12 janvier 2024

Adieu Jean-Luc Laurent, ce maire qui suit nos mères !

 


C’est pendant que je discutais avec des copains au comptoir de l’Amandine que la nouvelle est tombée : Jean-Luc Laurent est mort. C’était le maire du Kremlin-Bicêtre depuis 1995 (sauf de 2016 à 2020, je crois) et le président du MRC (l’ancien parti de Chevènement). Il avait fait un accident cardio vasculaire (une crise cardiaque, en français) fin décembre et était hospitalisé depuis. Son état s’améliorait mais il a fait une nouvelle attaque mercredi soir qui lui a été fatale, hier en milieu de journée.

J’avais beaucoup d’estime pour lui et je suppose que c’était réciproque (mais il semblait avoir de l’estime pour la plupart de ses interlocuteurs !). J’avais discuté avec lui pour la première fois à l’occasion des municipales de 2008. Mon blog était au début de son heure de gloire et personne, à l’époque, ne connaissait l’influence des blogs sur la politique. J’avais rencontré ses concurrents, à leur demande (une recherche Google avec « Le Kremlin-Bicêtre » tombait « chez moi ») et nous avions convenu de nous voir aussi et ça s’était fait un dimanche matin, dans la salle de restaurant de la Comète.

J’étais assez intimidé et, en fait, je n’avais pas du tout envie de parler des projets pour la commune. Lui non plus, en fait. Il passait ses journées à faire campagne, distribuant des tracts, discutant avec les électeurs et était fatigué. Alors nous avons papoté de choses et d’autres sans rapport avec la politique (sauf les contraintes ponctuelles liées à cette campagne comme le temps que ça prenait)… Nous nous étions presque offert une heure de détente.

Je l’ai souvent croisé, depuis, car il circulait beaucoup dans la ville, que cela soit à l’occasion de futures campagnes ou de rencontre impromptues. Je vais raconter certaines de nos discussions, ci-après, mais ce que je tiens à noter, ici, c’est que nous n’avons jamais parlé de politique plus de trois minutes avec des propos de convenance sauf trois fois dont deux où nous avions rendez-vous pour le faire, l’une à l’occasion d’une soirée de blogueurs où il avait la vedette en tant que président d’un parti et l’autre sur des aspects assez techniques liés aux réformes territoriales et au Grand Paris, sujets qui me passionnaient. La troisième fois était plus personnelle : je lui avais demandé des nouvelles sur l’avancement des travaux de la place où j’habite.

Pour les sujets de politiques nationales, nous étions profondément d’accord sur certains aspects en tant que forts républicains de gauche et en opposition sur d’autres, moi beaucoup plus européen et libéral et lui plus protectionniste et souverainiste, évidemment. De fait, ça ne servait pas à grand-chose de discuter de tout cela, on ne va pas débattre pour des sujets qui nous rapprochent, cela ne servirait à rien, ni pour ceux qui nous divisent, on ne se serait pas convaincus… C’est sans doute ce que j’aimais le plus en lui et sûrement ce qu’il appréciait chez moi. Ensemble, nous étions sur une autre planète, évitant – sans se forcer – les sujets qui remplissaient mes loisirs (le blogage politique…) et ceux qui faisaient la sienne (la politique).

 

Un samedi midi, j’étais au comptoir de la Comète. En passant devant pour aller faire ses courses chez Leclerc, il m’avait vu et était entré me saluer. « Ah, tu bois du Ricard, c’est une bonne idée, je vais en prendre un aussi ! » Une autre fois, c’était à l’Amandine qu’il m’avait vu, un soir. Il était entré pour boire une bière. Un client abruti avait commencé à lui demander où en était un dossier personnel (une histoire de logement, je crois). Jean-Luc avait été très poli, très politique, même, prenant note, faisant preuve de l’empathie nécessaire et l’autre insistait. Alors je m’étais fâché : « tu vas arrêter de nous casser les couilles, il est 22 heures et tes problèmes personnels, tu peux te les foutre au cul et lâcher la grappe du maire, un peu de respect. »

Lors de la campagne pour la présidentielle de 2012, après le meeting de Vincennes, j’étais rentré à Bicêtre et avait foncé boire une bière à l’Aéro. Jean-Luc Laurent était alors passé, à la tête d’un groupe de militants. Ils rentraient également de Vincennes.

