23 octobre 2008

Soeur Emmanuelle parle au Vieux Jacques


C’est plus en fréquentant les bistros qu’un fréquentant les blogs qu’on comprend le fonctionnement de la politique, y compris la politique internationale ! J’en ai encore vu un bel exemple, hier soir. C’est pourquoi j’ai décidé d’inverser mes billets, ce matin, et de parler ici de mes aventures de bistro et sur l’autre blog… de blogs.

Avec Michou, Tonnégrande et le Vieux Jacques, nous étions accoudés au comptoir de la Comète. Nous parlions de chose et d’autres et la conversation a déboulé sur Sœur Emmanuelle. Michou, Tonne et moi sommes assez peu « protocolaires » et avons du dire un truc qui a fâché le vieux Jacques. On disait en gros que Sœur Emmanuelle était surtout douée pour être devant la caméra au bon moment.

Le vieux s’est fâché subitement, comme il le fait assez souvent quand nous discutons ensemble… Il est parti s’asseoir en terrasse. Avant, ça nous faisait bien rigoler ! Maintenant on se lasse… On rigole toujours mais il y en a toujours un d’entre nous qui se dévoue pour aller le consoler.

Hier, c’était moi !

« Tu sais, Jacques, on ne fait que plaisanter, ça n’enlève en rien au respect ! On sait bien qu’elle a fait des trucs très bien, on est plein de respect, on ne fait que rigoler au bistro ».
« Oui, mais enfin, c’était une sainte ! Tu te rends compte de ce qu’elle a fait ? Sa vie parmi les pauvres, son abnégation, … »
« Je sais, Jacques, mais il y a des centaines, des milliers de gens comme elle, qui, au quotidien, font des belles choses, aident les gens, … »
« Oui, mais elle c’est différent ! »
« Oui, Jacques, tu sais quelle différence principale : elle est médiatique. Un jour où l’actualité était creuse, un rédac chef a diffusé en début de journal de 20 heures un reportage sur elle… ».

Là-dessus, mes deux autres compères nous ont rejoints sur la terrasse pour voir si le vieux était calmé. Il l’était et nous avons continué à discuter de ces gens qui font du bien, de ces journalistes qui font l’actualité plus qu’ils ne la présentent, …

Jacques défendait sa position et nous étions moins virulents pour ne pas le fâcher une deuxième fois ! En vieux Gaulliste, il continuait à expliquer qu’il fallait ce genre de grands personnages pour sauver le monde.

Il a quand même fini à se rendre à notre point de vue. Temporairement. Jusqu’à vendredi soir (il ne sort pas ce soir, il a rendez-vous à l’hosto demain à 8 heures). Jusqu’à notre prochaine discussion de comptoir.

Ce n’est pas qu’il faut se genre de personnage s’activant dans des bidonvilles pour sauver le monde, c’est qu’il faut se genre de personnage s’activant dans les bidonvilles pour qu’on n’aborde pas les sujets d’actualité importants : comment, en ce début de 21ème siècle, on peut avoir une partie importante de la population mondiale vivant dans des bidonvilles insalubres ?

Et, sans manquer de respect, ce n’est pas une bonne sœur distribuant des bols de riz qui feront trembler un capitalisme financier mondial.

Au contraire, elle l’absout. Amen.

19 commentaires:

  1. Oui. Le discours que tu tiens à Jacques, je le tenais à mon fils avant hier. (il n'y a pas qu'elle qui fait du bien).
    Maintenant , qu'il y ait encore des gens qui à 65 ans, puissent croire encore comme ça dans les gens, je trouve que c'est pas si mal.

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  2. on a claqué en fonds publics à cause des banquiers 37 fois de quoi éradiquer la faim dans le monde...

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  3. Elmone,

    C'est pas si mal... d'avoir des rèveurs !

    Romain,

    Une paille...

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  4. @ Romain :

    Regardons les montants de l'aide au développement sur les 4 dernières années :

    2004 : 79.4 milliards d'USD
    2005 : 106.5 milliards d'USD
    2006 : 103.9 milliards d'USD
    2007 : 103.7 milliards d'USD

    Soit sur quatre ans 393.5 milliards d'USD, ce qui n'est pas rien.
    (source : site web de l'OCDE, www.oecd.org, une petite recherhe "aide au développement" devrait faire l'affaire).

