriétaire du fonds pour faire les travaux. Or le propriétaire du fonds est généralement un brasseur chez lequel est obligé de s’approvisionner le gérant…


Ce système de tarés (ne venez pas commenter sur les détails, je m’en fous) fait que personne ne peut ouvrir un bistro ni même en tenir un sans être pieds et poings liés avec des lascars plein de pognon.

Libérer les licences permettra de donner un bon coup de pieds dans ce bastringue !

C’était mon billet libéral de gauche du jour.



15 juillet 2014

"Fait maison" : comment faire passer le label avant la qualité ?

Le décret sur le « fait maison » a été publié hier. La presse s’en amuse un peu, vu que certains volets sont délirants. Je vais donner mon avis : tout cela est complètement con mais le consommateur est con. Par exemple, ce n’est pas le Sri-Lankais dans l’arrière cuisine épluchant les patates qui fait la qualité des frites mais la qualité des pommes de terre, de l’huile, la cuisson,…

J’aime bien cet exemple dont j’avais déjà parlé : un client de la Comète était arrivé en retard pour déjeuner et il ne restait plus de frites fraiches. Le patron avait donc fait des frites surgelées. Le client était venu le féliciter ensuite : « Ah ! Vous vous êtes donc décidé à faire des frites fraiches ! C’est quand même meilleur. »

Retraduisons-le en exercice de philosophie et de mathématique : si un restaurant vend en moyenne 50 parts des frites par jour, comment fait-il si, un jour, il est amené à en vendre 70 ? Il doit préparer du stock d’avance et le récupérer d’un jour à l’autre ou utiliser des frites surgelées pour faire face ? Pour ma part, je préfère des frites surgelées plutôt que des machins restées 24 dans une cuvette…

Je pique l’illustration de ce billet au Parisien. Le restaurateur a le droit d’estampiller « fait maison » de la viande surgelée mais pas de la viande que le boucher aurait coupé en morceau et enfilé sur un pic sans aucune autre préparation.

Néanmoins, je vous invite à lire le décret (pdf). On commence par une définition générale : « Un produit brut […] est un produit alimentaire n’ayant subi aucune modification importante,  y compris par chauffage, marinage, assemblage ou une combinaison de ces procédés. » Jusqu’à là, rien de spécial ! C’est naturel.

C’est dans le détail que c’est rigolo. Par exemple, tous les produits reçus par le restaurateur peuvent être pelés, découpés, hachés,… à une exception près : les pommes de terre ne peuvent pas être achetées épluchées. Une seule exception, c’est fort, non ! Comme les produits peuvent être achetés congelés, un restaurateur pourra faire des frites surgelées labellisées « fait maison » à condition que les pommes de terre ne soient pas épluchées.

Néanmoins, je ne vais pas reprendre ce qui est dans la presse depuis trois jours.

Je pose une question, faites-en bon usage : à quoi sert ce décret ? J’ai la réponse : il empêche les restaurateurs de vendre du « fait maison » des produits qui n’en sont pas. Néanmoins, c’est une charge supplémentaire pour les services de l’Etat, je n’ai vu nulle part que le nombre de contrôleurs allait augmenter. Il n’y en a déjà pas assez pour assurer les contrôles normaux, dont ceux d’hygiène.

Le « fait maison » n’est en aucun cas un gage de qualité des produits. Je lisais un article de presse qui disait que la ratatouille maison avec les légumes bien frais était meilleure qu’une ratatouille surgelée. Je demande à voir les conditions de transport et de conservation des légumes frais. J’avais un copain qui avait des arbres fruitiers chez lui et qui congelait les fruits dès qu’il les cueillait. De fait, les tartes aux cerises qu’il nous faisait en décembre étaient bien meilleures que celles faites en saison avec des cerises entassées à Rungis.

Faisons un aparté : pour la première fois, un blog politique de renom (à Bicêtre et à Loudéac) va donner la recette des cerises congelées. Vous étalez des cerises sur un grand plateau. Vous le mettez au congélateur. Une fois que les cerises sont congelées, vous les rangez dans des sachets. Ca marche aussi avec les pastèques, parait-il. Ca marche aussi avec les morceaux de potirons. Mais tout l’art, avec les cerises, repose dans le fait de ne les mettre en sachet qu’une fois congelées.

Le « fait maison » n’a aucun intérêt pour les restaurants qui tournent bien et vendent des bons produits. Néanmoins, ils finiront par avoir une contrainte supplémentaire si leurs concurrents affichent du « fait maison ». A contrario, des salopards ne connaissant rien à la cuisine pourront utiliser un nouveau label qui ne manquera pas d’attirer les bobos. Ainsi, les restaurateurs qui tentent de baisser les prix vont se retrouver avec une charge supplémentaire (comme éplucher des pommes de terre à l’avance et jeter les invendus…). Au bénéfice du consommateur ?

La plupart des restaurants concernés par ce machin ont une clientèle d’habitués qui reviennent régulièrement parce qu’ils apprécient la boutique, les menus, les plats, le personnel,… Ce label ne leur servira à rien sauf qu’ils seront obligés de le mettre en œuvre pour tenter de capter de nouveaux clients. Les restaurants risquent d’être jugés à la faveur d’un label et pas à celle des qualités de sa cuisine et des produits vendus.

C’est une nouvelle porte ouverte à la boboïsation des consommateurs, que l’on peut déjà observer, comme toutes ces andouilles qui préfèrent le pain qui semble provenir directement de la campagne à la baguette blanche bien fraîche, celle faite par les boulangers en fin de matinée pour la livrer aux brasseries juste avant le service, ce bon pain blanc qui sert à faire des sandwichs.

Le label passe avant la qualité.

C’est une catastrophe.

22 février 2014

Les loufiats

Il y a un nouveau serveur, à la Comète. Je ne l’aime pas. Ce n’est pas la première fois que ça me fait ça, mais, au moins, j’avais de l’affection pour les autres. Je ne les aimais pas en tant que serveurs, mais j’ai passé des bons moments de rigolade avec eux. Le dernier était peut-être Seb, du temps de Bruno.

Ah non, tiens ! Il y en a eu plus récemment. Clémence et Guillaume, par exemple. On était très potes, presque intimes à force de faire les fermetures ensemble. Mais ils oubliaient toujours qu’on était clients. Christian, c’est le contraire ! Il oublie parfois qu’on est potes. Il est très soupe au lait, un peu comme moi dans les réseaux sociaux et prends la mouche pour des conneries. Il oublie qu’on plaisante.

