28 juin 2012

Les politiques et la délicate équation de l'immigration

Je ne pense pas spécialement grand-chose de la position de Manuel Valls à propos de l’immigration. Le sujet est très compliqué et il déchaîne des passions des deux côtés de l’échiquier politique entrainant des malentendus qui n’ont même pas le mérite d’être rigolos.

Il faut être pragmatique. D’un côté on ne peut pas accueillir toute la misère du monde et tout ça et de l’autre, il faudrait voir à ne pas oublier qu’il s’agit d’êtres humains et on ne peut pas blâmer des braves gens qui pensent qu’ils pourraient vivre chez nous que dans l’espèce de dictature tiers-mondiste d’où ils viennent. Amen.

Manuel Valls a parlé dans le poste ou plus exactement dans Le Monde. Il a dit des trucs qui ont énervé des gugusses de la gauche de la gauche qui ont probablement oublié de lire l’article en entier.

Nos camarades n’ont lu que deux phrases. Une de Manuel Valls : « être de gauche, ce n'est pas régulariser tous les sans-papiers » et une de Jean-Luc Mélenchon : « Manuel Valls valide une thèse du Front national ». Nous allons laisser Méluche temporairement. Il pourrait apprendre à tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. M. Mélenchon a échoué dans sa bataille contre le Front National et ça ne plait pas du tout à ses alliés du PCF qui pourraient commencer à préférer la stratégie du PS…

Donc, laissons Manuel Valls (et Madame Taubira) gérer l’immigration paisiblement, on verra l’état du Front National ensuite. Dans l’attente, j’invite tous mes camarades de gauche à lire l’ensemble des propos tenus par M. Valls dans Le Monde (ne serait-ce que pour me faire un résumé).

A propos de résumé, exceptionnellement, je vais donner la parole à Didier Goux qui a laissé une réponse à Dorham qui demandait un résumé : « en gros, il a dit que les sans-papiers seraient régularisés “au cas par cas” et non massivement comme le souhaitent les officines appointées. Et, du coup, il commence à se faire taper dessus. Je ne sais plus qui a dit qu'en partant, Sarkozy avait oublié un ministre sur place. Vous voyez l'ambiance ? »

Didier Goux n’est pas un mauvais bougre. Il a un copain noir. D’ailleurs, c’est moi qui le lui ai présenté, il s’agit de Tonnégrande. Il a fait un billet pour défendre pour Manuel Valls.

Restons sérieux.

L’immigration a été au cœur des campagnes en y rentrant par la porte et par la fenêtre. Elle est entrée par la porte avec la campagne de l’UMP (vous savez, celle qui a été « droitisée »…), au bout de plus années de stigmatisation de voleurs de poules et prieurs dans la rue. Elle est revenue par la fenêtre dans les campagnes des seconds tours pour terroriser l’électeur à propos du projet du PS d’accorder le droit de vote aux immigrés aux élections locales.

Il est temps d’apaiser les esprits.

Par exemple, se moquer de l’UMP permettra de réjouir les partisans de François Hollande.

Les pauvres. Ils ont commencé par taper sur Manuel Valls. C’est de bonne guerre. Mais ils ont fini par se rendre compte que leurs coups ne faisaient pas mouche puisqu’ils ne pouvaient critiquer que des aspects techniques dont tout le monde se fout. Par exemple, Jean-François Copé a déclaré, hier, que le « cas par cas » ne veut rien dire : « Ca peut cacher un projet d'une très grande rigueur ou d'un très grand laxisme, en fonction du nombre de cas et des critères retenus. » Ca va bien aider les électeurs, ça ! Eric Ciotti et Xavier Bertrand « avaient également critiqué les mesures sur l'immigration de Manuel Valls en parlant de "politique dangereuse" et de "double langage" pour le premier, de "rideau de fumée" pour le second. »

Etre dans l’opposition, ça n’est pas une sinécure, hein ! 6 ans et demi de blogueur d’opposition, j’ai fait. Je peux rigoler, maintenant… Il faut qu’ils se rendent compte, tout les trois, qu’ils viennent de dire aux électeurs, tous les trois, que la politique de Manuel Valls était probablement très bien mais qu’il fallait attendre pour juger.

Remercions-les… Parfois, il vaut mieux ne rien dire…

Heureusement que l’UMP a François Baroin… J’ai déjà dit ici que ce gars m’était très sympathique et expliqué les raisons « personnelles ». Toujours est-il que c’est le premier cador de l’UMP a avoir exprimé une position intelligente et presque compréhensible par les électeurs. « J'ai trouvé que les positions de Manuel Valls étaient à la fois courageuses et logiques ». « En tant que ministre de l'intérieur, il n'est pas là pour favoriser l'ouverture des frontières. La France, ce n'est pas l'hôtel des courants d'air. Donc, il est normal qu'il tienne ces positions, elles sont cohérentes avec sa ligne. » «la régularisation au cas par cas, c'est la méthode la plus logique, la plus naturelle, la plus humaine aussi parce qu'elle tient compte du parcours de la personne qui est venue chez nous et les critères qui sont retenus par Valls sont également excellents. » « Chacun a sa sensibilité dans son expression politique. Moi, il se trouve que j'ai été ministre de l'intérieur et ministre de l'outre mer et cette question de l'immigration clandestine, je la connais plutôt bien. Le cas par cas, c'est le seul moyen et j'ajoute qu'on l'a toujours fait. »

Les autres cadres de l’UMP sont restés dans la position qu’il fallait tenir avant les élections et sont maintenant dans une stratégie de reconquête de l’UMP pour un congrès à l’automne en vue de la Présidentielle de 2017, persuadés que l’immigration sera au thème de la prochaine campagne et que la droitisation est de plus en plus de rigueur.