Rarement j’ai été aussi fier de mes amitiés politiques que ce soir-là.

 

Une autre de nos rencontres, sans intérêt, restera gravée dans ma mémoire. C’était vers avril dernier. Il m’a demandé des nouvelles. Je lui ai dit que ma mère était morte le 1er mars. Il avait eu l’attitude d’usage, compassion et tout ça. Si elle m’a marquée, ce n’est qu’a posteriori. Hier soir en fait. Quand j’ai appris qu’il avait lui-même enterré sa daronne trois ou quatre mois avant. Il avait donc mis sa propre douleur dans sa poche pour tenter de m’apporter un certain réconfort.

Notre dernière entrevue est sans doute la plus symboliques de nos relations et peut-être d’une des facettes de sa vie de maire. C’était cet été, un midi en semaine. Je buvais un apéro vite-fait, au comptoir. Il est entré, seul, pour déjeuner. On a échangé les politesses et il s’est installé à table. Au moment de déjeuner, pour moi, la seule place libre était à côté de lui. Je m’étais donc assis, sans doute avec le sourire niais de circonstance et nous n’avons rien dit du repas, tous les deux plongés dans nos smartphones. Ce n’est qu’après qu’il ait terminé son dessert que nous avons ouvert la bouche. Quelques mots – peut-être trois chacun – au sujet de la politique nationale : « ça va mal »…

Il est alors passé à la caisse pour régler, à un mètre de moi, et a commencé à avoir une discussion sérieuse avec le patron qui m’a mis dans la boucle vu que le cœur du sujet concernait un ami commun. C’était tout nous. Une demi-heure, en silence, côte à côte, puis une conversation intense alors que tout le monde était pressé.

 

Hier soir, je suis arrivé à la Comète et j’ai annoncé la triste information au patron, lui qui n’est là que depuis un an. Il m’a dit : « ah, non, pas lui, pas ce monsieur si gentil… ».

9 commentaires:

  1. Comment un accident vasculaire pourrait-il être à la fois "cérébral" et "cardiaque" ?

    Bon, je remonte lire…

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    1. Je corrige (j'ai fait un amalgame entre l'accident cardio vasculaire et l'accident vasculo cérébral, bête comme je suis).

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    2. Il vaut mieux être bête que mort !

      (Même si un certain nombre d'exemples prouve que le cumul est possible...)

      DG

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  2. Soixante six ans c'est court. La politique locale use. Mon père,même causes, est parti à soixante trois

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    1. Ouais. On a été surpris. Le patron de l’Amandine m’a mêlé dit ce soir qu’il avait cru que l’information était fausse et que c’était une vanne d’un client abruti.

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  3. Il y a une anecdote que j’ai oublié de raconter. Un jour j’ai croisé Jean-Luc alors que mon troll Elie Arié m’avait cassé les burnes (comme il le fait depuis 2015). Je lui avais demandé s’il le connnaissais. Il m’avait répondu : laisse tomber c’est un vieux fou. On le tolère à cause de son âge.

    Après, alors qu’Arie me faisait chier à nouveau, je lui avais dit que même les patrons de son ex parti politique le traitait de vieux fou. Ce vieux con m’avait dit que je mentais et que JLL était un ami à lui.

    C’est raté. Je ne mentais pas.

    Désolé d’être un peu méchant mais le commentaire que m’a laissé ce vieux con ici était odieux. Il disait que j’avais fait un billet en hommage à moi plutôt qu’à JLL. C’est faux. J’ai raconté mes relations avec une personne qui était un vrai politique et savait faire croire aux gens qu’il était son ami. Car il était vraiment gentil, pas par calcul politique.

    À part ça, il venait me voir quand il me voyait au bistro.

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  4. Je n ai qu un seul commentaire a laisser sur le décès de Jean Luc et ce sera ici. Ici car c est la qu a commencé mon aventure sur la blogosphère et qu elle s est terminée. Bravo Nicolas pour cet hommage mérité. Jean Luc t a toujours respecté et bravo pour ce que tu as résumé.incorruptible irascible tenace et véracité ont animé sa vie.Salut l Ami. Salut Jean Luc . Nos lecteurs sauront... Merci pour tout

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