31 juillet 2013

Les vacances du Gouvernement

Mes dernières vacances datent de Noël. Je suis fatigué. Quand on bosse, c'est normal. C'est assez facile à comprendre. Les ministres bossent. Ils sont fatigués. Ils devraient prendre des vacances. C'est la même histoire depuis 2003. On ne parle que de ça à cette époque. Cette année, ça semble pire, avec ce qu'on lit dans la presse et François Hollande qui ne part pas et empêche les ministres de partir. Il leur donne même des devoirs de vacances.

Ce n'est pas que le travail qui est fatigant. C'est un peu la routine quotidienne, le train train, mais c'est aussi le stress, les responsabilités, les urgences à traiter, les conflits avec les clients, les fournisseurs, les collègues, les usagers, les parents d'élèves, les concurrents, les électeurs, les journalistes,... Rayez les mentions inutiles selon votre boulot.

Mon confrère Sarkofrance pense que "c'est comme ça", de nos jours les ministres ne peuvent plus prendre des vacances. Il cite des exemples :

« Imaginez une nouvelle émeute publique tandis que Manuel Valls se repose dans le pays basque espagnol. Imaginez une nouvelle catastrophe ferroviaire pendant que Frédéric Cuvillier, notre ministre des transports, se repose quelque part en villégiature en Corse. Imaginez qu'une panne paralyse l'ensemble du réseau Free ou SFR tandis que la ministre déléguée à l'économie numérique serait en vacances lointaines.  Imaginez qu'un musée brûle alors qu'Aurélie Filippetti (Culture) se dore le dos quelque part dans le Sud. Imaginez qu'un lycée vide soit vandalisé en plein été mais que Vincent Peillon (Education) ne soit pas là pour commenter la triste affaire au micro de BFM-TV. Imaginez quelques morts de trop à cause de la chaleur mais que Marisol Touraine (Santé) soit trop éloignée pour réagir. » 

J’abrège sa liste.

Notre confrère Authueil est sur une ligne totalement opposée. « On touche le fond. Un ministre, un gouvernement est là pour donner le cap, donner des impulsions, trancher et arbitrer. »

Il a évidemment raison. Les ministres ne peuvent pas tout faire. Ce n’est pas Manuel Valls qui va calmer les émeutes publiques ni même organiser l’intervention de la police : ce n’est pas son job. Ce n’est pas Frédéric Cuvillier qui va soigner les blessés d’une catastrophe ferroviaire. Ce n’est pas Aurélie Filippetti qui va éteindre l’incendie. Ce n’est pas Vincent Peillon qui va réparer les dégâts. Ce n’est pas Marisol Touraine qui va… qui va quoi, d’abord ? Enterrer les morts ou dire qu’il faut laisser les vieux entrer dans les supermarchés climatisés ?

Les élus ont donné les instructions, les services ont travaillé. Mon confrère Romain Blachier, adjoint au maire dans le septième arrondissement de Lyon, a présenté dans son blog, par exemple, le travail fait en prévention d’une éventuelle canicule.

Jean-François Mattéi a perdu son job de Ministre en 2003 après la canicule qui a fait 15000 morts. Selon Wikipedia : « On lui reproche de n'avoir pas pris la mesure du drame à temps, et de n'avoir pas pris les mesures d'urgence nécessaires. Sévèrement critiqué par les médias, il ne fera pas partie du gouvernement suivant. » Les médias ? Ils étaient l’objet de mes deux précédents billets. C’était quoi les mesures d’urgence qu’ils recommandaient ? Qu’est-ce que pouvait faire un ministre ? Les médias avaient comme job de dire aux gens de boire de la bière pour s’hydrater. Ils sont largement plus responsables que le ministre. Le gouvernement serait responsable s’il n’avait pas donné les moyens aux hôpitaux et aux différents services de faire face à une crise. Si j’avais eu un blog, à l’époque, c’est ce que j’aurais dit. Les blogueurs de droite auraient pu me répondre que c’est de la faute aux 35 heures.

Après la catastrophe de Brétigny, on a vu des blogueurs de droite, justement, gueuler parce que Jean-Paul Huchon s’est invité très vite mais que Frédéric Cuvillier a mis quatre heures à se pointer. D’une part, à partir du moment que le président de la République s’est déplacé, l’intervention des autres étaient inutiles mais Jean-Paul Huchon est responsable des transports en Ile de France.

Ce que j’attends de Cuvillier, maintenant, en tant que ministre des transports, c’est qu’il s’assure que la SNCF prenne bien les mesures nécessaires : une enquête complète pour déterminer la cause de l’incident, des travaux pour contrôler les voix voire les réparer,… Je n’attends pas d’un ministre qu’il gesticule devant les caméras.

François Hollande fait une erreur de communication.

