01 décembre 2009

Mise au point sur la démocratie directe helvétique

Par Julien, "barman" chez PMA et blogueur suisse

Une fois n’est pas coutume, pendant que Nicolas est au bistro, je vais m'énerver un tout petit peu. Je suis déjà tendu d’entendre dire tout et n’importe quoi en France sur l’initiative populaire « anti-minaret ». Certains blogueurs traitent du sujet en le plaçant dans un contexte français et n’essayent pas de connaitre le contexte local. Une question, ce n’est pas que des mots : une question s’insère dans un contexte. « Tu préfères la cravate bleue ou rouge ? Ça dépend de la couleur de la chemise » Mais je ne vais pas m’étendre sur le sujet. La campagne est finie, le vote a eu lieu, j’ai perdu mais je respecte le résultat.

Surtout, j’en ai marre des jugements à l’emporte pièce sur le système politique helvétique. Que cela soit certains copains blogueurs. Que cela soit Quatremer qui énonce qu’ « une nouvelle fois la démocratie directe fait la preuve de son extrême dangerosité ». Que cela soit le Ministre des Affaires Etrangères Kouchner qui s’immisce dans notre processus démocratique. Que cela soit Manuel Valls qui dit (je répète de mémoire) « cela montre ce qui se passe lorsqu’on [les opposants à l’initiative] ne défend pas les valeurs de tolérance ». Est-ce que je l’insulte sous prétexte qu’il perd toutes les élections face à Sarko ?!

Tous ces critiques de la démocratie directe puisent dans des références issues de leur histoire et de leur contexte… français. Et c'est naturel. Mais on dirait Napoléon qui réplique la « République » centralisatrice à la Confédération Helvétique en 1798. En fait, sans le savoir, ils sont tout aussi intolérants que ceux qu’ils dénoncent puisqu'aucun n’a pris le temps de comprendre ce système politique.

Alors pour faire vite (et désolé pour les puristes, je vais faire des raccourcis). La démocratie directe s’insère dans un système politique à quatre piliers :

1) Parlement à la proportionnelle et de milice (les parlementaires ont un boulot à côté),
2) Conseil Fédéral (gouvernement) de concordance et sans chef (les quatre grands partis sont représentés dans le gouvernement - de la droite populiste au PS - et les sept Conseillers Fédéraux sont au même niveau, sept Premiers Ministres en somme),
3) Fédéralisme fortement décentralisé avec cantons souverains
4) Démocratie directe composée de deux outils : référendum (vote sur une loi votée par le parlement) et initiative populaire (vote sur une modification de la constitution)

Le premier est indépendant du second. Aucun parti n'a le pouvoir de faire passer quoique ce soit seul. Ces piliers « forcent » les acteurs du système à chercher un consensus de manière constructive sur tous les sujets. Et cette discussion permanente entre partis, société civile, cantons, corporations, associations, syndicats permet la mise en place de réformes pérennes mais surtout la stabilité et la cohésion du pays. Parfois, il y a des couacs comme dans tout système.

Pour plus de détails, allez là : Système politique suisse

Ce système est le résultat de l'histoire et de la construction de la Suisse. Il faut se rappeler que contrairement à la France, il n’y avait pas « d’Etat » pré-existant. La Suisse est un conglomérat de petites régions de diverses cultures qui voulaient se débarrasser du "joug" d’une des grandes puissances, et ce faisant, ces régions ce sont peu ou prou débarrassées de ces structures étatiques. Dès le XVème siècle, dans les grandes villes comme Zurich ou Berne, il y avait des formes de démocratie directe et une gouvernance par les corporations de métiers. Dans les cantons ruraux, la tradition de « Landsgemeinde » (les citoyens se réunissent périodiquement sur la place du village pour procéder aux votes sur les affaires du village) est également historique. Il n’y avait pas d’Etat Fédéral jusqu’à 1848. Il est donc normal pour un Suisse de considérer que le peuple c’est « Le chef », que ce « chef » a délégué certaines tâches aux parlementaires et à l’exécutif mais qu’il peut en tout temps intervenir en direct et sur tous les sujets. Qu’une fois que « Le chef » a décidé, les politiques doivent mettre en œuvre cette décision.

Ok c’est sympa tout ça mais pourquoi je parle "d’intolérance" en-dessus ? En Suisse, il y a quatre langues officielles, une répartition à peu près égale entre protestants et catholiques, l’identité est cantonale et il y a peu d’histoire commune. Le système politique est LE pilier clé de la cohésion nationale. C’est ce qui fait qu’en tant que vaudois je me sens plus proche d’un saint-gallois que d’un français. Alors, ne venez pas me dire comment je dois organiser mon système politique, s'il vous plait.

