27 novembre 2014

Avortons !

Simone Veil est une grande dame. Il y a 40 ans, elle s'est battue contre son camp pour faire passer une loi qui a beaucoup fait avancer la cause des femmes. Voilà ! C'est dit. J'aurais tendance à ajouter qu'il reste du travail à faire, notamment pour l'accompagnement de ces femmes en détresse.

Oups ! Le mot "détresse" a récemment été retiré de loi. Il empêche que je suppose que les femmes ne se font pas faire une IVG par plaisir.

Néanmoins, je ne vois pas pourquoi il faudrait à nouveau ouvrir les débats aujourd'hui. Les députés ont voté hier un texte disant que l'IVG faisait partie des droits fondamentaux. Qu'est-ce que cela veut dire, juridiquement ? A peu près rien. On pourrait considérer comme droit fondamental ce qui est inscrit dans la Constitution et les machins associé ou dans des accords internationaux auxquels nous sommes associés. L'IVG n'est pas un droit fondamental. Disons qu'on peut le considérer comme un droit essentiel.

C'est ballot de faire de la politique uniquement avec des mots. Je ne vois pas l'intérêt de ce texte : ce n'est pas dans le rôle du Parlement.

Quelques députés de droite ont voté contre. Du coup, ils sont montrés du doigt par certains gauchistes. Pourtant, je ne vois pas pourquoi on devrait interdire à des gens de ne pas considérer l'IVG comme un droit fondamental. Voire à être contre l'avortement, d'ailleurs. Ce que l'on peut, c'est les empêcher de ne pas le considérer comme un droit "tout court", vu que c'est dans la loi. Et on peut leur donner des baffes quand ils luttent contre l'avortement en tant qu'élus et les mettre en prison insalubre quand ils font des actions contraires à la loi.

C'est ainsi que j'ai trollé chez Elooooody, hier, face à ses commentatrices féministes de salon. J'insiste sur la qualification parce qu'à part sortir des platitudes du genre "les femmes ont le droit de disposer de leur corps", elles ne savent pas trop quoi dire. Je vais leur dire : grâce à l'action des féministes d'avant et aux travaux de Madame Veil, l'avortement est devenu une formalité ou presque (il nécessite quand même un accompagnement... Ce n'est pas un acte anodin et si des féministes pensent le contraire, il faudrait qu'elles arrêtent de défendre les femmes).

Tiens ! Je vais raconter une histoire triste. Mes plus vieux lecteurs connaissent Jim, l'ancien serveur de La Comète. C'était plus qu'un ami. Un petit frère, disons. Voire plus. Il a quinze ans de moins que moi. Je n'ai pas de môme. Il n'a pas de père et sa mère est pas humaine (je me comprends). Il était seul à Paris. Bref.

Il avait une copine, Emilie, très malade de son diabète. Il y a sept ou huit ans, elle est tombée enceinte. Elle ne pouvait pas prendre la pilule et après des années de vie commune (ou presque vu qu'elle n'habitait pas Paris), ils ne prenaient plus de précautions. Ils comptaient les jours. Ça a foiré.

Ils ne se sentaient pas capables d'élever un môme, trop jeunes, pas assez établis dans la vie. Les toubibs leur ont dit qu'une grossesse serait trop risquée et qu'il serait mieux attendre quelques années. La décision fut rapidement prise et, effectivement, ça fut une formalité. Emilie était bien entourée par ses parents et par Jim.

Quelques années plus tard, il y a un peu plus d'un an, elle s'est à nouveau retrouvée en cloque. Ils ont décidé, avec les médecins, la famille de tenter le coup. Elle était très encadrée. Neuf mois après, le bébé est arrivé "mort né". Jim n'habitant plus la région parisienne, je ne les ai pas vus de cette période. J'ai ressenti leur douleur à un point incroyable. Ils attendaient le bébé et l'aimaient déjà quand le drame est arrivé.

Mais le bébé avait trop tiré sur le corps d'Emilie. Elle s'est éteinte progressivement et nous a quittés à la fin de l'été. Jim m'a appelé, sans doute la première fois depuis plus d'un an. Je communiquais avec lui par SMS et dans Facebook mais causais souvent avec Emilie. J'étais devant la Comète à discuter avec un type quand mon téléphone a sonné. L'écran indiquait Emilie. J'étais content. C'était Jim. Je me suis assis en terrasse. Il m'a appris l'horrible nouvelle. J'étais le seul à qui il pouvait parler. J'ai sorti les banalités d'usage et nous avons raccroché. Je suis rester assis à pleurer.

Tiens ! Il m'a appelé la semaine dernière. Je vais le voir le week-end prochain. Il a besoin de moi. Il est seul. De nouveau.