Avant de bosser à la Comète, Guillaume bossait dans un bar de jeunes, je crois. Les clients avaient son âge, pas encore la trentaine, quoi. Comme Tonnégrande et moi étions les plus fidèles clients du comptoir en soirée, il nous considérait comme ses potes, à juste titre. Ca s’est passé très vite. En quelques jours, il avait repéré les deux vieux cons sympathiques qui n’arrêtaient pas de discuter entre eux. Il avait vu qu’on était dans les meubles. Au bout d’une dizaine de jours, je rentre du boulot. Tonnégrande était assis en terrasse. Je vais le saluer et il semblait dépité. « Tu te rends compte » me dit-il « il m’a demandé d’aller lui acheter des cigarettes. » Je lui ai dit de l’envoyer chier, qu’il me demande à moi puisque je vais aller, comme tous les soirs, à l’Amandine. Mais Tonnégrande n’avait pas osé refuser était déjà allé. Guillaume avait trouvé normal d’aller demander à un client de lui acheter des cigarettes comme si c’était un copain. Si Claude était dépité, j’étais offusqué. Il avait confondu le client et le copain.

Pour ma part, je n’ai jamais rendu service à un serveur dans le cadre de son boulot pour des raisons non professionnelles à part des petites conneries comme réparer un téléphone ou des bricoles comme ça. Je l’ai fait de nombreuses fois dans le cadre du boulot (le leur). Par exemple, s’ils sont dans le jus pour le dîner parce qu’il y a plus de monde que d’habitude, je vais acheter du pain s’il n’y en a plus. Je suis allé une fois ou deux à la cave pour régler la pression quand la bière était imbuvable. Je suis allé vérifier les disjoncteurs un samedi quand tout n’arrêtait pas de sauter et que le serveur était en panique, en l’absence des patrons. Par contre, jamais je n’ai rendu un service personnel pendant les heures de travail si ça m’obligeait à quitter le comptoir.

C’est dérisoire mais Guillaume avait franchi un pas. Je ne sais pas comment l’exprimer tant c’est dérisoire mais il avait fait une faute professionnelle. Pourtant, je l’adorais, on passait des heures à rigoler mais, un vague incident, m’avait mis sur la défensive. On a même été potes sur Facebook, ce que je m’interdis de faire avec des relations professionnelles (c’est est une : je suis client) pour éviter de mélanger la vie privée et la vie professionnelle.

Avec Clémence, c’était un peu pareil. On l’aimait bien, une sorte de mascotte comme l’avais été Jim auparavant. Tous deux étaient arrivés à la Comète comme serveur vers 23 ou 24 ans et ne connaissaient pas le boulot. On se prenait au jeu et on les aidait discrètement. Je crois que c’était avec Clémence, un client commande un Kir : elle ne savait pas ce que c’était. Pour ne pas avoir l’air d’une cruche, elle nous avait demandé mais n’était pas sûre d’avoir compris. Je lui ai dit de demander au client : cassis ou pêche, alors que je considère qu’un Kir avec autre chose que du cassis est une hérésie. Le client lui ayant dépondu : cassis, je lui ai dit quel verre prendre et quoi mettre dedans…

Elle a fini par connaître le boulot et se retrouver responsable, toute seule, un samedi midi. Il y avait plein de monde et nous n’arrivions pas à être servis. Elle courrait dans tous les sens mais ne nous servait pas. Un moment, après avoir commandé plusieurs fois, je lui dis : ne nous oublie pas. Elle s’est mise en colère et nous avait répondu quelque chose comme : « mais vous ne voyez donc pas que j’ai des clients, je ne peux pas m’occuper de vous ». Elle avait oublié qu’on était aussi des clients. Elle avait complètement zappé ce fait ! Soupe au lait, je l’avais envoyé chier assez violemment. Un peu plus tard, elle s’était sentie gênée ou je ne sais quoi. Elle s’était plainte à la patronne. Nelly était venue me voir le lundi : ben qu’est-ce que t’as fait à Clémence. Clémence lui avait raconté un truc et la patronne n’y croyait pas. J’ai donc raconté ma vérité, en rigolant. La patronne m’a cru, elle me connaissait bien. Un peu après, j’ai pris des copains qui étaient là comme témoin. Ils ont pu confirmer mes propos. Clémence a démissionné peu après, nos relations avaient changé. Pas elle et moi mais elle et les clients habitués. Elle a compris qu’elle n’avait pas réussi à se positionner. Comme elle habite toujours dans le quartier, elle vient souvent nous voir et rigoler. Elle a choisi de rester notre copine mais plus notre serveuse. C’est étrange.

J’ai eu le même problème avec Jim, à une époque, mais je lui avais remonté les bretelles et il avait très bien compris. Dans le service, nous sommes des clients comme les autres, ce qui ne nous empêche pas de déconner.

Parmi les serveurs que je n’aimais pas dans le service, il y a eu aussi Sébastien et Nicolas, du temps de Bruno. Sébastien avait engueulé Jim comme du poisson pourri et je n’avais pas aimé. On n’engueule pas des gens devant les autres. Jim était serveur depuis plus longtemps que lui mais lui était le copain du patron. J’avais donc engueulé violemment Seb, ce que je n’aurais d’ailleurs pas du faire, mais je voulais montrer à Jim qu’il était protégé… Du coup, c’est le patron qui m’avait engueulé. Je lui avais alors expliqué que Jim et moi serions encore dans le bistro quand lui aurait pris une autre affaire (ce qui est d’ailleurs arrivé) et comme c’était un patron, il avait vite compris qu’il fallait essayer de ne pas se fâcher avec les meilleurs clients… La pression était retombée. Le patron, Seb et Jim sont devenus les meilleurs copains du monde au bout de quelques mois. Mais je n’ai jamais pu avoir confiance en Seb, depuis…

Il y avait un autre loufiat, Nicolas. On avait sympathisé mais sans plus. Il jouait au patron et, moi aussi, peut-être. J’étais dans un état d’esprit : vous pouvez toujours changer les serveurs, avec tout ce que j’ai vu en trois ans, je fais plus partie du bistro que vous… Du coup, il ne me faisait pas spécialement confiance mais on rigolait bien ensemble. Par contre, je n’ai jamais vu un serveur aussi efficace, capable de servir des dizaines de tables rapidement sans rien oublier, sans courir dans tous les sens,… J’avais donc un très grand respect pour ses capacités professionnelles… quand le patron était là. Quand le patron s’absentait, c’est lui qui le remplaçait. Il commençait à picoler. Ils faisaient la foire au comptoir.

J’avais essayé de faire comprendre au patron que son affaire partait en sucette mais je ne pouvais pas dénoncer. Comme je discutais souvent avec lui de la tenue des bistros et que c’était le premier bistro que je connaissais bien où ce n’était pas le patron qui faisait la fermeture, j’avais réussi à lui demander comment il faisait pour faire confiance (ben oui, ni vu ni connu, le serveur peut embourber la moitié du pognon, surtout s’il est de mèche avec le cuistot). Il m’avait dit que c’était normal et tout ça.

Le jour où il m’a annoncé qu’il jetait l’éponge, on a longuement discuté. Il m’a dit que j’avais eu raison sur un tas de points. Et je lui ai reparlé du soir. Il m’a engueulé (c’était fréquent, chez lui. Un sanguin…). « Tu ne te rends pas compte de tout ce que je dois à Seb et à Nicolas, ils font un superbe boulot le soir. » Il niait complètement une évidence : il fermait parce qu’il n’avait pas réussi à développer la clientèle du soir mais ça ne pouvait pas être de la faute des serveurs, après tout ce que j’avais vu…

Je parle de quelques individus mais il y a eu un tas de gens très bien ! Je ne vais pas les citer.