Un pearltree pour aller plus loin: Peut-on voter sur tout ?


34 commentaires:

  1. Je pourrais dire que vous avez de la Suisse dans les idées, mais comme je l'ai faite ailleurs (concernant un sondage en ligne lancé presto par le Figaro.fr) je m'en abstiendrais.

    Bref.

    Pouvez-vous nous confirmer que le préambule à la Constitution suisse, commence comme ci :

    "Au nom de Dieu Tout-Puissant!

    Le peuple et les cantons suisses,

    Conscients de leur responsabilité envers la Création,

    Résolus à renouveler leur alliance pour renforcer la liberté, la démocratie, l’indépendance et la paix dans un esprit de solidarité et d’ouverture au monde,

    Déterminés à vivre ensemble leurs diversités dans le respect de l’autre et l’équité,

    Conscients des acquis communs et de leur devoir d’assumer leurs responsabilités envers les générations futures,

    Sachant que seul est libre qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres"

    [Source : http://www.admin.ch/ch/f/rs/101/ani1.html]

    Si cela s'avère exact, alors avouez que c'est un tantinet éclairant.

    Vous omettez de citer l'ONU dans votre diatribe. Pourquoi ?

    Merci.

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  2. C'est exact. Et je l'ai dit chez Nicolas dans un commentaire d'un précédent billet. La référence à Dieu a été l'objet d'un long débat lors de la révision complète de la constitution à la fin des années 90. Personnellement je suis athée donc la référence à Dieu...
    La Suisse n'est pas un Etat laic sur le modèle français. Par contre, il n'y a pas de problème de libertés religieuses (jusqu'à dimanche malheureusement).
    Ceci dit je note dans votre conclusion exactement le point que je faisais dans le billet: vos trouvez ça "éclairant" avec vos référentiels français et ignorez la raison de cette référence. Je note surtout les mots "vivre ensemble leurs diversités dans le respect de l’autre".
    Pour moi cette référence à Dieu n'a aucun impact sur le résultat des votations. Dans la réalité suisse personne n'en parle. Je pense même que 80% de la population ignore même qu'elle existe.
    Pour l'ONU je ne comprends pas votre point. La Suisse y a adhérez... suite à une initiative populaire lancée par le peuple.

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  3. Merci de cette très belle argumentation qui a au moins le mérite d'être claire limpide et perlée. Je vais me coucher moins con ce soir.

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  4. Yann, de rien. ça faisait longtemps que je voulais faire un billet sur le système politique suisse. L'actualité m'a forcé. ;-)

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  5. Très intéressant ton billet. On ne va rien venir te dire car outre un système politique efficace, la Suisse possède une défense nationale qui ne l'est pas moins. Des multinationales qui font notre admiration... Non, là, c'était pour te taquiner !

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  6. mtislav, je parlais bien de système politique ;-)

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  7. @ Julien : je faisais référence à l'ONU, suite à cela :

    "L'interdiction des minarets pourrait constituer une violation de la Convention de l'ONU pour les droits civils et politiques, rappelle la Haut commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme."

    Voilà.

    [Source : http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/europe/20091201.OBS9331/minarets__la_suisse_violerait_une_convention_de_lonu.html]

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  8. Alors, là, sincèrement, bravo et merci pour ce billet ! Le ton en est d'autant plus méritoire que, si j'ai bien lu, vous étiez, vous, un partisan du "non".

    Et je trouve très bien venue votre petite claque dans la face courroucée et donneuse de leçons de nos petits démocrates à nous. Pour ne rien dire des idéologues en béton précontraint qui en sont encore à penser qu'une référence à Dieu implique automatiquement une soumission d'esclave à je ne sais quel Opus Dei.

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  9. Shalom aleykhum

    Si on avait fait une "votation", jamais la peine de mort n'aurait été supprimée en France puisque 60 % des Français étaient contre sa suppression. Aujourd'hui, cette suppression fait partie de notre identité nationale. La votation est un système qui érige le niveau discussion du café du commerce en soi-disant décision nationale. Et qu'on ne dise pas qu'un moment d'exaltation populaire manipulée aux petites oignons par quelque démagogue extrémiste, c'est la démocratie. C'est du western.

    http://lavenircestmaintenant.skyrock.com/

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  10. Mouais. Vous vous doutez, Goux, de ce que vous rétorqueraient les "idéologues en béton précontraint" (que c'est empesé, tout ça) dont je ne fais aucunement partie. Mais que Dieu m'en préserve, bordel de chien !
    Il était cependant, intéressant de citer ce préambule. Il est éclairant, mais pas uniquement, cher monsieur, pour sa référence au divin. Il n'y a pas que cela, non, dans ce préambule ? C'est l'ensemble qui me semblait éclairant. Pas plus. Pas moins.

