En salle

12 septembre 2025

Lecornu ou l'âme couverte ?

 


Le nouveau premier ministre semble vouloir faire une rupture dans la politique mais le premier article que j’ai lu ce matin montre que les principaux cadres du « blog central » n’ont pas compris la situation et croient que faire quelques concessions à la marge suffira à éviter une motion de censure (tout en déclarant que les mesures concédées sont de sombres conneries) et à leur faire finir leurs mandats en s’endormant sur leurs oreilles.

 



Je ne l’ai pas fait dans mon billet d’hier mais je vais rappeler la composition de l’Assemblée nationale :

« Coalition »

Nombre de députés

Rassemblement National

143

NFP

Dont LFI

Hors LFI

190

70

120

Ensemble pour la République

165

Union de la droite et du centre

60

Autres

19

 


Ma présentation est un peu orientée (j’ai pris acte qu’un bloc central ne pouvait pas travailler avec LFI et que LFI ne voulait pas gouverner hors du cadre de son programme, donc avec les autres).

Si on veut une coalition (ou plutôt un conglomérat…) pour gouverner normalement (sans 49.3 et sans censure), il faut une majorité de 289 députés. Le bloc central en a 225, pour faire une majorité, il doit donc aller chercher 64 députés ailleurs, on va dire une bonne cinquantaine dans la gauche hors LFI soit à peu près la moitié des députés de cette gauche « hors LFI » ce qui fait tout de même 20% de « ces 289 ».

Si on considère que sans ces 20%, le gouvernement ne tiendra pas, ce ne sont pas quelques concessions cosmétiques qu’il faut chercher pour donner bonne figure aux députés de gauche qui ne s’opposeront pas mais de vraies concessions et il faudra aussi ne pas dépasser quelques lignes jaunes au sujet de certains textes.

Il ne s’agit pas, pour la gauche, d’exercer un chantage mais tout le monde doit se montrer raisonnable…

Je ne suis pas dans la logique de certains à gauche qui disent que le NFP est arrivé en tête et devrait « selon la logique des institutions » avoir le gouvernement et je sais évidemment que la gauche n’a pas les moyens de gouverner.

Il n’empêche que la gauche est bien arrivée en tête !

 


Dans mon billet d’hier, je donnais quelques pistes.

Il faut par exemple agir sur les aides aux entreprises à hauteur de 10 ou 20 milliards (sur plus de 200, tout de même). Il faut aussi revenir sur une partie des allègements fiscaux concédés aux plus riches. On pourra tout de même rappeler à ceux qui ronchonnent que les grandes fortunes ont prospéré en France pendant que la pauvreté augmentait et que les mesures voulues par Macron dès 2017 n’ont pas provoqué les effets voulus et sont en partie directement responsables de la large augmentation de la dette. Il faut enfin que les mesures prises sur le budget ne pénalisent pas les consommateurs afin de ne pas provoquer d’effet récessif !

Avec cela, on est loin d’une politique de gauche qui ferait qu’il revienne au « bloc central » voire aux seuls élus de droite de baisser leurs culottes.

Je n’ai pas parlé de justice sociale, de politique de relance, de partage des retraites, de lutte contre le chômage des jeunes et des séniors et d’un tas d’autres marqueurs de gauche. Je n’ai pas évoqué, par exemple, la réforme des retraites même s’il ne serait pas totalement débile de travailler à nouveau sur la pénibilité mais, tant qu’à faire, ne nous fâchons pas avec le Medef et attendons d’avoir une vraie majorité.

Bref, je n’ai pas dit qu’il faudrait une politique de gauche (même si je le souhaiterais mais dans nos conditions ce n’est pas possible : la gauche n’est pas majoritaire ; en outre, je reste favorable à des mesures prises sous Hollande, parfois inspirées par Macron, comme des baisses de cotisations, des allègements du code du travail, et la loi Macron d’ailleurs…).

Je n’ai pas parlé, non plus d’environnement, de nucléaire, de planification écologique…

 

Contre-exemple

Dans mon billet d’hier, je disais pourquoi Emmanuel Macron aurait dû nommer un premier ministre de gauche.

C’est simple : les deux premiers premiers ministres de cette législature n’ont fait aucune concession à la gauche pour s’assurer une majorité (ils ont même perdu leurs fonctions dans l’hémicycle). Le deuxième a même fait des promesses (sur les retraites) qui n’ont pas été tenues.

Il est clair gauche ne peut plus leur faire confiance. On dépasse le stade où l’on marmonne que l’on fera des concessions : il faut des engagements précis et s’ils ne sont pas respectés, il y aura nécessairement une censure. En d’autres termes, la gauche veut bien maintenant promettre de ne pas censurer mais il faut des conditions.