    Visiblement, la pauvreté et la faim sont encore de notre monde. De deux choses l'une :
    - soit il n'y a pas qu'un problème de fric, mais également un souci de méthode.
    - soit tu sous-estimes dangereusement les montants à mobiliser pour combattre la pauvreté et la faim.

    Personnellement, je penche pour un mix des deux solutions.

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  5. Romain :

    La merguez a raison, il faut arreter de reprendre les postures stupides et complètement pas argumentées des dirigeants politiques qui veulent dénoncer la folie d'un système dans lequel ils étaient jusqu'au cou il y a encore peu.

    L'exemple type : Bayrou, qui vient nous dire qu'il est scandaleux qu'on n'ait pas sorti cet argent pour les pauvres ou le RSA.
    Seul souci, l'argent qu'on vient de trouver, il est emprunté.
    Croyez-vous que si on avait dit a Bayrou "on peut financer le RSA, mais il faut emprunter", il aurait dit oui, sachant que la seule ligne idéologique du centre est la réduction de la dette ?

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  6. Aïe !

    Qu'est-ce qui fait trembler le Grand Marché de toute façon ? Ben rien ! Rien du tout, à part sa propre ombre comme on peut le constater aujourd'hui.

    Dire que la lutte individuelle, l'altruisme total ne servent à rien (ou tout comme), je trouve ça limite désespérant. Parce que vous comme moi, on sait d'expérience que le "collectif" est une vue de l'esprit. Cette illusion de la lutte collective, du monde qui peut et va changer, c'est une illusion pour petits enfants révolutionnaires. Or, la révolution est presque toujours aveugle, sanguinaire, aussi inhumaine que le totalitarisme (politique et/ou financier) qui l'a précédée.

    Il est même moins naïf (logiquement parlant) de penser que la somme d'actes individuels puisse davantage influer sur le monde qu'une action collective, universelle puisse avoir une influence bénéfique.

    Et si vous ne croyez pas non plus à la possibilité d'un soulèvement collectif, alors...

    Pourquoi Schindler s'est fait chier à sauver des juifs ? Alors qu'autour de lui, c'était le massacre. Pourquoi l'Abbé Pierre s'est-il emmerdé toute sa vie à lutter pour les plus pauvres ? Alors qu'autour de lui, la majorité crevait de froid dehors.

    On peut bien sur accuser les uns et les autres d'être médiatiques, c'est sur, mais ici, entendons-nous bien, ici, nous, les blogueurs, qui ne sommes pas médiatiques, sommes-nous des altruistes ? Faisons-nous autre chose que de rêver confortablement d'une union générale et humaine qui ne viendra peut-être jamais ?
    Que de véhiculer l'idée que les actes à courte périphérie sont inutiles, car, ne changeant rien en profondeur, ils cautionnent indirectement la pérennité du système.

    Mais alors, on ne fait plus rien ??? On attend comme ceux qu'attendent Godot ?

    (mon intervention ne vise personne en particulier, je le précise ; rien de personnel).

    Caméras ou pas, je suis désolé de devoir dire que ces vies sont exemplaires. Exemplaires en tous points. ça ne m'empêche pas de déconner comme vous sur la question, avec les films d'Emmanuelle, et de vomir la récupération politique qui rampe juste derrière.

    Mais franchement, comme le Vieux Jacques, je pense que vous vous trompez et je pense également que le cynisme n'est pas réellement compatible avec les idées de gauche ; ça n'engage bien sur que moi.

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  7. Tout cela est vrai, ce que dit dorham notamment. Ces grandes figures que l'on raille ont agi, réalisé pour le bien d'autrui infiniment plus de choses que nous ne le ferons jamais. C'est la réalité sous leur prestige. Mais je crois que ce que nous traitons par la dérision, c'est l'usage de leur image que ces "bienfaiteurs de l'humanité" ont prêté complaisamment aux pouvoirs, en diverses occasions. Une certaine fraternisation avec les puissants, pour les besoins de leur cause, certes, mais ambiguë.

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  8. "Mais je crois que ce que nous traitons par la dérision, c'est l'usage de leur image que ces "bienfaiteurs de l'humanité" ont prêté complaisamment aux pouvoirs, en diverses occasions. Une certaine fraternisation avec les puissants, pour les besoins de leur cause, certes, mais ambiguë."

