28 mai 2025

La TVA sociale à l'épreuve des clivages

 


Depuis quelques jours, on reparle beaucoup de la « TVA sociale ». L’appellation est bien entendu ridicule (taxer la consommation n’a évidemment rien de social). Il s’agit de remplacer une partie des cotisations sur le travail par une augmentation des taxes sur la consommation. Pour ma part, je serais partisan d’une augmentation des impôts sur le revenu, tous les revenus (pas seulement du travail, mais aussi ses successions, des plus-values de tous poils, des dividendes…), notamment par l’augmentation de la progressivité (le taux d’imposition qui croit en fonction du niveau des revenus). Mais mes désirs ne sont pas des ordres !

Notons que des progrès avaient été faits du temps de François Hollande mais la gauche préfère taper sur la totalité du bilan et Emmanuel Macron, encouragé par la droite, avait tout foutu en l’air avec sa « flat tax » (suppression de la progressivité sur les revenus des capitaux).

 


La gauche est vent-debout contre la TVA depuis la nuit des temps, à juste titre, car c’est un impôt très inégalitaire (les plus démunis paient la même TVA que les plus riches, voire plus, ce qui se discute, dans la mesure où les plus riches ont tendance à dépenser leur pognon dans des trucs pas assujettis à la TVA, comme « l’immobilier d’occasion »). La TVA a néanmoins des avantages, comme le fait de faire payer les étrangers en vacances chez nous et de taxer les produits importés (donc dont les revenus qu’ils génèrent ont été taxés en dehors de nos frontières).

C’est ainsi qu’un savant équilibre entre l’imposition du travail et la taxation de la consommation a été maintenu, au fil des années, dans notre pays.

La droite avait payé assez cher (en termes de nombre de députés) en 2007, quand Jean-Louis Borloo s’était mis à parler de la TVA sociale et Nicolas Sarkozy, vers la fin de son mandat, avait fait voter une forte augmentation de la TVA qui aurait dû intervenir au cours du quinquennat suivant. Cela explique sans doute, en partie, son échec en 2012 (même s’il y avait beaucoup d’autres raisons de le mettre à la porte).

 


François Hollande avait provoqué un rééquilibrage des taux de TVA avec une baisse de celle dite « à taux réduit » mais une légère hausse de celle « nominale ». Parallèlement, il avait provoqué une baisse des cotisations sur le travail (notamment à la charge des employeurs) avec ses mesures telles que le CICE. Tout cela s’était traduit par une baisse durable du chômage, en améliorant la compétitivité des entreprises françaises, une baisse des déficits publics et, pendant un premier temps, du « solde commercial ».

Ce dernier a néanmoins connu une forte croissance en 2017 et on ne peut accuser Emmanuel Macron d’avoir été néfaste avant son premier budget… Les chiffres ne sont pas faciles à analyser. Nicolas Sarkozy avait surtout dû faire face à la crise financière mondiale un peu après son arrivée au pouvoir et Emmanuel Macron s’était tortoré la crise sanitaire. Aussi, on peut difficilement expliquer les différentes variations de chiffres uniquement avec les décisions des majorités en place…

 


On pourrait être tenté de comparer les différents pays, notamment en Europe. J’avais un peu étudié cela après les mesures de Donald Trump : force est de constater que le déficit public de la France avec les USA est largement plus fort que ceux de l’Italie et de l’Allemagne… Je m’étais alors heurté à mon niveau d’incompétence et mon élan pour établir des conclusions sympathiques et honorables avait été brisé.

Malheureusement pour le débat public, les comparaisons se limitent généralement au niveau des prélèvements obligatoires mais des couillons, surtout à droite, ne se rendent pas compte que les « assiettes » ne sont pas les mêmes ! Comment, par exemple, comparer nos retraites par répartition dont les cotisations sont inclues aux prélèvements en question alors que, dans d’autres pays, les retraites ne sont pas gérées à un niveau étatique ?

 


L’équilibre entre la taxation des revenus et de la consommation est ainsi un marqueur important du clivage « droite gauche » tout comme l’opposition entre « la politique de l’offre » et « la politique de la demande ».

La première consiste à diminuer les coûts pour les entreprises et donc à aider ces dernières à vendre moins cher pour favoriser les consommateurs. La deuxième revient à augmenter les revenus de ces derniers pour qu’ils puissent consommer plus, aidant ainsi les entreprises. Je reconnais que ma synthèse frise la carricature mais on me reproche souvent la longueur de mes billets (d’autant que je risque bien d’en faire deux aujourd’hui). Mais cette opposition entre les deux « politiques » est aussi au cœur des critiques de mesures de François Hollande dont je parlais plus haut.

Toujours est-il qu’il me semble qu’un équilibre me semble souhaitable et je me heurte souvent avec mes copains de gauche qui disent des méchancetés sur la politique de l’offre sur des ordinateurs ou smartphone produit à l’étranger donc peu taxés en France. Un peu de sérieux ne nuit pas : ce n’est pas parce que vous allez augmenter les revenus des Français que la production nationale va nécessairement s’accroitre : les smicards dépenseront les 200 euros qu’ils touchent en plus dans des fruits produits en Espagne ou des voitures venant de Chine. C’est très bien pour eux mais cela ne va certainement aider leurs employeurs et leur garantir des revenus à long terme…

Et malgré ma perplexitude, je dois avouer que j'avais été assez convaincu par les arguments de Jean-Luc Mélenchon sur les mesures avancées par le NFP...

 


En résumé, il ne me semblerait pas idiot qu’on étudie avec attention ce qui peut se trouver dans cette locution idiote de « TVA sociale ».

J’ai bien conscience que cette haine des clivages fera dire à mes camarades gauchistes que je suis de droite. Mais qu’ils n’oublient pas que les non-camarades de droite me traiteraient de gauchiste et surtout que je préfèrerai que l’on parle sérieusement de justice dans l’imposition des revenus, de tous les revenus, par un barème avec une progressivité largement plus marquée.

Pendant ce temps, les partis de gauche ont préféré consacrer des campagnes politiques à la taxation des riches ce qui revient peut-être au même mais aboutit forcément à des désastres électoraux. La pérennisation de notre protection sociale doit bien passer par une réflexion sur son financement avant de faire l’objet d’une querelle au sujet de ce que doivent être la droite et la gauche.

J’ai parlé.



Et je ne suis pas le seul dans notre brave centre gauche. Christian Eckert, par exemple, a dit à peu près la même chose (je ne suis pas son porte parole) : il faut réfléchir à cela. Et il est un soutien de Bernard Cazeneuve, le brave garçon.

4 commentaires:

  1. Trump pense que la TVA en Europe a été faite pour étrangler les entreprises US.

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    1. Il n'a pas tort mais comme il ajoute lui-même des taxes sur les produits importés...

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    2. oui 2 ou 3 fois le taux de TVA : il ne sait pas compter.

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