    Pour le reste, je me demande qui n'est pas esclave de qui, de quoi. Mais passons .. Là n'est pas ma religion. Je considère, au fond, et tout bien pesé, qu'il vaut mieux avoir un compte en Suisse, qu'un contentieux. Ou pas ..

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  11. Et alors comme ça vous pouvez être amené à vous prononcer - aussi - sur des affaires d'architecture et d'urbanisme... ?
    Remarquez, chez nous (la France), ça dégoûterait plus d'un maire (quoique) en même temps que ça allègerait le poids des dossiers dans les tribunaux.

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  12. Mais je vois bien, en quoi vous le trouvez "éclairant". Je comprends bien que le mot "diversité" ait pu vous titiller dans ce préambule. Mais cette diversité dont il est question ici, tout le monde d'un peu honnête comprendra qu'elle fait référence à ce dont parle Julien dans son billet, à savoir celle des Suisses eux-mêmes, d'un canton à l'autre, d'une langue à l'autre, etc.

    Pour le compte bancaire, j'aimerais bien aussi, cela dit.

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  13. Philippe Sage, je comprends. Mais vous oubliez de mentionner la Convention européenne des droits de l'homme. Il y a des procédures juridiques dans un Etat de droit et elles seront actionnées s'il y a un cas concret de refus de construction qui se fonderait uniquement sur cette nouvelle disposition constitutionnelle.

    Didier Goux, effectivement j'étais absolument pour le non. Mais je suis également très attaché à ce système politique et aux respects des décisions populaires qui va avec.

    Rachid, j'avais déjà vu votre commentaire chez Le Coucou... Je parle de Suisse et pas de France.

    Chr. Borden, et voui.

    Didier Goux, ... et d'une religion à l'autre... Ce préambule a été écrit juste après la "guerre civile religieuse".

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  14. On peut donc comprendre que les Suisses n'aient pas envie de recommencer !

    Je lis aussi, çà et là, que les Suisses n'ont que très peu de musulmans chez eux, que la plupart sont des Européens et de surcroît assez fortement laïcisés. Que, par conséquent, ils n'auraient aucune raison d'être inquiets de l'avenir.

    Personne ne semble se dire que les Suisses disposent de journaux (y compris les nôtres), de chaînes de télévision (y compris les nôtres) et d'internet. Et que, par conséquent, ils doivent être parfaitement au courant de ce qui advient lorsque l'on commence à céder sur tous les fronts au nom de la tolérance et du vivrensemble : il leur suffit de regarder par-dessus leur épaule alpine.

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  15. Didier Goux, je ne veux pas refaire la campagne.

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  16. Personnellement je vous envie votre système de votation populaire. Je milite pour son adoption en France. Ras le bol de m'entendre dire que je dois accepter telle décision au motif que j'ai voté pour tel candidat qui présentait plusieurs dizaine de mesures dans son paquet électoral ! Et la condamnation quasi unanime du résultat de ce vote, voire même du système de votation en question me fait froid dans le dos. Quand au fait que si nous avions eu un referendum en France la peine de mort n'aurait pas été abolie, et bien cet argument me glace tant il dénote une bien curieuse conception de la démocratie. Certains veulent bien de la démocratie mais à condition que ça aille grosso modo dans le sens de leur conception forcément la meilleure. Comment s'étonner après cela que le NON de 2005 en France ait été balayé ! Si j'étais Suisse, je serais fier ce soir comme vous l'êtes Julien avec cette superbe considération qui honore la démocratie comme je la conçois : "j'étais absolument pour le non. Mais je suis également très attaché à ce système politique et aux respects des décisions populaires qui va avec." J'ai bien l'impression que les Suisses ont quelques bonne longueur d'avance sur les Français donneurs de leçons question démocratie... Surtout en Sarkozie umpérialiste !

    J'ai laissé un autre commentaire sur ce même sujet ici

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  17. Pascal, vous pouvez toujours venir en Suisse ;-)

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  18. comme quoi je dois fréquenter trop d'Helvètes... vu que j'ai posté un billet allant dans le même sens que le tien ;-)))

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  19. Beau billet Julien !
    La Suisse, c'est un peu comme la Belgique sauf qu'ici tout le monde est chef mais personne ne décide !!!
    :-))

    [Plus sérieusement, j'aime bien ce système d'équilibre ! :-)) ].

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  20. Lucia, j'irai le lire demain matin alors!

