Le nouveau premier ministre semble vouloir faire une rupture dans la
politique mais le
premier article que j’ai lu ce matin montre que les principaux cadres du « blog
central » n’ont pas compris la situation et croient que faire quelques
concessions à la marge suffira à éviter une motion de censure (tout en
déclarant que les mesures concédées sont de sombres conneries) et à leur faire
finir leurs mandats en s’endormant sur leurs oreilles.
Je ne l’ai pas fait dans mon billet d’hier mais je vais
rappeler la composition de l’Assemblée nationale :
« Coalition » |
Nombre de députés |
Rassemblement
National |
143 |
NFP Dont LFI Hors LFI |
190 70 120 |
Ensemble pour
la République |
165 |
Union de la
droite et du centre |
60 |
Autres |
19 |
Ma présentation est un peu orientée (j’ai pris acte qu’un
bloc central ne pouvait pas travailler avec LFI et que LFI ne voulait pas
gouverner hors du cadre de son programme, donc avec les autres).
Si on veut une coalition (ou plutôt un conglomérat…) pour gouverner
normalement (sans 49.3 et sans censure), il faut une majorité de 289 députés.
Le bloc central en a 225, pour faire une majorité, il doit donc aller chercher
64 députés ailleurs, on va dire une bonne cinquantaine dans la gauche hors LFI
soit à peu près la moitié des députés de cette gauche « hors LFI » ce
qui fait tout de même 20% de « ces 289 ».
Si on considère que sans ces 20%, le gouvernement ne tiendra
pas, ce ne sont pas quelques concessions cosmétiques qu’il faut chercher pour
donner bonne figure aux députés de gauche qui ne s’opposeront pas mais de
vraies concessions et il faudra aussi ne pas dépasser quelques lignes jaunes au
sujet de certains textes.
Il ne s’agit pas, pour la gauche, d’exercer un chantage mais
tout le monde doit se montrer raisonnable…
Je ne suis pas dans la logique de certains à gauche qui
disent que le NFP est arrivé en tête et devrait « selon la logique des
institutions » avoir le gouvernement et je sais évidemment que la gauche n’a
pas les moyens de gouverner.
Il n’empêche que la gauche est bien arrivée en tête !
Dans mon billet d’hier, je donnais quelques pistes.
Il faut par exemple agir sur les aides aux entreprises à
hauteur de 10 ou 20 milliards (sur plus de 200, tout de même). Il faut aussi
revenir sur une partie des allègements fiscaux concédés aux plus riches. On
pourra tout de même rappeler à ceux qui ronchonnent que les grandes fortunes
ont prospéré en France pendant que la pauvreté augmentait et que les mesures
voulues par Macron dès 2017 n’ont pas provoqué les effets voulus et sont en
partie directement responsables de la large augmentation de la dette. Il faut
enfin que les mesures prises sur le budget ne pénalisent pas les consommateurs
afin de ne pas provoquer d’effet récessif !
Avec cela, on est loin d’une politique de gauche qui ferait
qu’il revienne au « bloc central » voire aux seuls élus de droite de
baisser leurs culottes.
Je n’ai pas parlé de justice sociale, de politique de
relance, de partage des retraites, de lutte contre le chômage des jeunes et des
séniors et d’un tas d’autres marqueurs de gauche. Je n’ai pas évoqué, par
exemple, la réforme des retraites même s’il ne serait pas totalement débile de
travailler à nouveau sur la pénibilité mais, tant qu’à faire, ne nous fâchons
pas avec le Medef et attendons d’avoir une vraie majorité.
Bref, je n’ai pas dit qu’il faudrait une politique de gauche
(même si je le souhaiterais mais dans nos conditions ce n’est pas possible :
la gauche n’est pas majoritaire ; en outre, je reste favorable à des
mesures prises sous Hollande, parfois inspirées par Macron, comme des baisses
de cotisations, des allègements du code du travail, et la loi Macron d’ailleurs…).
Je n’ai pas parlé, non plus d’environnement, de nucléaire,
de planification écologique…
Contre-exemple |
Dans mon billet d’hier, je disais pourquoi Emmanuel
Macron aurait dû nommer un premier ministre de gauche.
C’est simple : les deux premiers premiers ministres de
cette législature n’ont fait aucune concession à la gauche pour s’assurer une
majorité (ils ont même perdu leurs fonctions dans l’hémicycle). Le deuxième a
même fait des promesses (sur les retraites) qui n’ont pas été tenues.
