04 décembre 2010

L’Hémorroïdothon

Tiens ! C’est le Téléthon. Je ne sais pas si je vais donner. Je vous encourage néanmoins à le faire. Mais à reculons.

Pour moi, le Téléthon est le symbole d’un tournant de la société, peut-être dans les années 80, peut-être au même titre que les Restos du cœur. Ils marquent la fin de la solidarité nationale par un appel massif au don. D’ailleurs les dons pour le téléthon sont en baisse depuis 2007. Ils ont récolté 90 millions seulement, en 2009 contre 101 en 2006.

Le budget de l’Elysée dépasse lui, maintenant, 110 millions. Je ne cite pas ce chiffre par démagogie mais parce qu’ils sont du même ordre.

On fait appel à la Solidarité Nationale (l’impôt, quoi !) pour payer le fonctionnement de l’Elysée mais à la charité pour soigner les gens.

Plus de 65 milliards (certains parlent de 120) d’euros sont dépensés au titre des aides publiques aux entreprises. Sur l’impôt. Sur la Solidarité Nationale. Pendant ce temps, il faut faire appel aux dons pour donner à manger à ceux qui en ont besoin.

Jeudi soir, j’ai croisé un pote que je n’avais pas vu depuis des années. Il travaille dans le social, dans une grosse structure qui gère l’accueil de mômes, en difficulté, malades, handicapés…

Ces associations sont depuis très longtemps le relais du secteur public qui les subventionnait pour faire leur boulot. Pour faire simple, les associations hébergeant des mômes bénéficient d’un forfait par jour et par enfant.

Depuis peu, tout a changé. Les Conseils Généraux lancent des appels d’offre. Du style « Hé ho ! Cette année nous prévoyons d’avoir à aider 1000 enfants, que proposez-vous et à quel prix ? »

Les associations sont mises en concurrence. Les Conseils Généraux n’ont plus de sous.

Pour pouvoir continuer à accomplir leurs missions, les associations sont amenées à casser les prix.

Pour pouvoir continuer à accomplir leurs missions, les associations sont obligées de faire appel aux dons…

Le désengagement de l’état ou la fin de la Solidarité Nationale.

Ce fonctionnement se traduit par une concentration, dans le secteur, un peu comme dans l’industrie. Le but du jeu, à terme, est qu’il ne reste plus qu’une demi douzaine d’associations, en France, qui se concurrenceront entre elles et n’auront plus d’autres choix que de faire appel aux dons.

Tout comme le Téléthon et le Sidathon. Qui se font concurrence entre eux…

Cette année, les hémorroïdes sont à la mode ! L’association qui gère l’Hémorroïdothon a fait la meilleure campagne de publicité, sur le thème « Pénétrons au coeur de la maladie » avec des belles affiches dans le métro. Des photos spectaculaires. Des spots de publicité, à 20 heures, sur TF1, détaillant le fondement de cette maladie.

Donnez pour l’Hémorroïdothon ! Ne laissons plus les malades souffrir. L’état ne s’en occupe pas.

La Solidarité Nationale se meurt.

En mai 2012, organisons la Solidariténationalothon.

39 commentaires:

  1. tout à fait d'accord avec toi, nicolas !!

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  2. Il me semble benoitement que la joie d'aider soit supérieure à celle du don. J'ai même l'impudence de penser que tant que nos sourires et notre empathie n'auront pas la couleur glacée de l'argent, il nous sera permis d'espérer conserver notre capacité au bonheur. Donner sans coeur et par calcul (réduction fiscale ou atténuation d'un sentiment de culpabilité) ne vaut rien. L'intention préside et détermine. A nous d'y être attentifs. En conscience.

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  3. Peut-être que le jour où l'Etat comprendra qu'en s'occupant des gens situés à la "marge" de la société, c'est toute la société qu'on améliore (prouvé par des études socio quand même), il arrêtera de se désengager ... mais j'ai comme un doute.

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  4. Christina,

    Z'êtes optimiste. Les gens donnent pour se donner bonne conscience.