    Poireau, ah les "chefs" et "non-chefs" et "tous chefs"...
    D'ailleurs culturellement, il y a une gêne "du chef" surtout en politique.

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  21. Julien,

    Merci pour ce billet ! Ca faisait un bout de temps que je voulais que tu le fasses (depuis notre première discussion en terrasse de la Comète). L'actualité nous en donne l'occasion.

    N.B. : Sur le fond, j'espère que vous avez les moyens constitutionnels d'arrêter ce texte... Et à l'occasion, virez les références à la religion dans votre constitution !

    Didier,

    Arrêtez de dire du bien des billets uniquement quand ils ne sont pas de moi, bordel.

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  22. Nicolas, c'est ainsi chose faite! Et merci de me laisser cette tribune.

    NB: sur le fond, c'est la cour européenne des droits de l'homme qui décidera si (lorsque?) elle est saisie et ce ne sera pas avant un bon bout de temps.

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  23. Justement, c'est dommage d'avoir une constitution qui ne permette pas d'éviter le recours aux instances externes...

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  24. Nicolas, c'est l'esprit même du système. Il n'y a pas de cour constitutionnel qui dirait "là petit peuple vous n'avez pas le droit" (sauf à ce qu'une initiative remettent en cause les droits internationaux dit "durs"). Après je ne sais même pas ce qui se passerait juridiquement si la cour européenne des droits de l'homme condamnait la Suisse. Je ne sais pas si c'est contraignant. Ce qui est sûr, c'est que si cela devait arriver, il y aurait une autre initiative de l'UDC pour sortir la Suisse du Conseil de l'Europe... Ce qui sera l'occasion de refaire un débat pour (peut-être) remettre les choses en place...

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  25. Il fait plaisir à lire ce billet, merci Julien pour cette remise des points sur les i.

    On relèvera aussi que les radicaux ont proposé en début de semaine, face aux résultats de cette votation, une initiative visant à rendre aux cantons la gestion de la chose religieuse. Personnellement, j'approuve. Si ça avait été fait plus tôt, on se serait épargné quelques ennuis.

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  26. Evan, je ne sais pas si c'est une bonne chose. Je n'y ai pas réfléchi mais je ne vois pas ce que cela changera. Cela ressemble a une réaction précipitée tout comme celle des Verts.

    Ceci dit soyons très clair j'étais opposé à cette initiative et le résultat me laisse pantois (pour dire le moins). Tous ce que je demande dans ce billet, c'est de ne pas nous dire de changer notre démocratie directe sous prétexte que le résultat sorti des urnes ne plait pas car ce système est notre "identité nationale" (pour utiliser un terme que je n'aime pas vraiment mais en vogue dans une certaine France).

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  27. La "Cour européenne des droits de l'homme" ! Mais est-il permis d'avoir inventé un truc aussi con, aussi creux, aussi évidemment stupide jusque dans sa formulation !

    Et pensez que des pays, souverains (en principe), indépendants (re-en principe) puissent se plier aux injonctions de cette bande de guignols... C'est vraiment la fin du politique, c'est Paris-Plage aux dimensions de la planète.

    Julien : je ne comprends pas du tout ce que vous essayez de dire par cette phrase énigmatique :

    «D'ailleurs culturellement, il y a une gêne "du chef" surtout en politique. »

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  28. Didier, je pense bien que je ne vais pas vous convaincre sur la cour européenne... et ni inversement.

    Pour le "d'ailleurs culturellement, il y a une gêne "du chef" surtout en politique": de manière générale, on aime pas les grandes gueules qui jouent aux chefs ni le "culte" de la personnalité. Il n'y a pas de premier ministre. Le président est nommé pour une année et n'a pas de pouvoirs supplémentaires (si ce n'est protocolaire) par rapport aux autres membres de l'exécutif. Les décisions sont prises par l'ensemble des membres de l'exécutif. Ceux qui sont minorisés sont supposés rester solidaire de cette décision. Et du coup, les exécutifs sont remplis de personnes consensuelles (vous appelez ça des gens sans charisme ici :-)).
    Cette structure sans chef est répliqué dans tous les cantons et la plupart des villes.

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  29. http://www.courrierinternational.com/article/2009/12/01/un-oui-a-la-democratie-et-aux-valeurs-europeennes

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  30. Merci de ton commentaire chez moi, et je peux te retourner le compliment: bravo, ça fait plaisir à lire! Comme toi j'ai voté non mais je ne vais jeter la démocratie directe avec l'eau du bain.

    En plus, c'est chouette cet arbre!

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  31. François, merci d'être passé par ici.