Il est clair gauche ne peut plus leur faire confiance. On
dépasse le stade où l’on marmonne que l’on fera des concessions : il faut
des engagements précis et s’ils ne sont pas respectés, il y aura nécessairement
une censure. En d’autres termes, la gauche veut bien maintenant promettre de ne
pas censurer mais il faut des conditions.
C’est aussi pour ça que Macron aurait dû nommer un type de
gauche : éviter les emmerdements.
Il ne faut d’ailleurs pas que le bloc central espère avoir
le soutien du RN sur certains sujets : les engagements pris au départ
doivent être globaux et une motion de censure pourrait porter sur tout.
Dans mon billet d’hier, je disais plein de choses mais
les commentaires ne portaient pas vraiment sur le fond : la fin du fait majoritaire.
Si j’ai parlé de plein de choses, j’ai très peu évoqué Sébastien Lecornu.
Pour les évolutions nécessaires de nos pratiques
institutionnelles, vous pouvez aussi lire mon confrère
Authueil mais il faut tout de même que je parle de notre nouveau premier ministre.
Ce type a des atouts. Par exemple, comme je le disais en
introduction, il a rapidement reconnu qu’il fallait une rupture. En outre, d’après
certains observateurs, il est coutumier du fait de « sauver Macron »
ce qu’il semble avoir fait à l’époque des grands débats. Il connaît très bien l’armée,
je suppose, et compte tenu du contexte international (dont je ne parle que rarement
mais qui me préoccupe tout de même plus que nos âneries), c’est un sérieux
atout.
Par contre, il vient bien d’une droite réactionnaire : comme
président d’un conseil départemental, il fait à la chasse aux fraudeurs au RSA,
auparavant, il avait combattu le mariage pour tous, il s’est rapproché de
groupes d’extrême droite comme Sens Commun (si j’en crois sa page Wikipedia).
Il n’a
pas fait d’étude et n’a quasiment jamais travaillé autrement qu’en
politique (et en aucun cas dans des entreprises privées).
Dans ces conditions, on comprendra que personne à gauche
ne pourra lui signer un chèque en blanc. Mais je ne vais pas non plus lui
faire un procès d’intention et je vais attendre les premiers engagements qu’il
prendra.
Il faut par exemple agir sur les aides aux entreprises les + grosses niches en € sont les holdings et les "dettes" de filiales : deux magouilles très efficaces, mais je ne sais pas comment inverser ça, ça doit être faisable déjà sur les holdings. Comme je l'ai écrit chez moi, on ne sait rien ou presque rien des échanges que Lecornu raconte aux gens qu'il voit, tout comme on ne sait rien de ce qui se dit au parlement entre députés de divers bords... Par exemple là il va recevoir les syndicats que Bayrou avait exaspéré (le medef n'était pas innoncent non plus lors du conclave).
RépondreSupprimerLe Médef est coupable et c'est pour ça que j'en parle...
SupprimerIl y a un tas de système pour détourner le fisc. Parfois, le gouvernement est coupable et va contre le Parlement, comme on voit dans ce reportage.
ah j'avais vu ce reportage. Encore une magouille fiscale permise par le droit qui est trop permissif devant des montages pour exfiltrer des profits sur des gains réalisés en France.
SupprimerPiqûre de rappel avant que je n’argumente : juste avant le vote de confiance j’ai déclaré ici même que j’en avais tellement marre de l’instabilité que je m’accommoderais d’un premier ministre de gauche si çà faisait avancer le schmilblick. Je ne suis donc pas une anti-gauche rabique. Fin de la parenthèse.
RépondreSupprimerJ’ai dit hier que je m’opposais à une fiscalité accrue visant les entreprises, je ne vais donc pas revenir là-dessus.
Tu sembles dire que vu ce qu’on fait les précédents premiers ministres venus de la droite, on ne peut probablement pas faire confiance au troisième. Désolée d’être piquante mais ce raisonnement est un sophisme (raisonnement fallacieux) de culpabilité par association. L’utilisation de sophismes invalide tout argument dans lequel ils sont employés. Attendons de voir ce que Lecornu va faire avant de juger : ni chèque en blanc, ni espoirs démesurés ne sont de mise.
Nommer un PM de gauche n’est pas une formule magique pour éviter les emmerdements, le risque de censure viendrait du RN, de LFI qui, je cite la Méluche, n’acceptera de valider aucun gouvernement autre que le leur, de la partie de la gauche qui ne veut pas entendre parler d’une association avec « la macronie », des LR qui ne pèsent pas un gros poids mais qui existent néanmoins, sans parler de fracturer un bloc central (déjà fragilisé) dont l’aile droite verrait d’un très mauvais œil un PM socialiste.
PS : tu as écrit le blog central au lieu du bloc. Coquille amusante ! :o)