La presse et l’opposition multiplient les qualificatifs pour
parler de la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon. Je vais simplement
dire que c’est une belle connerie. Emmanuel Macron et ses conseillers n’ont pas
vu ce qui s’était passé lors des législatives de 2024 : elles ont sonné le
glas d’un monde magnifique où il était relativement simple d’obtenir une
majorité pour gouverner à l’Assemblée. C’était la fin du fameux « fait majoritaire » !
La bascule n’a pas été immédiate ! Déjà, en 1988, la
majorité était fragile et il avait fallu pratiquer « l’ouverture ». Un
peu avant, on avait déjà constaté la montée du Front National qui annonçait
peut-être la fin du bipartisme qui nous supporter la vie politique !
Rassurez-vous, je ne vais pas me lancer dans une leçon d’histoire. Toujours
est-il que lors de la première élection présidentielle du millénaire, le
président de la République a été élu avec moins de 20% des voix au premier
tour.
On a fait pire depuis. On a eu deux présidentielles sans candidats
des deux vieux partis politiques franchissant le premier tour. Lors des
avant-dernières législatives, la plus grosse formation (ou coalition) n’a pas eu,
et de loin, la majorité absolue. Le fait majoritaire était mort. Lors des
dernières (provoquée par une dissolution, tant la situation n’était plus
tenable), aucune coalition n’a eu un tiers des sièges !
On aurait tout de même dû se rendre compte que quelque
chose avait changé ! Malheureusement, nous avions nos petites habitudes et
le compromis n’y avait aucune place.
Comme dans ce billet, je vais essentiellement taper sur
Emmanuel Macron et le « bloc central » (comprenant les décombres de l’ancien
grand parti de droite, d’ailleurs), je vais commencer par me farcir « mon
camp », la gauche. Elle avait une coalition pour ces législatives, le NFP,
composée un peu de bric et de broc et est arrivée en tête mais évidemment sans
avoir la majorité absolue (je le disais : personne n’a pas dépassé le tiers
de l’hémicycle). Elle a cru pouvoir gouverner et a « présenté » une
candidature commune à Macron, Lucie Castets, mais comme elle était rejetée par
les autres partis, elle n’avait aucune chance de pouvoir gouverner alors qu’elle
continue à prétendre le contraire. Disons-le autrement : François Bayrou a
fait une connerie, récemment, mais si la gauche avait eu Matignon, c’est elle qui
aurait été balayée. La gauche du NFP, LFI donc, continue à se faire croire qu’elle
est légitimement la plus grande force politique du pays. Tant pis si les
derniers sondages pour des législatives ne la mettent qu’à 10%, elle fait du
bruit pour passer pour la principale opposition…
Il s’est tout de même passé quelque chose d’intéressant,
dans ce NFP, les « petites » formations ont compris qu’il ne fallait
pas foncer dans une impasse et se sont désolidarisés de LFI (qui, par ailleurs,
s’éloignait progressivement les valeurs de notre république). Par la suite, au
cours du récent débat budgétaire, certains de ces « petits » ont fait
des propositions que l’on peut souligner (même si elles sont orientées
politiquement, dans un sens qui me va évidemment très bien, elles mettent en avant
des points intéressants pour tous).
Le PS et ses satellites, tout comme les écolos, semblent
enfin avoir compris la voie du compromis mais Macron continue à faire des
conneries. J’ai salué les socialos et les écolos.
Revenons aux législatives de 2024, brièvement, promis !
Dès lors qu’aucune des coalitions n’était proche d’une majorité absolue, il
fallait un gouvernement « d’union », ce que j’ai répété dans mon
blog, mais ni Macron ni la gauche n’en voulait. Alors n’en parlons plus…
Macron a eu l’étrange idée de mettre à Matignon un type de
la droite de sa coalition, ce brave Michel Barnier, montrant ainsi qu’il n’était
favorable à aucune ouverture. Ce qui devait se passer se passa : Barnier a
été balayé. Macron l’a alors remplacé par François Bayrou, une personnalité
vraiment catalogué au centre (je n’ai jamais été dupe, je l’ai dans le nez
depuis qu’il était ministre de l’Education nationale). A la limite pourquoi pas ?
Mais Bayrou n’a pas du tout compris qu’il n’avait pas de
majorité et que l’ancien monde était loin. Il a accumulé les conneries.
Il a eu à traiter la « fin de chantier » de la
réforme des retraites, sujet bien sensible à gauche. Pour échapper à une
censure, il a promis qu’une partie était renégociable (le fameux conclave) et a
été cru par le PS qui était devenu plus lucide quant à la situation électorale
de notre pays. Mais, il n’a pas tenu sa promesse. Il était donc devenu
impossible de lui faire confiance.
Ensuite, il y a eu un événement qui aurait dû rester plus ou
moins anecdotique dans notre histoire : un rapport sénatorial a montré que
le montant des aides aux entreprises s’élevait à 211 milliards.
Peu après, François Bayrou a mis sur le devant de la scène
le budget. Il a eu raison. Le pognon est le nerf de la guerre et même si on n’a
rien à cirer de la dette, on peut tout de même réfléchir.
Il a fini par proposer, plus récemment, « un plan »
visant à économiser 40 milliards et il a fait plusieurs erreurs !
Tout d’abord, s’il avait supprimé 10% des aides aux entreprises (ce n’est pas
simple mais, tout de même, il faut étudier
le détail. Par exemple, supprimer les aides aux entreprises dans des
holdings bricolées pour échapper à la fiscalité normale et versant des montants
supérieurs aux actionnaires…), il aurait déjà bouclé la moitié du chemin, les
40 milliards !
