21 mai 2010

Fernand est mort - seul

Comme tous les matins, quand je n’ai pas d’idée de billet, je traine dans les sites d’actualité à espérer un déclic qui mettra en marche la machine à pondre des billets que j’ai dans le crâne. Ca n’a pas mis trente secondes, ce matin. L’AFP sort une dépêche à propos de la solitude.

Je l’ai raconté hier dans mon blog bistro, dans un de ces billets vite fait, du comptoir, parce que je n’avais pas le courage d’appeler tous les copains. Je leur ai juste envoyé un SMS : « Va voir mon blog ».

Molière (c’est réellement son nom de famille) et Ravi (son prénom, enchanté) n’avaient pas de nouvelles de Tonton Fernand depuis plusieurs mois. Fernand, Molière et Ravi sont de Pondichéry, Fernand et Molière, militaires retraités et Ravi, au lit, toujours actif. Je n’étais pas vraiment proche de Fernand mais nous avons passé 15 ans à écluser dans les mêmes bistros de la commune. Fernand était un membre historique du RPR ! Il était fier de nous sortir, parfois, sa toute première carte, prise en 1976. Fernand n’avait pas inventé l’eau chaude. Le Vieux Jacques s’occupait de ses papiers, à l’occasion. Et le monde tournait. Nous nous engueulions dans ces discussions politiques sans queue ni tête, en attendant qu’une tournée remplisse nos verres.

J’avais bien constaté que je ne voyais plus Fernand depuis quelques temps mais sans m’affoler. Fernand ne fréquentait plus la Comète et je n’avais plus eu de discussion avec lui depuis au moins 18 mois.

Par contre, Molière et Ravi étaient inquiets. Ils n’avaient pas revu Fernand depuis quelques mois. Il ne répondait pas au téléphone. Alors ils sont allés chez lui, dans le haut de Bicêtre. La boite à lettres était pleine de courrier. Ils ont appelé la police qui a appelé les pompiers. Ils sont rentrés chez Fernand. Il était mort. Seul.

Molière et Ravi sont venus me raconter ça, à la Comète. D’après eux, il serait mort depuis janvier (selon le courrier, dans la boite à lettre). J’ai appelé le Vieux Jacques, il me disait l’avoir vu début mars mais Fernand ne s’était pas rendu à leur rendez vous suivant, vers le 20. Peu importe.

Il est mort seul. Ce qui parait incroyable, c’est que c’est la troisième personne de Bicêtre que je connais à qui la même mésaventure est arrivée. Il y avait eu Christian, dit « le colonel » vu qu’il était adjudant chef, et, plus récemment, Michel, dit « le Yougo ».

Christian était un vieil ivrogne imbuvable. Michel était un solitaire.

Fernand, par contre, avait des amis. Et des enfants.

Je ne comprends pas.

15 commentaires:

  1. Au fond, "Partageons mon avis" prétexte la politique pour ne nous parler que des gens, et des gens dans toute leur surface et dans toute leur profondeur.

    (Je suis triste tiens. J'vous jure : y'a quand même de quoi boire.)

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  2. Pareil que Christophe. Et, malheureusement, cette histoire n'a rien d'incroyable.

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  3. Christophe,

    Oui, la politique n'est qu'un prétexte !

    Didier,

    C'est peut-être ce qui est incroyable.

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  4. Je tape et efface ce commentaire. Il est dur à écrire. Je suis triste aussi.

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  5. Triste histoire, incroyable !

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  6. Nicocerise,

    Faut pas. Tu ne connaissais pas Fernand. Je le connaissais pas vraiment. Il ne faut pas "individualiser" ce genre de drame, il faut juste s'imaginer que des gens, meurent seul, encore aujourd'hui, en France. Que même leurs amis ne s'inquiètent pas au quotidien.

    Gildan,

    Ouais...

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  7. Tu fais chier, maintenant que t'en à parlé je vais y penser à Fernand. C'est une vrai question de civilisation.

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  8. Nicocerise,

    Oui, c'est une vraie question. Mais pour les deux autres gars que je cite, je comprends. Pas pour Fernand qui avait des proches. Et je me compte à moitié dedans (je ne connaissais pas assez Fernand pour m'inquiéter mais je n'ai même pas demandé à ses potes).

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  9. C'est terrible, mais c'est bien de l'époque. Le plus dur là-dedans, je trouve, c'est de crever seul, sans une main dans la sienne. Le reste, ce qui se passe après…

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  10. Le Coucou,

    On meurt comme on meurt. Fernand avait du diabète, des problèmes de coeur... et continuait à picoler. Ce qu'il y a d'atroce c'est d'imaginer la "légèreté" de l'amitié et le "fatalisme". Tiens ! Fernand n'est pas là. Tiens ! On n'a pas vu Fernand depuis une semaine. Tiens ! Fernand doit être en vacances, ça fait un mois qu'on ne l'a pas vu. Tiens ! Fernand a déménagé, ou quoi, ça fait trois mois qu'on ne l'a pas vu.

    De la part de proches.

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  11. C'est un des trucs les plus glaçants de l'époque, ces histoires. On s'en aperçoit quand les parois suintent, l'odeur est trop forte ou les huissiers déboulent. De manière bureaucratique !

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  12. Il y a certains articles où je ne trouve aucun commentaire à faire. Ici, c'est glaçant cette solitude…
    :-|

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  13. Bal,

    Heureusement que Poireau est là sinon, je t'aurais jamais répondu.

    Poireau,

    Heureusement que tu es là, sinon j'aurais jamais répondu à Balmeyer.

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  14. Nicolas : je suis ravi que tu aies pu répondre à Balmeyer ! :-)

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