29 mai 2020

Taxer les robots ?


Mon robot programmable | Nature & DécouvertesDans Facebook, j’ai diffusé un article du Monde ayant pour titre : « Les robots sont des faux coupables idéals ». Il est réservé aux abonnés et je ne l’ai pas lu, je voulais diffuser son résumé par un ami (au sens Facebook du terme), Gilles Clavreul : « Excellent papier, malheureusement pour les abonnés seulement, sur le serpent de mer qu'est la "taxe robot". En s'appuyant sur des études empiriques solides (dont une conduite par Philippe Aghion et l'OFCE, que je mets en copie), les auteurs démontrent de façon convaincante que l'effet global de l'automation est positif pour l'économie dans son ensemble (gains de pouvoir d'achat pour le consommateur, amélioration de la création de valeur ajoutée pour le producteur) mais qu'il est aussi favorable à l'emploi, y compris l'emploi peu qualifié. En effet, les entreprises qui y ont recours font des bénéfices, se développent, et embauchent.

Cette confirmation empirique tend une fois de plus à démontrer que le progrès technique n'est pas l'ennemi de l'emploi, bien au contraire. Dans les débats actuels, surtout à gauche, grande est la tentation d'oublier qu'il n'y a pas d'emploi sans croissance, ni de croissance sans progrès technique, et donc gains de productivité. En revanche, la question de la juste répartition des fruits de la croissance, elle, reste entière...à condition d'en avoir. Ce à quoi aboutissent les modèles "décroissants" ou anti-productivistes que certains veulent désormais suivent, c'est moins de richesse, moins d'emploi et donc plus d'inégalités. Autant le savoir. »

Je suis parfaitement d’accord ! J’ajoute que c’est inéluctable et que c’est très bien ainsi : les robots remplacent généralement des métiers pénibles ou sans intérêt. Je suis aussi contre la taxe robot (et j’en ai beaucoup voulu à Hamon pendant sa campagne alors que c’était le seul à avoir une vraie réflexion sur l’avenir du travail) parce qu’on ne sait pas ce qu’est un robot. A partir du moment où une machine aide au travail, c’est un pas vers la robotisation. On prend souvent en exemple les caisses automatiques qui remplacent les caissières dans les magasins (et je vais parler de l’emploi plus bas – ou plus haut si votre écran est à l’envers) et vous ne me ferez pas croire que c’est un travail épanouissant (je n’ai pas dit inutile socialement : la caissière est la seule personne à qui peuvent parler certains mais c’est un autre problème). Il n’empêche que ces caissières utilisent des machines avec un lecteur de code barre. Cela va beaucoup plus vite qu’avant donc le nombre de caissière a diminué (en proportion du chiffre d’affaire) et il n’y a plus de magasiniers qui passaient leurs journées à mettre des étiquettes de prix sur les produits.

Et vous verrez que dans dix ou vingt ans, les caisses automatiques telles que nous les connaissons n’existeront plus. Les produits auront des espèces de puce RFID qui seront reconnues automatiquement par le caddie (dans le Auchan près de chez moi, on peut prendre une espèce de boitier pour lire les codes barre ce qui évite d’avoir à passer à la caisse automatique !). Et les braves gens qui gèrent des ilots de caisses automatiques pour vérifier que tout va bien vont disparaitre.

C’est pour cette disparition putative du travail que certains pensent taxer les robots mais comme on ne sait pas ce que c’est, je trouve cela crétin. Je ne suis pas fiscaliste mais j’imagine que l’on pourrait remplacer l’impôt sur les bénéfices par une sorte d’impôt sur la valeur ajoutée hors travail. Actuellement l’impôt sur le bénéfice est de l’ordre de 25% (un peu plus mais il va baisser… Il est moins élevé pour les petites boîtes qui font peu de bénéfice). Une boîte qui fait 100 de chiffre d’affaire et a 80 de dépenses va faire un bénéfice de 20 et payer 5 d’impôts. Avec mon système, on déduirait des 80 la masse salariale, disons 50. L’assiette de l’imposition serait donc de 100 moins (80 moins 50) donc 70 au lieu de 20, vous le taxer à 12,5% (la moitié des 25) soit 8,75 ! Des spécialistes pourront affiner cela. Cela permettrait en outre de tordre le cou à la sous-traitance. On pourrait même modifier mon calcul pour inclure dans les déductions les amortissements, pour inciter les entreprises à investir, y compris dans des robots. Mon système a une faille évidente : l’entreprise qui ferait des bénéfices avec peu de salariés verrait son imposition passer de 25% à 12,5%. Il faut donc une dégressivité dans ce taux d’imposition en fonction du pourcentage des charges composée la masse salariale.

