En salle

11 septembre 2025

La fin du fait majoritaire ?


 

La presse et l’opposition multiplient les qualificatifs pour parler de la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon. Je vais simplement dire que c’est une belle connerie. Emmanuel Macron et ses conseillers n’ont pas vu ce qui s’était passé lors des législatives de 2024 : elles ont sonné le glas d’un monde magnifique où il était relativement simple d’obtenir une majorité pour gouverner à l’Assemblée. C’était la fin du fameux « fait majoritaire » !

La bascule n’a pas été immédiate ! Déjà, en 1988, la majorité était fragile et il avait fallu pratiquer « l’ouverture ». Un peu avant, on avait déjà constaté la montée du Front National qui annonçait peut-être la fin du bipartisme qui nous supporter la vie politique ! Rassurez-vous, je ne vais pas me lancer dans une leçon d’histoire. Toujours est-il que lors de la première élection présidentielle du millénaire, le président de la République a été élu avec moins de 20% des voix au premier tour.

On a fait pire depuis. On a eu deux présidentielles sans candidats des deux vieux partis politiques franchissant le premier tour. Lors des avant-dernières législatives, la plus grosse formation (ou coalition) n’a pas eu, et de loin, la majorité absolue. Le fait majoritaire était mort. Lors des dernières (provoquée par une dissolution, tant la situation n’était plus tenable), aucune coalition n’a eu un tiers des sièges !

On aurait tout de même dû se rendre compte que quelque chose avait changé ! Malheureusement, nous avions nos petites habitudes et le compromis n’y avait aucune place.

 


Comme dans ce billet, je vais essentiellement taper sur Emmanuel Macron et le « bloc central » (comprenant les décombres de l’ancien grand parti de droite, d’ailleurs), je vais commencer par me farcir « mon camp », la gauche. Elle avait une coalition pour ces législatives, le NFP, composée un peu de bric et de broc et est arrivée en tête mais évidemment sans avoir la majorité absolue (je le disais : personne n’a pas dépassé le tiers de l’hémicycle). Elle a cru pouvoir gouverner et a « présenté » une candidature commune à Macron, Lucie Castets, mais comme elle était rejetée par les autres partis, elle n’avait aucune chance de pouvoir gouverner alors qu’elle continue à prétendre le contraire. Disons-le autrement : François Bayrou a fait une connerie, récemment, mais si la gauche avait eu Matignon, c’est elle qui aurait été balayée. La gauche du NFP, LFI donc, continue à se faire croire qu’elle est légitimement la plus grande force politique du pays. Tant pis si les derniers sondages pour des législatives ne la mettent qu’à 10%, elle fait du bruit pour passer pour la principale opposition…

Il s’est tout de même passé quelque chose d’intéressant, dans ce NFP, les « petites » formations ont compris qu’il ne fallait pas foncer dans une impasse et se sont désolidarisés de LFI (qui, par ailleurs, s’éloignait progressivement les valeurs de notre république). Par la suite, au cours du récent débat budgétaire, certains de ces « petits » ont fait des propositions que l’on peut souligner (même si elles sont orientées politiquement, dans un sens qui me va évidemment très bien, elles mettent en avant des points intéressants pour tous).

Le PS et ses satellites, tout comme les écolos, semblent enfin avoir compris la voie du compromis mais Macron continue à faire des conneries. J’ai salué les socialos et les écolos.

 


Revenons aux législatives de 2024, brièvement, promis ! Dès lors qu’aucune des coalitions n’était proche d’une majorité absolue, il fallait un gouvernement « d’union », ce que j’ai répété dans mon blog, mais ni Macron ni la gauche n’en voulait. Alors n’en parlons plus…

Macron a eu l’étrange idée de mettre à Matignon un type de la droite de sa coalition, ce brave Michel Barnier, montrant ainsi qu’il n’était favorable à aucune ouverture. Ce qui devait se passer se passa : Barnier a été balayé. Macron l’a alors remplacé par François Bayrou, une personnalité vraiment catalogué au centre (je n’ai jamais été dupe, je l’ai dans le nez depuis qu’il était ministre de l’Education nationale). A la limite pourquoi pas ?

Mais Bayrou n’a pas du tout compris qu’il n’avait pas de majorité et que l’ancien monde était loin. Il a accumulé les conneries.

 


Il a eu à traiter la « fin de chantier » de la réforme des retraites, sujet bien sensible à gauche. Pour échapper à une censure, il a promis qu’une partie était renégociable (le fameux conclave) et a été cru par le PS qui était devenu plus lucide quant à la situation électorale de notre pays. Mais, il n’a pas tenu sa promesse. Il était donc devenu impossible de lui faire confiance.

Ensuite, il y a eu un événement qui aurait dû rester plus ou moins anecdotique dans notre histoire : un rapport sénatorial a montré que le montant des aides aux entreprises s’élevait à 211 milliards.

Peu après, François Bayrou a mis sur le devant de la scène le budget. Il a eu raison. Le pognon est le nerf de la guerre et même si on n’a rien à cirer de la dette, on peut tout de même réfléchir.

Il a fini par proposer, plus récemment, « un plan » visant à économiser 40 milliards et il a fait plusieurs erreurs ! Tout d’abord, s’il avait supprimé 10% des aides aux entreprises (ce n’est pas simple mais, tout de même, il faut étudier le détail. Par exemple, supprimer les aides aux entreprises dans des holdings bricolées pour échapper à la fiscalité normale et versant des montants supérieurs aux actionnaires…), il aurait déjà bouclé la moitié du chemin, les 40 milliards !