Par contre, le nouveau, ça ne va pas. Il a commencé il y a quelques semaines. Déjà, il nous parlait de sa santé : c’est un sujet à éviter. Ensuite, il a pris l’habitude d’interrompre les conversations entre les clients pour évoquer des sujets qui lui passaient par la tête. Bref, il me gonfle. Il est sympathique mais le courant ne passe pas. Ce n’est pas un pote comme peuvent l’être tous les autres, comme le sont Christian ou Roger, comme l’étaient Clémence, Guillaume, Vira, Yannick… récemment. J’ai toujours eu une forme d’affection pour les serveuses et les serveurs des bistros où j’étais habitué, tolérant leurs défauts, les aimant même pour leurs défauts…

Hier, j’ai fini le boulot tard. Je me suis pointé à la Comète, il n’y avait plus personne au comptoir. Quelques personnes dinaient en salle et en terrasse mais Jean-Claude n’était surchargé.

Tiens ! Ce billet était pour le blog bistro, je vais le mettre dans le blog politique.

Hier soir, il m’a parlé politique. C’est un sujet à éviter. Un patron ou un serveur doit toujours être à peu près d’accord avec les clients. Il commence par me sortir un truc : tu te rends compte de la loi qu’ils ont fait passer, on va encore payer… Je ne sais plus trop de quoi il parlait mais c’était complètement faux. En tant que blogueur, je reçois un tas de publications : le texte de loi qu’il évoquait était une rumeur, la déformation d’un truc vrai… Pourtant, ce qu’il me présentait était bien…

Toujours est-il qu’il m’a gonflé, non pour le fait de critiquer le gouvernement mais parce qu’il me parlait de politique en montrant un engagement (à droite en l’occurrence).

Un peu plus tard, il me dit : ah ! Demain c’est l’inauguration, j’espère qu’ils vont lui jeter des tomates.


Je n’ai jamais dénoncé un loufiat mais je tacherai d’expliquer à la patronne que si je viens dans ce bistro le soir, dorénavant, quand ce n’est pas Roger ou elle de fermeture, c’est bien parce que c’est le seul ouvert.

16 novembre 2013

Des femmes au bistro ?

Aujourd’hui, c’est dissertation : « Pourquoi trouve-t-on beaucoup moins de femmes que d’hommes dans les bistros ? » Je suis sérieux. C’est de la faute de Suzanne du Merle qui me signale ce billet de blog auquel il faut que je réponde car certaines formes de féminisme m’énervent. Tout mettre sur le dos des hommes est grotesque. Il y est raconté comment un groupe de femmes d’Aubervilliers a « reconquis » les bistros du coin.

Monique, une enseignante à la retraite, raconte : « Il n'y avait que des hommes qui me regardaient comme si je n'étais pas à ma place. J'ai trouvé ça insupportable. Sur le trajet du métro, je me suis aperçue que toutes les terrasses étaient masculines. » Traduisons : elle estime que s’il y a peu de femmes au bistro, c’est à cause des hommes. Pour un peu, elle revendiquerait le droit de se tuer le foie à coup de petits rouges au comptoir dans un souci d’égalité avec les hommes. C’est grotesque.

Néanmoins, sur le fond, le constat n’est pas faux. Il est relativement rare de voir une femme seule au bistro, surtout au comptoir, et des groupes de femmes sont rares. Dans mon entourage, je ne connais que cinq femmes qui viennent seules au bistro en plus d’une ou deux pochetronnes (sujet sur lequel je reviendrai si je pense). Il y a Corinne dont je parle parfois dans mon blog et la vieille Thérèse qui traine entre l’Amandine et la Comète. La troisième est une jeune femme qui vient à la Comète presque tous les jours mais c’est surtout pour profiter de la wifi, me semble-t-il. Aucune des deux premières ne boit d’alcool à part un kir de temps en temps et l’autre boit un verre de rouge à chaque fois. Autant dire rien. La quatrième est Odette. Elle a un comportement beaucoup plus masculin, d’une part par le fait qu’elle boit toujours plusieurs verres et d’autre part, par celui qu’elle s’installe au comptoir. La cinquième, enfin, est une dame qui va manger au même bistro que moi, tous les midis. A Loudéac (mon patelin natal en Centre Bretagne), je n’en connais aucune mais il y a beaucoup plus de femmes en soirée, en groupe, qu’en région Parisienne.

Je ne vais pas trop parler des hommes. Quand j’ai reçu le message de Mme du Merle, j’étais en train de déjeuner, au comptoir de cette grande brasserie de la Défense. Nous étions une trentaine au comptoir, que des hommes, dont quelques groupes d’ouvriers et tout un tas de gens comme moi, des types qui viennent seuls.

Les pochetronnes ?

L’alcool – ou du moins la cuite – semble tabou chez les femmes. Les femmes sont probablement moins alcooliques que les hommes (c’est un a priori que je reconnais, je n’ai pas vu d’étude précise) et les femmes qui picolent ont tendance à le faire chez elles, comme si elles se cachaient. Il reste donc quelques pochetronnes qui préfèrent venir au bistro pour se prendre des cuites et arriver à un comportement lamentable. Elles sont généralement lesbiennes.

Ah ! Oui ! Je vous préviens. Ce billet est abominable misogyne et homophobe, pour l’instant, et finira raciste, islamophobe et xénophobe. Il faut bien rigoler. J’espère ne pas faire la une de Minute ou de Valeurs Actuelles. Voir de l’Express : « Ces musulmanes lesbiennes qu’on ne peut voir qu’au bistro ».

Les femmes tiennent moins la route que les hommes pour des raisons physiques ou physiologiques. J’avais vu un article très sérieux à ce sujet. Je ne sais quel truc faisait qu’elles assimilaient plus l’alcool et tenaient moins. Sans compter le fait qu’elles ont une plus faible corpulence que les hommes. Prenez un lascar comme moi, avec ses 100 kilos. J’ai en gros deux fois plus de sang qu’un zozo de 50 kilos. A même quantité d’alcool, j’en aurai donc  deux fois moins par litre de sang.

Pour les lesbiennes, je plaisante à moitié. A moitié, seulement mais j’ai déjà utilisé ma dose de clichés idiots pour aujourd’hui. Toujours est truc qui fait que les femmes ne se bourrent pas la gueule au bistro. Il arrive qu’elles s’enivrent délicatement mais elles rechignent généralement à prendre des grosses cuites.

Allez savoir pourquoi ?