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  5. Shaya,

    L'état c'est nous... C'est donc par le vote que la machine peut être inversée.

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  6. J'aime bien tes hémorroïdes !...

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  7. « Donner sans coeur et par calcul (réduction fiscale ou atténuation d'un sentiment de culpabilité) ne vaut rien. »

    Allez donc expliquer cela aux chercheurs qui reçoivent le produit des dons et aux malades qui espèrent un traitement...

    Ils vous expliqueront, et ils auront raison, qu'ils préféreront toujours un "vil calculateur" qui se fend d'un chèque de cent mille euros à un gentil bisounours érémiste qui se fend de ses dix euros, en envoyant son grand cœur en prime.

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  8. Didier,

    Z"avez raison mais j'ai voulu répondre gentiment...

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  9. C'est bien ce que j'écrivais : "Donner sans coeur et par calcul (réduction fiscale ou atténuation d'un sentiment de culpabilité) ne vaut rien." Je ne suis pas optimiste, juste lucide.

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  10. @Didier : Les chiffres ne sont pas toujours les véritables juges de paix. Vous pensez "résultats", je pense "intentions". La véritable question se situe en amont. A la source. Bien sûr que les malades et les chercheurs attendent. C'est une évidence. D'ailleurs, le monde entier attend : en Afrique, en Haïti, en Asie, en Europe, en France, dans nos villes, dans nos rues, à nos paliers. Je dirais même que chacun attend dans son coin. J'ai la naïveté de penser qu'il vaut mieux que des milliers de personnes donnent quelques petits sous et beaucoup de leur temps et de leurs sourires, plutôt que quelques gros donneurs avides de réductions fiscales. Le monde crève de tourner autour de l'argent (consommation, paraître, ego et tutti quanti) au lieu de saisir la joie d'être. Un peu de méditation sur soi-même n'a jamais fait de mal. Sans pour autant se tourner vers les religions, les sectes ou d'autres palliatifs. Notre capacité au bonheur est en nous, pas ailleurs. L'argent reste le miroir aux alouettes pour les êtres vides de sens. Bon nombre s'y fracassent en ces temps incertains. A chacun de se construire. Je dévie un peu... mais tant que cela ! Revenons donc au téléthon : Donner oui, mais participer c'est encore mieux!

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  11. Christina,

    Je ne veux pas répondre à la place de Didier mais le monde est ainsi depuis la nuit des temps...

    Et participer au Téléthon est encourager ça, encore plus. Pendant 36 heures les gens sont "heureux" et retournent ensuite à leur quotidien lamentable en votant pour le premier type venu qui leur promettra de baisser les impôts.

    Et donc la force de la Solidarité Nationale...

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  12. "Les Conseils Généraux lancent des appels d’offre. Du style « Hé ho ! Cette année nous prévoyons d’avoir à aider 1000 enfants, que proposez-vous et à quel prix ?"
    veridique,Je confirme aussi, je connais même une antenne locale d'une grosse association de réinsertion de jeunes en difficulté qui a du licencié faute d'avoir remporté un "appel d'offre" , en plus le dirigeant local de cette assoc n'était pas d la meme couleur politique que le president du conseil regional !

    "Offre de service" trop élévée, étiquette différente et hop, 6 chomeurs de plus !

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  13. Corto,


    Ouais. Et en effet, il y a des enjeux politiques à la con.

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  14. Donner pour l'hémorroidothon? ca me ferait mal au cul!

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  15. @ Nicolas : La permanence du système ("depuis la nuit des temps") ne doit pas empêcher l'utopie. Au contraire. Raison de plus ! L'état providence n'est pas la panacée. L'allocation de nos impôts n'est pas un modèle de vertu. Responsabilisons nos vies au lieu de tout attendre de ces pingouins qui prétendent nous gouverner. Plus les actions serons locales et gorgées d'intentions humanistes, plus nous aurons les capacités à nous réapproprier nos existences ballotées par l'ineptie et l'inconséquence d'un système et de quelques imbéciles. Sur ce, je dois vous laisser car j'organise une course d'enfants dans le cadre du téléthon. Cela se passera au centre sportif et culturel d'Eschau (au sud de Strasbourg, en Alsace) à partir de 14h. Des instants de convivialité et de partage qui n'ont pas de prix. Bonne journée à tous ! ;)

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  16. Christina,

    Je sais où est Strasbourg...