Ensuite, son plan contenait une baisse du niveau de vie des Français (on en pense ce que l’on veut, qu’on soit de droite ou de gauche) : il est évident que cela allait supprimer une partie de la consommation des ménages et avoir des conséquences récessives, donc favorisant l’épanouissement de la dette.

Après, il a quelque chose qui saute aux yeux, c’est que les réductions d’impôts pour les plus riches accordées par Macron dans son premier mandat ont creusé la dette (un tas de chiffres sont évoqués par des militants de gauche dans des réseaux sociaux, ils abusent peut-être mais il y a tout de même une large part de vérité). Ce n’était pas facile pour lui de les supprimer puisque ça aurait été un rejet de mesures du président qu’il avait soutenu et qui l’a nommé à ce poste ! Il serait donc, en plus, entré dans une espèce de période de cohabitation… Il n’empêche qu’il aurait pu essayer quelque chose de nouveau comme la taxe Zucman.

Enfin, il y a eu des mensonges très énervants. Par exemple, il a mis une partie du déficit sur le dos de la gauche alors que les seules périodes de baisse des déficits étaient presque celles avec la gauche au pouvoir. Ou, il a été prétendu que si l’on taxait les riches, ils auraient quitté le territoire ce qui est vraiment marginal (c’est encore la bourse de Paris qui verse le plus de dividendes et une taxe de 1 ou 2% sur du pognon qui en rapporte 10 n’est tout de même pas confiscatoire).

Il a ainsi signé sa perte, et on le sait, mais le problème, à la base, est bien le refus de tout compromis pourtant nécessaire compte tenu de la composition de notre assemblée. Ce fameux fait majoritaire qui est fini.

 


Je ne sais pas ce que va faire M. Lecornu (ce cocu, comme disait l’autre) et je vais lui accorder le bénéfice du doute (avec pessimisme, tout de même). Il n’empêche que tous nos politiciens devraient réfléchir à l’état de nos institutions (ce qui est valable pour tous, évidemment le « bloc centriste », responsable de notre situation pourrie mais aussi la gauche radicale qui a été pitoyable, hier, pendant la journée d’action, en prétendant représenter le peuple… surtout avec des drapeaux palestiniens).

 

Il faut remonter à loin. On avait la quatrième république qui partait en vrille à cause des compromis nécessaire. On en a fait une cinquième qui aurait pu fonctionner si on ne s’était pas endormi dans une espèce de bipartisme. Première erreur ensuite : l’élection du Président au suffrage universel. Ca marchait bien au début mais avec quelques limites. Au cours de la campagne présidentielle, le candidat présentait un projet pour la France mais il y avait « juste après » un deuxième scrutin, législatif, pour débattre de projet… L’élection du président aurait dû être là uniquement pour trouver un type pour avoir la voix de la France à l’étranger, garantir le bon fonctionnement des institutions et trente ou quarante après, on se retrouve avec un bordel monstre ! Bordel monstre largement amplifié par le passage au quinquennat et à l’inversion du calendrier qui a fait que les élections législatives, hors dissolution, suivaient la présidentielle.

 

Il est donc urgent de revenir sur l’élection du Président au suffrage universel. On ne peut pas avoir une Assemblée pouvant agir contre les volontés d’une personne élue par le peuple qui continue à jouer le rôle de chef d’une majorité même si cette majorité n’existe plus.

Et de favoriser une culture de compromis à l’Assemblée.

Cette rupture aurait plus de gueule que celle souhaitée par les dirigeants LFI pour exciter leurs militants mais dont le contenu ne peut venir que des urnes alors qu’ils ne sont pas majoritaires…

5 commentaires:

  1. Lecornu a dit qu'il allait y avoir du changement de fond et de forme. Moi j'attend de voir ce qu'il va faire sur le fond et sur la forme pour juger. Il reçoit les présidents de groupes parlementaires, on en sait pas ce qu'ils se disent (et c'est bien dommage). On ne sait pas non plus quels sont ses contacts avec des parlementaires. Bref il est urgent d'attendre sur le sujet dont je parle.
    aPrès tu as raison la 5e république est figée désormais qu'il y a un tripartisme que je soutiens.C'est à minima un problème de fonctionnement du parlement et de "compromis" qui n'est pas dans les pratiques politiques (ça devrait l'être du temps de la 4e , mais y'a plus de témoins de cette époque) et c'est bien dommage.

    Idéalement, on devrait élire des députés qui sont dans une coalition qui annonce quel candidat premier ministre elle va proposer, et quel grands items de son programme de gouvernement et quelques noms des principaux ministres. Et réduire les pouvoirs du président qui ne serait plus élu par le peuple. En gros faire comme tous nos voisins: des démocraties parlementaires. Le bonapartisme c'est fini !

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    1. Pour Lecornu j'attends. Mais il est probablement bête (à corne) à manger du foin comme ses prédécesseurs... Voila, il faut torpiller la présidentielle. Pour les législatives, ça ne pourrait fonctionner qu'avec une proportionnelle avec des listes assez grandes (la taille des régions ?).

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    2. oui la taille des régions comme en 1986, mais sur les anciennes régions.

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    3. En 86, c’était l’as les départements ?

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    4. ah oui departemental ! voilà qui est plus simple https://fr.wikipedia.org/wiki/Élections_législatives_françaises_de_1986

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