Une culture

Dans le temps, dans les ménages, c’était bobonne qui tenait la maison, qui élevait les mômes. Le mari rentrait à la maison après une dure journée de labeur après avoir fait une halte au bistro avec ses copains et mettait les pieds sous la table. C’est mal ! Historiquement, donc, monsieur allait au bistro pendant que madame s’occupait de la maison voire allait à la messe. Il y a une cinquantaine d’années, d’ailleurs, dans certains patelins, la plupart des maisons de quelques quartiers étaient transformés en bistro. C’est madame qui faisait le service tout en préparant le repas, surveillant les gosses,… Monsieur jouait aux cartes avec les copains… Madame recevait ses copines à la maison. Monsieur fuyait les copines et allait voir les copains au bistro.

C’était ainsi… Une France où les hommes vont au bistro et pas les femmes. Le monde à évolué mais certaines traditions restent et c’est probablement la principale cause de l’absence de femmes au bistro : une tradition, une culture,…

L’étrangère

J’ai deux copains noirs qui sont en métropoles depuis moins de quinze ans (un vient de Guyane et l’autre du Sénégal). Ils sont formels : chez eux, les femmes ne vont pas au bistro. Le phénomène est pire que chez nous où elles n’ont pas l’habitude de venir au bistro mais y viennent quand même si l’envie leur passe par la tête. Chez mes copains, il ne viendrait pas à l’idée d’une femme de venir au bistro. J’ai des copains kabyles que je vois moins maintenant : le phénomène est identique chez eux. Culturellement, dans un tas de peuples, la femme ne va pas au bistro. C’est comme ça, je ne cherche pas à analyser, je constate.

J’ai été homophone et misogyne puis raciste et xénophobes : il me reste à devenir islamophobe. Il me parait clair que chez les musulmans « purs et durs » (mais pas extrémistes), les femmes n’ont rien à faire dans des lieux de loisir…

Si je parle de religion ou d’origine culturelle, c’est parce que les populations d’Aubervilliers comme du Kremlin-Bicêtre ont une grande dose d’immigrés et le phénomène est renforcé. Je ne connais pas Aubervilliers, mais à Bicêtre, on ne voit quasiment jamais de groupes de femmes au bistro et celles qu’on voit sont majoritairement « des vieilles françaises » alors qu’à Loudéac, si on ne voit pas de femmes seules au comptoir, les groupes de femmes ou les groupes avec des femmes sont très nombreux.

Des jeunes

En région parisienne, je ne sais pas. Dans ma banlieue, il y a peu de jeunes dans les bistros (je suppose qu’ils vont à Paris) mais à Loudéac, dans les bars « de jeunes », la moitié de la clientèle est féminine. Le phénomène s’estompe vers 25 ou 30 ans. Il faudrait l’étudier mais je ne voudrais pas sombrer à nouveau  dans d’horribles clichés : bobonne reste à la maison pour s’occuper du foyer ou perd l’envie d’aller au bistro ?

Des musulmans

Je parlais des femmes musulmanes mais je n’ai pas abordé les hommes. Ils ne boivent pas d’alcool (au moins en public, pour le reste, je m’en fous). Ils sont donc naturellement moins enclins à aller au bistro mais, en plus, ils forment une mauvaise clientèle pour les patrons qui sont là pour vendre des verres… Il est plus facile de boire quatre ou cinq bières ou Ricard que trois cafés… Rien n’est donc fait pour attirer cette clientèle dans nos bistros ce qui n’est pas nécessairement le cas dans d’autres pays.

C’était un aparté qui n’a rien à voir avec l’objet du billet.

Une lutte

Ainsi, ces femmes d’Aubervilliers ont décidé de revenir au bistro pour changer cette tradition. J’ai du mal à comprendre l’intérêt d’un point de vue féministe. Qu’on se batte pour l’égalité des droits et contre les préjugés est une chose mais pourquoi une femme voudrait-elle que les femmes aillent au bistro sous prétexte que les hommes y vont ?


Ca me dépasse.

13 octobre 2013

L'amendement "fait maison"

Au cours de l'examen du projet de loi sur la consommation, un amendement visant à créer un label « fait maison » pour les restaurant a été rejeté ce qui émeut des pseudo amateurs de gastronomie française qui ne vont probablement en cuisine que pour se faire photographier. Cet amendement était évidemment une monstrueuse connerie telle que sait si bien faire la droite et la gauche française : ce n'est pas à la loi de dire comme une profession doit fonctionner.

Ce sont des députés UMP qui avaient déposé une proposition de loi que le gouvernement a repris à son compte sous la forme d'un amendement au projet de loi sur la consommation et ce sont les sénateurs UMP, aidés par les communistes, qui ont supprimé l'amendement. Le tout pour nous montrer que notre démocratie est bien malade. Des mauvaises langues diront que leur choix est poussé par des lobbys d'industriels du secteur...

Les consommateurs sont des ânes. Je me rappelle d'un client félicitant le patron de l'ancienne Comète pour la qualité de ses frites maison. Les frites étaient surgelées...

A partir du moment où les produits « faits ailleurs » peuvent être aussi bons que les produits « faits maison », je ne vois pas pourquoi on s'empresserait d'exiger qu'ils soient faits maison. Et les produits faits ailleurs sont souvent aussi bons voire meilleurs que les autres parce que les entreprises industrielles ont souvent plus de facilité pour sélectionner des bons produits. Par exemple, Mc Cain aura les meilleures sources de pommes de terre, les machines pour les trier,... ce que n'a pas la brasserie du coin. Ainsi, si une brasserie fait elle-même ses frites, c'est pour pouvoir indiquer « frites maison » sur la carte, les vendre plus cher. Ca attire les guignols.

L'important est la qualité de ce qu'on a dans l'assiette. Je dois avouer qu'il ne m'est jamais arrivé de me demander d'où venait le plat du jour dans le restau où je vais tous les midis. A vue de nez, je dirais que tout est fait maison (ils ont une carte simple, avec peu de choix dont des grillades... Je me méfie des restaurants avec plus de 10 plats, hors salades et snack, à la carte). A la Comète, ils indiquent explicitement ce qui n'est pas fait maison.

Les défenseurs du « fait maison » sont des snobs qui confondent les quelques restaurants étoilés avec tous les autres, les 200 000 en France, dont les chefs et les patrons essaient de faire une cuisine adaptée aux goûts et besoins de la clientèle. S'ils font trop cher ou pas assez bon, sauf dans les coins touristiques, les clients fuient.

Et parce qu'ils ne doivent pas faire cher, ils font majoritairement la cuisine eux-mêmes parce qu'il revient moins cher de faire soi-même la blanquette de veau à l'ancienne que de l'acheter toute prête. Le « fait ailleurs » est marginal contrairement à ce que semblent penser les journalistes qui aiment bien titiller l’instinct de gastronome tapi au fond des lecteurs ou auditeurs. Le « fait ailleurs » ne concerne que les produits annexes élaborés pour les trous du cul qui n'aiment pas le plat du jour, les premiers à gueuler contre la mauvaise qualité.

Ce sont les premiers aussi qui vont demander à changer de garniture et à gueuler parce que les haricots verts sont surgelés en décembre.

