02 mars 2012

La campagne à la cantine

Les deux collègues avec qui je vais le plus souvent déjeuner sont, comme moi, des batavophiles de la première heure : dès le premier tour de la primaire nous avons voté pour lui. De fait, nous discutons beaucoup politique, tous les trois, pendant le trajet vers la cantine (il faut une bonne douzaine de minutes). Avec moi, ils sont contents, ils ont un tas d’informations fraiches que je découvre dans les blogs, dans Twitter, dans le Google Groupe des leftblogs ou de l’équipe web de Hollande. Avec eux, je suis content, j’obtiens l’avis de personnes en dehors de mon réseau habituel sur Internet et ils me font remonter certaines informations qui m’échappent, tant j’ai souvent le nez dans le guidon pour trouver des bêtises à raconter dans mon blog.

Il y a d’autres collègues de gauche avec qui je discute parfois. Ils ont tendance à venir vers moi lors qu’ils veulent avoir la confirmation d’une information mais nous ne discutons pas réellement politique, plus des faits divers dans le monde politique. Si nous n’étions pas en période de vacances scolaires et en effectifs réduits, au bureau, j’imagine très bien que nous aurions pu parler, en déjeunant, des événements de Bayonne.

Au fait ! J’ai un titre de billet de blog à vendre : « Les Bayonnais censurés ».

Et il y a les autres collègues, ceux avec qui je déjeune moins souvent ou avec qui je ne parle jamais politique…

La campagne est lancée…

Nous n’étions que quatre à table aujourd’hui, un de mes deux batavophiles et deux de ce dernier groupe, avec qui je ne parle jamais politique.

Différents éléments de la conversation m’ont frappé. Tout d’abord, aucun des deux n’a fait un choix. Ils n’ont même aucune idée de la moindre orientation.

L’un voudrait voter écolo et se dit écolo dans l’âme mais n’est pas satisfait par Eva Joly (ce qui est compréhensible…). Excluant les extrêmes, il semble donc hésiter entre les trois gros candidats : François Bayrou, François Hollande et Nicolas Sarkozy. L’autre m’a juré qu’elle ferait un choix en fonction des propositions précises des candidats ce qui me parait surréaliste (il y a forcément d’autres critères, ne serait-ce qu’un degré de confiance, une appréciation de l’image, …) mais elle a insisté.

Ensuite, aucun des deux ne sait ce que proposent les candidats et pensent même qu’ils n’ont pas encore sorti leurs propositions. Nicolas Sarkozy n’ayant, à ma connaissance, encore rien dit et François Bayrou étant inaudible, je pensais qu’ils auraient au moins entendu parler des 60 engagements de François Hollande. Même pas.

Je les ai un peu titillés… « Mais vous vous rendez compte que vous aller voter dans six ou sept semaines et que vous n’avez pas fait l’effort de suivre dans la presse le lancement de campagne des candidats, vous n’avez pas été faire un tour sur le web, vous comptez uniquement sur ce que vous voyez à la télévision ? Vous pensez avoir réellement le droit moral de voter dans ces conditions. » L’écolo était penaud. L’autre s’en foutait et continuait à dire qu’elle était assez grande pour faire son choix en fonction des programmes…

Sans les lire…

Au retour, « l’autre » nous a quittés pour aller faire une course et nous avons discuté avec « l’écolo ». Je n’ai pas creusé le sujet pour pouvoir continuer la conversation, mais ça m’étonne toujours d’apprendre qu’on se revendiquer écolo et ne pas savoir si on est de droite ou de gauche.

Mon collègue batavophile a aiguillé la conversation sur le comportement, l’apparence, l’image de Nicolas Sarkozy. L’écolo désapprouvait « évidemment » le « bling bling », le « yacht de Bolloré », le « Fouquet’s » mais pensait, à peu près, que les autres candidats pouvaient faire pareil, une fois élu.

Il a même dit : « Oui, mais si DSK avait pu continuer, on est sûrs qu’il aurait fait pareil, alors avec Hollande, on ne peut pas savoir. » On est un peu restés sur le cul mais on a argumenté, jusqu’à lui faire admettre… Les propos qu’il a tenu à propos de la compagne de François Hollande et de sa présumée connivence avec Bolloré (alors qu’elle n’est que salariée d’une de ses anciennes boites, elle ne va pas en vacances sur son yacht…) ont probablement enfoncé le clou.

Ce qui nous fait le plus mal, je crois, c’est qu’il n’avait aucun sens de la mesure pour qualifier les actes de chacun…

La conversation s’est poursuivie autour de l’écologie, j’ai essayé de lui expliquer que ce n’était pas un thème fort de campagne parce que c’était sans doute contreproductif électoralement (mais je ne vais pas refaire maintenant des débats à propos du nucléaire qu’il y a déjà eus un peu partout).

En arrivant au bureau, le batavophile et moi (nous sommes à côtés) avons continué la conversation. Un « jeune » collègue s’en est mêlé et, comme nous, il était très surpris de la position des autres.