    Pour le reste, on n'est pas DU TOUT d'accord.

    Je n'ai pas besoin d'attendre un truc officiel pour avoir des instants de convivialité.

    C'est une posture.

    Bonne journée !

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  17. @ didier
    "Ils vous expliqueront, et ils auront raison, qu'ils préféreront toujours un "vil calculateur" qui se fend d'un chèque de cent mille euros à un gentil bisounours érémiste qui se fend de ses dix euros, en envoyant son grand cœur en prime. "

    Qu'ils me l'expliquent est une chose, qu'ils aient raison en est une autre!
    Le vil calculateur, par essence, il calcule, et ses calculs ont plus à voir avec son intérêt personnel qu'avec l'intérêt général. Il n'en va pas de même avec le "bisounours eremiste" (sympa pour lui), qui représente par sa volonté de participer, selon ses moyens, au fonctionnement global de la société, l'essence même de la vie en société républicaine.
    A court terme, il vaut peut être mieux encaisser du fric d'où qu'il vienne, mais sur le long terme, j'en suis moins sur!
    L'argent n'a pas d'odeur, soit, mais il a une origine et une destination, et cela mérite d'être creusé!
    Pas confondre l'objet et la cause!

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  18. Nicolas : je préfère en rester là. Si je répondais (pas à vous...), ce serait probablement assez méchamment. Ou, en tout cas, avec cette ironie mordante qui fait tout mon charme...

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  19. @Christina Oui enfin les sourires et la méditations ne financent pas la recherche.

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  20. ... Et il y a aussi , bien sur , ceux qui ne peuvent pas donner car leur budget ne leur permet pas, ni de rien faire d 'autre d'ailleurs que bouffer ( en gros) et payer des impôts... Qd on ajoute les sur le revenu, sur le logement, la tva, etc y'a qd même des impôts qu' on paie plusieurs fois ... non? perso je ne donne pas et si des gens pour qui je n'ai pas voté dilapide MON argent en petits fours à l'élysée ou en salaire de 14 000€ par mois pour ses ministres ( et je ne parle pas de leur retraite!) je ne me laisserai pas pour autant culpabiliser par quelqu' un pour qui l'expression " fin du mois" ne commence visiblement pas le 5.....

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  21. @Geargies "je ne me laisserai pas pour autant culpabiliser par quelqu' un pour qui l'expression " fin du mois" ne commence visiblement pas le 5....." --> Tu parles de qui là?

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  22. C'est simple : la Solidarité, c'est "pas rentable" !

    Et c'est pour ça que la Charité a été inventée...

    Avec la Charité, en donnant des miettes, on passe pour quelqu'un de généreux, c'est merveilleux. Et on peut aussi choisir à qui on donne... par exemple, certains ont la Charité sélective : ils ne veulent pas que leur argent aille à ces "fainéants-d'étrangers"... Ce qui est bien aussi, c'est qu'avec la Charité, on a rien besoin de changer (on donne les miettes, et on en parle plus). Et puis surtout, ça donne bonne conscience, et ça donne une bonne image aux autres (on peut crié sur tous les toits "moi j'aide les pauvres au moins"). Y' a pas à dire, la Charité, ça c'est rentable !

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  23. Il y a un paradxoe: ca fait con de payer ses impots alors qu'ils profitent à la collectivité, ça fait bien de filer à l'humanitaire. Surprenant.

    Remarque ce matin j'ai filé 4 euros au conseil de quartier Jean Macé qui organisait un jeu pour le téléthon. Et je file à diverses oeuvres.