La gastronomie française ne meurt pas de ses cuisiniers mais de ses clients imbéciles. Je me rappelle de l'ancien patron de la Comète qui faisait des escalopes de veau milanaises tous les quinze jours. Une fois, le boucher s'était trompé et avait donné des escalopes de dinde, à la place. Les clients avaient complimenté le patron : ah, elle est tendre la viande, c'est bien. Tu parles ducon, elle n'a aucun goût.

Quand on n'y connaît rien, on laisse les professionnels faire. C'est aux patrons de bistros et à leurs cuisiniers de décider de ce qu'ils vont nous faire à manger. Pas au Parlement.

Le conseil du jour : si vous voulez que vos frites surgelées ressemblent au vraies, faites les bien décongeler et pratiquer une double cuisson, une première assez longue, à feu moyen, et une deuxième, à feu très fort, pour réchauffer et brunir avant de servir. 

10 octobre 2013

La valeur du fonds

Pendant que la charmante petite blonde me ratiboisait les tifs, je pensais à ce billet de l’ami Romain Blachier à propos des fonds de commerce : « le fonds de commerce est souvent l’élément central dans le patrimoine d’un commerçant. Il représente une valeur symbolique, ce qu’il aura réussi à obtenir par son travail dans cette activité, sur quelques années comme sur une vie. En-dehors du cas, plus précaire, du locataire-gérant qui loue son fonds… » « Un certain nombre de commerçants d’ailleurs privilégient souvent des stratégies liées au fonds de commerce plutôt qu’aux versements de salaire. »

Romain semble considérer cela comme normal. Moi, je n’aime pas. Ma coiffeuse est salariée d’une grande chaîne de salons de coiffures. On parlait de librairies, récemment. De plus en plus de chaînes de librairies se montent. Les chaînes de restauration se développent. En sortant du coiffeur, je suis passé devant le bistro où je déjeune tous les midis. Il m’arrive de m’y arrêter, le soir, en rentrant, et je passe tous les matins devant. Je regarde le plat du jour et fait un signe au serveur.

Cette brasserie gigantesque est ouverte de 6 heures du matin jusqu’à 20 heures, je crois. Le matin, quand je passe, entre 8h30 et 9h, selon le boulot, et le soir, entre 18h et 19h30, il n’y a jamais plus d’un ou deux clients. Il y a toujours deux ou trois serveurs. Le matin, ils font la mise en place. Cette après midi, ils faisaient le ménage et le soir, ils s’emmerdent. Si j’étais le patron, j’ouvrirais uniquement de 11h30 à 15 heures. Les cuisiniers travaillant de 8 heures à 14h30 et les serveurs de 11h à 17h. Il aurait beaucoup moins de charges pour un chiffre d’affaire à peu près identique. Evidemment, les horaires qu’il entretient sont bons pour le personnel et d’occasionnels clients. Ils sont aussi probablement souhaitables pour l’image de la boutique.

Il n’empêche… Romain dit : « Un certain nombre de commerçants d’ailleurs privilégient souvent des stratégies liées au fonds de commerce plutôt qu’aux versements de salaire. » C’est tout à fait ça, le patron en question privilégie son fonds de commerce. Il augmente comme il peut le chiffre d’affaire pour augmenter la valeur du fonds. Je ne juge pas ses actes, je constate. Si c’était moi, je l’ai dit, je conserverais uniquement l’ouverture du midi pour faire 95% du chiffre d’affaire en payant de la même manière le personnel pour le motiver et tolérer les coups de bourre. Bénéfice maximum.

Romain nous rappelle ce qu’est un fonds de commerce : « Ensemble des éléments matériaux et immatériaux en vue d’assurer une activité commerciale, le fond de commerce est un patrimoine et un déterminant important pour les commerçants. » Parmi les éléments immatériaux, il y a souvent une licence, comme pour les bistros, la licence IV, les taxis,…

Tiens ! Une rapide recherche dans Google montre que les licences de taxis se vendent entre 120 000 et 150 000€. Tout ça pour avoir le droit de conduire à Paris. C’est un peu ce qu’on appelle un fonds de commerce. Beaucoup de taxis, d’ailleurs, sont obligés de passer par des grandes chaînes, genre Taxis Bleus ou G7. Ils louent leurs taxis à des particuliers… Parce que des particuliers ne peuvent plus acheter des licences. J’y reviendrai.

Le système de licences est vénéré par ceux qui en possèdent (et qui votent souvent à droite) est profondément antilibéral. Il faut payer pour avoir le droit de travailler. Mon billet est donc très libéral tout en étant totalement antilibéral. Z’allez voir ! Je ne suis pas opposé aux licences qui sont nécessaires, profession par profession, je suis opposé à leur vente entre particuliers.

Les fonds de commerce des bistros et autres magasin dits de proximité n’a rien à voir avec les licences de taxis. Ils contiennent quelque chose. Un bistro, par exemple, aura sa licence IV mais aussi son mobilier, sa cuisine, son personnel, son image de marque,… Par contre, souvent, il ne contiendra pas les murs. Le gérant paiera, en plus, une location.

C’est le premier truc qui me gène. Un type qui achète un fonds de commerce d’un bistro et qui décide de refaire la cuisine devra donc payer pour cette cuisine. Elle sera à lui mais dans des locaux qui ne lui appartiennent pas. Il est protégé par des contrats et tout ça mais s’il se casse la jambe et ne peut définitivement plus bosser, il ne sera remboursé de sa cuisine que si la valeur du fonds monte en fonction des travaux faits. Or la valeur d’un fonds est surtout estimée en fonction du chiffre d’affaire. Je dis que ça me gène. Ce n’est pas le bon mot. Ca ne me gène pas beaucoup, je ne suis pas concerné. Je trouve ce fonctionnement surréaliste !

La valeur du fonds est, en gros, équivalente à la capitalisation boursière d’une entreprise cotée. On comprend très bien la volonté du propriétaire de faire monter sa valeur. Il n’y a rien de surprenant. Par contre, le propriétaire sera obligé de privilégier cette valeur donc son chiffre d’affaire et non son revenu à lui, contrairement, par exemple, à un plombier qui travaille à son compte. C’est un mauvais exemple car je ne connais pas cette honorable profession mais il me semble qu’un plombier n’a pas réellement de fonds de commerce ou un fonds de commerce « léger » (des outils, du stock,…) dans la mesure où les clients ne sont pas spécialement fidèles.

La valeur du fonds ?

Vous avez vu, le fait que la priorité des commerçants soit dorénavant d’augmenter la valeur de leurs fonds de commerce me dérange… mais je n’ai pas encore dit pourquoi, fainéant comme je suis.

Ce que j’ai dit, par contre, c’est que je trouve grotesque la séparation très fréquente des murs et du fonds. C’est nécessaire pour des raisons économiques (une boutique à Paris coûterait plusieurs millions) mais…

D’un point de vue économique, on en arrive à privilégier les revenus du capital que ceux du travail. C’est caca.