Ensuite, son plan contenait une baisse du niveau de vie des
Français (on en pense ce que l’on veut, qu’on soit de droite ou de gauche) :
il est évident que cela allait supprimer une partie de la consommation des
ménages et avoir des conséquences récessives, donc favorisant l’épanouissement
de la dette.
Après, il a quelque chose qui saute aux yeux, c’est que les
réductions d’impôts pour les plus riches accordées par Macron dans son premier
mandat ont creusé la dette (un tas de chiffres sont évoqués par des militants
de gauche dans des réseaux sociaux, ils abusent peut-être mais il y a tout de
même une large part de vérité). Ce n’était pas facile pour lui de les supprimer
puisque ça aurait été un rejet de mesures du président qu’il avait soutenu et
qui l’a nommé à ce poste ! Il serait donc, en plus, entré dans une espèce
de période de cohabitation… Il n’empêche qu’il aurait pu essayer quelque chose
de nouveau comme la taxe Zucman.
Enfin, il y a eu des mensonges très énervants. Par exemple,
il a mis une partie du déficit sur le dos de la gauche alors que les seules
périodes de baisse des déficits étaient presque celles avec la gauche au
pouvoir. Ou, il a été prétendu que si l’on taxait les riches, ils auraient quitté
le territoire ce qui est vraiment marginal (c’est encore la bourse de Paris qui
verse le plus de dividendes et une taxe de 1 ou 2% sur du pognon qui en
rapporte 10 n’est tout de même pas confiscatoire).
Il a ainsi signé sa perte, et on le sait, mais le problème,
à la base, est bien le refus de tout compromis pourtant nécessaire compte tenu
de la composition de notre assemblée. Ce fameux fait majoritaire qui est fini.
Je ne sais pas ce que va faire M. Lecornu (ce cocu, comme
disait l’autre) et je vais lui accorder le bénéfice du doute (avec pessimisme,
tout de même). Il n’empêche que tous nos politiciens devraient réfléchir à l’état
de nos institutions (ce qui est valable pour tous, évidemment le « bloc
centriste », responsable de notre situation pourrie mais aussi la gauche
radicale qui a été pitoyable, hier, pendant la journée d’action, en prétendant
représenter le peuple… surtout avec des drapeaux palestiniens).
Il faut remonter à loin. On avait la quatrième république
qui partait en vrille à cause des compromis nécessaire. On en a fait une cinquième
qui aurait pu fonctionner si on ne s’était pas endormi dans une espèce de
bipartisme. Première erreur ensuite : l’élection du Président au suffrage
universel. Ca marchait bien au début mais avec quelques limites. Au cours de la
campagne présidentielle, le candidat présentait un projet pour la France mais
il y avait « juste après » un deuxième scrutin, législatif, pour débattre
de projet… L’élection du président aurait dû être là uniquement pour trouver un
type pour avoir la voix de la France à l’étranger, garantir le bon
fonctionnement des institutions et trente ou quarante après, on se retrouve
avec un bordel monstre ! Bordel monstre largement amplifié par le passage
au quinquennat et à l’inversion du calendrier qui a fait que les élections
législatives, hors dissolution, suivaient la présidentielle.
Il est donc urgent de revenir sur l’élection du Président
au suffrage universel. On ne peut pas avoir une Assemblée pouvant agir contre
les volontés d’une personne élue par le peuple qui continue à jouer le rôle de
chef d’une majorité même si cette majorité n’existe plus.
Et de favoriser une culture de compromis à l’Assemblée.
Cette rupture aurait plus de gueule que celle souhaitée par
les dirigeants LFI pour exciter leurs militants mais dont le contenu ne peut
venir que des urnes alors qu’ils ne sont pas majoritaires…
Lecornu a dit qu'il allait y avoir du changement de fond et de forme. Moi j'attend de voir ce qu'il va faire sur le fond et sur la forme pour juger. Il reçoit les présidents de groupes parlementaires, on en sait pas ce qu'ils se disent (et c'est bien dommage). On ne sait pas non plus quels sont ses contacts avec des parlementaires. Bref il est urgent d'attendre sur le sujet dont je parle.
RépondreSupprimeraPrès tu as raison la 5e république est figée désormais qu'il y a un tripartisme que je soutiens.C'est à minima un problème de fonctionnement du parlement et de "compromis" qui n'est pas dans les pratiques politiques (ça devrait l'être du temps de la 4e , mais y'a plus de témoins de cette époque) et c'est bien dommage.
Idéalement, on devrait élire des députés qui sont dans une coalition qui annonce quel candidat premier ministre elle va proposer, et quel grands items de son programme de gouvernement et quelques noms des principaux ministres. Et réduire les pouvoirs du président qui ne serait plus élu par le peuple. En gros faire comme tous nos voisins: des démocraties parlementaires. Le bonapartisme c'est fini !
Pour Lecornu j'attends. Mais il est probablement bête (à corne) à manger du foin comme ses prédécesseurs... Voila, il faut torpiller la présidentielle. Pour les législatives, ça ne pourrait fonctionner qu'avec une proportionnelle avec des listes assez grandes (la taille des régions ?).
Supprimeroui la taille des régions comme en 1986, mais sur les anciennes régions.
SupprimerEn 86, c’était l’as les départements ?
Supprimerah oui departemental ! voilà qui est plus simple https://fr.wikipedia.org/wiki/Élections_législatives_françaises_de_1986
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