Mais, les 3,5 que je viens de faire gagner à l’Etat ne permettront pas de compenser la perte d’emploi et ne servent qu’à faire plaisir aux gens qui veulent taxer les robots…

Revenant au début, j’ai donc partagé un article du monde réservé aux abonnés (il est néanmoins disponible ici) et non pas le commentaire de l’ami Gilles. Deux réactions me frappent. Celle d’un pote de droite qui dit « voilà, du pain et des jeux ». Il ne dit pas que ça. Il concluait une discussion intéressante où il disait qu’on ne pourrait pas trouver du travail pour tout le monde à la quelle je répondais que le tout est une question de répartition des richesses produites. Celle d’un copain de gauche qui dit « les fameux nouveaux emplois... »

Les deux pensent ainsi que la robotisation va faire perdre beaucoup d’emplois, à un point insurmontable. Je ne vais pas démontrer le contraire car je ne lis pas de marc de café mais je répète que de toute manière l’augmentation de l’automatisation (par la robotique ou l’intelligence artificielle, combinés ou pas) est inéluctable donc la diminution du nombre d’emplois salariés pour une production identique l’est aussi. D’ailleurs, l’article du monde (que j’ai lu après avoir rédigé mon couplet sur la taxe) le dit : « Certes, les robots détruisent des emplois, c’est même leur raison d’être. Ces destructions seront vraisemblablement massives. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la robotisation pourrait faire disparaître environ 16 % des emplois en France d’ici 20 ans. » Cela fait 4 millions en 16 ans alors qu’on a déjà perdu 1 million en trois mois avec la crise. Il faut relativiser si on a envie.

L’automatisation a été forte en trente ans, dans beaucoup de domaines, mais le chômage continue à osciller entre 7 et 11% avec différentes phases de pertes et de gains en fonction de la situation économique. L’article du Monde, après cette introduction, va plus loin que moi vu qu’il démontre (études sérieuses à l’appui) que l’effet de la robotisation est bénéfique y compris pour l’emploi  « manufacturier » (et je crois que l’impact de l’Intelligence Artificielle sera dramatique pour les autres emplois).

« A l’évidence, les robots ne sont pas toujours les ennemis de l’emploi. Comment expliquer un tel résultat alors que les robots se substituent à de nombreux salariés ? C’est que l’introduction de robots s’accompagne aussi d’un effet sur la productivité : la même quantité de biens ou services peut désormais être produite à un coût beaucoup plus faible.

Comparés à ceux de ses concurrents non robotisés, les prix de vente d’une entreprise robotisée diminuent, souvent dans des proportions importantes, ce qui lui permet d’accroître ses parts de marché, et donc d’embaucher pour répondre aux demandes qui s’adressent à elle et s’adapter à sa nouvelle dimension. »

Et la conclusion : « Blâmer les robots détourne l’attention du public des véritables causes de nos résultats pour le moins médiocres en matière d’emploi.

Les robots sont des faux coupables idéals.

Nos débats devraient plutôt porter sur les réformes à mettre en œuvre pour améliorer le fonctionnement du marché du travail et pallier la défaillance chronique du dialogue social. »

Mais juste avant : « En fin de compte, rien ne permet d’affirmer que la taxation des robots aurait un effet positif sur l’emploi, ces études prouveraient même le contraire. En revanche, elle aurait pour effet certain de réduire les gains de productivité, et donc de nous appauvrir. »

Je ne sais pas de quoi demain sera fait mais s’il pouvait être un monde sans pauvres filles assises huit heures par jour à faire passer des codes barre devant un lecteur, sans compter deux heures de transport en commun, une vie dans un HLM de banlieue miteux, on ne s’en tirerait pas si mal.

Et si mes 3,5 pouvaient servir à payer du personnel dans les maisons de retraite, on n'en serait pas malheureux. 

C'est bien toute la structure de la société qu'il faut faire bouger progressivement et pas taxer quelques bécanes qui n'ont rien demandé.

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