Les fonds commerce arrivent à des valeurs prodigieuses. Je connais un tout petit bistro, près de chez moi, tenu par le patron tout seul, qui s’est vendu 250 000 euros en 2007. Uniquement le fonds, pas les murs. Tous les mois, il doit commencer par trouver les 5 ou 6 000 euros nécessaires pour payer le loyer puis probablement au moins 3000 euros pour rembourser son prêt avant de commencer à payer les autres charges, les impôts, les fournisseurs,…

Concrètement, il devient impossible à un jeune d’acheter une affaire. Ils sont donc obligés de prendre des affaires en location, en gérance,… Le système privilégie l’entassement du capital. Un de ces jours, les commerces, dans les grandes villes (dans les petits, ils disparaissent…), finiront par appartenir à des chaînes, à des  groupes, éventuellement cotés en bourse.

La valeur

Romain cite une étude (disponible en téléchargement ici). « Au premier semestre 2012, les stratégies de croissance externe avaient dopé le marché des ventes et cessions de fonds de commerce. Plus de 24 000 activités avaient changé de main pour un prix moyen de transaction audelà de 196 000 €, montant le plus haut depuis la crise. » En 2013, la crise continue et le rythme se ralentit. Les vendeurs hésitent à vendre et gardent leurs affaires. En survolant le rapport, on voit que le prix des fonds augmente de 4 ou 5% par an, c'est-à-dire plus du double de l’inflation, beaucoup plus que la croissance du PIB.

Les microentreprises (des personnes seules qui adoptent ce statut pour reprendre un commerce) ont augmenté de 14% en un an mais, surtout, leurs prix, ont augmenté aussi de 14%. Un type en microentreprise qui a acheté une affaire en janvier 2012 et l’a revendu en janvier 2013 a gagné 14% de son investissement de départ. Je suis heureux pour lui.

Il n’empêche que cette dérive est très mauvaise, les revenus du capital deviennent prépondérants dans l’économie, par rapport aux revenus du travail. Les jeunes ne peuvent plus acheter et on assiste à un phénomène d’entassement du capital. Le rapport le dit, d’ailleurs : la part des achats de fonds par d’autres entreprises est en augmentation. Ils le disent joliment : « Au premier semestre 2012, les stratégies de croissance externe avaient dopé le marché des ventes et cessions de fonds de commerce. »  Seuls des types ayant déjà une entreprise peuvent en acheter une autre.

Pigeons

Vous vous rappelez de l’affaire des pigeons qui avait égayé la préparation du dernier budget. Le problème est bien là : « ils » ne pensaient qu’à créer de la valeur à une affaire sans s’occuper réellement des gains qu’ils obtenaient au jour le jour. La nouvelle économie ne tient plus qu’à cela. Il n’y a pas que les fonds de commerce mais la plupart des nouvelles entreprises. J’ai moi-même bossé dans une grosse boite : la filiale où je bossais a été vendue quand le patron a trouvé qu’il faisait une marge suffisante, sans s’occuper de notre propre rentabilité, de notre contribution au résultat de l’entreprise.

C’est le bordel !

Librairies

On parlait récemment des librairies. Le problème qu’elles ont n’est pas la concurrence qu’elles subissent d’Amazon. Ce sont les hypermarchés et les chaînes spécialisées qui les concurrencent et qui sont concurrencées par Amazon. D’ailleurs, Virgin est tombé…

Dans les villes, là où elles ont un potentiel de clientèle, ce qui leur fait mal, c’est bien plus le prix du fonds de commerce (et celui du loyer pour les locaux commerciaux) que cette espèce de concurrence. Le législateur a légiféré à propos d’une bêtise.

La seule chose contre laquelle il doit lutter est l’augmentation du prix des commerces et des locaux commerciaux. Il faut lutter contre la spéculation. Appelons-les choses par leurs noms. C’est la seule solution pour éviter l’accroissement des inégalités due à cet entassement du capital (en français : le fric appelle le fric).

Reste à savoir comment. Pour les locaux commerciaux, on trouvera bien des pistes. Il y a la fiscalité mais aussi le fait que les pouvoirs publics peuvent entrer en jeu… Ils peuvent mettre à disposition des locaux pour peser sur la concurrence. C’est la même problématique que les logements sociaux : il faut en construire pour faire baisser les prix de location du secteur privé.

Et la valeur des fonds de commerce ?

Le traitement est plus compliqué. On peut faire entrer en jeu la fiscalité (augmenter les impôts sur les plus-values pour dissuader les ventes) mais ça risque de pénaliser des gens qui ont travaillé toute leur vie et de créer des levées de boucliers. On aurait des investisseurs qui partiraient à l’étranger et tout ça.

Dans la fiscalité, pour limiter l’entassement du capital, n’oublions pas les frais de succession qui doivent être bien progressifs jusqu’à au moins 60% en exonérant les biens familiaux pour ne pas faire hurler les réactionnaires. Un gamin n’a pas à hériter de l’usine de papa. Ca fait 10 millions ? Hop ! Transfert de 6 millions d’actions dans la poche de l’Etat.

Hop !

Je vais proposer deux pistes.

La première est d’interdire les ventes de licences. Elles doivent être gratuites, nominatives et accordées par les pouvoirs publics, notamment les communes (pour des raisons qui n’ont rien à voir avec ce billet mais, dans mon quartier, j’ai huit agences bancaires, cinq ou six marchands de chaussures, trois kebabs mais pas de marchands de journaux). Elles doivent être illimitées (ou, plus exactement, limitées mais uniquement pour des intérêts locaux). Tant pis pour les taxis parisiens, vive les bistros créés !

Cette mesure est très libérale, n’en déplaise à mon public gauchiste.

La deuxième est plus compliquée. Comme je proposais que les collectivités mettent à disposition des locaux à bas coût, la contrepartie serait d’empêcher toute plus value sur la vente du commerce, hormis pour couvrir les travaux lourds entrepris (surtout pour les bistros puisqu’il faut un comptoir, une cuisine, des chambres froides,…).

Ceci n’est pas antilibéral quoi qu’en pensent sans doute les libéraux. Il y a un contrat entre un particulier et une collectivité. « Tiens ! Voila un local. Tu y fais ce que tu veux et qui est autorisé par le présent contrat pour tant par mois sans limitation de délai sauf défaut de paiement ou non respect de loi mais quand tu te barres, tu me remets les clés à l’exclusion de tout autre, je suis le propriétaire, bordel. Le prix sera révisé tous les ans en fonction de l’inflation. Si tu te barres et que tu as fait des travaux, tu peux proposer une transaction avec un repreneur qui serait près à t’indemniser pour en bénéficier. Nous jugerons alors de la valeur de l’indemnisation et nous réserverons, dans cet accord tripartite, la possibilité d’augmenter les loyers. Tu es propriétaire de ce qu'il y a dans les locaux, je suis propriétaire des locaux et j'en fais ce que je veux si tu pars. »

Hé hop ! J’ai sauvé le monde, je peux aller sereinement au bistro. Et accessoirement en week-end.

