« Le gouvernement doit
avant tout soigner son problème d'image » Tel est ce que me dit
Pierre en commentaire du précédent billet. Je ne sais pas quelle est l’image du
Gouvernement. Je sais uniquement que sa popularité est basse, ce qu’il faut
relativiser : je n'ai pas voté pour ces braves gens pour qu'ils aient une
bonne popularité mais pour qu'ils fassent les réformes nécessaires au pays.
Ça ne veut pas dire que je minore la difficulté : sans une
confiance dans le gouvernement de la part des ménages et des entreprises, on
aura du mal à faire redémarrer la croissance et à gagner les prochaines
élections. Sans compter qu’on aimerait bien ne plus avoir le moral en
berne.
Passant beaucoup de temps dans les blogs les réseaux
sociaux, j’ai beaucoup de mal à savoir quelle est l’image du Gouvernement dans
la population. J’ai toujours l’impression que les gens dont je ne partage pas
les convictions ont tort mais j’ai l’objectivité de penser que je peux me
planter aussi.
Je fréquente les blogs de droite. Ils sont peu nombreux à
faire réellement de la politique au-delà de ce qui peut dépasser les billets d’humeur.
Les commentateurs sont encore pire que les blogueurs, me semble-t-il. Je vais
donner un exemple. Un blogueur de droite a fait un billet sur la législative
partielle où l’on a vu les candidats de l’UMP et du FN au coude à coude. Je lis
en commentaire : « Encore une constatation
de la mauvaise foi des socialistes et des journalistes : Mancel victoire
de justesse avec 51% des voix. 6 mai 2013 large victoire de Hollande avec 51%
des voix. Cherchez l'erreur ou la mauvaise foi ! » Or, d’une
part, personne n’a dit que la victoire d’Hollande était large et, d’autre part,
la victoire de Mancel était effectivement de justesse : on aurait pu s’attendre
à ce qu’il fasse plus de 60%. Ce type n’a strictement aucune objectivité et
fait un raisonnement purement à charge (comme j’ai pu faire) dont se fout à peu près tout le monde.
Ainsi, les réseaux sociaux et les blogs ne permettent pas
de juger l’image du gouvernement.
Pour juger de l’image, nous avons bien les sondages :
ils nous disent, en gros, que la cote de confiance est très basse, à 30%, mais
ils nous disent aussi qu’une majorité de Français ne pensent pas qu’une autre
équipe ferait mieux.
Les Français désespèrent de la politique.
Sur le site de TNS-Sofres ont trouve l’historique de
la popularité des
présidents (pour la question : «
Faites-vous
tout à fait confiance, plutôt confiance, plutôt pas confiance ou pas du tout
confiance [au président] pour résoudre les problèmes qui se posent en France
actuellement ? »).
|
Juin
|
Mars
|
Diff.
|
François
Hollande
|
55
|
30
|
-25
|
Nicolas
Sarkozy
|
63
|
37
|
-26
|
Jacques
Chirac
|
50
|
55
|
+5
|
Jacques
Chirac
|
64
|
40
|
-24
|
François
Mitterrand
|
57
|
58
|
+1
|
François
Mitterrand
|
74
|
58
|
-16
|
Tous les présidents ont perdu environ 25 entre le mois de
juin qui suit leur première élection et le mois de mars de l’année suivante. Je
dis ça parce qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien : la chute de
François Hollande est normale, c’est un président normal.
Ce qui est intéressant, c’est la baisse de l’indice de
confiance en début de mandat. En 1981, 74% des gens avaient confiance en
François Mitterrand, contre 55% pour François Hollande. Le constat est à peu
près le même pour les premiers ministres de début de premier mandat :
|
Juin
|
Mars
|
Diff.
|
Jean-Marc
Ayrault
|
50
|
28
|
-22
|
François
Fillon
|
55
|
45
|
-10
|
Jean-Pierre
Raffarin
|
60
|
53
|
-7
|
Alain
Jupé
|
65
|
33
|
-32
|
Michel
Rocard
|
66
|
55
|
-11
|
Pierre
Mauroy
|
71
|
57
|
-14
|
Les Français désespèrent de la politique.
Nous sommes dans une crise qui dure depuis 40 ans et les
Français savent que la sortie de crise ne viendra pas des actions des
gouvernements. Je crois donc, malheureusement, que la cote de popularité est
destinée à rester basse (je viens de faire un tour sur le site de la Sofres que
je citais : quasiment tous les Premiers Ministres ont vu leur popularité
baisser).
Je parle de popularité parce que c’est le seul indicateur
que nous avons. Mais la vraie question posée par mon commentateur est l’image
du Gouvernement. Je suis persuadé que celle-ci est déformée par les habitudes
que nous a données Nicolas Sarkozy, qualifié « d’omniprésident ». On
a l’impression que les premières mesures économiques et sociales ont été faites
par lui dès le début de mandat.
Je suis par ailleurs persuadé que le gouvernement qui était
en place en mars 2008 avait une plus mauvaise image que le gouvernement en
place actuellement. Peut-être qu’à l’époque il y avait encore un vague espoir
alors qu’aujourd’hui, la place est à la résignation.
On va faire un sondage. La question : « dans leurs postes ministériels réciproques, qui semble le
plus à sa place ? »
Affaires étrangères : Kouchner ou Fabius ?
Agriculture : Barnier ou Le Foll ?
Culture : Albanel ou Filippetti ?
Economie : Lagarde ou Moscovici ?
Education Nationale : Darcos ou Peillon ?
Environnement : Borloo ou Batho ?
Industrie : Idrac ou Montebourg ?
Intérieur : Alliot-Marie ou Valls ?
Justice : Dati ou Taubira ?
Logement : Amara ou Duflot ?
Ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale
et du Codéveloppement : Hortefeux ou heu… ?
Santé et affaires sociales : Bachelot ou Touraine ?
Travail : Bertrand ou Sapin ?
Je ne cite pas les ministres du budget (Woerth ou Cazeneuve…).
J’ai l’exercice de comparaison avec le gouvernement de mars 2003…
Surtout je ne cite pas les Premiers Ministres. François
Fillon avait très probablement une meilleure image que Jean-Marc Ayrault alors
que personne ne peut dire à quoi il servait à l’époque… Au moins, il me semble
que Jean-Marc Ayrault à l’image de faire l’interface entre le président et les
ministres et de rendre des arbitrages, parfois douloureux, voire notamment lors
de l’histoire de Mittal. D’ailleurs, cette histoire ressort aujourd’hui avec la
sortie d’un livre décrivant les engueulades entre Jean-Marc Ayrault et Arnaud
Montebourg.
L’image du gouvernement ?
Mon billet d’hier portait sur l’intervention de François
Hollande, demain. Pierre me disait « Il est nécessaire
de reprendre en mains ce gouvernement et son image. »
Je crois que François Hollande doit rappeler que s’il fixe
les grandes lignes en fonction du calendrier, c’est bien le gouvernement et le
Parlement qui mettent tout ça en musique. Les arbitrages sont faits par
Matignon et pas par lui. Il faut qu’il nous montre ce qu’est un président
normal. François Hollande a fait une grosse erreur en ayant promis de ne pas
recevoir les médias à l’Elysée. Il est obligé de trainer, maintenant, sur les
plateaux télé à faire le service après-vente d’un gouvernement. Il doit se
mettre au dessus du gouvernement.
C’est ainsi que le gouvernement récupérera une bonne image,
image qui n’est pas plus mauvaise que celle du précédent gouvernement.
François Hollande ne peut pas faire plus, à part prendre
quelques mesures disciplinaires quand il y a des couacs.