Cela dit, il nous a dit sa plus grosse inquiétude pour cette élection. Il nous a « avoué » être de droite (ce qui est très bien, pas d’être de droite mais de le dire, parce que dans notre milieu, c’est assez rare, il doit donc se sentir en extrême minorité). Il est persuadé que Marine Le Pen sera au second tour face à François Hollande.

Il se retrouverait ainsi obligé de voter pour François Hollande pour faire barrage à Marine Le Pen. Il voulait savoir ce que ça nous avait fait, à nous autres gauchistes, de voter pour Jacques Chirac au second tour. Le batavophile n’avait pas voulu choisir entre la peste et le choléra, j’étais donc le seul à avoir voté pour Chirac.

Je lui ai donc dit : « on s’est fait avoir en 2002, dans un moment de panique, on aurait du ne pas voter et laisser la droite se démerder. »

Et j’ai rajouté : « si tu es persuadé que Marine Le Pen sera au second tour c’est que Nicolas Sarkozy a vraiment laissé son camp et, surtout, la France, dans un salle état. Quitte à voter pour François Hollande au second tour, tu ferais mieux de voter pour lui au premier, pour donner une bonne leçon aux cadres de ton parti. »


22 commentaires:

  1. Je préfère avoir ma cantine à la campagne que l'inverse.

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  2. Voilà le commentaire d'un gugusse qui n'a lu que le titre du billet.

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  3. Il ferait mieux de voter Bayrou pour mettre tout le monde d'accord.

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  4. Rassuré toi, il va le faire. Comme tous les gugusses qui n'ont aucune idée.

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  5. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  6. batavophile, ou battavophile ? Dur de choisir, en effet. D'abord il faut comprendre, déceler la différence, percevoir que dans un cas il y a un t en plus, et dans l'autre un t en moins, c'est selon... Moi je les comprends, tes collègues : avec un horizon réduit à ça, pas facile de faire campagne...

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  7. Si c'est tout ce que ça t'inspire... Bah ! Tu voteras pour lui, aussi. Au second tour. C'est amusant qu'un supporter de Méluche nous explique que notre candidat n'est pas visible...

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  8. @Nicolas
    Ben non, il va voter pour quelqu'un qui propose des choses crédibles. Pas comme le Batave, quoi...

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  9. Pour les gens qui ne s'intéressent pas à la politique, les différences entre le PS et l'UMP sont négligeables.
    Jard.

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    1. Bof. Romain t'a répondu. De toute manière beaucoup de gens ne votent pas pour un parti mais pour un type qui porte un projet.

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  10. Oui, c'est toujours surprenant d'entendre les collègues qui ne sont pas convaincus/pas intéressés et de réaliser que l'on a quand même tendance à déjeuner avec ceux qui sont plus ou moins de notre avis - ou de discuter ferme avec ceux qui ne le sont pas parce qu'ils ont choisi un autre camp.

    J'aime bien ce billet, peut-être n'est-ce qu'une impression mais il a l'air moins construit que d'autres et du coup il me semble plus convaincanr.

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    1. Merci.

      Pour les gens avec qui je déjeune, c'est parce qu'on est dans des bureaux proches, au fond du couloir. Donc, les départs vers la Canty viennent de nous et on fait le trajet ensemble.

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  11. Dans les interviews de sondeurs que j'ai lues pour mon article, il y avait une donnée que je trouvais effrayante : l'un deux expliquait qu'en gros, 50% des électeurs étaient politisés, c'est à dire qu'ils avaient un avis politique sur la vie en général et que ceux-là savaient en général pour qui ils voteraient. Mais 50% des électeurs ne se décident que dans la dernières quinzaine de la campagne, juste sur les arguments exposés et pas du tout en fonction du programme. Ils élisent le meilleur tribun, en clair !
    Je suis effrayé de ce manque de culture politique !
    :-)

    [Beau billet, justement parce qu'il permet de sortir le nez du guidon et de revenir un tout petit peu dans cette réalité-là ! :-) ].

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    1. Merci.

      Ça un côté déprimant mais c'est partiellement faux. Les sondeurs disent n'importe quoi (voir notre long échange dans les commentaires à ton billet). Ils disent que 50% prennent leur décision dans les 15 jours mais n'hésitent pas à sortir des sondages expliquant que le choix de 60% des gens est définitif.

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  12. C'est cela qui est décourageant, c'est ce que tu évoques, que tout soit mis sur le même plan par les gens sans intérêt politique, l'illégal et le légal, le bling bling et le reste. Le vertueux est mis sur la même marche que le non vertueux.

    @anonyme si elles étaient si négligeable que cela vous auriez au moins trouvé un argument...

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    1. Oui. Mais ce qui est décourageant, surtout, c'est la prétention des gens à connaître, à s'autoriser un avis surtout, alors que nous mêmes, en bon sociaux démocrates essayons de tout peser.

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    2. Oups.

      Ainsi, que la personne soit politisée ou non, ça ne change pas grand chose. Quand tu vous des militants qui affirment des trucs sans connaître les sujets, autant qu'ils ne soient pas politisés.

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