Pendant ce temps, François Baroin montre qu’il est un gugusse raisonnable, posé, … Il rappelle aussi que le cas par cas est la seule solution possible (à part, bien sûr, les régularisations massives), ce qu’ont fait la plupart des gouvernements. Il rappelle surtout que parmi tous les prétendants, c’est le seul à connaître vraiment la question puisqu’il a fait un passage (éclair, il a remplacé Nicolas Sarkozy fin mars 2007, pendant la campagne).

Tiens ! Dans les propos qu’il a tenus, il a également dit que l’idéal était de ne pas dépasser 30000 régularisations par an… Et la seule année où cet « objectif » a été atteint depuis 2004, est celle où il passé 6 ou 7 semaines à l’Intérieur.

Tiens ! Alors que l’UMP qui perdait fixait des objectifs minimum d’expulsion favorisant une politique du résultat, François Baroin fixe des objectifs maximum de régularisation favorisant une politique plus réaliste, plus humaine…

Ca serait amusant que « la gauche modérée » parvienne à sauver une « droite modérée ».

Je ne sais pas comment Manuel Valls arrivera à gérer ce dossier, un des plus complexes que puisse avoir à gérer un ministre. Il deviendra peut-être seul contre tous dans son propre camp, tout en ayant à subir la logique opposition de Christiane Taubira, qui a aussi un job à faire.

J’espère que ces deux ministres phares sauront travailler ensemble !


13 commentaires:

  1. Hollande a dit qu'il fallait régulariser au cas par cas. C'est à dire de manière juste pour tous le monde car la précédente politique était à la tête du préfet et de ses critères.
    Donc Valls appuie ses engagements de campagne.
    De toute façon, la France n'est plus un pays qui attire l'immigration.
    Et puis ce que je demande, c'est que ceux qui arrivent soient traités en vertu des droits de l'Homme, qu'on ne les parque plus même si on doit les renvoyer chez eux, que les enfants scolarisés ne soient pas chassés comme du bétail...enfin juste une politique plus humaine.
    Pour la suite, tu sais, un jour les villes comme Dubaï ou Pékin et un jour l'Afrique penseront-elles qu'on ne peut pas accueillir toute la misère du monde?
    C'est un autre sujet...

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  2. Les français s'en battent les couilles maintenant, c'est bientôt les vacances : alors, mer ou montagne ? Voilà les vraies questions qui taraudent le pékin.

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    1. Oui. Valls a donc eu raison de parler maintenant.

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  3. En fait, je ne suis devenu blogueur que pour fournir à Nicolas des idées de billets. Job à plein temps mais très mal payé, et uniquement en bières.

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    1. Vu le nombre dont au sujet duquel vous consommez...

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  4. La politique antérieure consistait à "faire des bâtons" ... Un bâton par reconduire à la frontière et aucun moyen pour éviter que les étrangers n'arrivent. J'adhère à 100% à la politique M.VALLS décidée par le Gvt AYRAULT
    Sur ces points l'extrême gauche est simplement délirante ... qu'elle mette une sourdine : l'immigration est une douleur. Les gens ont droit à notre aide chez eux et ne sont pas heureux dans l'instabilité et le rejet inévitable chez nous.
    A ce propos : adhérez au Collectif Action Mali : c'est urgent de se mobiliser ... si on ne les aide pas, ils fuient ... normal ...
    actionmali@netcourrier.com

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    1. Oui la position de l'extrême gauche est délirante sur ce point, d'autant qu'elle est contraire à leurs interets et contraire à celle de l'extrême gauche quand elle allait bien.

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  5. Copé et son "ça peut cacher un projet d'une très grande rigueur ou d'un très grand laxisme, en fonction .. "
    ... de comment on peut décridibilser le P.S, et pas autre chose !
    le P.S. pour le moment prouve qu'il est pragmatique et juste, ni trop mou (relations avec les Verts) ni trop dur (immigration),
    du coup la droite a du mal à caricaturer, et "Valls sarkozyste" c'est exactement du même tonneau que, par exemple, la menace des "chars soviétiques" : un coup ils critiquent la rigueur, un coup le laxisme, avec n'importe quoi.
    Je crois que le travail du blogueur de gauche (et de ses commentateurs) est loin d'être fini. Ces critiques peuvent être reçues comme valables par les citoyens pressés, il y a donc un travail de comparaison et de relativisation incessants : ne pas oublier à quoi on a dit non.
    Baroin par ex, ce qu'il dit est très bien, mais enfin il s'est mis, tout bien qu'il est, au service de Sarkozy ..

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    1. Je pense que l'UMP devrait prendre des vacances dans son rôle d'opposant... (ils auront suffisamment de tribunes, de toute manière).

      Baroin a un boulevard pour se refaire une virginité jusqu'à 2022...

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  6. Concernant la politique de ou sur l'immigration, j'ai oublié de dire que si certains à gauche délirent sur ce point,
    la majorité des gens de gauche est pragmatique et raisonnable, plutôt Valls que Mélenchon. Et pas besoin de sondage, les élections sont toutes fraîches.

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    1. Oui. C'est un peu le problème de la gauche de la gauche : ils sont complètement déconnectés de certains sujets à un point qu'ils en oublient d'être rationnels, contrairement aux électeurs.

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