08 octobre 2013

Un livre au comptoir

Le débat à propos des libraires me fascine car le sujet a été traité par le mauvais bout et qu’il me rappelle toutes les discussions que je peux avoir autour des bistros, dans ce blog, quand je parle de leurs difficultés, de la TVA,… Disons-le franchement : le législateur n’a pas à s’occuper de ce que les commerçants facturent à leurs clients, sauf pour défendre ces derniers. Si une boite comme Amazon veut considérer les frais d’expédition dans ses charges, ce n’est pas notre problème.

Le premier parallèle avec les bistros est simple : une profession a des difficultés liées à une concurrence de gros acteurs et à un changement de mode de vie. Les clients passent plus de temps à regarder des conneries à la télé qu’à boire des demis ou lire des livres. Les clients achètent plus facile des trucs à bouffer au Mac Do ou des livres à la FNAC qu’au bistro ou chez le libraire.

Je suppose qu’on pourrait étendre le raisonnement à un tas de types de commerces de proximité qui subissent aussi la concurrence d’hypermarchés, de grandes enseignes spécialisées et de sociétés de vente par correspondance. A noter d’ailleurs que la « VPC » a concurrencé pendant un temps les commerces de proximités mais s’est fait balayer par la grande distribution.

De temps en temps, le législateur s’en mêle, comme il l’a fait récemment pour les bibliothèques. J’ai déjà fait deux billets à ce sujet mais il me passionne parce qu’il touche au commerce de proximité donc à l’aménagement du territoire, de nos villes qui perdent leurs centres… Il a pris une décision qui me semble mauvaise. D’autres blogueurs politiques, de la même obédience que moi, ne sont pas d’accord. Ce désaccord ne me dérange pas outre mesure.

Le législateur fait parfois des conneries mais fait aussi des choses très bien. Quand il a baissé la TVA sur la restauration, par exemple, les blogueurs de gauche ont gueulé comme des putois parce que c’était fait par la droite. Ils gueulent aussi quand la gauche la raugmente, d’ailleurs, puisqu’elle va passer à 10%, je crois, au 1er juillet. Il n’empêche que la TVA est un impôt payé par le consommateur donc honni par la gauche, en principe. Surtout, elle a répondu a un vrai problème : des chaines de restaurations rapides qui ont beaucoup moins de charges que les bistros puisque moins d’obligations facturaient une TVA moins importante.

Les point communs entre les bistros et les librairies ne s’arrêtent pas à la concurrence, à l’évolution de la société et à la bêtise ou l’intelligence du législateur, qu’il soit de droite ou de gauche. Certaines fois, d’ailleurs, le comportement des consommateurs n’est pas toujours rationnel. Je connais un tas de gugusses qui prennent leur pain exclusivement en boulangerie, par principe, ce qui est très bien pour nos petits commerces mais je connais un tas de coin où le pain est meilleur en grande surface…

Certains commentateurs de mes billets expliquent qu’il faut que les libraires ou les bistros développent une activité spécifique. Par exemple, un libraire pourra se spécialiser dans les livres anciens ou régionaux, les petits auteurs du coin,... Un bistro pourra commercialiser des bières artisanales, des tapas à l’apéro et des concerts le jeudi soir. Je ne connais pas spécialement le domaine de la librairie mais je suppose que les libraires gagnent essentiellement de l’oseille avec les activités les plus concurrentielles. Les domaines de spécialisation ne permettent pas spécialement de vivre.

C’est plus facile (et rigolo) de parler de bistro. Vous prenez un bistro qui fait de la bière artisanale. Il prospecte des petites brasseries pour avoir de bons produits. Néanmoins, sauf s’il se trouve dans un secteur festif, il sera obligé d’avoir une bière plus commerciale, plus traditionnelle pour les clients normaux comme les zozos ventripotents avec une cravate à chier à la Comète. Il aura beaucoup de mal à trouver une clientèle pour sa bière artisanale et à gagner de l’argent avec. Le type qui aime la bière un peu rare est, en fait, un mauvais client, qui n’en boira pas plusieurs. Ainsi, toute la marge est faite sur les autres produits. Le bistrotier sera obligé d’avoir une bière ordinaire, une blonde un peu luxueuse et une bière d’abbaye parce qu’ils y a des clients qui ne jurent que par ça. S’il rajoute un quatrième tirage, il faudra qu’il en vende suffisamment pour que le fût soit vide avant que la bière ne s’évente. Il se met donc en concurrence avec lui-même puisqu’il risque de mettre en difficulté sa vente de bière d’abbaye.

Je suppose que le libraire aura des problèmes équivalents. S’il se spécialise, à moins d’avoir un emplacement exceptionnel, il aura toujours des clients qui viendront essentiellement pour les livres plus traditionnels comme les prix littéraires.

Je les laisse se débrouiller. J’ai une certaine connaissance des bistros mais je dois reconnaître que je passe plus de temps au comptoir que dans des rayonnages de livres.

Le parallèle ne s’arrête pas là. Le bistro et le libraire auront, en plus de leurs gros fournisseurs, des plus petits, des brasseurs artisanaux et des maisons d’édition indépendantes qui vont vouloir être privilégiés par rapport aux produits standard. Nos deux commerces ont le même problème de prix du loyer, la nécessité d’embaucher pour développer des activités,… Ce n’est pas le tout de faire un concert le jeudi soir ! Encore faut-il payer le groupe et ne pas faire fuir les clients fidèles…

Que peut faire le législateur ?

En France, pour les bistros, il n’a pas fait grand-chose. Pour la culture, il a fait l’exception culturelle. C’est sûrement très bien et régulièrement défendu par la gauche. Il n’empêche que ça ne garantit pas la circulation de la culture et les revenus des auteurs. Ca permet d’empêcher à des grands commerçants de vendre moins cher. Ca leur permet d’avoir de bonnes marges. Ils font de la concurrence aux petits commerces tout en se garantissant des marges conséquentes. Ils n’ont pas le droit de faire plus de ristourne que les 5% officiels…

Le prix du livre est défini par l’éditeur qui va définir également le prix auquel il va vendre le livre aux distributeurs et aux grandes enseignes. Le « gros » va donc pouvoir payer moins cher les livres que le « petit » et donc avoir des marges encore plus importantes. C’est le paradoxe du prix unique du livre : il est là pour permettre aux librairies de survivre mais garantit aux concurrents de gagner plein d’oseille.

Les bonnes idées du législateur.

Vous savez qu’au 1er janvier 2015, tous les établissements recevant du public devront être en mesure d’accueillir les personnes en situation de handicap. Sur le fond, c’est très bien. Mais vous avez réfléchi aux conséquences pour les bistros ? Pensez par exemple au petit bistro où vous prenez occasionnellement le café le matin. Il devra avoir soit un ascenseur pour descendre aux toilettes soit des toilettes suffisamment grandes pour qu’une personne en fauteuil roulant puisse entrer et garer le fauteuil… Imaginez les travaux que devra réaliser le patron et le nombre de places assises qu’il perdra…

Le législateur veut parfois aider le commerce de proximité. Souvent, il échoue…

11 juillet 2013

La politique au bistro

Voila typiquement le genre de billet que je commence sans savoir si je vais le diffuser dans le blog politique ou dans le blog bistro. C’est ce qui se passe quand on parle politique au bistro. On s’engueule assez vite. Ca a drôlement chauffé, mardi soir, à la Comète, entre Ramdane, Tonnégrande et moi. Ca mériterait un billet dans le blog bistro mais ça finira dans le blog politique puisque ça fait suite à mon billet d’hier où je parlais du « peuple de gauche » et du « peuple de droite ».