Toujours est-il que je conchie ceux qui ont une vision théorique de l'IVG.

Ce qui me fait rigoler, c'est que pendant que je trollais chez Elooooody, je trollais aussi chez Koltchak, avec une meute de réactionnaires totalement hostiles à l'IVG, tenant à peu près les mêmes propos mais m'opposant à tous, à leurs visions ultra théoriques, ultra militantes. Complètement inhumaines.

J'allais faire un billet très court pour noter ce paradoxe. On peut ne pas être contre l'avortement et s'engueuler avec toutes sortes de militants extrémistes vivant sur autre planète. Mais Didier Goux m'a grillé. Il a fait son billet avant pour dire à peu près la même chose que moi.

Si certains ne comprennent pas comment on peut être potes, qu'ils lisent les deux billets.


Et dans les commentaires, chez lui, un type, un réac mais ça pourrait être un gauchiste, lui demande s'il vit dans une autre planète.

18 commentaires:

  1. Vous avez fait plus long que moi ! Mais vous vous êtes servi de vrais gens et de vrais drames : c'est tricher. On est quand même dans la blogoboule, quoi, merde !

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    1. J'ai un peu romancé. Vous me voyez pleurer à la terrasse de la Comete ? Par exemple.

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  2. " elle est tombée enceinte. Elle ne pouvait pas prendre la pilule"

    Pas un seul médecin pour leur dire qu' il y a d'autres moyens efficaces de contraception ( stérilet, préservatif masculin, pessaire féminin) ?

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    1. Elle avait 22 ou 23 ans, issue d'un milieu défavorisé et tout ça. Tiens ! Voilà un combat de féministes.

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  3. Pourquoi, depuis une semaine , chaque fois que je poste un commentaire chez vous , on me demande de recopier des mots pour prouver que je ne suis pas un robot ?

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    1. Une histoire de spams massifs.

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    2. Mais je suis un robot !!!

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    3. @Elie Arié :
      Et un robot qui confond pessaire et diaphragme, en plus !

      (Je suis sûr que pour vous, IVG signifie insuffisance ventriculaire gauche...)

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    4. Pour bander encore à votre âge, c'est sur.

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  4. Merci de m'avoir décerné mon certificat de gauchiste. En plus, comme je porte à gauche ça tombe bien.. Ceci dit je ne dénie à personne le droit d'être contre l'avortement, mais je considère aussi que c'est mon droit d'en dire pis que pendre... D'autant que c'est les mêmes qui sont contre le mariage gay, contre l'euthanasie, contre tout en fait, et qu'ils ne perdent jamais une occasion de vouloir nous ramener en arrière...

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    1. D'une part, est-ce à toi de dire ce qu'est "en arrière" donc à définir le progrès. Je te rappelle que c'est au nom du progrès que Sarkozy défendait des réformes comme celle des retraites. Voir aussi le premier commentaire d'Elie : est-ce un progrès de voir qu'un coupe est passé à côté de méthodes de contraception ?

      D'autre part, si. Tu dénies ce droit. Tu en as fait un billet en citant des noms. Tu as le droit de les traîner dans boue et de les injurier. Mais ce n'est pas ce que tu as fait. Tu les as dénoncés. Nous avons une culture, une éducation, une façon de penser qui nous fait avoir des idées differentes d'eux. Obliger les autres à penser comme nous est une grave erreur des militants de droite comme de gauche.

      Le mariage gay que tu cites est un excellent exemple. Nous avons obligé les autres à se plier à notre idée du mariage. Je me suis plié au jeu et j'ai milité. Mais ce qui importe est que les droits civiques (et tous ceux de notre législation) soient les même pour tous. Nous avons touché aux racines du mariage alors que c'est aussi un des sacréments du catholicisme. Une réforme intelligente aurait été de sortir le mariage du code civil et de définir un contrat d'union libre (le CUL).

      Tu te rends compte que Sarko a émis l'idée de faire deux mariages différents. On a tout faux et lui aussi.

      Parce qu'on rentre dans le schéma de pensée de son propre camp.

      Et c'est pareil avec l'ivg. Que le catho assimile un embryon à un être vivant, c'est son droit et, comme le dit Koltchak, c'est tout à son honneur. Qu'on ne soit pas d'accord l'est au nôtre (je pourrais développer mais la question n'est pas là).

      Quand on aura appris à respecter les idées des autres, on aura fait un progrès.

      .../...

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    2. Et c'est pour ça que j'aime bien le billet de Didier : on s'en fout.

      Et c'est quand on aura convaincu tout le monde de cela, sans slogan remâché, que l'on pourra gagner "ideologiquement". Si on s'en fout, on s'en fout. Donc on n'interdit pas.