    Je comprends ça.

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  9. Enfin, je veux dire, l'explication ci dessus...

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  10. Nono,

    Moi aussi, merci !

    Benjii,

    Tu viens d'écrire "La Merguez a raison". Et la chippo ?

    Dorham,

    Pas d'accord et en plus il ne s'agit pas cynisme.

    L'actions de ses grands hommes est bien sur nécessaire mais 54 ans (55 ?) après l'appel de l'abbé Pierre rien est résolu ! On a même une ministresse qui tente la loi SRU favorisant la construction de logement sociaux.

    Ces "saints" sont évidemment de grands personnages qui méritent tout le respect mais un type qui voit l'Abbé Pierre à la télé ne fait que se dire "Ah oui ! Quel grand homme ! Il a raison, il faut loger tout le monde" mais ne voit pas la famille qui vit dans une caravanne à 50 mètres et continue à voter pour son maire car sa politique en matière de nettoyage des merdes de chiens sur les trottoirs est bonne !

    Tiens ! Si, c'est peut-être du cynisme ! Mais aussi une revendication politique !

    Nous sommes dans une crise économique majeure et laisser dire qu'on peut tolérer que des pauvres s'entassent dans des bidonvilles au Caire car Soeur Emmanuelle s'en occupe me parait plus cynique.

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  11. Pas envie d'être sérieux mais au contraire, c'est le système qui médiatise certains personnages pour se dédouaner de ce qu'il ne fait pas.
    Coluche et les restos du coeur, l'abbé Pierre, soeur Emmanuelle et tutti quanti sont les figures qui démontrent que le système a aussi une âme !
    En plus, c'est pratique, on peut ensuite se faire de la thune en vendant des tee-shirts et des porte-clés !

    Le libéralisme choisit et encense ses héros suivant un schéma "moral" très clair...

    :-)))

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  12. C'est bien pour cela, parce que ces "figures" servent d'alibi au pouvoir, qu'elles sont irritantes, et suscitent les sarcasmes! J'éprouve souvent la même tentation de raillerie pour le bénévola, qui participe du même phénomène en plus modeste.

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  13. Nicolas,

    Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que j'ai dit tient en une phrase (j'aurais dû faire une seule phrase) : la gratitude vis à vis de ces personnes qui ont eu une vie exemplaire n'est pas incompatible avec la critique du système ; bien au contraire, elles peuvent servir d'appui pour démonter la récupération politique. Sarkozy rendant hommage à l'abbé Pierre, par exemple, c'est un peu comme si Staline rendait hommage aux propriétaires terriens.

    Bref, on ne peut quand même pas rendre responsable ces hommes et femmes des conneries qu'on dit ou fait en leur nom. Parce que même si fondamentalement rien ne change, s'il n'était pas là, fondamentalement, plus rien ne serait pareil non plus. Partout dans le monde, ce serait encore pire.

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  14. Poireau,

    Tu résumes bien ce que je dis.

    Le coucou,

    Je ne "raille pas" le bénévolat, je l'approuve mais il est vrai qu'il est souvent la pour palier les manques des pouvoirs publics.

    Dorham,

    Ces personnes ne sont évidemment pas criticables !

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  15. Je suis très circonspect avec le bénévolat. Utile marginalement, il me semble souvent s'apparenter à un recyclage de la mentalité "dame patronnesse". Son existence sert d'abord aux collectivités locales à virer du personnel compétent, ou à s'abstenir d'en rechercher. La multiplication des "petits saints besogneux" (merci Brassens), qui tirent d'abord une jouissance intime du don de soi, me parait la marque d'une société malade.

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  16. Le coucou,

    Il ne faut pas voir le bénévolat uniquement comme un supplétif aux pouvoirs publics ou le limiter au "caritatif".

    Il faut aussi voir tous ces bénévoles qui encadrent les mômes au foot, organisent des cours d'anglais, animent des cours de scrabble, ... ou encouragent et conseillent les blogueurs...

    C'est aussi une manière de faire participer les gens à la vie citoyenne.

    Mais c'est vrai que des bénévolats type "resto du coeur" sont très mauvais : ce n'est pas au caritatif de faire manger "les pauvres" mais à la solidarité nationnale.

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