L’an dernier, il est parti en vacances à Brégançon. Au retour, on a eu l’impression que le gouvernement ne faisait rien, ne prenait pas la mesure de la crise. La presse s’est mise à faire du « Hollande bashing »… Le gouvernement et Pépère n’ont pas été critiqués parce qu’ils partaient en vacances mais parce qu’ils ne foutaient rien à la rentrée ou, plus précisément, qu’on avait l’impression qu’ils ne foutaient rien. Le problème est toujours le même : ils ne communiquent pas assez sur ce qu’ils font dans le cadre de leur job qui est essentiellement de prendre des mesures, de préparer des lois,…

L’erreur de communication est à plusieurs niveaux.

Petit 1 : il accrédite l’idée qu’un ministre – donc « le politique » – peut  tout faire et est responsable de tout. C’est à la limite du Sarkozysme, on bouge dans tous les sens mais rien n’avance. On est partis pour cinq ans, pour dix ans, de cet activisme stupide.

Petit 2 : François Hollande avait parlé de boîte à outil et de retour de la croissance. On a bien compris qu’il nous disait d’être patients, que la croissance allait revenir et que les outils mis en œuvre allaient permettre de l’accompagner. En empêchant les ministres de partir, il dit donc que le travail doit être permanent, que la crise ne sera derrière nous que si on s’agite. Il donne le sentiment qu’il faut travailler dans l’urgence alors que lors de ces dernières interventions, il parlait d’une vision à 10 ans, d’un cap à suivre,…

Petit 3 : les vacances vont se terminer et les Français vont se mettre à attendre bêtement qu’il se passe quelque chose. Et tout ça n’aura été qu’un coup d’épée dans l’eau. Le bashing continuera sur le thème : mais qu’ont-ils fait pendant leurs vacances studieuses ?

Petit 4 : il donne l’impression de n’agir qu’en fonction des médias.

Ce qu’il fallait faire ?

Rien. Ou presque.

Petit 1 : Organiser une vague permanence entre le premier ministre et le ministre de l’intérieur du 27 juillet au 25 août et faire en sorte que les personnages clés (ministres de la santé, de la justice, de la défense,…) soient à moins de trois ou quatre heures de Paris, que tous les autres ministres puissent être contactés par leurs cabinets en cas d’urgence.

Petit 2 : Faire un communiqué de presse. « Les ministres ont bien travaillé, le Gouvernement est en vacances, ses membres les ont bien méritées ».

Et rappeler, toujours rappeler, ce à quoi sert un gouvernement.

« Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. »

Ce n’est pas compliqué. C’est indiqué dans la Constitution.

Ce n’est pas indiqué : « Le Gouvernement envoie un de ses membres faire un discours quand il y a une catastrophe. » ou « Le Gouvernement envoie un de ses membres vérifier que les médecins urgentistes font bien leur boulot. » ou « Le Gouvernement envoie un de ses membres donner les ordres pour que les grues puissent dégager les voies ferrées encombrées. »

12 commentaires:

  1. Espérons pour eux qu'ils auront beau temps.

    (après que des ministres prennent des vacances, heureusement que c'est pas choquant...et puis l'omniprésence des omnisministres chapeautés par un omniprésent qu'on voit tous les jours à la télé et qui réagissent sur tout tout de suite, franchement, je ne suis pas sur que c'est que qu'attendent les français...)

    RépondreSupprimer
  2. Parfaitement exact.

    Je ne me permettrai pas de critiquer ce que ne fait pas le gouvernement, mais ce qu'il fait, soit certaines lois dont nous, français, nous serions bien passés ; ou au contraire, un blocage sur des propositions de lois qui sont intéressantes, mais qui ne correspondent pas à sa vision. Qui n'est pas la mienne, je le rappelle.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je sais je sais. Mais tu ne peux pas imposer ta vision du monde.

      Supprimer
  3. Ce sujet montre la vision que les médias veulent donner du repos.

    A lire les articles sur les hypothétiques vacances du gouvernement, on se demande si avoir besoin de repos n'est pas un défaut pour devenir ministre.

    Pourtant, je trouve largement plus efficace de prendre un bon moment de repos pour recharger les batteries plutot que de faire le sport national de certains c'est à dire le présentéisme.

    RépondreSupprimer
  4. Tiens, je ne savais pas, au fait, que le couple Ayrault faisait ses courses au marché de Talensac... mais après tout, pendant "les vacances" c'est logique.

    RépondreSupprimer
  5. Je pense qu'en prenant un peu plus de vacances, on s'y retrouverait niveau efficacité pendant l'année

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est exact et des études prouvent qu'une coupure d'une à deux semaines engendrent des meilleurs résultats sur le travail.

      Supprimer
    2. Ce n'est pas un boulot normal, non plus.

      Supprimer
  6. "L'opinion" publique serait peut être nettement moins pointilleuse sur les vacances des ministres si ceux ci faisaient s'occupaient vraiment de la France et des Français et arrêtaient de nous raconter des bêtises...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Justement. Il fait qu'ils arrêtent de faire de la com. De toute manière personne ne sait ce qu'ils foutent.

      Supprimer
  7. Bien vu, beaucoup d'agitation finalement contre-productive.

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires est activée. Je publie ceux que je veux c'est-à-dire tous sauf ceux qui proviennent probablement d'emmerdeurs notoires.