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  24. Grâce aux dons du téléthon, il y a des handicapés qui peuvent s'acheter un fauteuil électrique, aménager leur salle de bains, etc. Sans même parler de la recherche. Je ne vois pas en quoi ce serait mal d'acheter une brioche à la petite dame qui vient vous les vendre, ou un calendrier aux enfants, ou donner deux euros aux étudiants en médecine qui prennent votre tension dans la rue.

    "C'est à l'Etat de...
    Je paye assez d'impôts pour..."

    Oui, et alors ? Donner un peu de fric ou un peu de son temps, ce n'est pas s'acheter une bonne conscience, c'est faire un petit geste qui n'empêche aucun autre engagement.

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  25. pour'ai les mêmes réserves avec ce cirque, mais force est de reconnaître que sans ça, la recherche sur les maladies rares serait en piètre état. Et d'accord aussi avec la remarque de Romain.

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  26. Très bonne analyse, les gens sont beaucoup plus enclins à faire des dons dans les pays anglo-saxon. En France, les gens ont tendance à penser que c'est l'Etat providence qui doit subventionner le monde associatif, d'ou une culture du don radicalement différente. A en croire cette logique, le déclin de l'Etat providence dans la veille Europe devrait entrainer la recrudescence des dons, mais en ces temps de rigueur et de crise économique cela demeure assez peu probable. Ce qui se traduit par un fort déclin des dons qui pourrait à terme menacer le monde associatif.

    duodidees.wordpress.com/

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  27. J'avoue que depuis que j'ai travaillé pour une ONG que je ne citerai pas même sous la torture, j'ai du mal à donner, à vrai dire je ne donne plus... Mais je préfère agir, participer, offrir du temps...

    C'est un choix...

    Elle de Duo d'Idées
    http://duodidees.wordpress.com/

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  28. Vous avez (peut-être) laissé vos âmes d'enfants voguer vers vos désillusions. Le cynisme ne paye jamais. Il ne fait que coûter. Les bons sentiments apportent plus que vous ne le penser. Encore faut-il être capable de croire en l'autre et d'accepter de laisser quelques plumes dans l'affaire. Ce n'est qu'une affaire de coeur mais également d'estomac. A chacun son point de vue, à chacun sa capacité à accepter celui de son voisin. Bonne soirée à vous et à vos certitudes !

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  29. Le terme "état providence" est vraiment mal choisi pour ce qui concerne la France, je trouve. IL ne s'agit pas d'"état providence", il s'agit de la structure sociale censée servir d'organisation "redistributrice" et de matérialisation de la communauté, chargée d'administrer la communauté.
    Il n'y a rien de providentiel là dedans, rien d'illogique ou d'injuste au sens premier des termes. Il s'agit tout simplement d'institutions républicaines. Le terme "état providence" est un truc anglo-saxon qui sent son Reagan et nie deux cent ans d'histoire de France.
    Un état simplement régalien ne satisferait pas les idéaux républicains pour lesquels 1789, 1793, 1848, 1871, 1936, deux guerres et tant de luttes ont été menés.

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  30. En tout cas le téléthon ne fera mal à personne, au contraire !! mobilisons-nous :)

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  31. C'est à dire que nos gentils politiciens espèrent occuper l'Elysée et ne jamais tomber malade !
    :-)

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  32. Arlette Laguiller disait qu'il faut donner un vrai budget a l'hopital et renvoyer l'armée à la charité pour financer son cout.
    domingo

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  33. L'individualisme, dans le domaine de la solidarité, ça s'appelle la Charité...

    Et c'est "amusant" aussi de constater que certains n'ont pas de mots assez durs pour insulter le percepteur des impôts. Mais quand il s'agit de quelqu'un qui fait un appel aux dons (à la télévision de préférence), ils n'ont pas de mots assez gentils pour dire tout le bien qu'ils en pensent, de combien ils sont généreux, etc.

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  34. Parfaitement illustré par Rash Brax :

    http://www.youphil.com/fr/article/01964-haro-sur-la-meme

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