      Tiens ! C'est comme la libéralisation du cannabis. Au fond on s'en fout. Aucune raison d'interdire (selon certains). Un marqueur de gauche, au fond, comme l'ivg, très libéral.

      Occupons-nous plutôt des conséquences. Pour les trois sujets, celui du billet, l'ivg, et les deux exemples, le mariage et le cannabis.

      Quand un truc est passé, laissons tomber l'idéologie.

      .../...

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    3. Ça nous permettra d'arrêter de formuler des opinions débiles.

      Je suis désolé mais non, qu'un couple d'homo puisse avoir des enfants ensemble n'est pas un droit. C'est même impossible. Ou alors la sodomie mène à tout.

      La question de droit (et je vais répondre à Koltchak à ce sujet, ci dessous) est de savoir si le couple d'homo peut élever un enfant.

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  5. Ce titre, quelle idée ! J'ai cru que vous alliez parler de vos amis politiques, du coup, grosse déception.

    "Ce que l'on peut, c'est les empêcher de ne pas le considérer comme un droit "tout court", vu que c'est dans la loi."

    Position qui me semble partagée par pas mla de gens de gauche que je côtoie, et ce quel que soit le sujet. Mais position qui me semble pour le moins dangereuse et contraire à l'esprit de la démocratie. Poser la loi comme une idole est on ne peut plus dangereux, car la loi peut fort bien ne pas être juste et légitime, au même titre d'ailleurs qu'un gouvernement légalement élu. Il y a des exemples qui illustrent fort bien ce propos.

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    1. On peut leur laisser leurs considérations juridiques sans s'en offusquer : après tout la liberté d'expression doit pouvoir être utilisée aussi par mes ennemis (sinon elle n'est pas une vraie liberté d'expression), sous certaines réserves genre diffamation/injure/incitation à la haine ; la police de la pensée est à chier, même quand elle se veut progressiste.
      En revanche, si les anti-IVG passent des discours aux actes, il faut réprimer sans hésiter : c'est tout l'intérêt de la loi Neiertz de 1993 qui, en tapant les activistes au portefeuille, les a bien calmés.

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    2. Koltchak,

      On ne pose pas la loi comme une idole. Mais la loi est ce qui définit les droits. On peut être opposé à la loi et lutter contre. Par contre le droit est le droit. Pour reprendre la cas précis : un élu, un député, peut être opposé à la loi et proposer sa modification mais il ne peut pas être opposé au droit.

      Mais vous avez raison sur un point important. Avant le mariage pour tous, par exemple, on ne pouvait pas dire que les homos avaient le droit de se marier comme les autres.

      On s'est donc battus pour qu'ils obtiennent ce droit. Mais ce n'est pas une question de droit mais de loi.

      Et c'est quand les gauchistes auront admis cela et donc admis que que l'on ne peut pas refuser à l'église d'interdire le mariage zinzin que l'ont pourra progresser.

      Et peut-être faire admettre à des catholiques que tout le monde ne peut pas catholique. En d'autres termes un musulmans ne peut pas m'obliger à manger halal tant que je ne suis pas musulmans.

      Je vais donc le formuler autrement. Les catholiques ne doivent pas imposer leurs principes chez nous mais les gauchistes ne doivent pas oublier que nos valeurs sont issues de la chrétienté, ni pas parce qu'elles sont religieuses mais parce qu'elles sont de bon sens.

      Hop : tu ne tueras point. Vous allez me dire que ça s'applique à un fœtus, je vais vous dire que ça s'applique à un jeune noir qui menace les flics.

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  6. 1/ je définis ce qu'est le progrès pour moi... On peut ne pas être d'accord..
    2/ ces noms sont dans la presse et dans le compte rendu de l'Ass Nat... Je les ai cités. Ils assument leurs choix, je pense...
    3/ la loi de séparation de l'église et de l'état date de 1905. Il serait temps que tu arrives...
    4/ les décisions et les choix se prennent souvent dans des rapports de force. Je pense qu'il ne faut pas laisser le champ libre à la réaction et affirmer mes choix me semble être la moindre des choses que je me doive.

    Je te trouve l'esprit bien chafouin ce soir...

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    1. Pas du tout chafouin. Je réponds à ton com. Didier Goux, Koltchak, Elooooody et toi peuvent bien penser ce qu'ils pensent. Ça ne m'empêchera pas de vous apprécier.

      Je pourrais répondre à chaque point. Surtout au troisième d'ailleurs. Ce n'est pas en rappelant la loi de 1905 qu'on fera avancer le progrès. On finit par le faire reculer. Preuve en est : les manifs pour tous.

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