C’est aussi pour ça que Macron aurait dû nommer un type de gauche : éviter les emmerdements.

Il ne faut d’ailleurs pas que le bloc central espère avoir le soutien du RN sur certains sujets : les engagements pris au départ doivent être globaux et une motion de censure pourrait porter sur tout.

 


Dans mon billet d’hier, je disais plein de choses mais les commentaires ne portaient pas vraiment sur le fond : la fin du fait majoritaire. Si j’ai parlé de plein de choses, j’ai très peu évoqué Sébastien Lecornu.

Pour les évolutions nécessaires de nos pratiques institutionnelles, vous pouvez aussi lire mon confrère Authueil mais il faut tout de même que je parle de notre nouveau premier ministre.

Ce type a des atouts. Par exemple, comme je le disais en introduction, il a rapidement reconnu qu’il fallait une rupture. En outre, d’après certains observateurs, il est coutumier du fait de « sauver Macron » ce qu’il semble avoir fait à l’époque des grands débats. Il connaît très bien l’armée, je suppose, et compte tenu du contexte international (dont je ne parle que rarement mais qui me préoccupe tout de même plus que nos âneries), c’est un sérieux atout.

Par contre, il vient bien d’une droite réactionnaire : comme président d’un conseil départemental, il fait à la chasse aux fraudeurs au RSA, auparavant, il avait combattu le mariage pour tous, il s’est rapproché de groupes d’extrême droite comme Sens Commun (si j’en crois sa page Wikipedia).

Il n’a pas fait d’étude et n’a quasiment jamais travaillé autrement qu’en politique (et en aucun cas dans des entreprises privées).

 

Dans ces conditions, on comprendra que personne à gauche ne pourra lui signer un chèque en blanc. Mais je ne vais pas non plus lui faire un procès d’intention et je vais attendre les premiers engagements qu’il prendra.

4 commentaires:

  1. Il faut par exemple agir sur les aides aux entreprises les + grosses niches en € sont les holdings et les "dettes" de filiales : deux magouilles très efficaces, mais je ne sais pas comment inverser ça, ça doit être faisable déjà sur les holdings. Comme je l'ai écrit chez moi, on ne sait rien ou presque rien des échanges que Lecornu raconte aux gens qu'il voit, tout comme on ne sait rien de ce qui se dit au parlement entre députés de divers bords... Par exemple là il va recevoir les syndicats que Bayrou avait exaspéré (le medef n'était pas innoncent non plus lors du conclave).

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    1. Le Médef est coupable et c'est pour ça que j'en parle...

      Il y a un tas de système pour détourner le fisc. Parfois, le gouvernement est coupable et va contre le Parlement, comme on voit dans ce reportage.

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    2. ah j'avais vu ce reportage. Encore une magouille fiscale permise par le droit qui est trop permissif devant des montages pour exfiltrer des profits sur des gains réalisés en France.

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  2. Piqûre de rappel avant que je n’argumente : juste avant le vote de confiance j’ai déclaré ici même que j’en avais tellement marre de l’instabilité que je m’accommoderais d’un premier ministre de gauche si çà faisait avancer le schmilblick. Je ne suis donc pas une anti-gauche rabique. Fin de la parenthèse.

    J’ai dit hier que je m’opposais à une fiscalité accrue visant les entreprises, je ne vais donc pas revenir là-dessus.

    Tu sembles dire que vu ce qu’on fait les précédents premiers ministres venus de la droite, on ne peut probablement pas faire confiance au troisième. Désolée d’être piquante mais ce raisonnement est un sophisme (raisonnement fallacieux) de culpabilité par association. L’utilisation de sophismes invalide tout argument dans lequel ils sont employés. Attendons de voir ce que Lecornu va faire avant de juger : ni chèque en blanc, ni espoirs démesurés ne sont de mise.

    Nommer un PM de gauche n’est pas une formule magique pour éviter les emmerdements, le risque de censure viendrait du RN, de LFI qui, je cite la Méluche, n’acceptera de valider aucun gouvernement autre que le leur, de la partie de la gauche qui ne veut pas entendre parler d’une association avec « la macronie », des LR qui ne pèsent pas un gros poids mais qui existent néanmoins, sans parler de fracturer un bloc central (déjà fragilisé) dont l’aile droite verrait d’un très mauvais œil un PM socialiste.
    PS : tu as écrit le blog central au lieu du bloc. Coquille amusante ! :o)

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