Je ne vais néanmoins pas parler de blog mais de bistro. Dans ma bande de potes de comptoir, la plupart font partie de ce qu’on appelle « le peuple de gauche » : Ramdane, Tonnégrande, Djibril, Patrice, le vieux Joël,… Il y a quelques individus qui sont notoirement à droite : le vieux Jacques, Marcel le fiacre et son épouse, Miranda, mais on les voit beaucoup moins.

Joël se targue d’être mélenchoniste ! C’est souvent avec lui que je finis les soirées, il feuillette Le Parisien pendant que je glande dans Twitter. Et il commente les informations. Chacun de ses commentaires est de pure obédience libérale. Pour chaque sujet, il a un avis bien à droite ou en total décalage avec la réalité mais d’une manière globale, il se positionne bien plus à gauche que nous tous.

Par exemple, à l’heure où je vous parle, le titre en une de Google News est un article du Parisien à propos du gaz de schiste (je ne l’ai pas lu). S’il voit l’article, je suis persuadé que sa réaction sera : « Mais ils font chier, pour une fois qu’on a une source d’énergie en France, les écolos vont empêcher qu’on l’exploite alors que les autres pays le font, on va encore être à la traîne et c’est encore nous qui allons payer. » Je suis réellement sûr de sa réaction. Sauf s’il lit mon billet avant où il découvrira nécessairement qu’il a une position inverse à celle du parti politique qu’il soutient.

A ce stade, il est déjà énervé. Je pourrais tenter de lui expliquer : « Attends, c’est vraiment très mauvais pour l’environnement, il faut attendre que l’on trouve des procédés d’extraction qui ne polluent pas mais, même, si on le fait, il y aurait probablement de la production de méthane et d’autres pollutions, il vaut mieux investir dans autre chose. » Par exemple, c’est un dossier que je ne connais pas. Mais mieux que lui… Par le passé, j’ai essayé, mais ce n’est pas la peine, il s’énerverait avant la fin de ma phrase, probablement dès le « très mauvais pour l’environnement ». Il partirait en colère : « Mais c’est de la connerie ! L’environnement sert de prétexte à tout et on n’avance pas. »

J’ai donc appris à ne plus le contredire sauf sur des bricoles. Quand sa position est très libérale, je me fous ouvertement de sa gueule pour lui rappeler son paradoxe mais généralement, je ferme ma gueule.

Mardi soir, donc…

Il y avait Tonnégrande, Ramdane et moi. Tonnégrande a une certaine culture politique, il a milité dans le passé et travaille maintenant dans le social. Tonnégrande et moi parlons souvent politique, calmement, mais il ne supporte pas de discuter politique avec Ramdane et ils s’engueulent à chaque fois. Il faut dire que Ramdane, comme le vieux Joël, a souvent des idées politiques sur chaque dossier assez éloignées de « la logique du parti ». La semaine dernière, Tonnégrande a fini par le traiter de poujadiste tant Ramdane sortait des énormités.

Mardi soir, il lui a dit : « mais tu es vraiment un gars de droite ». Le ton a monté entre les deux. J’étais du même avis que Tonnégrande. Ramdane nous expliquait en s’énervant qu’il était excédé par les congénères à lui (Ramdane n’est pas d’origine française…) bénéficient des prestations sociales ou en abusent. Moi, je lui répondais que c’était un droit patati patata et le ton a monté jusqu’à ce que Tonnégrande lui sorte ça. J’ai fini, moi-même, par me fâcher et par demander à Ramdane d’arrêter de parler de politique. Le ton a encore monté : « mais non, je parle de ce que je veux, j’ai bien le droit de dire que… » Le ton montait tellement que nous importunions les autres clients. Ramdane est parti fâché sans finir sa bière ce qui est très grave.

Hier, j’ai recollé les morceaux par SMS…

De la politique au bistro, on tirera plusieurs leçons.

La première : les électeurs sont en contradiction avec eux-mêmes.

Surtout à gauche, ils ont une posture politique pour affirmer leur bord politique (à droite, souvent, ils n’osent pas l’affirmer) mais sont en totale contradiction quand on étudie une par une les informations politiques.

Je crains ce soir si quelqu’un commence à expliquer à mes gauchistes en peau de lapin que la vitesse risque d’être limitée sur le boulevard périphérique. J’entends déjà le vieux Joël : « mais ils font chier, ils nous retirent une a une chacune de nos libertés. »

La deuxième, en complément : les partis politiques ont des positions politiques étranges.

Jean-Luc Mélenchon a mis l’écologie au centre du projet du Front de Gauche. Il nous parle d’écosocialisme et tout ça. Je ne sais pas s’il est sincère ou fait ça pour piquer des voix aux écolos officiels mais il est bien loin de son cœur de cible électoral, « les classes populaires », qui n’ont strictement rien à cirer de l’environnement.

Ils font probablement une erreur majeure.

La troisième, évidente : on ne parle pas de politique au bistro.

Enfin si… Mais on ne parle pas politique quand on sait que le ton monte systématiquement. J’ai essayé d’expliquer à Ramdane qu’il ne fallait pas parler de politique avec Tonnégrande (il ne viendrait jamais à l’idée à ce dernier de lancer un sujet devant Ramdane).

Je m’applique cette règle systématiquement avec certains. Même quand je ne suis pas d’accord avec Joël ou Ramdane, je leur donne raison.

La quatrième, en complément : certains n’arrivent pas admettre la règle précédente.

Il s’agit notamment de ceux qui ne sont pas habitués à débattre en politique. Ramdane et Joël ne parlent qu’occasionnellement de politique au bistro et ils savent très bien qu’on risque de s’engueuler (plus maintenant puisque je leur donne raison pour avoir la paix) mais ils continuent. Et ils insistent pour avoir le dernier mot, sans accepter que l’on puisse ne pas être d’accord avec eux.

A noter que l’on retrouve exactement la même chose dans les réseaux sociaux, notamment Twitter, où des lascars se sont retrouvés militants politiques en 140 caractères… mais aussi les commentaires de blogs (voir mon billet d’hier).

Le cinquième : il est très difficile de rester calme quand le ton monte.

Hier, j’essayais de « séparer » Ramdane et Tonnégrande mais, à la fin, c’est moi qui criait le plus fort : « Bordel ! Arrêtez de parler politique, c’est pareil à chaque fois ».

N.B. : C'est rigolo, je tape "politique bistro" dans Google Image pour chercher une illustration pour ce billet et la première image qui correspond au sujet vient de mon blog bistro.