    A tous je ne peux que vous conseiller d'aller lire ses deux derniers billets ici
    et

    Pascal, je sais que ce lien viens d'une très bonne intention. J'ai cependant hésité à l'effacer. Pourquoi? Car l'auteur de l'article est le rédacteur en chef de la Weltwoche - journal très proche de l'UDC (le parti à l'origine de cette initiative) qui véhicule des idées d'intolérance que j'exècre. Finalement, je me suis dit non.
    En fait entre cet article du rédacteur de la Weltwoche, les billets de François et ce billet ici bas de moi, il y a 3 sensibilités politiques suisses représentés. Trois sensibilités politiques très différentes qui pourtant se rejoignent sur un point: un attachement au système politique helvétique et le respect de la décision du peuple. Je crois qu'en fait cela démontre par les faits le message de mon billet: ce système politique particulier EST ce qui réuni les suisses...
    (oui, je sais mon message n'était pas très clair mais j'étais énervé... ;-))

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  32. C'est une bonne mise au point.

    J'aimerais ajouter (je suis suisse et ...puriste ;-) ) que le système de démocratie directe a tout de même quelques garde-fous.
    La Suisse est membre du Conseil de l'Europe et signataire de la convention européenne des droits de l'homme. Maintenant qu'une modification constitutionnelle a été adoptée, elle doit entrer dans le système juridique suisse, comme le veut le principe de majorité. Mais ensuite vient l'application du droit, et là comme dans le cas de n'importe quelle décision étatique, il existe des droits de recours, notamment de recours de droit public.

    Cela signifie concrètement qu'il est très probablement possible de recourir contre un refus de minaret et ce jusqu'à la cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg. Mais c'est bien contre une décision concrète que cela sera possible et en aucun cas contre une décision souveraine du peuple suisse. Cela s'est déjà produit.

    Avant la cour européenne, le tribunal fédéral suisse peut lui aussi agir le cas échéant. En réalité, la situation est fort complexe car le parti d'extrême-droite UDC a réussi à venir planter un clou juste dans un cas limite, ce qui fait que l'initiative n'a pas été invalidée avant d'arriver devant le peuple (l'assemblée fédéral qui aurait pu le faire a jugé, sur le plan juridique, qu'il n'y avait pas lieu) mais qu'elle est probablement inapplicable quand même (je ne préjuge pas des décisions futures des tribunaux).

    En somme, oui, le peuple est souverain en Suisse, mais il était aussi souverain lorsqu'il a accepté le principe de non-discrimination dans la constitution. Il avait donc mis lui-même un garde-fou à ses futurs élan.

    Démocratie directe + Etat de droit. Jamais l'un sans l'autre...

    Un Suisse un peu ébranlé, mais qui souhaite retrouver tout de même son goût pour la démocratie directe.

    Daniel

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  33. Daniel, merci pour ces précisions.

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  34. Cette affaire agit comme un symbole je pense. On dit que les gens ont peur du changement et que c'est ce qui motive leurs réactions. Personnellement je vois les choses différemment. Les gens ont surtout peur qu'on leur impose des évolutions auxquelles ils n'ont pas consenti. Ils aimeraient bien se sentir davantage pris en considération sur les grandes évolutions qui se dessinent.

    Là où certains voient un réflexe de peur, je vois surtout un réflexe de prudence. Mais quand la prudence est ensuite assimilée à de la peur, là ça peut commencer à faire peur car on sort du champ du débat intellectuel pour dévier vers une forme de terrorisme intellectuel.

    Ce qui est au coeur de cette affaire de minaret, il me semble bien que c'est une question de choix identitaire à l'orée de l'an 2010 et en pleine crise planétaire multi-sectorielle. Autrement dit, si la peur ou la crainte est quelque part à l'origine de ce vote, rien ne sert de casser le thermomètre ; il faut s'interroger sur le contexte global dans lequel s'inscrit le résultat de cette votation citoyenne.

    Ne pas aborder les choses sous cet angle me semble révéler l'une des causes pour lesquelles une partie du peuple peut ressentir une menace peser sur son intégrité citoyenne. Car cela constitue à mon sens un motif de suspicion à l'égard de l'intégrité du système qui est censé organiser le contrôle citoyen souverain sur l'organisation même de ce système. Et là ça peut légitimement faire peur...

    La peur ne doit pas non plus constituer un sujet tabou, qu'on traite par l'opprobre en rejetant dans l'indignité ceux qui pourraient la manifester en certaines circonstances ! Comment voulez-vous ensuite que les personnes se sentant ainsi incomprises voire méprisées ne réagissent pas ensuite par une réaction de repli ...

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